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Scène II. 14. Cette victoire auguste. - L'épithète d'augus ne peut convenir à la victoire, que dans un sens moral et figur comme en parlant de l'effort généreux qu'une grande âme a fa sur elle-même.

15. Regarde de bon œil. - Expression familière: semble fav riser dirait la même chose, et serait plus noble.

16. A l'extréme réduite. - On dit réduit à l'extrémité; on dit plus guère à l'extrême. Il serait à souhaiter cependant qu'e pût l'employer en poésie.

17. Les pique d'appuyer. - Les pique n'est pas du style nobl Les pique d'appuyer n'est pas français. Il fallait dire les pres d'appuyer. On dit familièrement piquer d'honneur, d'émulation de dépit, de jalousie; se piquer d'étre généreux, de faire son d voir. Mais on ne dit pas, piquer quelqu'un de faire quelque chos 18. Bref, est du style familier.

19. Et nous montre visage. - Montrer visage ne se dit plu on y a substitué faire face.

20. Se regardent l'un l'autre. - Quand le verbe change temps, il faut répéter le nominatif : ils se regardent.

21. Opposé devant eux. - On dit opposé à; et on dit expo

devant.

22. Son bouclier les reçoit. - Bouclier est de trois syllabe Voyez les remarques sur la Sophonisbe, page 408, 5.

23. Et nous donne l'horreur. C'était l'étonnement ou frayeur qu'il fallait dire.

24. Partout où de nos gens le courage s'adresse, Il rencontre partout sa force ou son adresse.

Il rencontre partout où il s'adresse: voilà le sens. Partou dans le premier vers comme dans le second, est donc relatif rencontre, et c'est pourquoi la répétition en est vicieuse; au li que dans ce vers :

Je l'évite partout, partout il me poursuit,

la répétition est élégante : par la raison que le mot répété a de relations distinctes.

25. Tous les traits que lui poussaient les nôtres. -Que luila çaient les nôtres, serait mieux. On ne dit pas pousser des trai et ce mot employé trois fois dans l'espace de cinq vers, est u extrême négligence de style.

26. Et comme préparé d'y faire son tombeau. - On dit pr paré à faire, et non pas de faire. Faire son tombeau dans fleuve n'est pas aussi bien qu'en faire son tombeau.

27. Qui défend ta franchise. - Franchise, pour liberté, co1 mence à vieillir; et il serait bon de le conserver.

28. Ayant ôté. - Ce participe n'a aucun rapport. 29. On eût dit, etc. - Les huit vers suivans sont de la mauraise poésie : l'acteur ferait bien, je crois, de les supprimer.

30. Donc le crime de Rome à sa perte penchante. - On dit, pencher vers, et non, pencher à. De plus, toutes les fois que le participe présent du verbe en a le régime, il est indéclinable : Rome penchant vers sa ruine, et non pas, Rome penchante. Ce participe ne se décline que lorsqu'il est purement adjectif : l'eau courante, la nuit tombante, la mer mugissante; mais l'eau courant dans les prairies, la nuit tombant sur les campagnes, la mèr mugissant de fureur.

31. Que je renverse bas. Cela n'est plus français. Mettre à bas n'est plus lui-même que du style familier. Jeter à bas est un peu plus noble.

Scène V. 32. Si ce n'est que l'honneur, qui voit ses assassins, Doive craindre partout où l'on voit des Tarquins.

Ces deux vers sont mal construits, et c'est dommage: la pensée en est belle, et méritait d'être mieux rendue.

*33. C'est un nom que le crime te donne. - Que le crime te donne, est équivoque. Est-ce le crime, pris pour les criminels, qui donne le nom de superbe à Tarquin? Est-ce son crime propre qui lui donne, ou qui lui fait donner ce nom? Si Tarquin disait luimême, c'est un nom que le crime me donne, on l'entendrait dans le premier sens; mais c'est la fille de Brutus qui parle, et alors c'est le sens contraire.

34. Je n'étais point à Rome, et venais d'en partir. - Il fallait dire, et je venais. Lorsque de deux membres de phrase, le premier est affirmatif, et le second négatif, ils peuvent avoir un nominatif commun : ainsi l'on peut dire, je l'estime, et ne l'aime pas. Mais lorsque le premier est négatif, et le second affirmatif, chacun doit avoir son nominatif exprimé : je ne l'aime pas, et je l'estime. Nulle difficulté, quand tous les deux sont affirmatifs, ou tous les deux négatifs: je l'aime et l'estime; je ne l'aime, ni ne l'estime. Il faut cependant, pour l'affirmative, que les deux actions aient une sorte d'analogie ou de continuité, qui des deux semble n'en faire qu'une : car si elles sont très-distinctes dans la pensée, il est mieux de donner à chacun des deux verbes son nominatif séparé : je l'aime et le crains, je la désire et la fuis, ne marquent pas si bien l'opposition, que je l'aime et je le crains, je la désire et je la fuis. Pour la négative, au contraire, les actions même les plus opposées ont un nominatif commun: je ne m'amuse ni ne m'ennuie.

35. Se nourrira d'un bras et combattra de l'autre. - Ce vers est un exemple célèbre de l'hyperbole outrée et du faux sublime Ce n'est pas que dans le désespoir il n'arrive quelquefois à u malheureux de se ronger les bras; mais la fausseté et le ridicul de cette pensée est de prétendre que de sa propre chair l'homme se fasse un aliment.

Scène VI. 36. Ce que l'honnêteté. - Ce mot n'est plus du style élevé en poésie. C'est peut-être l'oreille qui l'en a exclu, parce que l'e pénultième étant muet, le nombre n'était pas sensible.

37. Aimer ses adversaires. - On ne dit plus, même en poésie adversaires pour ennėmis.

Scène VII. 38. Qui vous rend pitoyable. - Pitoyable avait autrefois deux significations, digne de pitié, sensible à la pitié. L'usage ne lui a presque plus laissé ni l'un ni l'autre; et pitoyable n'est plus qu'un terme de mépris. Toutefois les bons écrivains, à l'exemple de La Bruyère, devraient lui conserver au moins le premier sens. Ici pitoyable est pris pour compatissant; et on lui a donné un régime: pitoyable au destin des Romains. C'est là ce qui n'est pas fançais.

39. Je l'ai vu trébucher. Ce mot a vieilli. L'exact et l'élé gant Quinault est, je crois, le dernier de nos bons poëtes qui l'a employé.

L'affreux Typhée, avec sa vaine rage,

Trebuche enfin dans des gouffres sans fond. (Proserpine.)

Acte II. Scène I. 1. Proche de tant de gouffres. - Proche n'est 'plus qu'adverbe: la préposition est près, ou auprès.

Scène II. 2. Nous nous sommes parlés. - Ce participe n'est déclinable que pour les verbes dont le régime est direct, ou sans article: nous nous sommes aimés; parce qu'on dit, aimer quelqu'un. Mais nous nous sommes parlé; parce qu'on dit parler à quelqu'un.

3. Dans le sein d'un asile. On ne dit le sein que des choses qu'on personnifie, ou qu'on se représente comme une vaste enceinte. Dans le sein de la paix, dans le sein de sa ville, au sein de nos murailles. Asile présente une image trop étroite, si je puis m'exprimer ainsi, et l'on ne dit pas plus dans le sein d'un asile, que dans le sein d'une demeure, d'un palais, d'une prison, etc. 4. Ayant par mon discours appris votre malheur,

J'ai presque aussitôt vu sa mort que sa douleur.

- Ayant ne se rapporte à aucun terme de la phrase; et le second vers ne dit pas ce qu'il devrait dire : il semble que Scévole soit mort de douleur presque à l'instant même; au lieu que le poète veut faire entendre seulement qu'il a manqué d'en mourir.

5. Qui semble le choquer. -- Le choquer, pour l'offenser, pour

Poutrager, est ici une expression faible et impropre. On ne choque point un absent; et ce qui attaque l'honneur, fait plus que choquer la personne. Choquer regarde l'opinion, l'amour-propre, la vanité.

6. Ces sentimens douteux. - Le doute où l'on est sur les sentimens de quelqu'un, n'est pas lui-même un sentiment douteux : l'expression est à contre-sens.

7. Il se voudrait devoir à ce déguisement. - Se devoir, pour devoir son salut, ne se dit pas; il a un sens tout différent: se devoir signifie étre obligé, tenir à quelqu'un, ou à quelque chose, par les liens du devoir, à sa gloire, à sa patrie, à ses amis.

8. D'étouffer sa vertu. - C'est d'obscurcir qu'il fallait dire. Scène III. 9. Que loin de m'assurer. - Assurer, pour rassurer, ne se dit plus.

Scène IV. 10. Comme le fondement. - Un tombeau creusé pour être un fondement, fait une fausse image.

11. Au lieu de les défendre. - Si cela signifie au lieu de les défendre toi-même, la relation est fausse, et la construction mauvaise; et si l'on entend que les sujets de Porsenna le vengeront, au lieu de défendre les Romains, cela suppose ce qui n'est pas, que les Etrusques défendraient Rome, s'ils n'avaient pas la mort de leur roi à venger.

12. Un remède de méme. Pour dire, un pareil remède. Cela n'est pas français.

13. Pour un grand cimetière. - On dirait aujourd'hui, pour un vaste cercueil. Cimetière est un de ces mots que la poésie a laissés au langage populaire, uniquement parce qu'un usage trop familier les avilit.

14. Là, le fils chancelant de faiblesse et d'ennui. - Ennui se prend bien en poésie pour les peines de l'âme; mais il est beau- coup trop faible pour exprimer le tourment de la faim et les horreurs de l'agonie.

15. Féconde en tant de peine. - Féconde demande un pluriel : il fallait dire, en tant de peines.

16. Méme le peuple. - Le peuple méme, serait plus élégant. 17. Ton amour poursuivie. - Poursuivie est superflu, et fait une ambiguité de sens: on ne sait si dans le vers suivant, Par les plus beaux travaux, se rapporte à ce participe, ou au verbe qui le précède.

18. Marchande ta personne. - Expression qui ne serait plus admise dans la tragédie.

19. Depuis quand préférer ? - On dit bien, pourquoi préférer? mais on ne dit pas depuis quand préférer? Depuis quand singularise trop l'idée, et la rend trop précise, trop individuelle, pour admettre une expression aussi vague que l'infinitif.

20. Pour Rome inquiété ? - C'est la même impropriété de terme qu'on a reprochée à Racine, dans ce vers :

La Grèce en ma faveur est trop inquiétée.

Dans l'un et l'autre c'est inquiet, inquiète qu'il fallait dire. 21. Cause un si grand carnage. - Il ne s'agit que de la mort d'un seul homme; et carnage présente le meurtre de plusieurs.

22. Je recule sa peine. - Si peine signifie douleur, il est trop faible pour exprimer la mort de Porsenna, que médite Scévole; et s'il est pris pour chatiment, il porte à faux: Junie ne regarde point Porsenna comme un criminel.

Scène V. 23. Craint une béte morte. Cette expression est avilie par l'usage, et de plus elle est ridicule dans le sens qu'elle présente: il semble que si la béte était vivante, Tarquin trouverait moins étrange que Porsenna en fût effrayé.

24. Donc, vous vous figurez qu'une béte assommée,
Tienne votre fortune en son ventre enfermée;
Et que des animaux les sales intestins
Soient un temple adorable où parlent les destins ?
Ces superstitions, et tout ce grand mystère,
Sont propres seulement à tromper le vulgaire.

On sent combien une béte assommée, son ventre et ses sales intestins déshonorent la poésie. Si l'on veut voir ces détails ennoblis, qu'on se rappelle cet endroit de l'OEdipe de M. de Voltaire.

Cet organe des dieux est-il donc infaillible ?
Un ministère saint les attache aux autels;
Ils approchent des dieux; mais ils sont des mortels,
Pensez-vous qu'en effet, au gré de leur demande,
Du vol de leurs oiseaux la vérité dépende;
Que sous un fer sacré des taureaux gémissans,
Dévoilent l'avenir à leurs regards perçans;
Et que de leurs festons ces victimes ornées,
Des humains dans leurs flancs portent les destinées?
Non, non, chercher ainsi l'obscure vérité,
C'est usurper les droits de la Divinité.

Nos prêtres ne sont point ce qu'un vain peuple pense;
Notre crédulité fait toute leur science.

25, Pour gagner des conquêtes. - On dit gagner des batailles, remporter des victoires, et faire des conquêtes.

26. Et non celui des bétes. - Béte paraît absolument banni du style héroïque. - C'est un de ces mots que l'usage a dégradés, sans autre raison que l'emploi qu'on en fait dans le langage fa

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