N° 307. M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères, au Comte DE MONTEBELLO, Ambassadeur de la République française à Saint-Pétersbourg. Paris, le 12 mars 1897. Il y aurait, suivant moi, le plus pressant intérêt à ce que l'entente se fit sans retard entre les Puissances sur la question de la proclamation de l'autonomie crétoise dans les conditions indiquées par la proposition russe. Le Comte Mouravieff sera sans doute aujourd'hui en mesure de vous donner à cet égard des indications utiles. Vous insisterez, d'autre part, auprès de lui sur l'urgence qu'il y aurait également à s'entendre sur la désignation d'un Gouverneur général provisoire. G. HANOTAUX. N° 308. Le Marquis DE NOAILLES, Ambassadeur de la République française à Berlin, à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères. Berlin, le 12 mars 1897. Le Cabinet de Berlin a catégoriquement repoussé la proposition par laquelle le Cabinet de Londres faisait savoir qu'il n'avait pas d'objection à ce que les troupes du colonel Vassos fussent employées à la pacification de la Crète. Ce matin, l'Ambassadeur d'Angleterre a fait savoir au Ministre des Affaires étrangères que Lord Salisbury retirait sa proposition et que le Cabinet de Londres adhérait pleinement et irrévocablement aux points suivants: Blocus de la Crète et envoi des contingents de troupes demandés par les amiraux. Le Baron de Marschall a fait observer à Sir F. Lascelles qu'il était urgent que l'Angleterre donnât aussi son adhésion au blocus du Pirée et de tous les ports grecs. Quant aux contingents de troupes, le Baron de Marschall serait d'avis qu'il vaudrait mieux commencer par appliquer le plus tôt possible les mesures de blocus et discuter ensuite la question des contingents afin d'éviter de nouveaux délais. NOAILLES. N° 309. M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères, au Comte DE MONTEBELLO, Ambassadeur de la République française à Saint-Pétersbourg. Paris, le 12 mars 1897. Sir Edmund Monson m'a remis ce matin la note suivante où il a résumé plusieurs télégrammes qu'il a reçus de Lord Salisbury. Je vous serai obligé de communiquer d'urgence les termes de ce document au Comte Mouravieff et de me faire connaître son impression : « Le Gouvernement de la Reine a informé plusieurs Puissances qu'il consent au « blocus de l'île de Crète, lequel a effectivement commencé. Le Gouvernement n'est « pas persuadé de l'efficacité à l'heure actuelle d'un blocus du Pirée. Cette opération « provoquerait un état d'exaspération dépassant de beaucoup sa valeur comme mesure « coercitive. Nous ne voulons pas dire que si les autres Puissances y consentent unani« mement nous sommes décidés à y résister, mais nous en conseillons la remise. « Nous consentons naturellement à l'envoi d'un bataillon de Malte, si les autres << Puissances se proposent d'en faire autant. Mais nous ne sommes pas opposés à la pro« position russe basée sur une plus grande échelle, c'est-à-dire l'occupation de l'île par « une force de 15,000 Italiens, Français ou Autrichiens. « Lord Salisbury dit qu'il maintient toujours sa recommandation de l'emploi des « troupes grecques; mais il reconnaît que, par suite de l'opposition faite par la Russie, << l'Allemagne et l'Autriche, il ne peut en espérer l'adhésion. « Il consent à la proclamation de l'autonomie en Crète. Il a télégraphié au Consul « anglais à la Canée qu'il a appris que les habitants de l'île paraissent ignorer encore « la décision irrévocable des Puissances à cet égard, et l'a chargé de donner à l'amiral << tous les renseignements suggérés par son expérience qui pourraient être utiles aux « amiraux dans la tâche qui leur incombe de répandre cette décision aussi publique⚫ ment que possible. » M. GEOFFRAY, Chargé d'affaires de France à Londres, à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères. Londres, le 12 mars 1897. Je viens de voir Lord Salisbury. Le langage du Premier Ministre m'a paru entièrement inspiré par le désir de ne pas se séparer des autres Puissances. Lord Salisbury m'a dit qu'il ne tenait pas autrement à sa proposition concernant l'emploi des troupes grecques comme force de police. Il est prêt à envoyer à l'amiral anglais les ordres nécessaires pour qu'il soit procédé à l'annonce officielle du passage de l'île de Crète au régime autonome dès qu'il serait avisé que les autres Gouvernements envoient à leurs amiraux des instructions semblables. En ce qui concerne les mesures administratives énumérées par Votre Excellence comme étant de nature à rétablir l'ordre et la confiance dans le pays, Lord Salisbury est d'avis qu'il y a lieu de procéder à la désignation d'un Gouverneur provisoire et il est disposé à examiner les diverses candidatures que les Puissances pourraient suggérer. Pour ce qui est des ressources financières à mettre à la disposition du Vali, il proposerait que chaque Puissance s'engageât à fournir une somme de dix mille livres. Quant à la reconstitution de la gendarmerie, il a dit qu'à son avis c'était une des premières mesures à prendre. J'ai demandé au Premier Ministre si, dans ces conditions, il était disposé à donner son adhésion au programme des amiraux dont l'exécution pourrait d'ailleurs être effectuée graduellement, selon les circonstances. Lord Salisbury m'a répondu qu'il acceptait, dans cette mesure, le programme des amiraux. Le Gouvernement anglais tient, d'autre part, un bataillon de six cents hommes à la disposition des Puissances et qui peut être rapidement débarqué en Crète, puisqu'il est à Malte. Lord Salisbury est du reste disposé à adresser une nouvelle note à la Grèce à la condition que l'envoi de cette note sera concomitante à l'exécution des mesures qui viennent d'être indiquées. N° 311. GEOFFRAY. Le Comte DE MONTEBELLO, Ambassadeur de la République française à SaintPétersbourg, à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères. Saint-Pétersbourg, le 13 mars 1897. Le Comte Mouravieff est d'avis que, sauf quelques nuances, l'accord est unanime aujourd'hui sur les moyens de coercition, sur l'envoi du contingent de 600 hommes demandé par les amiraux, sur l'urgence de la proclamation de l'autonomie crétoise sous la suzeraineté du Sultan, sur le retrait du corps du colonel Vassos. Il est urgent que notre amiral reçoive des instructions pour s'entendre avec ses collègues en vue de l'exécution du programme russe. Les Allemands et les Autrichiens ont déjà envoyé des instructions formelles dans ce sens. La Russie a, d'autre part, invité son Ambassadeur à Constantinople à demander l'autorisation de faire passer son contingent par les détroits. Le temps presse; la menace d'un coup de force des Grecs à la frontière est très sérieuse. Ils ont perdu toute espèce de sentiment de la situation et se croient certains de battre les troupes turques. Quant aux bruits de mobilisation, ou de préparatifs alarmants dans les états balkaniques, le Comte Mouravieff croit que ces mouvements de troupes ne comportent jusqu'à présent que de simples mesures de précaution. G. DE MONTEBELLO. DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. Conflit Gréco-Turc. 22 M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères, au Baron DE COURCEL, Ambassadeur de la République française à Londres. Paris, le 13 mars 1896. Il résulte du langage que vous a tenu Lord Salisbury que l'on peut aujourd'hui considérer l'adhésion du Gouvernement anglais comme acquise aux propositions russes et à leur prompte application. J'en éprouve une réelle satisfaction. En ce qui concerne la désignation d'un gouverneur provisoire, je rappelle à Lord Salisbury que notre choix se porterait de préférence sur un sujet de puissance neutre et sur un civil. Vous pourrez laisser entendre à Lord Salisbury que le Cabinet de Paris est toujours dans les mêmes vues et qu'il s'expliquera dans ce sens devant les Chambres lundi. Je ne doute pas, d'autre part, que Lord Salisbury n'apprécie comme nous l'intérêt qu'il y a à ce que le débarquement des contingents européens destinés à l'occupation mixte de la Crète soit, autant que possible, simultané, tout au moins en ce qui concerne les Puissances comme l'Angleterre, l'Italie, l'Autriche et nous-mêmes, et constitue ainsi, dans la mesure du possible, une nouvelle démonstration de l'union intime des Gouvernements. 0 N° 313. G. HANOTAUX. Le Marquis DE NOAILLES, Ambassadeur de la République française à Berlin, à M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères. Berlin, le 13 mars 1897. Le Baron de Marschall insiste sur l'urgence qu'il y a à employer à l'égard de la Grèce les mesures coercitives proposées par les amiraux, à savoir: blocus de la Crète et blocus des ports grecs. Les forces navales actuelles sont suffisantes pour commencer le blocus; aussitôt ce premier pas fait, on tâcherait de s'entendre sur la question du contingent international. Selon lui, une proclamation pourrait être lancée par les amiraux, annonçant aux Crétois que l'Europe leur garantit l'autonomie. Le Vali turc actuel pourrait être conservé pour les premiers jours, comme administrateur à titre provisoire. NOAILLES. N° 314. M. HANOTAUX, Ministre des Affaires étrangères, au Comte DE MONTEBELLO, Ambassadeur de la République française à Saint-Pétersbourg. Paris, le 13 mars 1897. Je vois avec satisfaction que les informations reçues par le Comte Mouravieff lui permettent de considérer dès à présent comme établi l'accord des Puissances sur les points essentiels des propositions russes. Un télégramme de M. Geoffray est venu nous confirmer que le Gouvernement anglais se rallie aux propositions dont le Gouvernement impérial a pris l'initiative. Pour notre part, nous nous tenons prêts à envoyer en Crète le contingent de six cents hommes demandé par les amiraux, ce mode d'occupation nous paraissant le meilleur. J'ai invité notre Représentant à signaler à Lord Salisbury l'intérêt qu'il y avait à ce que ce débarquement des contingents européens fût autant que possible simultané, au moins en ce qui concerne les Puissances qui peuvent y procéder à bref délai, ne fût-ce que pour attester, une fois de plus, l'union. Nous n'apprécions pas moins que le Gouvernement impérial l'utilité d'éviter tout retard dans l'application de l'entente intervenue entre les Puissances. Nous envoyons à notre amiral les instructions nécessaires pour procéder de concert avec ses collègues : 1o à la proclamation de l'autonomie de la Crète sous la suzeraineté du Sultan; 2° pour ce qui concerne l'établissement du blocus de la Crète et des points de la côte grecque pour lesquels cette mesure serait unanimement reconnue nécessaire, nous devons attendre le débat qui aura lieu lundi au Parlement. Mais, sous cette réserve, les intentions du Cabinet sont fermement arrêtées. Vous voudrez bien insister pour connaître les sentiments du Comte Mouravieff touchant la désignation d'un vali provisoire pour lequel nous persistons à penser que le choix des Puissances devrait s'arrêter de préférence sur un homme politique ou un haut fonctionnaire appartenant à un État neutre. G. HANOTAUX. N° 315. M. BLANC, Consul général de France à la Canée, à M. HANOTAUX, Ministre des affaires étrangères. La Canée, le 13 mars 1897. Le Gouvernement russe a invité les gendarmes monténégrins à rester en Crète à sa solde. Les officiers de carabiniers italiens ont également reçu ordre de demeurer à la disposition du commandant supérieur italien à la Canée. |