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meilleurs moyens, & des prétextes plus plausibles, pour venir à bout de leurs deffeins. J'ai déja dit que l'empereur Rodolphe les traita avec beaucoup de bonté. L'on crut qu'il avoit une affection particuliere pour la Suiffe, comme pour fon pays natal. Mais fon fils, l'empereur Albert, tâcha d'étendre la domination fur des pays qui ne lui appartenoient pas, & perdit, par fa conduite violente & inconfidérée, ce que fon prédécefleur avoit acquis par la prudence & par la douceur. Ce prince qui avoit une famille fort nombreuse, forma le deffein de foumettre toute la Suiffe à la maifon d'Autriche, afin de l'ériger en principauté pour un de fes fils cadets. Pour effectuer ce projet, il effaya, par la flatterie & par les careffes, de perfuader les trois cantons d'Ury, de Schwitz & d'Underwald, les plus jaloux de leur liberté, à fe foumettre volontairement à fon gouvernement, & à fuivre l'exemple de ceux de Lucerne, de Zug & de Glaris, leur promettant de les traiter & gouverner avec toute la douceur poffible; mais voyant que les artifices ne réuffisfoient point, il nomma un certain Grifler bailli ou gouverneur d'Ury, & un autre, qui s'appelloit Landenberg, gouverneur de Schwitz & d'Underwald. Il leur donna ces gouverneurs avec ordre de les lui affujettir entierement, ou par la corruption de leurs chefs, ou par la force des armes. D'abord les gouverneurs fe comporterent avec beaucoup de modération; ils mirent enfuite la rufe en pratique; mais voyant que c'étoit inutilement, ils eurent recours à la violence, & commencerent à empiéter tous les jours fur quelqu'un de leurs priviléges. Là deffus le peuple envoya des députés à l'empereur, pour fe plaindre de les gouverneurs, & de l'infraction de ces libertés. L'empereur les reçut fort brusquement. Il leur offrit de nouveau toutes fortes de bons traitemens, s'ils vouloient reconnoître fa domination; mais il les menaça, qu'en cas de refus, ils auroient à elluyer fon dernier reffentiment ; & qu'il les rangeroit par la force. Les députés lui répondirent qu'ils étoient prêts à lui rendre toute obéillance comme au chef de l'Empire, dont ils étoient membres, mais qu'à cela près, ils étoient un peuple libre, indépendant d'aucun fouverain particulier, & qu'ils le prioient de confirmer les franchises & les priviléges qui leur avoient été accordés par plufieurs de fes prédéceffeurs; ce.que l'empereur refufa tout net. Les députés retournerent chez eux avec cette réponse, & les gouverneurs fe mirent à exercer de ces actes de tyrannie, qui ne fervent qu'à révolter les esprits, & jamais à les foumettre. Ils lâcherent la bride à toutes leurs pallions à la fois, en raviffant, en pillant, en empoisonnant, & fe plongerent dans tous les excès ; ils commirent outre ceia, fous le nom de juftice, des cruautés qui font horreur, fur-tout à l'égard de ceux qui avoient du crédit auprès du peuple, & qui, comme tels, étoient crus la caufe de fon refus à s'affujettir à l'empereur. Ils enleverent les biens des uns par des fentences arbitraires, fans entendre les parties intérellées; à d'autres ils impoferent, pour des fautes triviales, des amendes qu'ils n'étoient pas en état de payer; ils punirent, fur de fimples foupçons, les uns en déchirant leurs membres par la torture & les autres en leur crevant les yeux. Enfin ils exercerent toutes les inhumanités les plus rafinées. La violence de ces gouverneurs ne rencontrant point d'obftacle, s'augmenta tous les jours, & fut à la fin pouflée fi loin, que le peuple irrité, ne trouvant plus de falut que dans fon courage, fut obligé d'entrer dans une confédération pour fa défense commu. ne, & de concerter les mesures propres à fe déliver de fon esclavage. Il y eut trois hommes de ces trois cantons, dont chacun étoit le plus accrédité dans le fien, & qui, pour cette raison, furent les objets principaux de la perfécution des gouverneurs. Ils s'appelloient Arnold Melchtal d'Underwald, Werner Stauflacher de Schwitz, & Waiter Furft d'Ury: c'étoient de bons payfans. Comme ils avoient été également maltraités des gouverneurs, & que d'ailleurs ils étoient naturellement hardis, entreprenans, & unis tous trois par une longue amitié, que leurs malheurs communs avoient affermie davantage, ils tinrent des affemblées fecretes, pour délibérer fur les moyens d'affranchir leur patrie. Ils entrerent bien tôt dans une conspiration à ce fujet, s'obligeant par ferment à la tenir fecrete, & à y attirer chacun tous ceux de fon canton auxquels il pouvoit fe fier, & qu'il favoit avoir affez de cœur pour aider à exécuter toutes les réfolutions qu'ils prendroient. Conformément à leur convention, ils engagerent en peu de tems beaucoup de leurs amis dans leur conjuration, & choifirent un endroit du

canton d'Ury, nommé Grutly, pour s'y affembler, chacun accompagné de trois nouveaux affociés de fon canton, qui tous douze enfemble devinrent les conducteurs de l'entreprise. Là, leur alliance fut renouvellée & confirmée par ferment, & ils réfolurent de faire un foulevement général dans les trois cantons, pour furprendre & démolir tous les châteaux fortifiés, & pour chaffer hors du pays les gouverneurs avec leurs adhérens. A la feconde affemblée des douze, ils trouverent le nombre des affociés fuffifant pour exécuter leur deffein : c'eft pourquoi l'on propola que le foulevement général fût fixé au 14 octobre 1307, de peur que le fecret, étant communiqué à tant de perfonnes, ne s'éventât, & qu'ainfi leur complot n'échouât. Mais ceux d'Underwald, représentant à l'affemblée que deux châteaux dans leur canton appellés Sarn & Rotzberg, étoient trop forts pour être emportés par une troupe de gens fans discipline, demanderent plus de tems, afin qu'on pût former quelque ftratagême pour les furprendre; puisque fi leur entreprise fur ces deux places venoient à manquer, les gouverneurs les rempliroient bien-tôt de foldats, qui y tiendroient jusqu'à ce que l'empereur pût envoyer une armée à leur fecours, & que de cette maniere ils verroient tous leurs projets entierement renversés. Ces confidérations firent que l'affemblée remit la révolte au premier janvier 1308. Šur quoi elle fe fépara, & chaque membre s'en retourna chez lui, pour dispofer les chofes à une heureuse exécution. Cependant il arriva un accident, qui eût fait avorter leur deffein, fi les gouverneurs n'euffent été endormis par la foumiffion apparente du peuple, ou fi les conjurés euilent été affez imprudens pour tenter leur entreprife avant le terme fixé, à l'occafion de l'alarme que cet accident caufa. Parmi plufieurs traits ridicules de tyrannie, dont ces gouverneurs s'aviferent, Grifler, celui d'Ury, en inventa un, qui reffemble plus au caprice d'un Claude d'un Caligula ou d'un Phalaris, qu'à un acte de justice. Il fit dretler fur le marché d'Altorff, capitale du canton d'Ury, une perche avec fon chapeau, enjoignant, fous peine de la vie, à tous ceux qui pafferoient devant ce chapeau, de le faluer en fe découvrant, & en pliant le genou avec le même respect que s'il eut été là en perfonne. Le peuple, par la crainte du châtiment, fe foumit à cette espéce d'idolâtrie, jusqu'à ce qu'un certain Guillaume Tell, jeune homme revêche & intrépide, l'un des conjurés, paffa le chapeau fouvent fans le faluer. Le gouverneur en étant averti, le cita devant lui, & lui demanda la raison de fa défobéiffance. Tell voulut s'excufer fur la rufticité, & fur ce qu'il ignoroit l'ordre. Mais comme il étoit fufpect au gouverneur, celui ci ne voulut point admettre les excufes. Il fit chercher le fils favori de Tell, & fachant qu'il étoit habile archer, il le condamna de tirer, à une distance confidérable, à une pomme placée fur la tête de ce fils, déclatant en même tems, que s'il la manquoit, il feroit pendu fur le champ. Le pere plein de tendreffe pour fon fils, craignant de le tuer, refufa de tirer, & aima mieux s'offrir lui-même à une mort certaine. Mais le gouverneur rejetta fon offre, & pour le contraindre à obéir, il lui dit, qu'à moins qu'il ne fatisfit inceffamment à la fentence, il feroit pendre fon fils auffi bien que lui. Tell ne pouvant le fléchir par fes inftantes prieres, confentit, plutôt pour fauver la vie de fon fils, que la fienne, à paffer par cette cruelle épreuve fur le marché, en présence du gouverneur & d'une grande foule de peuple qui y étoit accourue. Le pere tira fes fléches de fon carquois, & lâcha fon arc d'une main tremblante. Il abattit la pomme, fans toucher la tête de fon fils. Là-deffus tout le peuple éclata dans une acclamation générale, tant pour témoigner fa joie de ce que Tell s'étoit fauvé, que pour applaudir à ce coup d'adrelle. Mais le gouverneur ayant remarqué qu'il avoit deux fléches dans fa ceinture, quoiqu'il n'eut qu'un feul coup à tirer, lui en demanda la raifon, & lui promit de lui pardonner, quelque deffein qu'il eût pû avoir. Sur cette affurance Tell, au plus fort de fon reffentiment, lui répondit naivement, qu'il avoit pris deux fleches de fon carquois, dans la ferme réfolution de le tuer avec la feconde, s'il eût été affez malheureux pour tuer fon fils avec la premiere. Le gouverneur, irrité par cette réponse, lui dit, que felon fa promeffe il épargneroit la vie en confidération de fon habileté, mais que pour cette intention traîtrelle il la lui feroit paffer dans un cachot. Enfuite il ordonna de le lier & de le mettre dans un bateau, qui devoit le transporter à

Cuffenach, château bâți fur le lac de Lucerne, dans lequel il s'embarqua auffi lui-même, pour voir l'exécution de fa fentence. Après qu'ils eurent fait près de la moitié du chemin fur le lac, il fe leva une violente tempête. Ils furent en grand danger d'être brifés contre les rochers, aucun des bateliers ne fachant manier le gouvernail dans un tems fi orageux. Dans cette extrémité, l'un des domeftiques du gouverneur, qui favoit que Tell paffoit pour le meilleur batelier du pays, dit à fon maître, qu'il n'y avoit d'autre expédient, pour fauver leurs vies, que de délier Tell, & de le mettre au tinion. Le gouverneur y confentit, & on le fit à l'inftant. Tell après bien des efforts dégagea le bateau du milieu du lac, où les vagues étoient les plus agitées, & l'approcha du bord, près duquel il y avoit une piéce de roc, dont la pointe fortoit de l'eau. Et trouvant cette occafion propre pour s'évader, il fauta adroitement fur le roc, & repoufla avec fon pied le bateau dans le lac. De là il alla à terre fe cacher dans les montagnes Cependant le gouverneur fut baloté çà & là par le lac en danger de périr à tous momens. Mais à la fin le bateau gagna, avec peine, un endroit appellé Brunnen, où le gouverneur débarqua avec fa fuite, dans le deffein d'aller de là à Cuffenach par terre. Tell, en ayant eu vent, fe mit en embuscade derriere un buiffon, & lorsque le gouverneur pafla près de lui dans un chemin creux, il lui perça le cœur d'une fleche & le laiffa mort fur la place. Alors il s'enfuit, & fe mit en lieu de fureté, avant que ceux de la fuite du gouverneur fuffent quel chemin prendre pour le pourfuivre. En mémoire de ces deux actions, l'on bâtit une petite chapelle à l'endroit où le gouverneur fut tué, & une autre fur le roc où Teli fe jetta hors du bateau, qui toutes deux font encore confervées entieres. Le bruit de la mort du gouverneur fe répandit d'abord par tout le pays, pendant que Tell alla chez Tell alla chez lui informer fes amis de fon exploit. Il les preffa de commencer leur révolte fans plus de délai, de peur que l'autre gouverneur & fes adhérans, fe défiant fur cette allarme de quelque nouveau coup, ne priffent des mefures pour le prévenir. Mais les plus circonspects des conjurés, voyant que le gouverneur règardoit cette action feulement comme le reffentiment d'un particulier, jugerent plus à propos, pour les raifons que ceux d'Underwald avoient avancées, d'être tranquilles jusqu'au jour marqué. Le gouverneur ne fit d'autre enquête fur cette action, finon qu'il fit chercher Tell, qui fe tint caché jusqu'à ce que la révolte éclata. Ainfi la prudence des conjurés, & l'aveuglement du gouverneur, concoururent également à faire réuffic cette révolution, le fecret, quoique confié à tant de gens, étant gardé fi fidélement, que le gouverneur n'eut pas le moindre foupçon du complot, jusqu'à ce qu'il fut exécuté. Le 1 janvier 1308, jour nommé, étant venu, les confédérés pourfuivirent fi bien les mefures qu'ils avoient concertées, que dans le même tems le foulevement fut. général dans tous les trois cantons. Ceux d'Underwald furprirent les deux châteaux de Sarn & de Rotzberg, par un même ftratagême. Ils envoyerent un nombre fuffifant d'hommes réfolus, habillés en payfans, qui avoient des armes cachées fous leurs habits, & porterent dans leurs mains toutes fortes de denrées, pour en faire des préfens aux gouverneurs. Comme c'étoit la coutume qui fe pratiquoit tous les premiers jours de l'an, on ne fe défia point de la quantité de monde qui entra dans les châteaux. Les garnifons en étant petites, elles furent bientôt renversées. Le peuple d'Ury fe faifit en même tems du château nouvellement bâti, près d'Altorff, appellé le joug d'Ury, pendant que ceux de Schwitz fe rendirent maîtres de celui de Louvertz. Tous ces forts étoient petits, & ne contenoient que des garnifons trèsfoibles; néanmoins ils bridoient tout le pays. C'est pourquoi le peuple fe mit d'abord à les démolir, comme les inftrumens de fon esclavage. Sur ces entrefaites le gouverneur Landenberg & fes adhérans, voyant qu'il étoit impoffible de réfifter, & que leur vie étoit en danger, tâcherent de s'esquiver; mais ils furent pourfuivis & atteints. Le peuple, fans faire la moindre infulte au gouverneur, ni à ceux de fa fuite, les conduifit fur les frontieres, & les relâcha, après en avoir pris ferment, qu'ils ne retourneroient jamais dans fon pays, exemple de modération bien rare dans une populace irritée, qui a fes perfécuteurs à fa merci! Ce fut ainfi que les trois cantons fe délivrerent de la domination de la maifon d'Autriche. Trois payfans bra

ves & zélés pour leur patrie, jetterent les premiers fondemens de l'admirable république des Suiffes. Les peuples de ces trois cantons, pour honorer la mémoire de leurs libérateurs, en célébrent les anniversaires avec beaucoup de reconnoiffance. Ils chantent leurs louanges, & les noms d'Arnold Melchtal, de Wenner Stauffacher & Walter Furst, fonnent toujours auffi haut dans leurs bouches que ceux de Brutus à Rome, des Dorias à Gênes, & des Naffaus en Hollande. L'empereur Albert, étant informé de cette révolte, s'emporta extrêmement contre les Suiffes, & réfolut d'envoyer une armée pour les fubjuguer; mais tous les projets s'évanouirent par fa mort prématurée, ayant été tué bien-tôt après à fon paffage de la Ruff à Konigsfeld, en Suiffe, par fon neveu Jean, auquel il détenoit injuftement le duché de Suabe. Cet accident fut favorable aux trois cantons, leur donnant le tems de fe mettre en pofture. Car les fils de cet empereur étoient fi occupés, d'un côté à briguer la couronne impériale pour Frédéric l'aîné de la famille, & de l'autre à venger la mort de leur pere, qu'ils fe trouverent obligés de laiffer les cantons en paix, jusqu'à ce que ces disputes fullent finies. Cependant environ fept ans après, vers la fin de 1315, l'archiduc Léopold, fils d'Albert, affembla une arinée de vingt mille hommes, pour marcher dans le canton de Schwitz, dans le deffein de faccager les trois cantons, & de les mettre à feu & à fang. Il fe préfenta un nouveau prétexte d'envahir le canton de Schwitz, par une brouillerie qu'il eut avec une célébre abbaye, qui y eft fituée, & s'appelle l'hermitage de la Vierge Marie. Comme elle poffédoit de fort vaftes domaines, il s'éleva de fréquentes disputes entr'elles & le canton, au fujet des limites de leurs territoires. L'abbé employa les armes ordinaires du clergé, excommunia ceux de Schwitz, & l'archiduc Leopold fe chargea d'exécuter la sentence contre ces ennemis de l'Eglife. Pour cet effet, il avança vers eux avec fon armée. Les trois cantons n'avoient à lui oppofer que feize cents hommes. Mais ils fuppléerent au défaut du nombre par leur courage, & par la dispofition prudente de leur petite armée. Sachant que l'ennemi devoit néceffairement paffer par une vallée très-étroite, ils pofte rent une partie de leur monde fur les montagnes, près de Morgarten, qui roulant une grande quantité de pierres fur la cavalerie de l'archiduc, bleffa beaucoup d'hommes & de chevaux, & mit toute fon armée en défordre. Au milieu de cette confufion, le petit corps des cantons fe jetta avec tant de bravoure fur les Autrichiens, qu'il leur fit prendre la fuite, en tua un grand nombre, & chaffa le refte entierement hors du pays, pendant que deux autres corps féparés de l'archiduc, qui attaquerent au même tems les cantons d'Ury & d'Underwald, furent repouffés & traités de la même maniere. Ces trois cantons défirent ainfi avec une poignée de gens une puiffante armée; & firent dans la bataille des actions de valeur fi prodigieufes pour la défense de leur liberté, qu'on ne doit pas moins d'honneur à leur mémoire, qu'on en rendit à celle des Lacédémoniens, qui combattirent pour la même cause,.' quoiqu'avec moins de fuccès, au détroit des Thermopyles. La victoire de Morgarten mit les fondemens de l'union helvétique; car l'alliance que les trois cantons avoient faite auparavant pour dix ans feulement, fut alors convertie en une alliance perpétuelle, dans laquelle tous les treize cantons font entrés depuis en différens tems & à différentes occafions. Et comme ils jurerent tous en ce tems de l'obferver religieufement, on leur a donné le nom allemand, d'Eydgnoffen, qui fignifie des parties tenues par un même ferment. Il ne fera pas hors de propos de remarquer ici, que comme cette victoire fignalée a été remportée dans le canton de Schwitz, le plus confidérable destrois, & qu'elle étoit due principalement à la valeur de ce canton; dès lors les deux autres y ont été joints par le nom commun de Suiffes, lequel a paffé depuis à tous les autres cantons en général, & à leurs alliés, à mesure qu'ils entroient dans cette union.

Après cette révolution, la maifon d'Autriche ne cefa jamais, pendant l'espace d'environ trois cents cinquante ans, de pourfuivre les prétentions fur les trois cantons, & de faire de nouvelles tentatives, pour les réduire par la force. Cependant tous les efforts eurent fi peu de fuccès, qu'au lieu de ramener les trois cantons à fon obéissance, ceux-ci détacherent au contraire d'autres pays & d'autres villes de la maifon d'Autriche & de l'Empire, & les unirent à leur

corps.

Lucerne fut le premier de ce nombre. Elle appartenoit en propre aux archiducs d'Autriche ; cependant elle entra dans la confédération des trois cantons en 1332, & y refta toujours unie depuis. Son exemple fut fuivi de Zurich, qui fe fit canton en 1351. Et quoiqu'il fût le cinquiéme dans l'alliance, néanmoins en confidération de fon étendue & de fa puiffance, il fut mis à la tête des cantons, & depuis il y a toujours confervé le premier rang. Zurich étoit une ville impériale, & n'a jamais fait partie de la domination de la maison d'Autriche. Cependant à son occafion il s'alluma une nouvelle guerre entre les Autrichiens & les cantons. Les derniers envahirent le comté de Glaris, appartenant à cette maifon, & après l'avoir foumis, ils le reçurent dans leur alliance, & l'érigerent en canton la même année 1351. Pendant que cette guerre continua, le pays de Zug, qui appartenoit de même aux archiducs, imita l'exemple de Glaris, & fut joint aux cantons en 1352. Vers la fin de cette année, Berne, ville impériale, entra auffi dans l'alliance, & fit le huitiéme canton. Ces cantons continuerent près de cent & vingt ans, fans augmenter leur nombre on les diftingue par le nom de huit vieux

cantons.

En 1481, Fribourg & Soleure furent reçus dans le nombre des cantons. Ce dernier a toujours été une ville impériale; mais le premier fut des domaines de la maifon d'Autriche, qui l'avoit acheté du dernier comte de Kybourg. Bafle & Schaffhouse, deux villes impériales, furent incorporées dans les cantons en 1501. Enfin le pays d'Appenzell y fut joint en 1513, & acheva le nombre des treize cantons, après avoir racheté fa liberté par une fomme d'argent de l'abbé & du couvent de faint Gal, à qui il appartenoit. Ainfi nous voyons que depuis l'expulfion des gouverneurs Autrichiens par les trois cantons, jusqu'au tems que le pays d'Appenzell entra dans leur alliance, & forma les treize cantons, il s'écoula plus de deux fiecles. Pendant ce tems, il y a eu plufieurs intervalles de paix entre la maifon d'Autriche & les Suiffes en 1474 elle conclut avec eux une paix perpétuelle, fous le nom d'union héréditaire, dans laquelle l'archiduc Sigismond, furnommé le Simple, traita avec eux, comme avec un peuple libre. Ce traité fut renouvellé enfuite & confirmé par l'empereur Maximilien. Cependant la maifon d'Autriche conferva toujours fes prétentions fur les cantons, & fit de tems en tems de nouveaux efforts pour les recouvrer. Elle ne fut pas peu favorisée dans fes deffeins fur la Suiffe, par l'avantage qu'elle eut de rendre la couronne impériale comme héréditaire dans fa famille. Car outre que cela augmenta de beaucoup fes forces, les empereurs de cette race eurent les raifons du monde les plus plaufibles, de poursuivre leurs prétentions, fous prétexte de rejoindre à l'Empire fes anciens fiefs & dépendances, à quoi leur capitulation avec les électeurs les obligea. Nonobftant tout ceci, foit que les princes de cette maifon cruffent qu'il étoit impraticable de réduire les cantons fous leur obéiffance, foit qu'ils en fuflent empêchés par d'autres guerres plus importantes, foit que leur ambition fût affouvie par les vaftes acquifitions qu'ils avoient faites depuis qu'ils étoient en poffeffion du trône impérial, du moins elt-il certain qu'ils femblent avoir quitté la pensée

de foumettre la Suiffe, & qu'ils confentirent à la fin, par l'entremife de la France, & d'autres états, à la déclarer, dans le traité de Munster, un peuple libre & indépendant de l'Empire.

Les treize cantons font autant de républiques, quoiqu'il y ait de la différence entre leur forme de gouvernement. Il y en a fept qui font du genre aristocratique, cependant avec quelque mêlange de démocratie, & fix du genre démocratique. Les fept ariftocratiques font Zurich, Berne, Lucerne, Bafle, Fribourg, Soleurre, Schaffhouse. Cette différence dans leur gouvernement femble être l'effet de l'état, dans lequel chacune de ces républiques fe trouva, avant qu'elles fuffent érigées en cantons. Car comme les fept premieres ne confifterent chacune que dans une ville avec peu ou point de territoire, tout le gouvernement réfide naturellement dans les bourgeois; & ayant été une fois reftreint à leur corps, il y continue toujours nonobftant les grandes acquifitions de territoires qu'elles ont faites depuis. Au lieu que les fix cantons démocratiques n'ayant point de villes ni de villages qui puiffent prétendre à quelque prééminence par deffus les autres, le pays fut divifé en communautés ; & chaque communauté ayant un droit égal à la fouveraineté, on ne put éviter de les y admettre également, & de tomber ainfi dans le gouvernement populaire. Mais quelle qu'ait pû être l'occafion de leurs différens gouvernemens, je n'entrerai pas plus avant dans cette recherche. Je dirai feulement qu'il y a une fubdivifion à faire entre les cantons qui ont des villes. Car quoiqu'ils foient tous également aristocratiques par rapport à leurs fujets, qui ne font pas bourgeois de leur capitale, n'y ayant que ces bourgeois qui foient capables de participer au gouvernement; cependant il y a encore quelque différence à faire entre ces cantons par rapport aux bourgeois mêmes. A Zurich, à Bafle, & à Schaffhoufe les petits bourgeois & gens de métier, qui font partagés en tribus, ont leur part au gouvernement, & leurs tribus les mettent dans le confeil fouverain. Mais à Berne, à Lucerne, à Fribourg & à Soleurre, il n'y a que le petit confeil, confiftant en vingt-cinq perfonnes, qui, conjointement avec un certain nombre des principaux membres du grand, ait le droit de remplir les places vacantes dans le confeil fouverain. Et ces perfonnes faifant toujours choix de leurs parens & de leurs amis pour remplir ces places vacantes, les gens de métier & le commun bourgeois fe trouvent de cette maniere presque entierement exclus du pouvoir fouverain.

La Suiffe, à la prendre en général pour tout le corps helvétique, peut être divifée en quatre, favoir,

Les SUISSES propres,
Leurs ALLIES,

Les SUJETS des Suiffes,
Les SUJETS de leurs Alliés.

La Suiffe propre eft partagée en feize fouverainetés, favoir treize cantons, qui font autant de républiques, deux fouverainetés & une république.

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L'evêque de Bâle,

La ville de Mulhoufe, en Alface.

Les fujets des Suiffes:

Meinthal ou Val-Magia,
Polefe ou riviere,
Val-Brenne,

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La SUISSE comprend :

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Telle eft la divifion qu'a donnée de la Suiffe M. de la Martiniere; mais pour avoir fur cette république, un tableau plus moderne, & fans doute plus exact, nous renvoyons le lecteur aux quarante-deux tables qu'en a faites bien depuis, avec grand foin, M. Faber, & que nous avons imprimées à la fin du présent Dictionnaire, c'est-à-dire, du Tome VI. SUITE, peuples de la Sarmatie Afiatique, felon Pline, 1.6, c. 8. Le pere Hardouin lit Scythe, au lieu de Suita. Voyez SAUCHEI.

SUITE, ville de la Chine, dans la province de Xenfi, au département de Jengan, huitiéme métropole de la province. Elle eft de 74 50' plus occidentale que Pekin, fous les 38d 14' de latitude feptentrionale. Cette ville eft défendue par une fortereffe. Atlas Sinenfis.

SUITRANEA AUGUSTENSIS, ville dont fait mention le code theodofien, 10. Tit. de domib. diftrahend. SUITZ. Voyez SCHWITZ.

SUIZE, riviere de France, dans la partie méridionale de la Champagne. Elle a fa fource dans l'élection de Langres, &, coulant du midi au nord, elle arrofe Voifines, g. Beauchemin, d. Marac, g. Favercles, d. Villiers fur Suize, g. Leffond, g. Cernay, g. enfuite elle entre dans l'élection de Chaumont, où après avoir mouillé Neuilly fur Suize, g. Brotes, d. Corgebain, g. & Saint-Roch, g. elle va fe joindre à la Marne, un peu au-deffus de Chaumont. Robert de Vaugondi, Atlas.

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SUIZY LE FRANC, paroiffe de France, dans la Champagne, élection d'Espernay: il y a une mairie royale reffortiffante au bailliage de Chatillon fur Marne. Plufieurs hameaux dépendent de cette paroisse.

SUKANE, grand village de l'Arabie déferte. Il eft fur le chemin d'Ana à Alep, entre deux montagnes, avec un fort au milieu. On y voit environ cent cinquante maifons habitées d'Arabes & de Turcomans. Les femmes y font belles. Hors du village il y a un camp affez fort & affez grand. Les habitans n'ont qu'une fontaine d'eau foufrée, chaude & puante; c'eft de là que le village a pris le nom de SUKANE, qui fignifie chaud & bouillant, en arabe. Tout le peuple boit communément de cette eau. Davity, Arabie. SUKUNDA, ou SUKONDA, village d'Afrique, fur la côte d'Or, à l'embouchure de la riviére de Saint Georges, dans la même baye que Tokoray, à l'eft. Ce village étoit autrefois le mieux peuplé de cette côte. Les Anglois & les Hollandois y ont bâti un fort; celui de ces derniers s'appelle le fort d'Orange. Le pays eft très-beau, mais très-mal cultivé. Atkins. Barbot. Côte de Guinée de Bellin. *

*

SULAC, ifle de la mer des Indes, & l'une des Moluques. On la nomme autrement Xula & Xulo. Elle eft entre l'ifle des Célebes & la nouvelle Guinée, à cinquante lieues au midi occidental de l'ifle de Ternate, environ à 142d 35' de longitude fous le 24 de latitude méridional. Ses habitans font antropophages, & vont tout nuds, tant hommes que femmes, fi ce n'eft qu'ils fe font une ceinture au mi

Bremgarten,

Mellingen,

ges de: Le Thurgau, &c..

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La religion n'eft pas la même dans tous les cantons. Ily en a qui font catholiques, d'autres proteftans, & dans d'autres les deux religions font mêlées:

Cantons proteftans :

Canton où la religion eft mêlée :

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lieu du corps, avec des écorces d'arbres. Cette ifle a fourni quelquefois quatre mille hommes au roi de Ternate, Robert de Vaugondi, Atlas.

SULANES. Voyez BULANES.

SULCANUM. Orose, en parlant du roi Perfée, dit qu'il paffa dans l'Illyrie, & qu'il y prit la ville Sulcanum ; mais c'eft une faute de copiste, il faut lire Ulcanum au lieu de Sulcanum. Il eft queftion de la ville Uscana de Tite-Live. SULCI. Voyez SOLCI & SYPICIUS. SULCITANI. Voyez SOLCI.

SULDEKROON, Spina aurea, abbaye d'hommes, ordre de cîteaux dans le royaume de Boheme, au cercle de Pifeck.

SULFATARA. Voyez SOLFATARA.
SULGAS. Voyez ORGE.

SULIANIS, fiége épiscopal d'Afrique, felon la notice des évêchés d'Afrique. Dupin croit que ce pourroit être le même lieu que Sylvana, ou à Cafis Sylvane, dont Benenatus eft dit évêque dansla conférence de Carthage, n°. 198. Cela étant, ce feroit un évêché de Byzacene, car la table de Peutinger met Sylvanum dans cette province. SULIM, lieu de la Gaule Lyonnoise. C'est la table de Peutinger qui fait mention de ce peuple.

SULIN, ville de la Chine, dans la province de Quangfi, au département de Suming, neuvième métropole de la province. Elle eft de 124 5' plus occidentale que Pekin, fous les 22d 30' de latitude feptentrionale. * Atlas Sinenfis.

SULLIGNAT, lieu de France, dans la Bourgogne, diocéfe de Lyon, bailliage & recette de Breffe : il y a dans ce lieu une chartreufe.

SULLITANUS, fiége épiscopal d'Afrique. On ne fait dans quelle province, mais la conférence de Carthage fait mention d'Hilarius fon évêque.* Hardouin, Collect. conc. t. 1, p. 1105.

1. SULLY ou SEUILLEY, Sulleium, province de France, dans la Touraine, à une lieue de Chinon, à douze de Tours, à foixante-quinze de Paris. Il y a une abbaye, qui vaut à l'abbé 3000 1. de revenu. Cette abbaye eft de l'ordre de S. Benoît. Elle a été fondée par les comtes d'Anjou, auxquels les abbés de Seuilly prêtoient autrefois le ferment.

2. SULLY ou SULLY SUR LOIRE, Sulliacum, ville de France, dans le Gatinois, élection de Gien, avec grenier à fel. Cette ville eft fituée auprès de l'abbaye de faint Benoît de Fleury, à huit lieues au-deffus d'Orléans. C'étoit ci-devant une baronnie, qui a été érigée en duché-pairie en 1606, en faveur de Maximilien de Bethune, marquis de Rosni. Elle avoit auparavant donné le nom à une maifon ancienne qui la poffédoit dès le neuviéme fiécle. Cette maifon étant tombée en quenouille, l'héritiere porta cette terre dans la maifon de la Tremouille, fous le regne de François premier. Elle a enfuite paffé dans la maifon de Bethune qui la poffede à préfent. Il y a une collégiale dédiée à faint Ythier. Son chapitre eft compofé d'un chantre

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d'un chefecier, d'un fous-chantre & de douze chanoines. Le duc de Sully nomme à tous ces bénéfices.

3. SULLY, ifle d'Angleterre, dans le Glamorganshire, un peu au deffous de l'embouchure du Taf, vers une petite pointe de terre. Cette ille eft voifine d'une autre appellée BARRY, & toutes deux font féparées de la terre, & entr'elles par un petit détroit. Celle de Sully eft la plus orientale. L'autre a des rochers au bord de la mer, rangés les uns fur les autres, d'une telle maniere, que quand on approche l'oreille des ouvertures qu'ils laiffent, on entend un fiflement de vents, qui paroît avoir quelques chofes d'extraordinaire. L'antiquité crédule a même publié qu'on y entendoit comme le bruit d'une forge, tantôt le bruit du foufflet, tantôt les coups de marteau fur l'enclume, & d'autre fois quelqu'autre bruit femblable. * De l'Ifle, Atlas.

SULLY-VERGERS, bourg de France, dans le Nivernois, élection de la Charité. On y fuit la coutume d'Auxerre, de la prévôté ou bailliage de laquelle Sully releve pour les cas royaux, & pour l'ordinaire de la pairie de Donzy. Ce lieu eft fitué près de Cosne, fur la riviere de Naon; la taille y eft perfonnelle. Plufieurs hameaux en dépendent; il y a entr'autres l'églife fuccurfale de celui de Vergers, où l'on fait tous actes de religion. Le terroir produit des bleds. On y éleve auffi de fort bons chevaux dont on fait commerce, & il y a des mines de fer & des forges où l'on travaille. On embarque enfuite les fers fur la Loire pour Paris. On trouve trois châteaux avec leurs juftices dans la paroiffe de Sully; favoir le château de Magni, qui eft celui de la feigneurie, le château des Granges compofé de trois beaux & grands bâtimens ; & le château de Chaillei.

SULLONIACIS, SULLONIACA OU SULLOMACA, ville de la Grande Bretagne. Elle eft marquée dans l'itinéraire d'Antonin, fur la route du retranchement à Portus-Rutupis, entre Verolamium & Londinium, à neuf milles de la premiere de ces places, & à douze milles de la feconde. On s'accorde à dire que c'eft préfentement Brockley-Hills, où l'on découvre affez fouvent des médailles, des urnes fépulcrales, & d'autres monumens d'antiquité.

Il y a grande apparence que le nom Sulloniacis, Sulloniaca ou Sullomaca, font des ortographes corrompues; car il s'agit de la ville de Suellanus ou Caffivellanus, dont il eft parlé dans les commentaires de Célar, & que Dion Caffius appelle Suellan. L'itinéraire d'Antonin devoit donc écrire Snellaniacis; de forte que le vrai nom de la ville étoit Süellaniaüc, dont les Romains avoient fait Suellaniaca. La ville de Caffivellanus, dont parle Céfar, étoit entre des forêts & des marais, fituation où eft encore aujourd'hui Brockley-Hills, ainsi appellé fans doute par corruption pour Brogley ou Burgley, comme le nom de la forêt voiline a été corrompu en Barham Wood, au lieu de Burgham; car ces noms font formés de Burg, qui veut dire château, parce qu'il y en avoit un anciennement dans ces quartiers-là. Baxter, Gloffar. antiq. Brit.

SULLUCUM, ville de l'Afrique propre, dans la nouvelle Numidie. L'itinéraire d'Antonin la marque entre Tacatua & Hippone Royale, à vingt-deux milles de la feconde. Au lieu de Sullucum, quelques manuscrits portent Sulluctum, & d'autres Sullucium on Sullucitum. Il ne faut pas confondre cette ville avec celle que Procope nomme Sullectum ou Syllectum. Voyez SYLLECTUM.

1. SULMO, ville d'Italie. C'est une de celles que Prolomée, l. 3, c. 1, donne aux Peligni. Céfar fait mention de cette ville au premier livre de la guerre civile, c. 18: il la connoît feulement fous le nom de fes habitans qu'il nomme SULMONENSES, & il ajoute qu'elle eft à fept milles de Corfinium. Silius-Italicus, l. 8, v. 510, donne à Sulmo l'épithète de gelidus, à caufe de fa fituation, près des rivieres dont les eaux font très-froides. C'étoit la patrie d'Ovide, comme il nous l'apprend lui-même, Trift. 1. 4, Eleg. 9.

Sulmo mihi Patria eft gelidis uberrimus undis.

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donna fon nom; mais cette fable n'a fans doute de fondement que dans la reffemblance des noms. Cette ville fubfifte encore préfentement. On la nomme Sulmona, & par corruption Surmona, Sarmona & Sermona.

2. SULMO, ville d'Italie. Elle eft placée par Pline, l. 3, c. 5, dans la premiere région, & il fait entendre qu'elle avoit été autrefois illuftre, mais qu'elle ne fubfistoit plus de fon tems. Elle étoit dans le pays des Volsques : on croit que Sarmonetta a été bâtie dans la place qu'elle occupoit, & que de Sulmo, on a fait par corruption Sarmonetta ou Sermoneta.

SULMONA ou SULMONE, ville d'Italie, au royaume de Naples, fur la Sora, dans l'Abruzze citérieure, anciennement SULMO; voyez ce mot. Cette ville eft belle & bien bâtie, & pourvue de bonnes eaux, qui lui fourniffent en abondance divers ruiffeaux. C'est une principauté qui appartient au prince Borghèfe. Sulmona étoit évêché dès l'an 500, & fon évêque eft immédiatement foumis au pape. On y unit l'évêché de Vala vers l'art 700. Cette ville eft la patrie du pape Innocent VII.

SULTAN-ARTOUDGÉ, montagne de Perfe, près de la belle prairie de Kech. Petit de la Croix, Hift. de Timur-Bec, l. 3, c. 68, dit que c'eft un lieu frais.

SULTAN-SARAI, ville de la Crimée, fur la riviere de Salgira : elle fert de réfidence au fultan Galga & anx principaux Murfes. Les Ruffiens ruinerent cette ville en 1736.

SULTANIA ou SULTANIE, ville de Perfe, dans l'Irac Agemi, frontiere d'Azerbijane, à 84d 20' de longitude, & 36 30 de latitude. Nos cartes ne donnent que 66d pour la longitude. Cette ville eft fituée dans une grande plaine, qui a des deux côtés, & particulierement du droit, la montagne de Keider. Elle paroît fort belle de loin, à caufe de quelques beaux bâtimens, & d'un grand nom bre de clochers, & de hautes colonnes, mais quand on en approche, ce n'eft plus la même chofe, & on la trouve encore moins belle quand on eft dedans. Il y a quelques édifices publics affez confidérables pour l'architecture & pour la ftructure avec trois mille maifons. Ceux du pays difent que cette ville occupoit autrefois demi-lieue de terrein du côté de l'occident, plus qu'elle ne fait aujourd'hui. On en voit encore les marques à une grande demi-lieue delà, fur le chemin d'Hamédan. C'est une porte accompagnée d'une tour, qu'on dit avoir fait partie des murailles de la ville. Sultan Mahomet Chodabende, après avoir joint à fes états une partie des Indes, des Usbekes & de la Turquie, fit bâtir Sultanie des ruines de l'ancienne ville de Tigranocerta, & en fit le fiége de fon Empire; c'est delà qu'elle a pris le nom de Sultanie, qui veut dire ville royale, car fultan proprement fignifie roi. Anfi les monarques de l'Afie, qui ont regné depuis le feptiéme fiécle fe faifoient la plupart appeller fultans, d'où nous eft venu le nom de Soudan, que nos hiftoires donnent aux derniers rois d'Egypte. Cette ville a été détruite plufieurs fois, d'abord par Cotza Reschid, roi de Perfe, à cause de la rébellion de fes habitans; enfuite par Tamerlan, puis par d'autres princes Turcs & Tartares. Les prédéceffeurs d'Ismaël, Sophi, y firent quelque tems leur réfidence ; & on dit que quelques fiécles auparavant les derniers rois d'Arménie y avoient auffi tenu leur cour, & que de leur tems il y avoit plus de quatre cents églifes. On en voit plufieurs de ruinées, il n'y en a point d'entieres; & aucun chrétien n'y habite. L'air y eft fort bon, mais fort variable. Le foir, la nuit, le matin, il eft froid, & durant le jour il est chaud, paffant d'une extrémité à l'autre. Le plus beau des bâtimens de Sultanie, c'eft la mosquée dans laquel eft le tombeau de Chodabende. Elle eft ornée de trois portes extrêmement hautes, qui font d'acier poli & damasquiné. Ils prétendent que la grande, qui eft vis-à-vis du Meidan ou Marché ne fauroit s'ouvrir, quand même vingt hommes des plus robuftes y feroient tous leurs efforts, fi on ne prononce ces paroles Beasch, Aly Bukscha, qui veulent dire: Ouvre-toi pour l'amour d'Aly, & alors, difent-ils, cette porte roule fur fes gonds fi facilement, qu'un enfant la peut ouvrir. Toute la voute, qui s'éleve peu à peu en forme de dôme eft revêtue de pierres blanches & bleues, qui, ont, en plufieurs endroits, de fort beaux caractères & de très-belles figures. Une grande grille de cuivre retranche une partie du bâtiment pour le fepulcre de Mahomet Chodabende, & forme comme un choeur, où tous ceux qui y font entrés ont

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