Le titre de Notice, donné à cette Introduction aux écrits de LOUIS XVI, indique assez que je n'ai point eu la présomption de présenter, dans un récit rapide, des Mémoires sur le règne de ce Monarque. Un pareil travail exige de la part de son auteur, non pas plus de zèle dans la recherche de la vérité, non pas une admiration plus profonde pour cet excellent Prince, mais la réunion d'une suite de documens que le temps et d'heureuses circonstances peuvent seuls placer dans les mains de ceux qui écriront ces Mémoires. D'ailleurs, on écrit mal l'histoire sous les yeux de la plupart des acteurs. Où sont-ils ces écrivains impassibles qui restèrent constamment étrangers à tous les partis? Où sont-ils ces littérateurs dont l'opinion fut invariable, et qui, dans ce vaisseau battu long-temps par la tempête, mais qui vogua souvent avec éclat, n'ont pas contracté quelques liaisons avec les pilotes, ou du moins avec les passagers? Convenons-en; a cette impassibilité si désirable est incompatible avec les qualités que l'on exige d'un historien. Vouloir que le même homme ait à la fois une âme forte, une sensibilité vive et une stoïcité à toute épreuve, c'est exiger l'impossible. Défions-nous donc de ces prétendues histoires complètes de nos troubles, de nos dissensions. Nous respirons à peine, et déjà nous sommes impatiens de décrire les causes et les effets de ces terribles événemens. L'incendie est à peine éteint, qu'avant de déblayer le sol nous prenons la plume. La publication d'une histoire complète et impartiale des trente dernières années, est peutêtre un événement peu désirable. Tout doit tendre à rapprocher les esprits, et un tel ouvrage renouvellerait des dissensions qui ne se sont que trop prolongées. Recueillons donc des matériaux pour les historiens, en attendant le moment favorable pour en faire un utile et noble usage. Mais il est un besoin, un devoir plus pressant: c'est celui de mettre dans tout son jour les vertus, les hautes qualités des hommes, dont une rage impie voulut ternir la vie et poursuivit longtemps la mémoire. Parmi les hommes dignes des plus éclatans hommages, et qui furent le plus outrageusement calomniés à l'époque où la vertu était un titre de proscription, il n'en fut jamais, soit par le poste auguste où sa naissance l'avait placé, soit par ses éminentes qualités, de plus digne des attaques des méchans, que LOUIS XVI. Jamais peut-être on ne vit un exemple plus terrible de la facilité avec laquelle on peut pervertir l'opinion d'une certaine classe. Ce peuple, si renommé par son amour pour ses rois; qui naguère ne parlait de Louis XVI qu'avec une sorte de respect filial, passa tout à coup à l'exaltation des sentimens les plus opposés. Cependant il est une remarque qu'on n'a pas assez faite : c'est que, pour rompre les nœuds chers et sacrés qui unissaient les sujets à leur légitime souverain, il fallut briser tous les liens de la société; il fallut ramener la multitude à cet état voisin de la brute, où la loi du plus fort est la seule qui soit comprise et respectée. Reportons-nous en effet à ce moment terrible où, suivant les belles expressions de l'abbé Edgeworth, le fils de saint Louis monta au Ciel, et nous verrons qu'alors la religion, la morale, n'étaient plus que de vains mots; nous verrons, au bruit de la hache fatale qui trancha les jours du Roi martyr, tous les sentimens nobles et généreux fuir cette terre désolée, ou se réfugier dans le cœur silencieux des hommes de bien; nous verrons cette loi du plus fort proclamée en France, sous le nom et les enseignes de la terreur; nous verrons enfin l'Europe, le monde |