LES AVENTURES DE TÉLÉMAQUE, FILS D'ULYSSE; Par feu Meffire FRANÇOIS DE SALIGNAC A PARIS, M. DCC. LXXXVII. AVEC PRIVILEGE DU ROL SIRE, J'ai cru que, voulant faire paroître cet Ouvrage dans toute fa perfection, je devois commencer par avoir l'honneur de le préfenter à VOTRE MAJESTÉ. Il eut le bonheur de plaire à votre Augufte Pere, pour qui il fut compofé. Et dans le tems que les rares vertus de ce grand Prince l'avoient rendu l'attente & l'admiration des Peuples, il ne dédaignoit pas de faire une lecture férieufe de ce qui avoit amuse son enfance. Animé, SIRE, du même zele qui fit entreprendre cet Ouvrage, je viens vous l'offrir aujourd'hui. Il vous fera un gage des vœux que formoit l'Auteur pour un regne que nous voyons renaître fous vos Loix. Puiffe, SIRE, tout ce qui reluit déja dans VOTRE MAJESTÉ, & qui fait l'espérance de la Nation, faire long-tems fon bonheur ! Ce font les fouhaits ardens de celui qui eft avec un très-profond respect, SIRE, DE VOTRE MAJESTÉ, Le très-humble, très - obéiffant & très-fidele ferviteur & fujet, FENELON. DISCOURS DE LA POÉSIE ÉPIQUE, E T DE L'EXCELLENCE DU POËME DE TÉLÉMAQUE. Origine & fin de la Poésie. Si t'on pouvoit goûter la vérité toute nue, elle n'au I roit pas befoin, pour fe faire aimer, des ornemens que lui prête l'imagination, mais fa lumiere, pure & délicate, ne flatte pas affez ce qu'il y a de fenfible en l'homme; elle demande une attention qui gêne trop fon inconftance naturelle. Pour l'inftruire, il faut lui donner, non - seulement des idées pures qui l'éclairent, mais encore des images fenfibles qui l'arrêtent dans une vue fixe de la vérité. Voilà la fource de l'Éloquence, de la Poéfie & de toutes les Sciences qui font du reffort de l'imagination. C'eft la foibleffe de l'homme qui rend ces Sciences néceffaires. La beauté fimple & immuable de la vertu ne le touche pas toujours. Il ne fuffit point de lui montrer la vérité; il faut la peindre aimable. * Nous examinerons le Poëme de Télémaque felon ces deux vues, d'inftruire & de plaire, & nous tâcherons * Omne tulit punctum, qui mifcuit utile dulci; Lectorem delectando, pariterque monendo. |