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Soucieux

20. Et bien peu soucieux du bien de mon Etat. n'est plus du style noble; dans ce sens-là, on dit soigneux.

21. Ou la mort maintenant a logé le silence. - Logé n'est pas noble; et ce style figuré ne convient pas à la douleur.

22. Clair Soleil! - On sait combien cette espèce d'hyperbole a été à la mode. Le ridicule qu'on y attaché, en a fait cesser la contagion.

23. L'aigle romain. - On dit aujourd'hui l'aigle romaine. 24. Doncques votre lumière a donné de l'ombrage. La lumière d'un soleil qui donne de l'ombrage. Cette antithèse est du plus mauvais goût; mais il y a peu d'exemples de ce faux bel esprit dans cette pièce ; et c'est un grand mérite dans un auteur placé entre Hardi, Théophile et Voiture.

25. Contre toi rebellés. - Rebellé valait bien révolté: cependant l'usage, qui ruine insensiblement la langue noble et poétique, a rejeté l'un, et conservé l'autre.

ABRÉGÉ

DE LA VIE DE DU RYER.

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PIERRE DU RYER né à Paris en 1605, y mourut en 1658, âgé de cinquante-trois ans.

Une charge de secrétaire du roi fut, avec le goût des lettres et l'amour du travail, le seul bien que lui laissa Isaac Du Ryer son père, connu lui-même par un petit volume de poésies, intitulé, Le printemps perdu.

Le jeune Du Ryer fit un mariage d'homme de lettres : il prit le mérite et l'agrément pour dot, et l'amour pour conseil dans le choix de sa femme. Les émolumens de sa charge, qui étaient quelque chose pour un homme seul, furent trop peu pour une famille. Il fit à sa femme et à ses enfans le sacrifice de son indépendance, et s'attacha à César duc de Vendóme, en qualité de secrétaire, titre ennobli dans une maison qui était l'asile des talens, et où l'homme de lettres ne voyait qu'un ami et qu'un protecteur dans son maître.

Deux de ses pièces sont dédiées au duc de Vendôme; et par l'expression de sa reconnaissance, on voit que son protecteur était pour lui un juge éclairé, sensible et juste.

En 1646, la même année qu'il donna le Scévole, il fut reçu à l'Académie Française; et sur la fin de sa vie, il obtint le brevet d'historiographe de France, avec une pension du roi.

Il fallut joindre à ces faibles ressources celle d'un travail assidu, et mal payé par un libraire. Peu d'écrivains ont été plus laborieux et plus féconds; et si on le compare avec ceux de son temps, on avouera qu'il est moins négligé que ne devait l'être un auteur forcé de travailler pour vivre.

En traductions, il a donné le Traité de la Providence, texte latin de Salvian; l'Éloge de Busiris, par Isocrate; les Psaumes de dom Antoine, roi de Portugal; l'Histoire de la guerre de Flandre, écrite en latin par Strada; celle d'Hérodote en neuf livres; les Supplémens de Freinshemius, à la tête du QuinteCurce de Vaugelas; la Vie de saint Martin, par Sévère Sulpice; les Décades de Tite-Live, avec les Supplémens de Freinshemius; ce qui nous reste de Polybe; l'Histoire de M. de Thou; les Métamorphoses d'Ovide; douze volume des OEuvres de Cicéron; neuf volumes de celles de Sénèque.

Ses pièces de théâtre sont: Argénis et Poliarque, tragi-comédie, 1630; Lisandre et Caliste, tragi-comédie, 1632; Alcimédon, tragi-comédie, 1634; Cléomédon, tragi-comédie, 1635; les Ven danges de Surène, comédie, 1635; Lucrèce, tragédie, 1637; Clarigène, tragi-comédie, 1638; Alcyonée, tragédie, 1639; Saül, tragédie, 1639; Esther, tragédie, 1643; Bérénice, tragédie en prose, 1645; Scévole, tragédie, 1646; Thémistocle, tragédie, 1648; Nitocris, reine de Babylone, tragi-comédie, 1649; Amaryllis, pastorale, 1650; Dinamis, reine de Carie, tragi-comédie, 1650; Anaxandre, tragi-comédie, 1654.

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Ce fut donc à l'âge de vingt-cinq ans qu'il donna sa première pièce; et si l'on considère que le travail immense de ses traductions commença dans ce même temps, et qu'on avait de lui, d'une année à l'autre, quelquefois dans la même année une pièce de théâtre, précédée ou suivie du Tite-Live, ou du Polybe, entremêlés de quelques volumes de Cicéron ou de Sénèque; on sera étonné, je crois, de la facilité de son talent, de la souplesse de son esprit, et de la fécondité de sa plume.

Ses mœurs étaient douces, simples, modestes. On dit que sa femme lui donnait tous les jours sa tâche à remplir, et tant de pages à traduire. C'était peut-être la seule façon de lui rendre agréable un travail forcé, et de lui en donner le courage : on obéit avec bien moins de peine à l'amour qu'à la nécessité.

Du Ryer avait une qualité bien précieuse dans tous les états, mais plus essentielle à un homme de lettres, celle de savoir être pauvre: qualité sans laquelle il n'y a rien de solide, ni dans le courage d'esprit, ni dans l'honnêteté des mœurs. L'étroite mé

diocrité où il était réduit, ne l'avait point aigri, et ne l'avait point humilié; parce qu'il ne connaissait, ni l'orgueil qui s'irrite de la mauvaise fortune, ni la vanité qui en rougit.

Il s'était retiré dans un petit village près de Paris; et quand ses amis l'y allaient voir, ils lui trouvaient la même liberté d'esprit, et la même sérénité que s'il avait nagé dans l'abondance.

* Un beau jour d'été, dit Vigneul de Marville, nous allámes, » plusieurs ensemble, lui rendre visite. Il nous reçut avec joie, > nous parla de ses desseins, et nous montra ses ouvrages. Mais ce * qui nous toucha, c'est que ne craignant pas de nous laisser voir › sa pauvreté, il voulut nous donner la collation. Nous nous > rangeâmes sous un arbre; on étendit une nappe sur l'herbe ; sa > femme nous apporta du lait, et lui des cerises, de l'eau fraîche › et du pain bis. Quoique ce régal nous semblât très-bon, nous ▸ ne pûmes dire adieu à cet excellent homme, sans pleurer de le > voir si maltraité de la fortune, surtout dans sa vieillesse, et > accablé d'infirmités. »

C'est à ces traits qu'un homme de lettres sent le prix d'un état qui, dans le malheur, a des ressources si consolantes, et qui élève si doucement une âme au-dessus de l'adversité.

Le Scévole est la seule des pièces de Du Ryer qui reste encore au théâtre ; mais ce n'est pas la seule qui mérite d'être sauvée de l'oubli. Il y a de l'intérêt dans l' l'Alcyonée, et un intérêt assez vif. Le Thémistocle est composé avec sagesse; et, à quelques vers près, où le poëte a donné dans l'antithèse et dans l'enflure, ces pièces sont écrites avec une simplicité assez noble, et d'un ton assez élevé ; sans comparaison toutefois avec celles de Corneille, qui florissait alors, et qui était dans toute sa gloire. Corneille créait un autre siècle, et laissait le sien derrière lui, à une distance infinie.

EXAMEN DE SCÉVOLE.

Des trois pièces qui composent ce premier volume, Sophonisbe est la seule qui ait précédé les belles tragédies de Corneille. Mais pour ne pas entremêler avec les œuvres de ce grand homme celles de ses contemporains, on a commencé par donner celles-ci, sans avoir égard à leur date.

Le Scévole parut en 1646, entre Rodogune et Héraclius. Quoique trop négligé dans son style, souvent lâche, diffus, prosaïque, sans couleur et sans mouvement, cette pièce est fort supérieure à toutes celles du même auteur. On y reconnaît visiblement le ton que Corneille donnait au théâtre. Les caractères y sont bien dessinés et habilement contrastés. L'intérêt même en est Cornélien, s'il est permis de s'exprimer ainsi : l'amour y est subordonné à l'he roïsme républicain, non-seulement dans l'âme de Scévole, mais dans celle de Junie, fille de Brutus. Rien n'y inspire la pitié, rien n'y excite la terreur; mais il y règne une grandeur de sentimens qui nous étonne. Il faut l'avouer cependant: ce genre de pathé tique, le plus faible de tous, et que le génie même de Corneille a eu tant de peine à soutenir, se ressent ici du manque de vigueur et d'élévation d'un poëte trop inférieur à Corneille.

L'action du Scévole était très-simple; il a fallu y suppléer par des scènes épisodiques, amener la fille de Brutus dans le camp en nemi, la supposer amante de Scévole, et donner à Scévole un rival dans Arons, fils de Porsenna. Or rien de tout cela n'est assez bien conduit. L'arrivée de Junie dans le camp est trop précipitée : au lieu de l'y faire venir à point nommé, un poëte habile eût supposé qu'elle y était déjà captive. L'invraisemblance du moyen qui l'y amène, est d'ailleurs trop sensible: quel pouvait être cet asile ou la fille de Brutus avait eu l'imprudence de se retirer et de se croire en sûreté, hors des murs de Rome assiégée? Y avait-il pour elle d'autre asile que Rome même ? Tout le reste du Latium était en proie au parti de Tarquin; le camp de Porsenna couvrait les bords du Tibre. Mais le plus grand défaut de ce roman est d'être épisodique. Cet amour, cette rivalité ne font rien au fait principal; et rien de tout cela n'empêche, ne retarde, ni ne décide l'événement.

Le nœud de l'action consiste dans le péril de Rome, dans le projet de Scévole, dans son déguisement, dans le danger d'être reconnu, dans l'erreur où il tombe, dans le moyen terrible qu'il emploie, après avoir manqué son coup, pour intimider Porsenna; le reste est inutile, et ne tient point au sujet. Il faut en excepter pourtant cette supposition ingénieuse et intéressante, qu'Arons doit la vie à Scévole.

En général, ce n'est point encore là le grand art de la tragédie. cet art de se rendre maître des cœurs, de les pénétrer de compassion, de douleur et de crainte, de faire trembler, gémir, verser des larmes : ce pathétique ne peut naître que des combats ou des souffrances qui déchirent le cœur de l'homme, et d'une peinture énergique des passions les plus violentes, ou des plus grandes calamités.

REMARQUES SUR SCÉVOLE.

Acte I. Scène I. 1. Et joindre à leur pouvoir, méme la cruau . - Il y a de ce vers aux deux précédens une ambiguité de alation, qui rend le sens indécis et louche. Méme là cruauté, anonce trop durement le caractère de Tarquin.

2. Rome cette mutine. - Mutin est du style noble, soit à l'adsetif, soit au substantif: les mutins, un peuple mutin. Mutine, djectif, est noble aussi : une ville mutine; mais pris substantiverent, il est du style familier; et dans le noble on ne dit pas, d'une lle rebelle, la mutine s'est soulevée. Cela vient de ce qu'en parint d'une jeune femme, on a trop souvent dit, la mutine, la elite mutine. Les mots prennent le caractère des idées que l'haitude leur associe, et qu'ils réveillent dans les esprits.

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3. Ce grand coup favorable. 1 Dans notre langue, il n'est quère permis de donner à un mot deux épithètes, sans quelque articule qui amène la seconde : c'est une gêne à laquelle les taliens ne se sont pas assujétis. Ils disent fort bien, sans conjonc Live, les vastes noires cavernes, le spaziose atre caverne.

4. Et ses plaisirs tout purs. - Pur est une expression noble; out pur est devenu familier.

5. Ce que le ciel destine. - Destiner ne se prend plus à l'abolu, pour décider, pour ordonner; il exige une relation: des

iner à.

6. Jamais dessus les siens.

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Nous remarquons pour la derière fois que dessus n'est plus qu'adverbe. Il faut dire, sur

es siens.

7. Un roi qui veut la gloire. - On dit communément qui aime a gloire, ou qui veut de la gloire. Mais qui veut la gloire est lus hardi, plus vif, plus poétique.

8. L'insolence félonne. - Félon, félonne, félonie avaient un ens précis et fort. Ces mots ont vieilli, comme bien d'autres, que on n'a point remplacés.

9. Si par un coup mortel des plus noirs attentats. Un coup Les attentats n'est pas français. Il était bien aisé de dire, si par Fatrocité des plus noirs attentats.

10. Il n'a jamais le tourment ressenti. - Cette inversion, du articipe et de son régime, était favorable, lorsqu'elle ne faisait as équivoque. Corneille est, je crois, le dernier qui se l'est permise dans le style noble.

11. Forcenerie est absolument banni de la langue.

12. A mon contentement. - Contentement n'est pas poétique; essentiment l'est davantage, et serait ici mieux placé.

13. Je rencontre ma gloire à vous donner secours. - Rencontre Pest pas l'expression juste; il fallait dire, je mets ma gloire, ou trouve ma gloire. Donner secours n'est plus reçu que dans le yle familier; dans le noble, on dit, donner du secours, aller au ecours de, etc.

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