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Profiter de cette terrible leçon. Un sentiment de reconnaissance aurait dû, ce semble, le faire plutôt pencher pour un vainqueur généreux. Il se disposa même à traiter de la paix, mais bientôt ces vues pacifiques s'évanouirent. L'Angleterre entraîna la Prusse dans la coalition contre la France, en la menaçant de la guerre, si elle prétendait garder l'Hanovre, et lui montrant une puissante alliée dans la Russie si elle voulait s'armer contre une puissance qui avait augmenté son territoire, et l'avait fait jouir de toutes les douceurs de la paix au milieu de l'embrâsement universel de P'Europe. On rappèle au roi de Prusse l'ancienne gloire militaire du grand Frédéric. Il possède des troupes nombreuses formées aux mêmes évolutions, instruites de la même tactique; il lui reste encore quelques-uns des géné→ raux de la guerre de sept ans. Leur génie doit vaincre la France, à qui il n'a manqué, lui dit-on, pour éprouver des revers, que d'avoir trouvé des ennemis plus braves et plus habiles; cette gloire est réservée aux Prussiens. Ces sophismes spécieux sont présentés au faible monarque de Prusse, par la Reine, appuyés par le vieux duc de Brunswick, secondés par les princes du sang et les généraux Blucher et Ruchel, jaloux d'acquérir quelque célébrité. Vainement le roi de Prusse représenta qu'il n'avait aucun motif plausible de guerre avec la France; qu'il y aurait, eu, peut-être, quelque gloire à se montrer l'année précédente, paraître le protecteur de la constitution germanique violée, à se montrer à main armée l'arbitre des destinées de l'Europe, en se déclarant contre l'Autriche au moment où elle envahissait la Bavière. On aurait encore eu quelque espérance de succès en attaquant la France, quand ses armées nombreuses étaient engagées dans la Moravie et dans l'Autriche, mais n'était-il pas un peu tardif d'entrer en lice et de vouloir se liguer à la coalition, après avoir vu de sang-froid succomberses nombreuses armées sous le fer des ennemis, que l'on avait maintenant l'imprudence de provoquer? La sagesse conseillait à la Prusse de continuer de vivre en paix, mais l'Angleterre en avait autrement décidé. Ses guinées entraînèrent le cabinet de Postdam vers la plus funeste des guerres. Il se prépare à des hostilités; l'armée prussienne se réunit, elle est mise sur le pied de guerre ; une incroyable activité règne dans les arsenaux. Les communications entre le cabinet de Saint-James et les cours du Nord, deviènent plus fréquentes.

La Prusse ordonne à la Saxe et à la Hesse de mobiliser leurs armées, et de les réunir aux troupes prussiennes. La faiblesse de ces souverains leur fait une loi d'obéir. Cent mille soldats forment le premier corps d'armée de Frédéric Guillaume; quarante-mille hommes de réserve se réunissent à Custrin. Ce prince se croit invincible avec tant de troupes. Les unes s'approchent de la Westphalie, les autres de la Souabe. Une telle armée doit suffire pour dissoudre la confédération du Rhin; le monarque de Prusse n'attend pas les Russes, leurs nombreuses phalanges arrivent trop lentement de leurs provinces lointaines. Tout respirait la guerre dans le Nord de l'Europe, tandis que l'on assurait encore le cabinet des Tuileries de l'intention de conserver la neutralité. Des préparatifs aussi évidents ne pouvaient échapper à l'œil de Napoléon. L'armée française, après avoir fait exécuter le traité de Presbourg, se préparait à évacuer le territoire germanique. Plusieurs de ses corps étaient rendus sur la rive gauche du Rhin, tous s'apprêtaient à rentrer en France, quand les préparatifs de la Prusse arrêtent leur marche rétrograde. Les maréchaux retournent à leurs postes; les camps qui étaient autour de Paris sont levés. Le maréchal Lefebvre part d'Augsbourg, se rend à Dunckelsbulh. Le prince de Ponte-Corvo se porte en avant de Nuremberg et d'Anspach; le maréchal Augereau prend position près de Limbourg, sur la Lahn. D'autres corps se dirigent sur Furth, où ceux qui arrivaient du Haut-Palatinat font leur jonction. En même temps les garnisons de la Wétéravie sont renforcées; Venlo est réparée : on approvisionne Maestricht. On met le royaume de Hollande en état de défense. L'empereur Napoléon quitte Paris, se rend à son armée; l'ambassadeur de Prusse le suit et lui remet un ultimatum conçu dans des formes et rédigé sur un ton que le Français ne souffrit dans aucun temps. Il fut évident dès lors que les armes seules décideraient si les troupes françaises sortiraient de l'Allemagne sur la réquisition du monarque de Prusse, et si Napoléon cesserait de protéger la Confédération du Rhin, que lui-même avait formée.

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L'armée prussienne s'était concentrée entre la Saal et la Verra; sa droite à Eisenach, le centre à Gothaet Erfurth la gauche à Weimar, appuyée sur les hauteurs qui couronnent le pays entre cette ville et Jéna. Toute l'étendue de son front était couverte par les bois de la Thuringe et

par la chaîne de montagnes qui borde la frontière de Saxe et traverse cette contrée en se dirigeant vers le nord de la Hesse. De nombreux avant-postes assuraient sa ligne, dont la gauche était flanquée par un corps de troupes établi sur la rive droite de la Saal, et par les postes de Schleitz, Saalfeldt, Saalburg et Hoff, dans lesquels on avait jeté des troupes. Cette position, défendue par une armée très-nombreuse, et fortifiée par tous les avantages que la nature et l'art peuvent fournir, présentait de grandes difficultés pour une attaque de front; mais elle avait l'inconvénient d'établir principalement ses forces sur la droite, de ne pas opposer assez de résistance au passage des débouchés de la Franconie, de laisser un côté faible sur la gauche, qu'il était possible de tourner, parce qu'on avait eu l'imprévoyance de ne pas jeter assez de forces sur la rive droite de la Saal.

L'empereur Napoléon saisit au premier coup d'œil tout le parti qu'il pouvait tirer de cette faute. Il n'était resté qu'un jour à Bamberg. Il en sortit le 8 octobre 1805, à trois heures du matin et sur les neuf heures il arriva à Cronach.

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Les ordres qu'il avait donnés pour mettre l'armée française en mouvement, recevaient dans ce moment la plus active exécution. La droite, composée des corps d'armée des maréchaux Soult et Ney, avec une division de Bavarois, était partie d'Amberg et de Nuremberg pour se réunir à Bayreuth, et se diriger à marches forcées sur Hoff, où elle arriva le 9, enleva tous les magasins de l'ennemi, lui fit des prisonniers, et se porta, le 10, sur Plaven. Le maréchal Ney suivait ce mouvement, à une demi-journée de marche. Le centre, composé de la réserve du grandduc de Berg, du corps d'armée du maréchal prince de Ponte-Corvo, de celui du maréchal Davout, et de la garde impériale, débouchait par Bamberg sur Cronach, et arrivait sur Saalburg, pour se porter de suite sur Schleitz et Géra. La gauche, composée des maréchaux Lannes, Lefebvre et Augereau, marchait de Schweinfurt sur Cobourg, Graffenthal et Saalfeldt. Cette direction oblique portait l'armée française sur la gauche de l'armée prussienne, et lui faisait éluder une grande partie des obstacles présentés par la force de sa position. Pendant qu'elle exécutait son mouvement, et dès l'instant où l'empereur Napoléon fut arrivé à Cro

nach, le grand-duc de Berg déboucha de Cronach avec sa cavalerie légère et le vingt-cinquième régiment d'infanterie de la même arme. Il s'avança jusqu'à Saalburg. Un régiment prussien, gardant ce poste, voulut défendre le passage de la Saal. Le grand-duc le fit attaquer par le vingt-cinquième d'infanterie légère. La vigueur de l'attaque, soutenue par une forte canonnade, et la crainte d'être tourné, décidèrent le corps ennemi d'abandonner sa position et la rivière de Saal. Le lendemain, 9 octobre, le grand-duc continua sa marche sur Schleitz, que le général Tavenzien occupait; il flanquait sur ce point avec six mille Prussiens et trois mille Saxons. L'Empereur, qui avait employé toute la matinée à reconnaître le pays, arriva vers midi, et donna sur-le-champ l'ordre d'attaquer. Le maréchal prince de Ponte-Corvo fit ses dispositions, et, secondé par le grand-duc de Berg, il enleva le poste de Schleitz. Les Prussiens, mis en déroute, essayèrent de se rallier dans la vallée qui est au delà de Schleitz; mais ils furent encore forcés de céder, en laissant plusieurs morts sur la place. Le général Tavenzien, et ce qui restait de sa division, se retirèrent sur Auma; la cavalerie française les atteignit, les attaqua pour la troisième fois, et compléta leur défaite. Les Prussiens firent encore une perte considérable dans cette attaque; leurs hussards ne pouvaient pas soutenir le choc des hussards français. Les dragons de Saxe furent très-maltraités; le régiment des gardes saxonnes y perdit son colonel, qui périt au champ d'honneur. Le général Wattier, à la tête du quatrième de hussards et du cinquième de chasseurs, fit une superbe charge; quatre compagnies du vingt - septième d'infanterie légère, qui se trouvaient en plaine et investies par les hussards prussiens, leur prouvèrent que l'infanterie française pouvait se mesurer avec avantage contre la cavalerie prussienne. Le lendemain, 10 octobre, le maréchal prince de Ponte-Corvo établit son quartier-général à Auma, et le grand-duc de Berg à Géra. L'aile gauche, commandée par les maréchaux Lannes, Lefebvre et Augereau, obtint des succès aussi complets. Elle était arrivée à Cobourg le 8 octobre; elle en partit le lendemain, et se dirigea sur Graffenthal. La division du général Suchet formait la tête de cette colonne; parvenue près de Saalfeldt, elle y trouva l'avantgarde du corps d'armée prussienne du général Hohenlohe, commandée par le prince Frédéric-Christian Louis de

Prusse. Cette avant-garde était chargée de défendre le poste de Saalfeldt et le pont qui est entre cette ville et Rudenthal. A peine la moitié de la division Suchet était arrivée, lorsque l'action s'engagea par une canonnade sous le feu de laquelle la troupe française mit tant d'activité dans son attaque, qu'elle ne laissa pas au reste de la colonne le temps d'arriver pour y prendre part. Les neuvième et dixième régiments de hussards enfoncèrent la cavalerie des Prussiens; leur infanterie, qui se trouvait alors coupée du reste de son armée, se mit en retraite; mais elle ne put conserver ni son ordre de bataille, ni ses rangs. Un marais, qu'elle rencontra dans sa marche, compléta le désordre; elle fut en partie culbutée dans ce marais, et en partie dispersée dans les bois. Mille prisonniers, six cents hommes tués; trente pièces de canon, tombées au pouvoir des vainqueurs, furent le résultat de cette affaire, dans laquelle le prince prussien, l'un des provocateurs de la guerre, périt glorieusement par un excès d'inconsidération ou de désespoir. Ces affaires d'avant-postes balayaient la rive droite. de la Saal, rendaient l'armée française maîtresse du cours de la rivière, et lui fournissaient tous les moyens que l'empereur Napoléon s'était proposé d'acquérir pour tourner l'armée prussienne. Dès le soir du 12 octobre, des patrouilles. françaises se montrèrent aux portes de Leipsick. Le quartier-général du grand-duc de Berg s'établit entre cette ville et Zeist ; celui du maréchal prince de Ponte-Corvo à Zeist; le quartier-impérial, la garde, le corps du maréchal Soult à Géra, et celui du maréchal Ney à Neustadt. En avant de cette ligne, le maréchal Davout s'empara de Naumbourg et des magasins nombreux établis par l'ennemi dans cette place, particulièrement d'un superbe équipage de pontons attelés, et fit des prisonniers. Le maréchal Lannes prit poste à Jéna, et le maréchal Augereau à Kala. La facilité que chacun d'eux trouva dans l'établissement de son quartier-général sur ces deux points fut le résultat d'une faute grave commise par les chefs de l'armée prussienne, et peutêtre l'une des principales causes de leur défaite dans la bataille d'Jéna.

Le roi de Prusse avait eu l'intention de commencer les hostilités le 9 octobre; il se proposait de déboucher sur Francfort par sa droite, sur Wurtzbourg par son centre, et sur Bamberg par sa gauche.

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