MAES contre MARINS DU Jason. Nous avons rapporté dans ce recueil tous les incidents de cette affaire. Le 27 août 1857, le Tribunal de Commerce de Nantes avait admis les principes consacrés en dernier lieu par l'arrêt de la Cour de Bordeaux qui suit; son jugement avait été réformé par arrêt de la Cour de Rennes, du 17 mai 1858 (V. ce rec., 1859, 1, 45 et suiv.); cet arrêt fut cassé par la Cour de Cassation le 20 novembre 1860 (ce rec., 1861, 2, 58), sur le pourvoi de M. Maës; et les parties ayant été renvoyées devant la Cour de Bordeaux, la doctrine du Tribunal de Commerce de Nantes et de la Cour de Cassation a été de nouveau consacrée dans les termes suivants : ARRÊT. << Sur l'exception tirée contre l'appel de ce que l'objet du litige n'excéderait pas le taux du dernier ressort : >> Attendu que, par leur exploit introductif d'instance du 4 juillet 1857, les appelants réclamaient à Maës les parts et portions auxquelles ils prétendaient avoir droit, aux termes de leurs engagements, dans 1,200 kilog. de fanons et 2,206 barriques d'huile; que cette demande, ainsi formulée, laissait complètement indéterminée l'importance de la réclamation; que celle-ci n'était pas même susceptible d'être évaluée avant le jugement, des contestations existant alors sur le compte de vente des produits de la pêche comme sur le décompte des parts revenant aux marins de l'équipage, car ce décompte n'était pas encore accepté par l'inscription maritime, ainsi qu'il appert des pièces du procès; qu'ainsi, le Tribunal de Commerce de Nantes ne pouvait statuer qu'en premier ressort ; » Au fond : >> Attendu que, dans le contrat d'engagement des marins du Jason, il a été stipulé que, dans le cas de désertion pendant le voyage ou de refus de remplir son devoir, le contrevenant perdrait la totalité des parts qui pourraient lui être dues; que cette clause est attaquée comme illicite par les appelants; >> Attendu qu'aux termes de l'article 1134 les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel et pour les causes que la loi autorise; que cette disposition du droit commun, rappelée dans l'article 250 du Code de Commerce, consacre en principe la liberté des conventions faites par les marins, relativement aux conditions de leur engagement avec les armateurs; qu'il est vrai, comme on le soutient, que l'ordonnance du 1er novembre 1745, maintenue et déclarée d'ordre public par le décret du 4 mars 1852, a couvert la solde des marins engagés au commerce d'une insaisissabilité partielle opposée à certains créanciers ou à de certaines créances; qu'il est vrai encore que cette insaisissabilité d'ordre public, édictée surtout dans l'intérêt des familles des marins et en vue des entraînements que peut faire subir l'assurance de toucher la solde stipulée, entraîne comme conséquence l'incessibilité de ladite solde par les marins eux-mêmes aux personnes, et pour les causes interdites par l'ordonnance; mais que les prohibitions doivent, comme restrictions du droit commun, ne pas être étendues au-delà des termes de la loi qui les établit ; >> Attendu que l'ordonnance de 1745 ne saurait s'appliquer, ni d'après son esprit, ni d'après ses termes, aux contrats passés entre les armateurs et les marins, par lesquels ils conviennent entre eux des conditions de l'engagement de ces derniers; que le préambule de cette ordonnance en montre clairement le but et la portée; qu'elle a pour objet d'empêcher les matelots de consommer en dépenses inutiles, au préjudice de leurs familles et pendant le cours du voyage, la solde qu'ils gagneront sur les bâtiments marchands, mais nullement d'intervenir dans le contrat d'engagement qui peut en modifier le taux ou même en soumettre l'existence à certaines conditions; qu'il faut, en un mot, distinguer entre la disponibilité de la solde acquise dont s'est occupée l'ordonnance, et le règlement de la solde à conquérir qu'elle a laissé libre; que cette distinction ressort d'autres dispositions de la loi maritime, puisqu'en autorisant l'engagement au profit, c'est-à-dire l'association à des chances qui peuvent ne point se réaliser, cette loi permet au matelot de se soumettre éventuellement à la privation de toute solde, par le résultat de faits en dehors de son pouvoir; qu'à fortiori donc, elle n'a pu vouloir l'empêcher d'obtenir un engagement avantageux en donnant sur la solde une garantie dont il peut toujours, par sa bonne conduite, prévenir entièrement l'application; >> Attendu, d'autre part, que la loi n'a pas dû davantage vouloir assimiler les obligations résultant des délits ou des quasi-délits commis par les matelots en cours de voyage et dans l'exercice de leur profession, aux dettes contractées envers les habitants des villes maritimes, ni obliger l'armateur à payer leurs salaires aux matelots rebelles, dont les fautes auraient ruiné ses opérations; que si, en pareil cas, l'armateur doit évidemment être admis à exécuter, par voie de retenue sur la solde, son unique gage, peut-être, les dommages-intérêts auxquels il aurait pu faire condamner les délinquants, si, en présence d'obligations de telle nature ne s'applique pas l'insaisissabilité de l'ordonnance de 1745, il faut naturellement en induire que le salaire sur lequel l'armateur aurait ainsi action devant les tribunaux peut aussi. légalement devenir, entre lui et le matelot, l'objet d'une stipulation semblable à celle dont il s'agit au procès; >> Attendu que la loi, loin de mettre obstacle à ce que la solde du matelot puisse être affectée à la réparation des dommages par lui causés à l'armateur, en donne elle-même l'exemple, puisque, au cas spécial de désertion, l'article 69 du décret du 24 mars 1852 attribue à l'armateur la moitié de la solde due au déserteur, se bornant à réserver sur l'autre moitié un droit qui n'est plus celui du matelot, mais bien celui de la caisse des invalides; » Attendu qu'à un autre point de vue les dispositions de la loi, qui, en certains cas, rendent disponibles dans les mains des matelots les salaires à eux appartenant, ne peuvent être applicables à l'espèce en débat; qu'en effet, s'il est vrai que cette indisponibilité frappe la solde des matelots, il ne s'en suit pas qu'elle puisse être étendue, sans un texte formel, aux parts de profit que l'engagement substitue à cette solde; que le matelot naviguant à la part est un véritable associé dans les bénéfices d'une opération entière, que la nature des choses rend indivisible, puisque le droit n'a d'assiette que sur le résultat d'une opération finale dont le sort lui-même dépend de la compensation des chances bonnes ou mauvaises survenues pendant toute la durée de l'association; qu'ainsi, et à la différence de l'engagement au mois et au voyage, il n'y a, pour le matelot engagé à la part, aucune rémunération acquise avant que toutes les opérations du navire, auxquelles il est participant par son travail, aient été entièrement terminées; que le bénéfice éventuel, tout différent d'une solde, et par sa nature et par ses conditions, ne peut logiquement y être assimilé par voie d'analogie, quand il s'agit d'y appliquer des mesures restrictives du droit commun; que la démonstration de cette vérité se trouve dans les lois mêmes de la matière, puisque pour étendre cette disposition aux parts de prise, il a fallu l'arrêté spécial du 2 prairial an XI, destiné à encourager la course, de même qu'il a fallu des édits du roi, plus tard la loi du 13 mai 1791, et enfin l'ordonnance du 9 octobre 1857, pour rendre commune aux parts de profit la retenue exercée sur les salaires des marins, en faveur de la caisse des invalides ; >> Attendu que les lois restrictives de la disponibilité de la solde étant ainsi, à un double point de vue, démontrées inapplicables aux bénéfices des marins engagés au profit, la conséquence nécessaire est que ceux du Jason ont pu licitement accepter la clause spéciale qui, en cas de refus de remplir leur devoir, les soumettait à la perte de leurs parts; >> Attendu que cette privation de bénéfices, imposée à raison de certains faits que le marin associé est libre de ne pas accomplir, n'a rien de commun avec la clause léonine, prohibée par l'article 1855 du Code Napoléon; Attendu, en fait, qu'il est constant au procès, et d'ailleurs établi par un jugement correctionnel définitif, rendu par le Tribunal commercial maritime de Papeïti, que les appelants embarqués à bord du Jason ont, les 10 et 12 juillet 1855, refusé nettement d'accomplir leur devoir, soit en exigeant, par écrit du capitaine, qu'il quittât les parages du Japon pour se rendre à Taïti, et déclarant qu'ils n'obéiraient qu'à ce prix, soit en refusant d'exécuter l'ordre donné par le capitaine d'amener sur une baleine alors en vue; >> Attendu que, pour se justifier de ces faits non contestés par eux, les appelants excipent vainement d'une prétendue violation de leur contrat d'engagement, en ce que le navire aurait été conduit dans les mers du Nord, tandis que, d'après ce contrat, la pêche devait avoir lieu dans les mers du Sud; >> Attendu que, dans le langage de la géographie vulgaire, on désigne, sons le nom de mers du Sud, l'étendue entière |