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Et mon cœur étonné se reconnaît sensible.

Apprenez-moi quel pouvoir invincible
Enchaîne sur vos pas mon orgueil abattu.

HERSILIDE.

C'est un enfant qui vous enchaîne :
Il folâtre, il voltige, il blesse au même instant;
Il attaque sans bruit, il triomphe sans peine :
Moins le combat est éclatant,

Et plus la victoire est certaine.

C'est un enfant, etc.

ASTOLE, à sa suite.

Guerriers, la paix succède à nos sanglans projets:

Adorez cette reine, épargnez ses sujets.

Chantez, célébrez la victoire

Et l'empire de la beauté;

Elle désarme la fierté,

Elle triomphe de la gloire.

GIS, PHILOÉ, ASTOLE, LE CHOEUR DES SYBARITES ET DES CROTONIATES unis.

Chantons, célébrons la victoire

Et l'empire de la beauté;

Elle désarme la fierté,

Elle triomphe de la gloire. (Danse des Sybarites,)

ASTOLE, aux Crotoniates.

Guerriers, à votre tour

Rendez-lui votre hommage;

Imitez dans vos jeux des combats dont l'Amour

Ne vous permet plus que l'image.

Les Crotoniates forment des jeux guerriers, et s'unissent ensuite aux Sybarites. Un ballet général termine l'acte.)

TRAGÉDIE LYRIQUE,

Représentée pour la première fois, par l'Académie royale de Musique, le vendredi 3 avril 1761.

ACTEURS.

HERCULE.

DEJANIRE, épouse d'Hercule.

HILUS, fils d'Hercule et de Déjanire.

PHILOCTETE, compagnon d'Hercule.

IOLE, Princesse captive.

LYCHAS, Esclave d'Hercule.

DIRCE, Confidente de Déjanire.

JUPITER.

JUNON.

LA JALOUSIE.

CHOEUR de Thessaliens.

CHOEUR de Captifs.

CHOEUR de Combattans dans les jeux Olympiques.

CHOEUR de Prêtres de Jupiter.

CHOEUR de Femmes suivantes de Déjanire.

CHOEUR de Guerriers compagnons d'Hercule.
CHOEUR de Divinités célestes.

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente le palais d'Hercule à Trachine.

SCÈNE PREMIÈRE.

DÉJANIRE, DIRCÉ.

DÉJANIRE.

DIRCÉ, voici le jour où mòn sort se décide,
Le jour qui doit me rendre Alcide,

Hélas! s'il peut m'être rendu.

Lui-même il a marqué ce terme à son absence,

Et ce jour expiré, tout espoir est perdu.

DIRCÉ.

Junon le tient sous sa puissance :
Elle a prolongé ses travaux.

DÉJANIRE.

Dieux! encor des dangers nouveaux!

Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?

Il vit pour l'univers; il ne vit plus pour nous.

Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,

Sa famille est abandonnée.

Il dédaigne les soins et de père et d'époux.

DIRCÉ.

De tous les ennuis qu'il vous cause

Sa gloire doit vous consoler.

DÉJANIRE.

Sa gloire? Ah! sans frémir puis-je me rappeler
Les périls, les combats où sa valeur l'expose?

Je crois le voir environné

Des monstres de Némée et de ceux d'Erymante :
J'entends les sifflemens de l'Hydre menaçante,
J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné;
Et mon époux sans cesse à mes yeux se présente
Luttant contre le sort, à le perdre obstiné.

SCÈNE II.

DÉJANIRE, HILUS, DIRCÉ.

DÉJANIRE, à Hilus.

Mais que vois-je? mon fils! en quels lieux est Alcide?

HILUS.

Il revient; Junon même à ce vainqueur rapide
Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.

Au pied du mont Olympe un saint devoir l'arrête.
A Jupiter son père il consacre une fête.

Cependant ses captifs s'avancent vers ces bords.
Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste

Attire et charme tous les yeux.

DÉJANIRE.

Et quelle est cette esclave?

HILUS.

Un silence modeste

Nous cache son pays, son rang et ses aieux,

Mais, si j'en crois mon cœur, elle est du sang des dieux.

Tout en elle intéresse, enchante.

Avec elle on gémit de sa captivité.

Ah! que la douleur est touchante

Lorsqu'elle afflige la beauté!

Verrez-vous sans pitié cette aimable captive?

Il est si cruel d'accabler

L'innocence faible et craintive,

Et si doux de la consoler!

DÉJANIRE.

Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.
Dis-moi qu'il vient tarir les larmes
Que son absence a fait couler.

Mais j'entends des chants de victoire.

:

SCÈNE III.

DÉJANIRE, DIRCÉ, HILUS, Peuple thessalien, qui vient

féliciter Déjaniré sur le retour d'Hercule.

CHOEUR.

Victoire, victoire!

Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats:

Il est précédé par la gloire,
Et la paix vole sur ses pas.

Victoire, etc.

UNE THESSALIENNE.

Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros :

(On danse.)

Ton règne est le printemps du monde.
Que jamais la trompette à nos voix ne réponde;
Que la seule musette éveille les échos.

Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,

Ton règne est le printemps du monde. (On danse.)

DEJANIRE.

Peuple, c'est votre appui qui revient en ces lieux :
Allons à son retour intéresser les dieux.

(Tandis que Déjanire et le peuple se retirent, Junon paraît dans les airs,

poursuivie par la Jalousie.)

SCÈNE IV.

JUNON, LA JALOUSIE.

JUNON.

N'es-tu qu'à moi seule fatale,

Jalousie infernale?

Dans les cieux, sur la terre, attachée à mes pas,
Tu montes sur mon char, tu ne me quittes pas.
N'es-tu qu'à moi seule fatale,
Jalousie infernale?

Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon?
Vois la gloire d'Alcide, et l'éclat de son nom;
Vois le triomphe heureux que ce rivage étale.
Jalousie infernale,

Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon?

LA JALOUSIE.

Non, non, dans la nature entière

Tous les heureux sont mes rivaux.

Je voudrais du soleil obscurcir la lumière;

D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.

Le bonheur de Déjanire

Me révolte, me déchire :

Je voudrais l'en punir par des tourmens nouveaux.

JUNON.

Va, répands dans son sein les feux qui me consument,
Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.

i

Déjanire aime son époux;
Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,
Va signaler ta rage en servant mon courroux.

LA JALOUSIE.

Noirs soupçons, tourmens des jaloux,

Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,

Venez percer son cœur des plus sensibles coups.

LA FURIE ET JUNON.

Que le désespoir, la fureur

Embrasent, dévorent son âme;

Qu'elle immole, dans son erreur,

Le fatal objet de sa flamme;

Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur.

ACTE II.

Le théâtre représente les jardins du palais d'Hercule sur le bord

de la mer.

SCÈNE PREMIÈRE.

IOLE, seule.

mes alarmes?

QUELLE VOIX suspend

Quel dieu vient adoucir la rigueur de mes fers?
En parcourant ces vastes mers

Mes yeux ne versent plus de larmes.
Que dis-je ? mon exil, mes malheurs me sont chers.
Pour moi l'esclavage a des charmes.
Un calme heureux succède au tumulte des armes;
Et j'oublie en ces lieux les plus cruels revers.
Quelle voix suspend mes alarmes?

Quel dieu vient adoucir la rigueur de mes fers?

SCÈNE II.

HILUS, IOLE.

HILUS.

Venez, fille des rois, il est temps de paraître.
Le rang où le ciel vous fit naître
N'est plus ignoré dans ces lieux.
Moi-même, avant de le connaître,

J'ai lu vos destins dans vos yeux.
L'amour vous a soumis un cœur dont il est maître.
La beauté pour régner n'a pas besoin d'aïeux.

ÏOLE.

Laissez gémir votre victime.

Nos cœurs sont-ils faits pour l'amour?

Et puis-je pardonner au sang qui vous anime
Sans révolter celui qui me donna le jour?
Hilus, mon père est mort.

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