après avoir résisté avec toute la bravoure spartiate, Agis périt les armes à la main. Ses compatriotes envoyèrent des ambassadeurs à Alexandre, qui leur pardonna, mais il fit punir les auteurs de cette levée de boucliers. Tant de succès achevèrent de l'enivrer. (An. de Rome 424, avant J. C. 529) Non content de passer les jours dans les festins et la débauche, il adopta le faste et la mollesse asiatique, et obligea les Macédoniens indignés à l'imiter. S'il se fût contenté de prendre ce qu'il y avoit d'indifférent ou de bon dans les usages des vaincus, la politique eût approuvé ce moyen de les attacher à son joug; mais les imiter dans leurs vices, c'étoit rendre la victoire plus funeste cent fois qu'utile, et établir un empire sans lui donner de fondemens. Aussi ses soldats disoient-ils que le vainqueur de Darius n'en étoit plus que le satrape. Alexandre, instruit de leurs plaintes, crut qu'il falloit les occuper pour les faire taire, et se remit à poursuivre Bessus. Il étoit dans le pays des Drances, lorsqu'un certain Dymnus ayant reçu de lui quelque mécontentement, complota contre sa vie; un courtisan nommé Cébalinus, instruit du projet, chargea Philotas, fils de Parménion, d'en avertir le roi; Philotas ayant négligé l'avis, Célibanus le lui fit parvenir par une autre voie. Alexandre ayant reproché à Philotas son silence, le lui pardonna pourtant sur les protestations qu'il lui fit qu'il avoit craint de l'effrayer par un avis hasardé; mais le roi ayant rapporté l'affaire à son conseil, Cratère, dès long-tems jaloux de Philotas, envenima sa conduite au point qu'on le mit à la question, où, vaincu par les tourmens, il s'avoua coupable, et nomma son père parmi ses complices. L'armée, qui en tems de guerre pouvoit seule condamner à mort (c'étoit le peuple en tems de paix) le condamna à être assommé ; Polydamas, ami de Parménion, fut chargé d'aller l'assassiner en Médie, et l'assassipa en effet. Ainsi périt,à l'âge de soixante et dix ans, ce grand général, l'ame des entreprises de Philippe, et de qui les soldats disoient, qu'il avoit fait de belles choses sans Alexandre, mais qu'Alexandre n'avoit rien fait de beau sans lui; ils ne tardèrent pas à le regretter. Si la négligence de Philotas étoit en effet une faute, elle étoit en même tems la démonstration de son innocence; un complice voyant le complot éventé, se fût empressé de le découvrir. Cependant Bessus fuyoit de province en province. Alexandre, après avoir traversé en le poursuivant la Drangiane, l'Arachosie, le pays des Arimaspes, et la Bactriane, se vit tout-à-coup arrêté sur les bords de l'Oxus, où il ne trouva pas un seul bateau, Bessus ayant eu soin de les faire brûler; Alexandre fit passer ses troupes sur des peaux pleines de paille, et en six jours de tems les transporta toutes au-delà du fleuve. Il étoit difficile que Bessus échappât à de pareils ennemis. En effet trois de ses principaux officiers, ou lassés d'essuyer tant de fatigues pour un traître, ou pour venger leur malheureux prince, se saisirent de lui, et l'amenèrent à Alexandre, qui le fit mettre en quartiers. Ce prince ayant soumis la Sogdiane, s'avança jusqu'à l'Iaxarte, sur les bords duquel il bâtit une nouvelle Alexandrie de trois lieues de tour, qu'il peupla de ses prisonniers, et des vieux soldats Macédoniens. Mais les Scythes établis au-delà du fleuve, regardant cette ville comme ún pas fait pour les asservir, prirent en foule les armes, et lui envoyèrent des ambassadeurs. Leur harangue est trop fameuse et trop belle pour n'en pas le précis. *3 donner Si les dieux, lui dirent-ils, t'avoient donné un corps proportionné à ton ambition; l'univers seroit trop petit pour toil Ne sais-tu pas cependant que les grands arbres sont long-tems à croître, et qu'l ne faut qu'une heure pour les renverser ? Qu'avons-nous à démêler avec toi? Jamais nous n'avons mis le pied dans ton pays; n'est-il pas permis à ceux qui vivent dans les bois d'ignorer qui tu es, et d'où tu viens? Nous ne voulons ni obéir,' ni commander à personne. Tu te vantes d'être venu pour exterminer les brigands, et tu és toi-même le plus grand voleur de la terre; tu as pillé et saccagé toutes les nations que tu as vaincues. Après avoir pris la Lydie, tu as envahi la Syrie, la Perse, la Bactriane; tu songes à pénétrer jusqu'aux Indes, et tu viens ici pour nous enlever nos troupeaux, en sorte que ce que tu possèdes ne sert qu'à te faire desirer plus ardemment ce que tu n'as pas... Crois-nous, cependant, la fortune est: glissante, prends garde qu'elle ne t'échappe; mets un frein à ton bonheur, si tu veux en demeurer maître. Si tu es un Dieu, tu dois faire du bien aux hommes, et non leur ravir ce qu'ils ont si tu n'es qu'un homme, songe toujours à ce que tu es. Ceux que tu laisseras en paix seront véritablement tes amis, parce que les plus fermes amitiés sont entre personnes égales, et l'on regarde comme égaux ceux qui n'ont point mesuré leurs forces; mais ne t'imagine pas que des vaincus puissent t'aimer; il n'y a jamais d'amitié entre le maître et l'esclave, et une paix forcée amène bientôt la guerre. Toute cette éloquence ne persuada |