contre la demande en inscription de faux, ne peut plus en faire valoir, lorsque l'instruction est achevée, et qu'il ne s'agit plus que de statuer sur le mérite des preuves faites par le demandeur en faux (1). Ces questions ont été résolues ainsi, par un arrêt de la Cour de Rouen, du 11 fructidor an 12, dont voici les termes : — - La Cour; considérant que le juge compétent pour connaître de la légalité de l'incarcération, l'est également de la demande en faux incident contre le titre des créanciers, n'y ayant pas d'emprisonnement plus illégal que celui qui serait fait en vertu d'un acte faux, ou étranger au détenu; - Considérant que l'ordonnance de 1737 autorise à recevoir la poursuite en faux incident, encore que la pièce prétendue fausse ait été vérifiée par autre voie que celle du faux principal ou incident, et qu'il soit intervenu jugement sur le fondement de ladite pièce comme véritable; Considérant que Loiseau a laissé faire toute la procédure sur la demande de Signol en faux incident, sous de simples réserves, et sans opposer aucune fin de non recevoir contre l'instruction; Considérant que la liberté individuelle est inaliénable et imprescriptible, et qu'après une instruction librement consentie et régulièrement faite, il n'est point d'exception, ni de fin de non recevoir, qui puisse prévaloir contre la preuve acquise qu'un emprisonnement a été fait sur un faux titre ou par l'application erronée de la signature d'une obligation à une personne autre que celle qui l'a souscrite;—Considérant qu'il est démontré par l'information faite sur la demande de Signol en faux incident, que le titre de trois cents francs, pour lequel il est détenu, n'est point de son fait, et que par conséquent il doit être mis en liberté ; Considérant que Loiseau, avant d'agir, aurait dû prendre des renseignemens, pour s'assurer si le particulier qu'il poursuivait était véritablement celui qui avait signé le billet dont il était porteur; que ce défaut de précaution a été cause première de l'erreur qui a fait perdre à Signol sa liberté ; qu'ainsi i! n'est pas douteux qu'il lui doit une indemnité. Considérant néanmoins que Signol pouvait éviter l'incarcération, en revenant en temps utile par opposition contre le jugement par défaut qui a été signifié à sa personne ; qu'il doit imputer à sa propre négligence d'avoir été déclaré non recevable dans son opposition audit jugement, et encore d'avoir été si long-temps détenu; circonstances qui concourent à faire modérer les dommages-intérêts, mais ne peuvent dispenser de l'impression et affiches qui sont nécessaires pour rétablir la réputation du détenu; Considérant que de ce que la signature étant au bas du billet en question, n'est point celle de Signol, il n'en résulte pas nécessairement que l'acte soit faux, et qu'il est ( 1 ) V. infrà no 64, l'arrêt du 23 mai 1822. possible qu'il s'applique à un autre individu; que dès lors il y a lieu de remettre la pièce à Loiseau ; - LA COUR faisant droit sur toutes les demandes jointes, infirme le jugement, rejette les exceptions de Loiseau; déclare la preuve de Signol bien faite; déclare que le billet de trois cents francs passé par Cordier à l'ordre de Loiseau n'est point du fait de Pierre Signol, déclare son arrestation nulle; ordonne son élargissement, et condamne Loiseau à 1, 500 francs de dommages-intérêts, et à tous les dépens pour valoir à Signol de supplément auxdits intérêts, et ordonne l'impression et l'affiche de l'arrêt; ordonne en outre que ledit billet sera rendu à Loiseau. 8. Les tribunaux peuvent ne pas admettre l'inscription de faux suivant les circonstances de la cause (1). PREMIERE ESPECE. Arrêt de la Cour de Paris, du 12 février 1806, ainsi conçu - LA COUR, considérant que les demandes en inscription de faux incident sont toujours un objet d'examen préalable, et qu'elles ne doivent être admises que dans le cas où il y échet; qu'il n'y a pas lieu à admettre une accusation de faux, toutes les fois qu'il y a impossibilité reconnue que le faux ait été commis; que cette impossibilité, dans l'espèce, résulte du rapprochement de l'expédition du jugement argué de faux et des autres pièces de la procédure; qu'en effet il est constant que les frères Withersheim avaient conclu par leur exploit introductif de demande, du 29 pluviose an 5, à être autorisés à vendre sur la place les inscriptions par eux reçues de Defrance, et qu'il est vérifié par le plunìitif du tribunal de commerce du 4 complémentaire an 5, que les conclusions par eux prises leur ont été adjugées par défaut; d'où il suit que la teneur dų jugement a été conforme à celle de la demande ; que si la disposition de ce jugement, relative à ladite autorisation, se trouve sur l'expédition (en marge et par renvoi), on n'en peut induire d'autre conséquence, sinon que le greffier, par inadvertance, avait omis de transcrire ce chef dans le corps du jugement : erreur qui a été par lui rectifiée, aussitôt qu'elle a été découverte. - Déclare De ( 1 ) V. MM. CARR., t. 1, p. 567, n° 890; D. G, p. 170, alin. 5.; PIG. COMM. t. 1, p. 456, not. 3, et DELAP. t. 1, p. 218, alin. dernier. La même chose a été jugée par trois arrêts de la Cour de cassation, section des requêtes, des 8 mai, 25 juillet, et 6 décembre 1827. V. J. A., t. 33, p. 369 et 370; et t. 35, p. 113, § 3. Il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 1809, rendu dans l'affaire de Faudoas, et rapporté au Rér., t. 5, p. 238, v° Question d'état, § 3, que sous l'empire de l'ordonnance de 1757, les juges pouvaient pareillement ne pas recevoir l'inscription, soit qu'elle n'eût aucun intérêt, ou qu'elle ne pût avoir qu'un intérêt inadmissible. V. aussi infrà, no 16, 23 et 28 les arrêts des 13 juillet 1808, 7 février 1809, et 28 août 1821. france purement et simplement non recevable dans sa demande en inscription de faux... » DEUXIEME ESPÈCE.-Arrêt de la Cour de Rennes, du 5 février 1813, conçu en ces termes :- « LA COUR, considérant que l'art. 214 C. P. C. combiné avec les art. 218, 219 et 248, laisse aux magistrats la faculté d'admettre ou de rejeter la demande à fin d'inscription de faux incident civil; que, s'il leur appert qu'une pareille demande n'a pour objet que d'éloigner le paiement d'une créance légitime, ils ne doivent pas balancer à la rejeter......» TROISIEME ESPÈCE. Le sieur Paul, se disant Bruno Melet; demandait à s'inscrire en faux contre l'acte de décès de Bruno Melet, qu'on lui opposait. Le tribunal de première instance accueillit cette demande : mais, sur l'appel, la Cour de Toulouse, par arrêt du 7 juillet 1818, s'y refusa, en se fondant sur ce que l'acte fût-il faux, il n'en résultait pas que le sieur Paul fût le sieur Bruno Melet; qu'en conséquence, il faudrait après cette preuve arriver à celle de sa filiation que la loi lui interdisait. - Pourvoi, et le 5 avril 1820 arrêt de la Cour de cassation, ainsi conçu. LA COUR; attendu que la question soumise à la Cour se concentre dans le point de savoir si la Cour royale de Toulouse a violé quelque loi en déclarant le demandeur en cassation non recevable dans sa demande à fin d'être admis à s'inscrire en faux contre l'acte de décès de Bruno de Melet, fils de Jean-Joachim de Melet et de Marie Tillot, en date du 15 fructidor an 6; Attendu que le Code ne dit pas en termes absolus que toute de mande en inscription de faux sera admise, mais, ce qui est bien différent, que les tribunaux l'admettront, s'il y échet; · Attendu que de ces mots, s'il y échet, il résulte qu'à cet égard la loi s'en réfère à la sagesse et à la prudence des magistrats; Attendu qu'usant de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour royale de Tou louse s'est déterminée dans l'espèce à déclarer le demandeur en cassation non recevable dans sa demande, par des faits et des circonstances dont l'appréciation lui appartenait; - Rejette, etc. » a 9. L'inscription de faux incident formée contre un commandement en expropriation forcée, ne peut pas être poursuivie au nom de la femme lorsqu'elle n'a pas signé, suivant l'art. 218, C. P. C., la déclaration de s'inscrire en faux, faite au greffe, quoique son mari l'ait signée tant en son nom qu'en celui de son épouse, parce que la qualité de mari et de chef de la communauté ne suffit pas pour agir au nom d'une femme, lorsque la loi exige pour cela un pouvoir spécial. . Ainsi jugé le 19 mars 1807, par la Cour de Besançon. OBSERVATIONS. Cette décision nous paraît conforme aux principes rigoureux du droit. Il a cependant été jugé par un arrêt de la Cour de Toulouse, du 2 mai 1827, que le pouvoir spécial et authentique dont parle l'art. 218, n'est pas exigé à peine de nullité, et que l'avoué n'en a aucun besoin pour signer la déclaration d'une inscription de faux. J. A., t. 33, p. 140.- Le même arrêt a décidé qu'un tuteur, autorisé par le conseil de famille à poursuivre la nullité, l'est suffisamment, par là même, pour s'inscrire en faux.-M. CARR., t. 1, p. 566, no 885, pense que rien ne s'oppose à ce que la déclaration d'inscription de faux soit faite par l'avoué; mais il entend qu'il est muni d'un pouvoir spécial ; et les rédacteurs du PR. FR., t. 2, p. 116, note 1, disent positivement que les avoués n'ont pas le pouvoir de faire un pareil acte sans procuration ad hoc, et devant notaire. Ainsi, le greffier ne devrait pas recevoir la déclaration faite par une autre personne que la partie, fût-ce même par un avoué, s'il ne lui est pas présenté une procuration authentique et spéciale; et s'il la recevait, il faut dire que le défendeur aurait le droit de se pourvoir à l'audience pour en faire prononcer le rejet. Telle est l'opinion de MM. CARR., p.567, no 888, et FL., t.2, p. 560, col. 2, alin. 6. On peut consulter avec fruit sur cette question, un arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 1836, qui a décidé que, pour qu'une plainte en faux principal arrêtât le jugement d'une contestatior:', il fallait qu'elle fût formée par la partie ou par un mandataire spécial, J. A., t. 51, p. 331. Mais si le défendeur, au lieu de poursuivre la nullité de l'inscription de faux irrégulièrement formée, se contentait de discuter la pertinence des faits, il nous paraît certain qu'il ne pourrait pas opposer cette exception sur l'appel; la nullité serait couverte, car elle n'est que relative. Il a cependant été jugé par la Cour de cassation, le 18 novembre 1813, que l'on peut demander pour la première fois, en appel, la nullité d'une inscription de faux irrégulièrement prise contre le procès-verbal d'un préposé des droits réunis; mais il importe de remarquer que cette décision est motivée sur la disposition toute spéciale de l'art. 40 du décret du 1 germinal an 13, qui prononce en termes formels la déchéance de l'inscription, faute d'observer les formalités prescrites. M. CARR., no 887, est aussi d'avis que le greffier peut exiger que la procuration demeure annexée à l'original de l'acte d'inscription, quand même elle serait rapportée en minute; s'ielle n'avait été donnée qu'en brevet, cette mesure serait dans l'intérêt du mandataire lui-même, puisqu'elle fournirait le moyen de prévenir un désaveu de la part du constituant; voy. aussi DELAP., t. 1, p. 218, alin. 1.— Si la partie quidéclare s'inscrire en faux, ou si le mandataire dont elle a fait choix ne sait ou ne peut signer, le greffier ne pourrait pas, comme un notaire, suppléer à cette signature par une déclaration; la raison en est que les notaires répondent de l'i dentité des individus qui actent devant eux, et peuvent, s'ils ne les connaissent pas, se faire attester cette individualité; mais les greffiers n'étant soumis à cette responsabilité par aucune loi, leur attestation ne donnerait pas la même garantie. (Voy. au surplus notre discussion relative au désaveu, à ce mot, no 50, t. 10, p. 389.) L'article 12 de la loi du 9 floréal an 7, décide le contraire, relativement aux inscriptions de faux qui seraient formées contre des procès-verbaux de préposés des douanes ; mais ici encore, c'est un droit tout spécial, et on ne peut argumenter des dispositions d'une loi d'un certain ordre, pour expliquer des lois d'un ordre différent Voyez MM. CARR., p. 566, no 886; et PIG. COMM., t. 1, p. 455, alin. dernier. 10. Quand le demundeur en faux s'est pourvu par la voie criminelle, il faut, à peine de nullité, que les juges saisis du fond, ordonnent le sursis, ou déclarent que le procès peut être jugé indépendamment de la pièce arguée. (Art. 250, C. P. C.) (1) 11. L'instruction de la procédure de faux en matière criminelle, doit étre publique. 12. Sur l'appel du jugement d'un tribunal correctionnel, une cour criminelle ne peut connaître d'une plainte en faux principal (2). Ces questions présentent un grand intérêt ; car, outre qu'elles se rattachent à un point important de la procédure civile et criminelle, elles se lient à des considérations d'ordre public, et à l'examen des lois constitutives de la hiérarchie des pouvoirs. Relativement à la première question, on pourrait argumenter pour la négative, de l'article 1319, C. C., qui veut qu'il ne soit sursis à l'exécution d'un acte argué de faux, que par la mise en accusation. Mais l'art. 250, C. P. C., paraît avoir dérogé à cette disposition, puisqu'il oblige le tribunal, dès lors que te demandeur en faux s'est pourvu par la voie oriminelle, d'ordonner le sursis, ou de déclarer qu'il peut juger indépendamment de la pièce arguée. La disposition de ce dernier article est d'ailleurs conçue en termes très impératifs ; et les tribunaux ne peuvent impunément l'enfreindre. Est-il bien vrai cependant, que les rédacteurs du Code de procédure aient voulu introduire à cet égard une législation nouvelle ? Je ne le pense pas; car si les articles cités renferment alin.1; (1) Voy. MM. CARR., 1. 1, p. 613, no 960, et HAUT., p. 143, voyez aussi infrà, no 14, 31 et 54, les arrêts des 5 mai 1808,6 janvier 1809, 15 fév. 1810, et 19 janvier 1819; et F. L., t. 2, p. 566, col. 2, art. 250. (2) Avant la mise en activité du C. I. C. de 1808, les Cours de justice criminelle statuaient, sauf les cas réservés, sur les jugemens rendus par les tribunaux correctionneis. Voyez Rée., t. 3, p. 246, col. 1, in princ. v° Cour de justice criminelle. Elles ont été définitivement supprimées par l'article 3 de la loi du 20 avril 1810. |