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constitutifs de l'infanterie, dont l'effectif, après la campagne, s'était appauvri. On convenait déjà que la levée en masse, avec ses piques et son organisation provisoire, était plutôt nuisible qu'utile en ligne de bataille.

Je profitai de ce repos pour solliciter mon incorporation dans le 8 bataillon de la Haute-Garonne, formé, quelques mois avant la levée en masse, dans l'arrondissement de Saint-Gaudens. Je comptais dans ce corps des parents, des amis et un bon nombre de condisciples.

Le 8o bataillon était campé à Villelongue, dans la vallée du Tech'. Je le joignis le 6 novembre, au moyen d'une permission. Le lendemain de mon arrivée au camp, les Espagnols attaquèrent avec vigueur cette position et s'en emparèrent; elle fut mollement défendue par nos troupes. Cette malheureuse affaire témoigna encore de la supériorité de l'armée de Ricardos sur celle de la République. Celle-ci n'était composée, en grande partie, que de nouvelles levées avec des cadres improvisés. Les généraux étaient pour la plupart sans expérience; plusieurs manquaient d'aptitude; tous tremblaient devant les Jacobins.

Dans la retraite précipitée qu'amena la prise de Villelongue et l'abandon de la partie supérieure du Tech 2, le 8 bataillon faisait l'arrière-garde d'une forte colonne, qui était observée et suivie par quelques escadrons ennemis ; sa marche était ferme et bien ordonnée, son allure donnait de la confiance. Le commandant allait de la droite à la gauche et de la gauche à la droite, afin de maintenir cet. état de choses, mais sa locomotion paraissait fébrile. Aux

'Petite riviere de France, se perd dans la Méditerranée Pyrénées-Orientales).

'Petite ville des Pyrénées-Orientales.

approches d'un défilé qui ne donnait passage qu'à deux hommes de front, il fallut rompre successivement la colonne ce mouvement, facile pour une troupe un peu exercée, s'exécuta fort mal, et produisit un déchirement et un désordre funestes. Les Espagnols saisirent cette bonne occasion pour tomber sur le bataillon, qui n'attendit pas la charge, abandonna la route et se jeta dans les vignes: cette manœuvre, qui ne se trouve pas dans l'ordonnance; fut exécutée avec vivacité, et même avec ensemble; je suivis l'impulsion de la masse; je pouvais me permettre cette licence sans compromettre mon honneur, car j'assistais à cette affaire comme amateur, mon incorporation dans le bataillon n'étant pas encore autorisée. Toutefois, je compris que j'étais en mauvaises mains pour faire mon éducation militaire.

Le bataillon, après une courte gymnastique de deux à trois heures, se réunit enfin sous les murs de Perpignan. On rendit compte, au quartier général de l'armée, de notre déroute; personne ne s'en étonna; des ordres furent donnés pour remplacer immédiatement les armes et effets de toute nature dont les soldats s'étaient allégis pour courir plus vite. Le chef de bataillon, excellent patriote, trouva grâce devant les Jacobins.

Par suite de l'abandon de la partie supérieure du Tech, le général Daoust, mandé à Paris, périt sur l'échafaud. Sa mort affligea les honnêtes gens, et particulièrement les of ficiers avec lesquels il avait eu des rapports de service. Toute défaite, à cette époque, était considérée comme une trahison. On tuait les généraux sortis de l'armée royale pour les remplacer par des généraux plébéiens : le parti ardent le voulait ainsi.

Nous étions sous la tente au camp de l'Union, qui se

liait aux fortifications de Perpignan, lorsque l'aile gauche de notre armée, campée à Banyuls-la-Maizo, fut attaquée par les Espagnols; d'abord elle se défendit avec vigueur, puis elle se débanda, et chercha son salut dans la fuite. Fabre, représentant du peuple, homme éminemment énergique, resta sur le champ de bataille; son corps fut trouvé sous un monceau de cadavres.

Les troupes de cette division, entièrement démoralisées, ne résistèrent nulle part. Le commandant du fort SaintElme les fit mitrailler, et ouvrit ensuite ses portes à l'ennemi. La Convention mit ce misérable hors la loi. Le commandant de Port-Vendres, n'ayant pu rallier les fuyards, capitula, et se rendit prisonnier de guerre, bien qu'il eût, avec sa garnison, les moyens de se maintenir quelques jours. Sa captivité le sauva d'une mort honteuse. Les habitants de Collioure forcèrent le commandant de cette place à capituler. Cet officier fut guillotiné au camp de Tolositte. C'est ainsi que se termina la campagne de 1793. La République, loin de s'abattre par ces revers, s'irrita et redoubla d'efforts pour sortir victorieuse de cette lutte.

Ricardos, maître du cours du Tech, se retira au Boulou avec le gros de son armée, et s'y fortifia, en attendant les renforts qu'il avait demandés à son gouvernement.

Les dénonciations des agents ministériels et des Jacobins contre les officiers généraux, et les plaintes de ceux-ci, relatives à la réorganisation de tous les services et à l'indiscipline des troupes, avaient déjà donné cinq généraux en chef à cette petite armée depuis le commencement des

1 Perché sur un très-haut morne, le fort Saint-Elme domine l'ensemble des ouvrages de Collioure et de Port-Vendres.

* Petite ville maritime, près celle de Collioure Pyrénées-Orientales.

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hostilités. Doppet la commandait à la fin de cette désastreuse campagne; il avait été médecin et journaliste avant d'entrer dans la légion des Allobroges, formée en 1792. Son costume caractérisait l'époque il portait une carmagnole sans épaulettes ni broderies, et à la boutonnière de ce vêtement était suspendu un petit bonnet rouge.

Voilà ma première campagne; elle dura trois mois.

L'armée, dans ses quartiers d'hiver, fut convenablement entretenue, grâce aux assignats, et surtout aux réquisitions; mais le repos lui fut funeste: les hôpitaux s'encombrèrent, et le typhus, suite inévitable de cet état de choses, y causa de grands ravages; la mortalité fut effrayante! On aurait pu, sinon prévenir le mal, au moins l'atténuer, par des travaux militaires et des exercices modérés, et par une hygiène appropriée au climat; mais les généraux ne s'occupaient pas des troupes hors des champs de bataille, et les chefs de corps étaient ignorants et timides pour la plupart; quant aux officiers ordinaires, ils passaient leur temps dans une oisiveté honteuse; ils pensaient que le patriotisme du citoyen suffisait, et qu'il tenait lieu d'étude, de travail et de ponctualité.

C'est grâce à mes amis et compatriotes que, pendant ce quartier d'hiver, je fus nommé successivement caporal, sergent et sous-lieutenant par les compagnies dans lesquelles ces emplois devinrent vacants. Ce mode d'avancement, très-vicieux, il faut en convenir, fut changé par une loi de germinal an III.

Avant de reprendre les hostilités, il fallut attendre l'arrivée dans le Roussillon des troupes qui avaient fait le siége

Né à Chambéry, cet officier général est mort en 1800, après avoir commandé en Espagne.

de Toulon; Dugommier 1, nommé général en chef de l'armée des Pyrénées-Orientales, les précéda de quelques jours. Dès son entrée à Perpignan, il s'occupa de l'organisation de l'armée et des services administratifs avec l'autorité de son expérience et de son intégrité. C'était une grande tâche le temps lui manqua pour la remplir complètement; néanmoins il chassa les voleurs les plus effrontés sans égard pour leur patriotisme, et demanda le changement de quelques officiers d'état-major qui s'étaient compromis aux Jacobins. Peu de jours lui suffirent pour imposer aux sociétés populaires, et donner au commandement l'importance qu'il devait avoir dans l'intérêt bien entendu des opérations militaires. Il s'affranchit poliment de l'intervention, souvent funeste, des représentants du peuple, en ce qui concernait les combinaisons stratégiques.

Le 10 avril, le général Dagobert commença les hostilités par les combats glorieux de Belver et de la Seu-d'Urgel. Ces beaux faits d'armes terminèrent sa carrière; il mourut au milieu de ses troupes, dont il avait guidé l'inexpérience avec un dévouement patriotique. Des regrets bien sentis et bien sincères furent donnés à ce général. Ses dépouilles mortelles reposent dans une tombe pareille à celle du pauvre 3.

Après ce brillant succès de sa droite, Dugommier attaqua les troupes qui défendaient le camp du Boulou, peu

'Né à la Basse-Terre (Guadeloupe), le général Dugommier était chevalier de Saint-Louis avant la Révolution. Expérimenté et intègre, Dugommier fut, pour l'époque, un général en chef très-distingué ; il mourut devant Saint-Sébastien, le 17 novembre 1794.

* Ville d'Espagne sur la Sègre, à 45 kilomètres de Puycerda, au S.-O. — L'évêque d'Urgel était le chef de la république d'Andorre. 'La Convention lui décerna les honneurs du Panthéon.

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