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qui rapportoient au roi un revenu confidérable; mais de puis quelque tems ce revenu eft fort diminué. On y voit des campagnes à perte de vue, couvertes de chênes & de fapins; ce qui facilite aux rois de Suéde les moyens d'équiper de puiffantes armées navales. Les Hollandois commencent à s'y pourvoir de planches & de mâtures pour leurs vaifleaux, qu'ils trouvent auffi bonnes que celles de Norwége. Il y a une quantité prodigieufe de bêtes fauves. La mer y abonde en poiffons. La chaffe & la pêche font une des plus grandes richelles du pays. On chaffe & on mange les ours, des élans & plufieurs autres bêtes fauves. On va auffi à la chaffe des loups, des renards, des chats fauvages, pour en avoir les peaux. Il y a très peu de parcs, & ceux qu'on y trouve font même affez mal fournis, parce qu'il en couteroit plus à nourrir les bêtes pen dant tout l'hiver, qu'on n'en tireroit de profit, ce qui diminue extrêmement le plaifir qui pourroit en revenir. Il n'y a de lapins que ceux qu'on y transporte par curiofité & qu'on apprivoife. Les renards & les écureuils, pendant l'hiver, deviennent grifâtres, & les & les lievres y deviennent blancs comme la neige. Les oifeaux fauvages & domeftiques y font en grande quantité, & bons en leur espèce, excepté les oifeaux marins, qui fe nourriffent de poiffons, & qui en ont le gout. Les plus commun font ceux qu'on appelle en langue du pays Orras & Keders. Les premiers font de la groffeur d'une poule, les autres de celle d'une poule d'Inde. Il y a aufli des perdrix & une autre espéce d'oifeaux qu'on appelle yerpers, qui reffemblent aux perdrix. On prend durant l'hiver quantité de grives, merles, & une espéce de cignes qu'on appelle fydenscswans. Ceux-ci qui font de la grandeur de ceux qu'on appelle veldefares, mais meilleurs à manger, viennent, dit-on, de la Laponie ou des pays encore plus feptentrionaux, & tirent leur nom de la beauté de leur plumage, dont les extrémités de quelques uns font marquetées de rouge. Il y a des pigeons; mais les fauvages y font très-rares, à caufe des faucons. Il y a quantité d'aigles, de faucons & autres oifeaux de proye, dans les parties feptentrionales & défertes, où il femble que la nature les appelle. On rapporte au fujet d'un grand faucon qui fut tué, il y a quelques années, dans le nord de Finlande. Ce faucon avoit à une jambe une petite piéce d'or avec cet écriteau, je fuis au roi, & à l'autre jambe une d'argent, où le lifoient ces mots le duc de Chevreufe me garde. Le bétail de la Suéde eft en général petit, auffi bien que dans les autres pays feptentrionaux. La laine y eft extrêmement groffe, & ne peut fervir qu'aux habits des payfans. Les chevaux y font petits, mais ils ne laiffent pas d'être hardis, vigoureux & forts. Ils marchent ferme, bronchent rarement & trotent légerement, ce qui eft fort avantageux aux habitans, à cause de la longueur de l'hiver, parce qu'ils s'en fervent pour le traîneau, qui eft alors leur unique voiture, & les foldats prétendent que ces chevaux font capables de foutenir une attaque vigoureufe en tems de guerre, qu'ils peuvent même rompre un corps de la meilleure cavalerie de la meilleure cavalerie allemande.

Les principaux lacs de Suéde font le Weter, le Wenner & le Mæler; le premier fitué dans l'Ostrogothie eft remarquable; premierement parce qu'il prédit les tempêtes par le bruit qu'il fait le jour précédent dans les lieux d'où doivent venir les orages; fecondement, parce que les glaces fe brifent fi fubitement, que les voyageurs y font quelquefois furpris, & qu'en demi-heure de tems ce lac devient navigable; & enfin parce qu'il eft fort profond, y ayant en certains endroits plus de trois cents braffes d'eau, quoiqu'il n'y en ait pas au delà de cinquante, dans les lieux les plus profonds de la mer Baltique. Il fupplée à la riviere de Motala, qui paffe au travers de Norcoping, où elle tombe d'environ trente pieds de haut, & il y a des hivers où cet endroit eft tellement rempli de glace, que l'eau eft plufieurs heures fans pouvoir paller. Le fecond eft dans la Weftrogothie, d'où fort la riviere d'Elve, qui tombant d'un rocher d'environ foixante pieds, paffe par la ville de Gottemburg. Le troifiéme fe décharge à Stockholm, & fournit l'eau douce à une partie de la ville, comme la mer fournit l'eau falée à l'autre. Ces lacs & une infinité d'autres, auffi tranquilles pour la plûpart, que s'ils n'étoient que de fimples étangs, & qu'on appelle les mers du dedans, font pourvus de diverfes fortes de poiffons, comme de faumons, de brochets, de perches, de tanches, de

truites, d'anguilles & de plufieurs autres espéces qu'on ne connoît point ailleurs. Il y a fur-tout une infinité de streamlings, qui eft une forte de poillon plus peut qu'un harang; on le fale dans des barils, & on le diftribue dans tout le pays. Outre cela, le Nord-Bottom ou la baye qui sépare la Suéde d'avec la Finlande, eft fi abondante en veaux ma、 rins, qu'il s'en fait beaucoup d'huile qui fe transporte en divers licux. Il fe prend dans les lacs de Finlande une grande quantité de brochers; on les fale, on les féche & on les vend enfuite à très-bon marché.

Ces lacs font d'un grand ufage pour la commodité des voitures, foit en bateau durant l'été, foit en traîneau pendant l'hiver. Entre ces lacs & fur les côtes de la mer, il y a un nombre presqu'innombrable d'ifles de différente grandeur, dont quelques-unes ne font que des rochers couverts de bois. Gotland, Oland & Aland, font trois grandes ifles, dont l'une a foixante milles de long, & les deux autres un peu moins. De grands bois & de vaftes forêts couvrent une grande étendue de la Suéde. Les arbres viennent fi près les uns des autres, fur-tout dans la province de Blecking, & font tellement pourris dans les lieux où ils font tombés, que les bois fe trouvent presque impraticables. Ces forêts produifent en abondance du bois à bruler. Comme les arbres font en général droits & hauts, il s'en fait aifément du bois de charpente, dont on peut fe fervir à tout. Les bois font forts ruinés dans les lieux proche les mines; mais la commodité des rivieres & les voitures d'hiver, fuppléent fi bien à ce défaut dans les endroits éloignés, que le charbon de bois s'y donne fix fois à meilleur marché qu'en Angleterre. Entre les mines qui font en Suéde, il y en a une d'argent, où les ouvriers descendent dans des paniers jusqu'au premier étage, qui eft cent cinq braffes fous terre. De là on descend par des échelles ou par des panniers, dans le fond de la mine, qui eft de plus de quarante braffes ; & c'eft là où l'on travaille à préfent. Les Suédois n'ont rien de plus ancien que la premiere découverte de cette mine ou de celle de cuivre. La mine rend rarement au-delà de quatre pour cent, & il en coute beaucoup à la rafiner. On eft auffi obligé à la dépenfe d'un moulin à eau, pour deffécher la mine, & pour profiter d'un autre moulin qui la tire. Elle produit annuellement pour environ vingt mille écus d'argent fin, dont le roi a la préférence, & qu'il achete un quart moins qu'il ne vaut. La mine de cuivre eft d'environ dix huit braffes de profondeur & de grande étendue, mais fujette à être endommagée par la voute, qui tombe de tenis en tems; cependant on s'en dédommage quelquefois, par la quantité qu'on tire des colonnes minées. Le cuivre, qu'on tire annuellement de cette mine, revient environ à douze cents mille livres, dont le roi a le quart en espéce. Il y a de plus un impôt de vingt-cinq pour cent, lorsqu'on le transporte brut. Les mines de fer & les forges y font en grand nombre, fur-tout dans les lieux montagneux où les eaux tombent commodément pour faire tourner les moulins. Outre le fer qui fe confume dans le pays, il s'en transporte tous les ans pour près de trois cents mille livres. Le nombre de ces forges s'eft fort augmenté.

Les campagnes font enrichies durant l'été d'une infinité de différentes fleurs, & tout le pays eft couvert de fraifes de framboifes, de grofeilles rouges, & autres fruits qui croiffent fur les rochers. Les melons viennent affez bien dans les jardins, lorsque l'année eft feche; mais les abricots, les pêches, les autres fruits d'espalier y font presque auffi rares que les oranges. Il y a des cerifes de plufieurs espèces, & il y en a même d'affez bonnes. On ne peut pas dire la même chofe des pommes, des poires & des raifins, car ces fruits y font rares, & n'ont pas fort bon gour. Il y a de toutes fortes de racines en abondance, & elles contribuent même beaucoup à la nourriture des pauvres.

Le foleil dans fa plus grande élevation, eft dix-huit heures & demie fur l'horifon de Stockholm, & fait pendant quelques femaines un jour continuel. Les jours d'hi ver font plus courts à proportion, & le foleil n'y paroît que

cinq heures & demie; mais ce défaut eft fi bien réparé par la lune, pour ce qui regarde la lumiete, par la blancheur de la neige, & par la clarté du ciel, qu'on marche la nuit auffi ordinairement que le jour, & que les voyages fe commencent auffi fouvent le foir que le matin. On fe dédommage da peu de la chaleur du foleil par le moyen des pocles, & par de bonnes fourures, quand on est obligé de

ir. Les pauvres fe fervent de peaux de moutons, & autres peaux de même défenfe; & en général ils font mieux pourvûs d'habits convenables à leur condition, & au climat où ils vivent, que le commun peuple des autres parties de l'Europe. Lorsque les Suédois ont quelque partie du corps engourdie par le froid, ce qui eft affez ordinaire, leur remède eft de frotter au contraire de neige la partie engourdie, jusqu'à ce que le fang & les esprits y foient revenus. Ce qu'on vient de dire de la Suéde peut s'appliquer au duché de Finlande, à cela près, qu'on n'y a découvert jusqu'ici aucune mine. Les principales denrées que produit ce duché, font de la poix, de la réfine, toute forte de marchandifes de bois, du poiffon fec, du bétail, de l'huile de poiffon. Il faut aufli remarquer que les habitans de Finlande font plus durs, plus laborieux, plus ruftiques, plus ignorans & plus fuperftitieux que les Suédois.

La couronne de Suéde étoit anciennement élective; mais fous le regne de Guftave I, elle devint fucceffive & héré

ditaire. Les états fe réferverent feulement la faculté de rentrer dans leurs droits, fi la poftérité de ce prince venoit à manquer; mais lorsque la reine Chriftine, qui étoit la derniere de la race de Guftave, fit abdication du royaume, elle pria les états de confirmer le droit de fucceffion aux defcendans de fon coufin Charles Guftave, comte Palatin du Rhin, qu'elle avoit choifi pour fon fucceffeur. Il fut réfolu, dans une affemblée de la nobleffe, tenue à Stockholm au mois de décembre 1680, que fi le roi tomboit dans une maladie mortelle, il pourroit fe choifir un fucceffeur, fans avoir befoin du confentement des cinq grands officiers. Cette réfolution fut confirmée par les états, & il fur conclu à la diété de 1682, que les filles fuccéderoient à la couronne, fi les mâles venoient à manquer dans la famille royale. Les rois n'avoient, du tems de l'élection, qu'un pouvoir fort limité : ils étoient les chefs & non pas les maîtres, & on leur prescrivoit à leur couronnement des conditions, qu'ils juroient d'obferver; car, felon les loix, ils n'étoient pas entierement établis, s'ils n'avoient reçû cette marque de la royauté. Ils promettoient de gou. verner felon les anciennes conftitutions du royaume, fans pouvoir en introduire de nouvelles; de maintenir les états dans leurs priviléges; de ne donner les charges, les fiefs & les bénéfices qu'à des Suédois naturels; de ne pouvoir faire emprisonner aucun gentilhomme nifi jure victus, c'est-à. dire, qu'il ne fut convaincu du crime dont on l'accufoit; de ne rien faire fans la participation du fénat; de ne pouvoir prendre à fon fervice des foldats étrangers; de ne point troubler les gentilshommes dans la poffeflion où ils étoient de faire fortifier leurs châteaux, de s'y défendre contre la violence de leurs ennemis, & d'y avoir un afyle inviolable contre qui que ce fut; après quoi ils confentoient à leur propre dégradation, s'ils violoient quelques unes des loix. Ce fut auffi pour les conferver dans leur vigueur, que les Suédois fe révolterent & furent affujettis vingt-quatre fois par les rois de Danemarck. Depuis qu'on a changé la forme du gouvernement, les états ont perdu presque toute leur autorité. Ils confiftent en quatre ordres : la nobleffe, le clergé, les bourgeois & les payfans. Avant que le lutheranisme eût été reçû en Suéde, le clergé tenoit le premier rang: il avoit acquis de grands biens des rois de Danemarck, & fa puiffance étoit devenue fi confidérable, qu'il poffédoit pour le moins autant de revenus que le refte du royaume enfemble; mais après le changement de religion, la noblesse l'emporta, parce qu'on ne laiffa aux eccléfiaftiques qu'autant de bien qu'il en falloit pour leur fubfiftance, & que le furplus fut réuni au domaine, ou à récompenfer les gentilshommes qui avoient le plus contribué à délivrer la Suéde de la tyrannie des Danois. On convoque ordinairement les états de quatre en quatre ans ; & quand ils s'affemblent à Stockholm, c'eft dans la grande falle du château; voici à peu près l'ordre qu'on y obferve. Un héraut, précédé de douze trompettes, en publie l'ouverture dans les places & fauxbourgs de Stockholm, & le lendemain des députés des quatre ordres s'affemblent dans leurs maisons particulieres. La nobleffe a pour chef le maréchal de la diete, qui eft nommé par le roi : elle eft partagée en trois claffes; la premiere eft celle des comtes & des barons; la feconde celle des maifons illuftres par les charges de la couronne, ou par les emplois confidérables, & la derniere eft celle des fimples nobles. Cette diftinction

n'a été introduite que depuis que la couronne eft héréditai re; du tems de l'élection la vertu & le mérite mettoient feuls de la différence entre les gentilshommes. L'archevêque d'Upfal eft à la tête du clergé, en qualité de primat du royaume. Les bourgeois ont ordinairement à leur tête le bourguemeftre de Stockholm, & les payfans choififfent un préfident; les nobles font écrire leurs noms pour être portés à la chancellerie. Le maréchal de la dicte leur explique enfuite les intentions du roi, & un d'entre eux lui répond au nom du corps, après quoi tous les députés vont au château baifer la main du roi. L'après dinée le héraut fait une feconde publication de l'ouverture de la diéte; deux ou trois jours après les députés de la nobleffe fe rendent à. fept heures du matin dans leurs maifons. Le clergé va à la grande églife; les bourgeois s'affemblent dans la maifon de ville, & les payfans fe trouvent dans un lieu particulier qu'on leur prépare : fur les neuf heures, ils vont tous, felon leur rang, dans la chapelle du château, affifter, avec le roi, aux prieres accoutumées, pour implorer le fecours du ciel; dès que ces prieres font finies, ils entrent dans la grand'falle où le roi fe rend, accompagné de quelques fénateurs. Si-tôt qu'il s'eft affis fur fon trône, le grand chancellier fait un discours aux états au nom du roi ; enfuite un fecrétaire d'état lit les propofitions qu'on veut leur faire; après cette lecture, le maréchal de la diete harangue le roi pour la nobleffe, l'archevêque d'Upfal parle au nom du clergé, le bourguemeftre de Stockholm prend la parole pour les bourgeois, & le préfident des payfans parle pour eux, & cette premiere féance fe finit par baifer de nouveau les mains du roi. Enfuite les quatre ordres délibérent à part fur les propofitions qui ont été faites, & conferent ensemble par des députés qu'ils s'envoyent les uns aux autres fur la réfolution qu'ils doivent prendre. Dès qu'ils ont formé ce réfultat, ils le communiquent au roi, qui a foin de le faire publier par tout le royaume. Cette affemblée ne dure pas long-tems; le roi la congédie le plutôt qu'il peut, parce que les états s'uniffent ordinairement après de grandes conteftations, cenfurent l'administration publique, & propofent de grandes réformations. Pour éviter cet inconvénient, on ne leur donne que le tems qu'il faut pour travailler aux points propofés. Le roi nomme un certain nombre de députés des certain nombre de députés des quatre ordres, pour ménager les affaires les plus importantes, & lui rendre compte de tout ce qui fe paffe dans la diete; ce nombre eft ordinairement de quatre-vingts, & après que l'affemblée a pris une derniere réfolution, elle la fait communiquer au roi, qui congédie tous les députés. Les chofes s'y pallent toujours à la fatisfaction de la cour, qui prend des mefures pour obtenir ce qu'elle demande. La veille du jour que la diete fe fépare, le roi & les hérauts d'armes avec leurs ha bits de cérémonie, & précédés des trompettes, publient dans les principales places de Stockholm, qu'elle fera conclue le lendemain. Ce jour-là l'aflemblée fe fépare après le fermon & les prieres ordinaires, enfuite le roi traite tous les députés, & après que les réfolutions qu'on a prifes dans la diete ont été publiées, on leur en donne des copies imprimées, pour les porter dans leurs provin ces. Le fénat eft le corps le plus confidérable du royaume, après les états généraux. Le nombre des fénateurs n'eft pas fixe. Il y en a tantôt plus, tantôt moins, felon qu'il plaîc au roi. Du tems de la reine Chriftine, il y en avoit qua. rante: fous Charles Guftave, on n'en compta que vingtquatre, dans la fuite ils furent réduits à douze, fuivant les anciens ftatuts du royaume, confirmés par Charles IX, & approuvés par les états dans la diete de 1682. Ce corps étoit autrefois libre, juge des actions & de la vie du roi ; mais depuis que la couronne eft rendue héréditaire, il n'eft plus que le témoin de fa conduite, & quoiqu'il entre en connoillance de toutes les affaires d'état, fa fonction eft de lui donner confeil, fans pouvoir rien lui prescrire. Le roi feul a le droit d'établir les impôts, de régler les étapes pour les foldats des provinces, de faire battre la monnoie & de faire creufer les mines de falpêtre, à moins qu'elles ne foient dans les terres eccléfiaftiques. Il nomme à toutes les charges du royaume & à toutes les magiftratures ; il lui eft permis, en cas de néceffité, de lever le dixiéme homme, pour aller à la guerre; mais il prend en échange l'argent qui ferout employé à cette levée, & trouve par ce moyen le fecret de ne pas dépeupler fes états, ce qui fait que les armées de Suéde font presque routes compofées de

foldats étrangers, & particulierement d'Allemands. Quand il meurt quelque fénateur, les plus grands feigneurs, même les princes du fang, fuivent le convoi, il n'y a que le roi qui ne s'y trouve pas, parce qu'il ne fait cet honneur qu'aux cinq grands officiers de la couronne, à caufe qu'ils font régens nés du royaume, pendant la minorité des rois. Ces cinq officiers font, le droffart ou le grand jufticier, le grand connétable, le grand amiral, le grand chancelier & le grand tréforier. Ils préfident chacun à une chambre, compofée de quelques fénateurs; & quand leurs charges vaquent, le roi les donne ordinairement au plus ancien fénateur des chambres, quoiqu'il lui foit permis d'en dispofer en faveur de qui bon lui femble. Le droffart poffede la premiere charge du royaume, & a le privilége de mettre la couronne fur la tête du roi dans la cérémonie de fon couronnement; il préfide au fuprême confeil de juftice, auquel on appelle de tous les autres. Le connétable est le chef du confeil de guerre, il prend foin de tout ce qui regarde les armées, & de faire exactement obferver aux tronpes la discipline militaire. Aux entrées des rois il marche le premier devant eux, tenant l'épée nue, & dans l'affemblée des états, il eft affis devant le trône, à main droite. Le pouvoir de l'amiral eft fort grand; il a le commandement des armées navales; il a le choix de tous les officiers de guerre & de finances, qui fervent dans la marine, & auxquels il donne des provifions. La juftice de l'amirauté lui appartient, & fe rend en fon nom, il ales amendes, les confiscations, le droit de dixième fur toutes les prifes & conquêtes faites à la mer, le droit d'ancrage, l'inspection fur les arfenaux maritimes, & donne les congés à tous les vaiffeaux qui partent des ports & havres du royaume. I eft préfident du confeil de marine, qui connoît de toutes les entreprifes de guerres, des abus & des malverfations commifes par les officiers de marine, & juge en dernier reffort toutes les affaires qui concernent l'amirauté. Le chancellier eft le chef de la police, & fait tous les reglemens néceffaires pour le bien & l'utilité publique; il eft le dépofitaire des fceaux de la couronne; il expédie toutes les affaires d'état, & c'eft lui qui expofe les volontés du roi aux états généraux ; il préfide au confeil de police, & c'eft en fes mains que le roi dépofe la justice pour la diftribuer & la faire rendre à fes fujets. Le grand tréforier a l'admi. niftration des finances & des revenus du roi. Il fait rendre tous les comptes des fermes aux tréforiers particuliers; c'eft lui qui figne les ordonnances & autres expéditions du tréfor, qui ordonne des fonds, & paye tous les officiers du royaume ; il préfide à la chambre des comptes qui expédie tous les arrêts, portant impofition fur les peuples, & où l'on rapporte toutes les affaires qui regardent les finances. Le revenu des rois de Suéde étoit ancienne ment fi médiocre, qu'à peine fuffifoit-il pour leur entretien; il confiftoit feulement aux droits qu'on levoit fur les marchandises qui entroient ou qui fortoient du royaume, tant par mer que par terre. La découverte des mines contribua beaucoup à l'augmenter; mais il fut beaucoup augmenté au changement de religion, car Gustave s'empara de la plus grande partie des biens & des droits du clergé. Enfin ce qu'il l'a encore beaucoup groffi, c'eft la réunion au domaine de tous les biens qui en avoient été aliénés, comme auffi de tous les dons qui avoient été faits aux gentilshommes par la reine Chriftine. Cette réunion fut propofée aux états qui fe tinrent au mois d'octobre 1680. Comme la nobleffe étoit en poffeffion de ces biens, elle témoigna vouloir s'y oppofer, & demanda qu'on lui en laiflât la jouiflance, offrant en échange une très-grande fomme. Cette propofition fut rejettée, & le roi demeurant ferme dans fa réfolution, elle fut obligée d'y confentir, de même que le clergé, les bourgeois & les payfans; mais les états n'accorderent cette réunion qu'à condition que ceux qui n'en avoient que ce qu'il falloit pour leur fubfistance, ne feroient point obligés à la reftitution, à moins qu'on ne leur donnât une pension raifonnable. On nomma enfuite trois commiffaires pour y travailler, & en prendre l'origine depuis le regne de Guftave I. Quelques uns voulurent réfifter: mais ils furent à la fin obligés de fe rendre. Outre ce revenu, le roi prend la troifiéme partie des amendes, quand elles n'excédent pas la fomme de quarante marcs, car en ce cas il les a toutes entieres. Il a la confiscation du bien des criminels de leze majesté, & le

droit d'aubeine, fi les héritiers des étrangers ne fe présentent pas dans un an. La juftice eft adminiftrée en Suéde par quatre tribunaux fouverains, qu'on nomme parlemens, qui connoillent des affaires civiles & criminelles en dernier rellort. Chaque parlement eft composé d'un président, qui eft fénateur, & de douze confeillers, dont il y en a fix gentilshommes & fix docteurs, excepté celui de Stockholm; lequel, comme le premier, a l'avantage d'avoir quatre fénateurs adjoints aux douze confeillers. Sa jurisdiction s'étend fur les provinces d'Uplande, de Weftmanland, de Dalécarlie, de Néricie, de Sudermanie, de Gestricie, d'Helfinghland, de Medelpadie, d'Angermanland, de Bothnie & de Laponie. Le fecond parlement eft celui de Jonekoping, dans la Gothie orientale, qui renferme les provinces d'Oftrogothland, de Smaland, de Weitrogothland, de Dalie, de Wermeland, de Schonen, de Halland & de Bleking, avec les ifles d'Oeland & de Gothland. Le troifiéme eft le parlement d'Abo, en Finlande, qui a fous fa jurisdiction la Finlande, la Cajanie, le Savolax, le Tavafthland, la Carélie & le Neyland; & le dernier eft le parlement de Wismar, qui a dans fon département les états que le roi de Suéde poffede en Allemagne. Il n'y a que les gouverneurs des provinces, ceux de Stockholm & des autres lieux, qui ayent pouvoir de faire exécuter les fentences judiciaires, & ce font ceux qui donnent cette autorité aux officiers inférieurs, qui doivent en rendre compte aux conts nationales, où ils peuvent être jugés & punis, lorsqu'ils font pleinement convaincus ; mais conme les preuves font difficiles, & que les gens de juftice ont du penchant à fe favoriter les uns les autres, ils fuspendent l'exécution, ou font l'office de médiateurs, & expliquent les fentences à leur mode, ce qui préjudicie audedans, & diminue le crédit des Suédois dans les pays étrangers, parce que ce n'eft qu'avec beaucoup de difficulté qu'on peut le faire rendre juftice. Il n'y a point de lieu dans le monde où les dépens ordinaires des procès foient plas modérés qu'en Suéde, car ce qu'il y a de plus onéreux vient de la derniere ordonnance, qui porte que toutes les décla rations, tous les actes & toutes les fentences, doivent être fur du papier marqué, dont le prix eft différent felon la qualité de la caufe. Le profit en revient au roi, les autres frais font très peu de chofe, car chacun a la liberté de plai der fa caufe dans des matieres criminelles ; c'eft pour cela que la jurisprudence eft au deffous d'un gentilhomme, & eft la reflource des perfonnes de la plus baffe naissance. La coutume des jurés, qui compofent un corps de douze hommes, eft fi ancienne en Suéde, que les écrivains Suédois prétendent que c'eft dans leur pays qu'elle a commencé, & qu'elle s'eft delà répandue chez les autres nations. Cependant elle eft aujourd'hui hors d'ufage par-tout, excepté dans les cours inférieures de la campagne, où les jurés font établis à vie & ont des appointemens. Il faut y être tout d'un avis dans le jugement d'un procès; dans les autres la pluralité des voix l'emporte. On tient registre de toutes les ventes & aliénations, & de tous les autres actes obligatoires; ce qui fait qu'on achete plus fûrement, & que les chofes font moins fujettes à conteftation, car l'acquéreur court risque de perdre fon héritage par une autre vente postérieure, à moins qu'il ne falle enregistrer fon acte d'acquifition à la cour, où il doit être enregistré. Dans les matieres criminelles, où le fait n'eft pas de la derniere évidence, ou lorsque les juges font beaucoup favorables, le défendeur eft reçu à fe purger par ferment, auquel on ajoute fouvent celui de fix ou de douze hommes, qui répondent tous de fon intégrité. La trahifon, le meurtre, le double adultere, le brûlement de maifons & autres crimes odieux fe puniflent par la mort, ce qui fe fait en pendant les hommes, & en décollant les femmes : quelquefois on les brule tout vifs; d'autrefois on les écartelle; quelquefois aufli on les pend enchaînés, felon la nature de leurs crimes. Pour les gentilshommes qui ont commis de grands crimes, on les tue à coups de fufil ou de mousquet. Le larcin étoit autrefois puni de mort; mais dans ces derniers tems on a changé cette peine en celle d'une espéce d'esclavage perpétuel. Le coupable eft condamné à travailler toute fa vie aux fortifications, ou autres ouvrages ferviles, & pour cet effet, il a toujours au col un collier de fer, avec un arc qui lui paffle fur la tête, où pend une clochette, qui fonne à mesure qu'il marche. Les duels entre gentilshommes, font punis de mort fur celui des combattans qui

furvit, & la mémoire de l'un & de l'aute eft nottée d'infamie. Si perfonne n'eft tué, les antagonistes font tous deux condamnés à deux ans de prifon, au pain & à l'eau, & outre ce à une amende de mille écus, ou à un an de prifon & à deux mille écus. Les réparations d'honneur, en cas d'affront, font renvoyées à la cour nationale de chaque partie, où l'on oblige ordinairement celui qui a offenfé à le rétracter, & à demander pardon publiquement. Les biens d'acquêts & de patrimoine paffent aux enfans par égales portions. Le garçon en a deux portions, la fille une. Les parens n'ont pas la liberté de dispofer de leurs biens au préjudice de cette loix, qui ne peut fe changer que par l'intervention d'une fentence judiciaire, fondée fur la défobéiflance des enfans. Ils peuvent feulement donner un dixième de leurs acquêts aux enfans ou autres qu'ils veulent favorifer. Lorsqu'un bien eft chargé de dettes, l'héritier ordinairement a deux ou trois mois de tems pour examiner les affaires du défunt, après quoi il accepte l'hérédité, ou l'abandonne, auquel cas la juftice s'en empare. Les Suédois n'ont pas l'esprit vif: cependant il y en a plufieurs qui acquierent par l'expérience, par l'induftrie & par les voya ges, un jugement mûr & folide, leur génie les portant aux chofes férieufes, où ceux qui ont la patience de continuer les études, auxquels ils s'appliquent, fe rendent fort ha biles; mais ils font plus propres au travail & à la fatigue, qu'à l'adreffe & à la curiofité. La religion luthérienne eft la feule dont l'exercice foit permis en Suéde. Leur églife eft gouvernée par un archevêque & par dix évêques, qui ne font embarraffés de l'adminiftration d'aucune affaire particuliere, & ne font jamais appellés au confeil, que lorsque les états s'affemblent. Leurs revenus font fort médiocres. Ils ont fous eux fept ou huit fur-intendans, qui ont tous autorité d'évêque, fans en avoir le nom; & fur chaque dix églifes il y a un prévôt ou diacre de la campagne. Il a quelque autorité fur les eccléfiaftiques inférieurs, qu'on compte par le nombre des églifes, qui montent tout au plus à deux mille, tant dans le duché de Finland, que dans la Suéde. Les chapelains & les curés groffiffent le corps des ecclefiaftiques de près de quatre mille perfonnes. Ils font tous fils de payfans, ou de petits bourgeois, & par conféquent ils fe contentent du petit revenu qu'ils tirent de leurs charges. Lorsqu'il meurt un évêque, le clergé de chaque diocele propofe trois perfonnes au roi, qui en choifit une. La même chofe fe fait lorsqu'il eft question d'élire des fur-intendans; tous les chapitres du royaume donnent leurs voix, lorsqu'il eft queftion de choisir un archevêque; mais la décifion appartient entierement au roi, qui a auffi le patronage de la plupart des églifes, à la réserve de quelquesunes feulement, dont la nobleffe peut dispofer. Quoi qu'en difent les écrivains modernes de la Suéde, les fciences ne font pas de grande antiquité dans ce pays. Il n'y a pas plus de trois cents ans que l'univerfité d'Upfal eft établie, & on y voit peu de monumens plus antiques. Il y a feulement des épitaphes groffiérement gravées fur des rochers, & fur des pierres brutes qui fe trouvent par-tout: mais comme elles font fans date, auffi n'expriment-elles que le nom des perfonnes dont on n'a que ce feul mémorial. Ce que ces épitaphes ont de plus remarquable, c'eft qu'elles font en vieux langage gothique, & en caractère runique. La piéce la plus curieufe qu'ayent les Suédois, eft une traduction des évangéliftes en langue gothique, faite il y a environ douze ou treize cents ans par Ulphila, évêque des Goths dans la Thrace: ils ont cette piéce en manuscrit. Depuis la réformation Gustave Adolphe a été le premier protecteur des fciences dans ce pays. Ce fut lui qui rétablit les univerfités qui y fit venir des profeffeurs presqu'en toutes les fciences. La reine Chriftine fa fille attira en Suéde plufieurs hommes de lettres, & plufieurs grands perfonnages. L'Univerfité d'Upfal eft compofée d'un chancellier, qui est toujours grand miniftre de l'état, d'un vice-chancellier, toujours archevêque, d'un recteur tiré du corps des profeffeurs, qui font près de vingt. Il y a ordinairement plus de fept ou huit cents étudians; le roi en entretient cinquante. Des perfonnes de qualité en entretenoient autrefois quelques-uns; les autres, qui ne peuvent fubfifter par eux-mêmes, employent le tems des vacances à recueillir les charités de leurs diocèfes, qui fe donnent ordinairement en grain, en beurre, en poiffon fec ou en viande : ce qui les fait fubfifter le refte de l'année. Ils ne logent point dans le college, mais dans des maisons particulie

res. Ils ne portent point de robes, & n'obfervent de discipline que celle que la néceffité ou l'inclination leur inspire. L'univerfité d'Abo, dans le duché de Finland, a les mêmes conftitutions; mais il n'y a ni autant de profeffeurs, ni autant d'étudians. Il y en a une troifiéme à Lunden, dans le pays de Schonen. Dans chaque diocèfe il y a un college pour les enfans jusqu'à ce qu'ils foient en état d'aller à l'univerfité. Les maifons publiques pour les pauvres y font en très petit nombre; car il n'y a dans le royaume qu'environ cinq à fix hôpitaux; mais dans chaque paroiffe il y a une petite maifon où l'on donne l'aumône : cette maison ne se foutient que par la charité des habitans, à laquelle ils ont beaucoup de penchant. Toutes les forces de la Suéde montent à près de cinquante régimens, qui font foixante mille hommes. Chaque régiment eft ordinairement de douze cents hommes & plus, compris quatre-vingt-feize officiers, dont chacun eft compofé. On a un fi grand soin de tenir ces régimens complets, qu'il arrive rarement qu'il manque dans un régiment vingt hommes à la fois. Outre les fonds ordinaires, on a affecté à chaque régiment vingt fermes furnuméraires, pour remédier aux dommages que peuvent caufer les accidens extraordinaires du feu pour faire fubfifter les officiers qui ne font plus en état de fervir. On a établi pour les foldats qui font hors de fervice par leur âge ou leurs bleffures, un hôpital général qui jouit d'un bon revenu, & outre ce revenu chaque officier qui s'avance paye au profit de l'hôpital une fomme d'argent proportionnée à la charge où il monte. Outre les armes des troupes, il y a à Stockholm un magasin confidérable, & un autre au château de Jencopingh, fitué vers les frontieres de Danemarck. Ces magalins font remplis de fer

&

, qu'on fait venir de Oerbro; on en fait faire toutes fortes d'armes. Il y a au château de Jencopingh un train d'artillerie toujours prêt : ce château eft la feule fortereffe de la Suéde, éloignée de la mer, & c'eft auffi celle qui a le moins befoin de fortifications; fa fituation eft fi avantageuse, qu'un petit nombre de troupes peut la défendre contre une armée considérable.

On ne fait rien de certain des Suédois jusqu'à l'an 830, que l'empereur Louis le Débonnaire envoya Ansgarius, qui fut depuis archevêque d'Hambourg, pour tâcher de convertir les Suédois & les Goths. Cette miffion n'eut d'abord que peu ou point de fuccès. Quelques années après l'archevêque y fit un fecond voyage; il baptifa le roi Olaüs, qui reçut depuis la couronne du martyre, & que Les fujets païens facrifierent à leurs dieux. Le chriftianisme ne devine la religion des Suédois qu'environ deux cents ans après qu'elle y fut plantée par les évêques Anglois. Les royaumes de Suéde & de Gothie étoient alors unis; mais ils fe féparerent, & cette féparation dura près de deux cents ans, après lesquels ils fe réunirent, à condition que les maisons royales fuccéderoient chacune à leur tour, ce qui fe fit durant cent ans ; non fans beaucoup de défordre ni d'effufion de fang. Ce démêlé s'étant terminé par l'extirpation de la maison royale des Go:hs, il en furvint un nouveau; Waldemar, fils de Berger, Jerle, ou Earle, qui descendoit du fang royal des Suédois, fut alors élu roi, par le confeil de fon pere, & y fit fes trois freres duc de Feinland, dé Sudermanland & de Smaland: il les rendit fi fouverains chacun dans fon duché, qui leur donna moyen de troubler fon gouvernement. En effet ils forcerent enfin Waldemar de fe défaire de fon royaume en faveur de fon frere Magnus. Celui-ci le laiffa à fon fils Berger, qui eut des guerres continuelles avec fes deux freres Erick & Waldemar, tant qu'enfin ils les rendit prifonniers, & les fit mourir de faim; après cela il fut chaflé, & le duc Erick fon fils lui fuccéda. On avoit porté Magnus à confentir que fon fils Erick fut élu roi de Suéde, conjointement avec lui, comme Haquinus, fon autre fils, l'avoit été en Norwégue. Mais ces frères firent la guerre à leur pere, qui fur ces entrefaites fit empoifonner l'aîné. Haquinus s'étant racommodé avec son pere, fe maria à Marguerite, fille de Waldemar, roi de Danemarck, en la perfonne de laquelle les trois royaumes fe trouverent réunis. Magnus ayant été déposé pour fon mauvais gouvernement, fit place au fils de fa four, Alber, duc de Mecklenbourg, dont les Suédois furent bientôt las. Ils offrirent le royaume à Marguerite, à qui Haquinus fon mari avoit laiflé la Norwégue: & fon pere le Danemarck. Le roi Albert ayant donc été battu fut fait prifonnier par cette Marguerite, qui lui fuccéda, & qui unit ces trois

couronnes par les mêmes loix. Elles furent approuvées par les états de ces royaumes. Elles étoient fort onéreufes aux Suédois, & fort avantageufes aux Danois, qui eurent toujours l'adresse ou le bonheur de s'infinuer dans la faveur du roi, & de rendre fuspects les Suédois & les Norwégiens, felon le confeil que la reine Marguerite donna à fon fuccefleur. La Suéde vous nourrira, la Norwégue vous habillera, & le Danemarck vous défendra. A la priere de la reine Marguerite les trois nations s'élurent pour roi fon jeune neveu Erick de Poméranie, elle fe réferva le gouvernement pendant fa minorité, & eut le tems de fe repentir de ce qu'elle avoit fait : elle mourut enfin de la pefte en 1412. Cet Erick fe maria à Philippine, fille de Henri IV, roi d'Angleterre. Les hiftoriens rapportent au fujet de cette femme, que Copenhague étant affiégée, & le roi Erick de défespoir s'étant retiré dans un monastère, elle prit le commandement de la ville, & battit les affiégeans; mais ayant enfuite pendant l'abfence du roi mis une flote en mer, qui ne fit rien, il la battit & la maltraita fi fort après fon retour, qu'elle fe retira dans un cloître, où elle mourut bien-tôt après.

que

L'oppreffion des étrangers, fous laquelle les Suédois gémiffoient, parce que le roi leur donnoit le gouvernement des provinces, & leur confioit toutes les forterelles, fans fe mettre en peine des contraventions qu'il faifoit à l'union, les contraignit enfin de fecouer le joug, & de renoncer au ferment de fidélité qu'ils avoient prêté au roi Erick. Ils mirent en fa place Charles Knutefon, général du royaume, & lui donnerent la qualité de protecteur qu'il eut environ quatre ans, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils fe fus fent déterminés à appeller Chriftophle de Baviere, que les Danois & les Norwégiens avoient déja élu roi. Le regne de Chriftophle ayant été court, & les Suédois y ayant trouvé de nouveaux fujets de fe dégouter de l'union, ils fe diviferent après la mort, & élurent Charles Knutefon ci-devant leur protecteur, qui par un exemple mémorable de la bifarrerie de la fortune, après avoir regné dix ans, fut détrôné par une faction danoife, & obligé de fe retirer à Dantzick, où il fut réduit à la derniere pauvreté. Chriftian d'Oldenburg, roi de Danemarck & de Norwegue, lui fuccéda, & renouvella l'union, qui fut bien-tôt rompue. Christian fut dépoffédé après un regne de cinq ans. Charles Knutefon fut alors remis fur le trône, où il ne demeura que trois ans; car le clergé ayant formé un parti plus fort celui du roi, ce prince fut forcé de renoncer à la couronne, & de fe refugier encore dans le duché de Finland, où il fut auffi pauvre, qu'il l'avoit été à Dantzick. Après la dépofition, Erick Axelton, fon gendre, fut fait gouverneur du royaume, où il y eut pendant long-tems plufieurs factions en faveur de Chriftian de Danemarck; mais ce parti s'étant diffipé, Charles Knutefon fut rétabli pour la troifiéme fois fur le trône de Suéde, qu'il occupa jusqu'à fa mort, après laquelle Steno Sture, gentilhomme d'ancienne famille, fut fait protecteur du royaume, qu'il défendit long tems contre le roi Chriftian, qui lui fuccéda aux couronnes de Danemarck & de Norwégue; mais enfin il fut forcé de céder la place à Jean, qui réunit encore les trois couronnes; mais comme il fuivit l'exemple de fon prédéceffeur, c'eft-à-dire qu'il opprima la nation, & fe fervit des étrangers, il ne fut pas long-tems roi. Steno Sture fut fait protecteur pour la feconde fois. Svanto Sture lui fuccéda en la même qualité. Celui-ci eut des guerres continuelles avec Jean, pendant tout le cours de fa régence, qui fut conférée à fon fils après la mort. Steno Sture le jeune, qui fit tête à la faction des Danois, dort l'archevêque d'Upfal étoit chef, étant mort de la bleffure qu'il reçut à une escarmouche contre les Danois, Chriftiern ou Chriftian, fecond roi de Danemarck & de Norwégue, parvint à la couronne de Suéde mais il en ufa d'une maniere fi tyrannique, & répandit tant de fang innocent, & fur-tout du fang des nobles qu'il vouloit entierement détruire, que fon regne devint infupportable; de forte que tout la nation conspira contre lui fous la conduite de Guftave premier, de la race des anciens rois de Suéde: fon pere avoit été décolé, & fa mere avoit deux fœurs que Chriftiern fit emprifonner. Guftave fut d'abord reçu en qualité de gouverneur du royaume, & deux ans après on lui conféra la dignité royale, & comme les Danois & les Norwégiens avoient challé leur roi Chriftiern, qui s'étoit marié à la fœur de l'empereur Charles V, il alla

:

demander du fecours à la cour impériale, qu'il ne put obtenir, il fut défait auffi-tôt qu'il mit le pied en Norwégue; il fut fait prifonnier, & fa prison ne finit qu'avec la vie. Par ce moyen, Guftave fe vit en repos & en liberté de rétablir les affaires du royaume, qui étoient en grand défordre. La premiere difficulté qu'il rencontra fut de la part des eccléfiaftiques, qui avoient été les auteurs de tant confufions fous les regnes précédens. Pour prévenir celles qu'ils pouvoient caufer à l'avenir, il diminua leurs revenus, ce qu'il fit en réuniffant à la couronne toutes les terres, qui avoient été données à l'églife dans les fiécles précédens. Cette conduite, & la réformation qu'il fit dans la religion, donnerent occafion aux fréquentes émotions, qui troublerent la tranquillité des dix premieres années de fon regne. Mais après cela il vécut paifiblement dans fes états, & n'eut aucune guerre avec les étrangers, i on excepte quelques démêlés qu'il eut avec la ville de Lubeck & avec la Moscovie. Jusques-là, le royaume de Suéde avoit été électif depuis plufieurs fiécles; mais il devint alors héréditaire en droite ligne de fucceffion aux enfans mâles de Gustave, à cela près néanmoins, que faute d'enfans mâles, le droit d'élection retourneroient aux états. Guftave eut trois femmes, dont il eut quatre fils & plufieurs filles : Erick son fils aîné devoit fuccéder à la couronne, Jean fut fait duc de Finland, Magnus d'Oftrogothie, & Charles de Sudermanland. Par ce moyen, ces provinces furent en quelque façon démembrées de la couronne, faute de politique, dont les Suédois fe font fouvent fi mal trouvés, qu'ils ont depuis réfolu folemnellement de n'y retomber jamais. Le regne de Gustave, qui fut de trente- fix ans, ayant donc fait fleurir le royaume, & l'ayant mis dans un meilleur état, qu'on ne l'avoit vu depuis plufieurs fiécles, ce prince après avoir affuré la couronne dans fa famille, la laiffa à fon fils Erick. Celui-ci méditoit de faire un voyage en Angleterre, dans l'espérance de fe marier à la reine Elizabeth; inais la mort du roi fon pere, & fon installation fur le trône l'arrêterent. Il regna neuf ans, & garda pendant cinq ans fon frere Jean dans une étroite prifon, parce qu'il le foupçonnoit de vouloir le fupplanter, ce qu'il fit enfin; mais ce ne fut qu'après s'ête marié avec la fille d'un paysan, & qu'il eut perdu l'affection de fes fujets par plufieurs actions cruelles & deshonnêtes; de forte qu'il fut dépofé fans beaucoup de difficultés, & condamné à une prifon perpétuelle, où il finit fes jours. Après cette dépofition, Jean III parvint à la couronne, malgré les états du royaume, qui avoient prêté ferment par avance au fils que la reine, épouse du roi Erick, lui avoit donné avant qu'ils fullent mariés. Il pourfuivit avec fuccès la guerre de Moscovie, qui avoit commencé du tems du roi Erick, aux environs de la Livonie, & prit plufieurs places. Les Moscovites, les Polonois & les Danois, avoient des prétentions fur ce pays, car comme les Templiers avoient cédé à la Pologne leur droit fur la Livonieles Moscovites auífi étoient convenus de céder leurs prétentions à Magnus, duc de Holftein, frere du roi de Danemarck, à condition qu'il en fit une petite reconnoiffance au czar de Moscovie, en qualité de feigneur fouverain; de forte que quatre grandes nations prétendoient tout à la fois s'emparer de ce pays, ce qui fut peut-être caufe que les Suédois la conquirent avec plus de facilité. Le regne de ce prince fut troublé par les changemens qu'il voulut faire pour la religion établie. Il étoit quelquefois en doute s'il devoit s'unir avec l'église latine, ou avec la grecque ; à la fin il fe déclara pour la premiere : mais il lui fut impoffible d'obliger fes fujets à fuivre fon exemple. Après avoir retenu dix ans en prifon fon frere Erick, comme on a déja dit, il le fit empoifonner. Son frere Magnus, qui n'avoit pas l'esprit bien réglé, & qui n'étoit pas capable de former aucun deffein, ne lui donna point le moindre ombrage; mais il n'en fut pas de même de fon frere charles, qui lui fit naître de grands foupçons, & ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on ménagea les chofes de façon, qu'ils n'en vinrent pas aux extrémités. Après un regne de trente-fix ans le roi Jean mourut. Son fils Sigismond lui fuccéda; fa mere s'appelloit Catherine, princeffe Polonoife de la maifon des Jagellons. Il avoit été élu roi de Pologne, cinq ans après la mort de fon pere. Jean fon frere étoit encore en âge de minorité, de forte que fon oncle fut régent du royaume, jusqu'à ce que Sigismond vint de Pologne pour le faire couronner en Suéde, ce qui fut fait environ un an après la mort de fon pere. Son cou

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