fréquenté, et les força à repasser les Pyrénées. Dans leur retraite, qui s'opéra par des sentiers, elles abandonnèrent une grande partie de leur artillerie et leurs bagages. La Convention déclara qu'en enlevant le camp du Boulou 1, nous avions bien mérité de la patrie. Deux jours après la bataille du Boulou, le général Augereau s'empara de Saint-Laurent. Ce bourg renfermait des établissements militaires de la plus grande importance. Les places de Saint-Elme, de Port-Vendres et de Collioure, occupées par les Espagnols, étant livrées à elles-mêmes, par suite de la bataille du Boulou, le général en chef fit de suite les dispositions nécessaires pour les reprendre. Le 14 avril, les troupes chargées de cette opération se mirent en marche. Le 8e bataillon de la Haute-Garonne en fit partie. L'investissement de Saint-Elme se fit sans de graves difficultés. (Ce fort domine Port-Vendres et Collioure, qui furent ainsi observées de très-près.) On traça une route assez large pour donner passage à l'artillerie de siége et à ses approvisionnements; à cet effet, on prit de nombreuses corvées dans tous les corps. Ce travail fut terminé en peu de temps; puis, on donna l'ordre de monter à bras le matériel; tout le monde se mit à l'œuvre, généraux, officiers, sous-officiers et soldats. Les chants patriotiques et le pas de charge encourageaient alternativement les travailleurs deux jours suffirent pour remplir cette tâche. Le 10 mai, les garnisons de Collioure et de Port-Vendres combinèrent une attaque pour délivrer celle de SaintElme; elle se fit à deux heures du matin. Nos avant-postes 1 Village des Pyrénées-Orientales sur le Tech. * Ces établissements avaient coûté plus de 6 millions à l'Espagne. On y trouva beaucoup de drap pour l'habillement des troupes, 40,000 boulets et 500 bombes. (Note de l'éditeur.) furent surpris, et les Espagnols allaient atteindre nos batteries, lorsque, aux cris de terreur poussés par les fuyards, la réserve se porta en avant et repoussa l'ennemi. Toutes les troupes du camp prirent les armes dans cet engagement, non sans confusion et un peu de désordre. Parmi les troupes employées au siége de Saint-Elme, se trouvaient deux compagnies franches connues sous le nom de miquelets français; elles étaient composées, en grande partie, de contrebandiers. Leur destination était d'éclairer les colonnes dans les montagnes, dont elles connaissaient les plus petits sentiers. C'est à la négligence de ces compagnies qu'on attribua le succès de l'attaque de l'ennemi. Le 17 mai, la brèche étant ouverte, des conférences eurent lieu pour traiter de la capitulation; les conditions offertes par le général Dugommier n'ayant pas été acceptées par le commandant du fort, les conférences furent rompues; le feu recommença avec une grande vivacité, et on se prépara à l'assaut. Dans la nuit du 24 au 25, l'ennemi trouva le moyen de s'échapper sans tirer un coup de fusil, ce qui fit supposer naturellement que les troupes de service à la tranchée dormaient d'un profond sommeil. Le 29 mai, le général Navarro, commandant supérieur des troupes renfermées dans Port-Vendres et Collioure, rendit ces places à l'armée française. Les Espagnols, dont l'effectif était de 7,000 hommes environ1, sortirent avec les 'Un corps d'émigrés français, sous la dénomination de Légion de la Reine, faisait partie de la garnison de Collioure. Ils furent sanvés par un lieutenant-colonel espagnol nommé Amoros, qui, en les faisant échapper par mer, les enleva aux conventionnels Milhau et Soubrain. Le colonel Amoros est devenu depuis directeur du Gymnase militaire de Paris. (Note de l'éditeur.) TOME I. 2 honneurs de la guerre, et posèrent les armes à Banyulsla-Maizo 1. Le défilé de l'ennemi se fit conformément aux usages admis en Europe. Les soldats espagnols, qui, aux termes de la capitulation, devaient rentrer dans leurs foyers et y rester jusqu'à échange, criaient, en passant devant nous Viva la casa! Les nôtres répondaient par Vive la République! Trois capucins, aumôniers militaires, s'arrêtèrent devant les représentants Milhau et Soubrain, et levèrent leurs mains au ciel. Cette pantomime m'étonna. La capitulation de Navarro étant connue à Paris, la Convention décréta qu'il serait élevé, sur la place de Banyuls, un obélisque sur lequel on graverait l'inscription suivante : Ici, sept mille Espagnols posèrent les armes devant les soldats de la République, et rendirent à la valeur ce qu'ils tenaient de la trahison. Les succès obtenus depuis la reprise des hostilités donnèrent de la confiance à l'armée; chacun de nous était heureux et fier d'y avoir contribué. Le 8 bataillon se conduisit convenablement pendant les opérations du siége de Saint-Elme; il y avait des sentiments d'honneur dans les cadres, il n'y manquait que de l'instruction et de l'expérience. Après quelques jours de repos dans la vallée du Tech, le 8 bataillon prit son rang de bataille dans la division Sauret, campée à Canteloup, en avant de Bellegarde, et à la gauche de la grande route qui conduit de cette 'Petite ville des Pyrénées-Orientales sur le bord de la mer, entre Saint-Elme et Bellistre, plus connue sous le nom de Bagnols-surMer. (Note de l'éditeur.) Cet officier général s'est, depuis cette époque, signalé en Italie. place à celle de Figueras'. Cette division et les troupes commandées par Augereau couvraient le blocus de Bellegarde, dont on ne voulait pas faire le siége. L'armée espagnole n'était pas éloignée de notre campement; ses reconnaissances et les nôtres se rencontraient chaque matin. Les miquelets dont elles étaient précédées de part et d'autre se chamaillaient; ils faisaient grand bruit des deux côtés, brûlaient beaucoup de poudre, et se séparaient sans résultat; nous nous amusions de ces combats ridicules. Au mépris de la capitulation de Collioure, le général en chef de l'armée espagnole fit entrer dans les cadres des troupes chassées du Boulou les officiers, sous-officiers et soldats qui avaient posé les armes à Banyuls, et, par cette violation d'un engagement solennel, il augmenta l'effectif de l'armée active et se donna les moyens de nous livrer bataille, afin de débloquer Bellegarde et de rentrer dans le Roussillon. Le 13 août, l'armée ennemie se mit en marche; ses principales forces se portèrent sur Saint-Laurent de la Mouga cette position était occupée par le général Lemoine. La lutte fut quelque temps indécise, et la supériorité numérique des Espagnols leur aurait donné la victoire, si le général Augereau, après avoir repoussé les ennemis qu'il avait devant lui, n'était venu au secours du général Lemoine. Les troupes, de part et d'autre, se battirent avec un acharnement extraordinaire. Les Espagnols, enfoncés sur tous les points, prirent la fuite. A la suite Ville d'Espagne (Catalogne). La Convention déclara une fois de plus que l'armée des Pyrénées-Orientales avait bien mérité de la patrie, et le nom du général Mirabel, tué dans cette affaire, fut inscrit sur le Panthéon. de ces deux affaires, Bellegarde capitula, et la Convention lui fit prendre le nom de Sud-Libre, comme elle avait donné celui de Nord-Libre à la ville de Condé. Le front du camp de Canteloup fut attaqué en même temps par une colonne de six mille hommes, pendant que l'amiral Gravina, qui avait appareillé du port de Rose avec une flottille, inquiétait la gauche de notre campement; malgré l'habile combinaison de cette attaque, le but ne fut pas atteint, et l'ennemi se retira dans ses retranche ments. Le 8 bataillon, placé sur le front de bandière, ne prit qu'une part médiocre à cette affaire, à l'exception des compagnies Bart et Germain, qui tiraillèrent toute la matinée avec les troupes légères de l'ennemi. Quelques jours après cette bataille, dont l'ennemi se glorifiait comme d'un grand triomphe, je me rendis à l'hôpital militaire de Perpignan; car il était défendu, dans un système d'égalité absolu, aux officiers comme aux soldats, de se faire traiter dans des maisons particulières. J'éprouvai une grande répugnance en entrant dans cet établissement, où l'un de mes frères avait péri! On me plaça à côté d'un malade qui mourut le lendemain de mon arrivée. Ce camarade de lit fut remplacé par un jeune soldat de mon âge; il parlait sans cesse de sa famille, et surtout de sa mère; ses plaintes et ses regrets me ramenaient à mes affections, que je m'efforçais d'oublier j'étais bien malheureux! Ma fièvre s'étant calmée par le seul usage des amers, je me hâtai de sortir de cette maison, qui était devenue un charnier par les ravages du typhus. Mon médecin, qui m'avait soigné avec le plus grand intérêt, me fit obtenir une convalescence et un logement en ville deux gràces à la fois, c'était beaucoup pour le temps. |