: trouve une petite riviere & quelques grandes maisons aux environs. La ville est située à une petite portée de canon de la mer. Au-devant de la ville, il y a quelques demilunes & quelques redoutes de côté & d'autre, & fur le bord de la mer on voit une tour à fix côtés, pour défendre le mouillage; elle est armée de trois piéces de canon. Ilya vis-à-vis cette tour un petit mole, qui s'avance droit dans la mer, environ soixante-dix toises, lequel n'est propre que pour les débarquemens & pour mettre de moyennes barques à couvert des vents d'est; du côté de l'ouest de ce mole, il y a quelques maisons de pêcheurs; on y peut faire de l'eau dans des jardins, qui sont environ cinq à fix cents toises vers l'ouest, où il y a une petite riviere avec un pont & quelques grandes maisons au bord de la mer. On mouille ordinairement vers le sud-ouest du mole à la petite portée du canon, par huit à neuf brasses d'eau, fond de sable fin; mais ce mouillage n'est guères bon, à moins que les vents ne foient à la terre. (a) Vayrac, Etat présent de l'Espagne, l. 1, p. 126. (b) Silva, Poblac. de Espana, p. 244. TARRAS, ville de l'ifle de Sardaigne, sur la côte occidentale de l'ifle. Prolomée, 1.3,1.3, la marque entre le port Coracodes & l'embouchure du fleuve Thyrfus. Simler dit que c'est la ville Tharros que l'itinéraire d'Antonin place fur la route de Tibuli à Sulci, entre Corni & Othoca, à dix-huit milles du premier de ces lieux, & à douze milles du second. Au lieu de Tharros, quelques manuscrits portent Tharbos, & d'autres Tharpos. Le nom moderne est Large, felon Marius Niger. TARRATE, contrée du royaume d'Ethiopie ou d'Abis. finie, au royaume de Tigré. Davity, Etats du grand Negus, p. 489, dit que le pays des Tarrate est au nord de Caxumo, & contient le grand monastère de l'Alleluya, un autre nommé Abbagarima, dont les lettres d'Ethiopie parlent avec tant d'avantage, le lieu d'Angeba, qui a un béténégus ou palais royal, où personne ne peut demeurer s'il n'est lieutenant de roi; Agro honoré pareillement d'un bérénégus, & Angugui. TARRAUBE, bourg de France, dans le bas Armagnac, éléction de Lomagne. TARREGA, ville d'Espagne, dans la Catalogne, (a) à fix lienes de Lérida, sur la route de cette ville à Barcelone. Elle est bâtie sur une colline près de la riviere Cervera, & entourée d'une muraille. Les Romains la peuplerent plusieurs années avant l'ére vulgaire, (6) & alors on la nommoit TARRAGA. Voyez ce mot. Dans la suite les Maures s'en emparerent; mais dom Raymond Beranger, en 1163, il la fit re comte de Ba Barcelone, la leur enleva bâtir & la fortifia. C'est aujourd'hui le chef-lieu d'une viguerie. Son territoire abonde en bled, vin, huile, bétail, gibier & poiffon. (a) Jaillot, Atlas. (b) Silva, Poblac. de Espana, p. 251. TARRICINENSIS RESPUBLICA. On trouve ce nom fur une médaille rapportée dans le trésor de Goltzius, Ortelius soupçonne que TARRICINENSIS est là pour TarRACINENSIS; dans ce cas il feroit question de la ville de TERRACINE. TARRON on TARRUM, ville de la Mauritanie Césariense. Ptolomée, 1.4, c. 2, qui la niarque dans les terres, la place entre Turaphilum & Garrha. TARSA. Etienne le géographe donne ce nom à un village bien peuplé, au voisinage de l'Euphrate, à quinze stades de ce fleuve, & à cent cinquante stades au-dessous de Samosare. TARSATICA, ville de l'Illyrie, selon Ptolomée, 1.2, 6.7, & Pline, 1.3, 6. 27. Dans l'itinéraire d'Antonin, cette ville est nommée Tarfaticum on Tharfaticum, & marquée fur la route d'Aquilée à Siscia, en passant par la Liburnie, entre ad Titulos & ad Turres, à dix sept milles du premier de ces lieux, & à vingt milles du second. On croit communément que c'est aujourd'hui la ville de Fiume, dans la Carniole. TARSCHIZ, nom d'un château de la province de Khorassan. * Il étoit occupé par des brigands ou affaffins de la faction des Mohedah ou Ismaëlites de Perse; mais le fultan Tacash Khan, les en chassa, & extermina leur race. * D'Herbelot, Biblioth. orientale. TARSENE. Voyez BOANE. télius. 1. TARSIA, contrée de l'Asie mineure, au voisinage de la Bithynie, felon Porphyrogénéte, cité par Ortélius. Ce font les habitans de cette contrée que Porphyrogénéte nomme THARSIATE. 2. TARSIA, ville de l'Asie mineure, selon Nicétas. Elle donnoit apparemment le nom à la contrée. Voyez l'article précédent. 3. TARSIA, petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, entre les rivieres Sénito & Crate, environ à cinq lieues au midi de Caffano. On prend cette petite ville pour l'ancienne Caprafe, que Corneille. & Maty confondent mal-à-propos avec Caprafia. Voyez CAPRASE & CAPRASIA. * Magin, Carte de la Calabre citérieure. TARSIANA', ville de la Carmanie. Elle étoit dans les terres entre Chodda & Alexandria, selon Ptolomée, l. 6, c. 8. Au lieu de Tarsiana, le manuscrit de la bibliotheque palatine lit TARUANA. TARSIATE. Voyez TARSIA I. TARSICUM MARE. Voyez THARSIS. 1. TARSIUM, ville de la basse Pannonie, felon Pro lomée, 1. 2, c. 16, qui l'éloigne du Danube, & la marque entre Baffiana & Sirmium. C'est la ville de Tarfum ou Tarfus d'Aurelius Victor, Epitom. p. 51 & 56, qui dit que les empereurs Tacite & Maximin y finirent leurs jours. 2. TARSIUM ou TARSIA, promontoire de la Carmanie ou de la Perse. Arrien, in Indicis, no. 37, dit qu'il entroit fort avant dans la mer. TARSIUS, fleuve de l'Asie mineure, dans la Troade: Il traversoit la contrée appellée Zeleja, & il y ferpentoit tellement, qu'on le passoit vingt fois en suivant le grand chemin. TARSOK, ou TUERSOCK, ou TUERIOGK, petite ville de Moscovie, dans le duché de Tuere. TARSOU, nom moderne de la ville de Tarse. Voyez TARSUS. TARSU. Voyez ZEPHYRIUM PROMONTORIUM. TARSURA, fleuve de la Colchide. Arrien, dans son périple du Pont-Euxin, met l'embouchure Tarsuras entre celles des deux fleuves Singames & Hippus, à cent vingt stades du premier de ces deux fleuves, & à cent cinquante stades du second. On croit que Tarfura s'appelle aujourd'hui Ochums, riviere de la Mingrelie. 1. TARSUS, ville d'Asie, dans la Cicile. Il est difficile de donner l'origine de cette ville. Tous les anciens qui en ont parlé, l'ont mêlée de fables. Etienne le géographe écrit que c'est une colonie des Argiens. Quoi qu'il en soit, il est constant que la ville de Tarse étoit très-ancienne, & qu'elle avoit été fondée par les Grecs, ou du moins qu'elle avoit été augmentée par une colonie grecque, & que ses habitans excellerent dans l'étude des belles lettres, de la philosophie, & de toutes les sciences qui étoient cultivées chez les Grecs; puisque Strabon ne craint point de dire qu'ils furpasserent en cela Athenes, Alexandrie, & toutes les autres académies du monde : Tantum his hominibus (Tarsensibus) studium rerum philosophicarum & disciplinarum omnium quas encylias vocant, inceffit, ut & Athenas & Alexandriam, & fi quis alius locus ubi philosophia & humaniorum artium Schola funt, superaverint. * Cellarius Geogr. ant. 1. 3, c. 6. Le Cydnus traversoit la ville de Tarse, selon le témoignage de Denys le Périégéte, de Strabon, de Pomponius Mela, de Pline, d'Arrien & d'Ammien Marcellin. Strabon ajoute que cette ville étoit très-peuplée, fort puissante, & soutenoit avec éclat sa dignité de métropole. Pline l'appelle ville libre: elle l'avoit apparemment été anciennement comme colonie grecque, & Pline nous apprend qu'elle jouissoit aussi de sa liberté sous les Romains. Quelques-uns croient qu'elle mérita aussi les priviléges de colonie par son grand attachement à Jules-César, & que ce privilege communiqua à tous ses citoyens la qualité de citoyens Romains. Saint Paul, qui étoit né à Tarse, jouissoit Tarse étoit seulement ville libre, & non colonie romaine TARSE. Voyez TARSUS & THARSIS. TARSEA. Voyez TARSUS. TARSEIUM, ville qu'Etienne le géographe, qui cite de ce droit par sa naissance. D'autres soutiennent que Polybe, place près des colonnes d'Hercule. du tems de saint Paul, parce que l'on ne remarque dans les médailles aucun vestige de ce titre de colonie romaine avant le regne de Caracalla, ou d'Héliogabale; & qu'ainsi le privilége de citoyen romain n'appartenoit pas à l'apôtre limplement comme citoyen de Tarse, mais par quelque droit particulier, que fon pere & ses aïeux avoient acquis. Prolomée place cette ville dans les terres, & Pline dit qu'elle étoit loin de la mer, procul à mari; cependant Strabon remarque qu'il n'y a pas plus de cinq stades de Tarse à l'embouchure du Cydnus: Indè [ à Tarso ) non plura quam quinque stadia funt ad Cydni oftia. Un fi petit espace auroit-il engagé les anciens géographes à mettre cette ville dans les terres, & à la dire éloignée de la mer, procul à mari? Il faut que ce passage de Strabon soit corrompu. Il avoit fans doute écrit πεντήκοιτα, quinquaginta. Cette conjecture est d'autant mieux fondée, que les voyageurs modernes mettent la ville de Tarse, aujourd'hui appellée TARSOU, à fix milles de la mer. Lucas, dans son voyage de l'Afie Mineure, dit qu'elle n'est qu'à huit lieues d'Adana. On passe sur un beau pont de pierres, & la riviere qui coule defssous se nomme Merihafa ou Synduos. Quand on est arrivé aux démolitions, on entre d'abord par une grande porte encore entiere, faite de grofles barres de fer quarrées, de vingt pouces. d'épailleur fur chaque côté, & elles ont chacune près de trente pieds de hauteur. Les abords de Tarse sont toutes en ruines: le peu qui reste, & où il y a des habitans, ne mérite pas que l'on en parle. Les Grecs n'y ont pour église qu'une chaumiere, dont la vue fait affez connoître leur indigence. L'église des Arméniens est passablement belle. Ils racontent que c'est saint Paul qui l'a fait bâtir. On y voit une pierre de marbre qu'ils prétendent être celle cù les apôtres étoient affis lorsque JESUS-CHRIST leur lava les pieds. Ils disent encore que le vendredi saint il fort de cette pierre une grande abondance d'eau, dont ils rempliffent plusieurs vases, & ils ajourent que cette ean guérit un grand nombre de maladies. Les habitans de Tarfe aflurent que c'est chez eux qu'est mort le prophéte Daniel, & on montre une mosquée, sous laquelle on prétend qu'il est enterré. Les Turcs y ont mis, fur une grande tombe, un cercueil de bois, qu'ils révérent, & ils le font voir à ceux qui vont à Tarse comme une rareté. Ce cercueil est toujours couvert d'un drap noir en broderie. On détruisit en 1705 les anciennes murailles de la ville, pour y bâtir des camps & des maisons. Tarse n'est pas peuplée, parce que la peste y est presque toujours. Ce n'est pas que l'air y soit mauvais; mais la malpropreté des habitans est extrême: ils n'ont aucun soin de faire ôter les immondices de leur ville. A juger de Tarse par ses anciennes enceintes, elle avoit plus de quatre lieues de tour. Lucas prétend que c'est dans les tremblemens de terre qu'il faut chercher la cause de sa destruction. On y voit des édifices renverfés, dont les fondemens semblent fortir de terre, c'est-à-dire, que le haut est en bas, & le bas en haut. Il ajoute qu'il n'y vit qu'une petite inscription: elle parle d'un certain Europe, qu'elle marque avoir été gouverneur ou général. Autour de ces démolitions croiffent en plusieurs endroits fous terre de petites racines semblables à des œufs de pigeon, & que l'on appelle en turc taupalac. Ces racines font un peu plates, & ont en même tems de petits rejettons déliés comme des cheveux. On attribue à ces racines des vertus admirables. L'opinion commune est qu'il y a de grands trésors cachés sous les ruines de Tarse, & cela peut fort bien être, si cette ville a été renversée par un tremblement de terre. Une ville si célébre devoit abonder en richesses. 2. TARSUS, ville de Bythynie, selon Etienne le géographe, qui la nomme aufli TARSEA. 3. TARSUS, contrée de la Bithynie. C'est Etienne le géographe qui en fait mention. 4. TARSUS. Ifidore donne ce nom à un lieu de l'Inde. TARTA, mot corrompu par Corneille: il faut lire TATTA. Voyez TATTA. TARTANE, (la) petite anse de l'Amérique feptentrionale, dans la Martinique, à la partie méridionale de la Caravale. TARTANIUS AMNIS, fleuve dont il est fait mention dans un fragment de l'histoire de Salustre. Il semble que ce fleuve étoit aux environs de la Bithynie. TARTARES, peuples qui habitent une grande partie du continent de l'Afie. Ils occupent tout le nord de l'Afie, & font partagés présentement en trois nations différentes; 1o. les TARTARES , proprement dits ; 2° les CALLMOUCKS; 30. les MOUNGALES. Quoique les autres peuples païens, qui font dispersés par toute la Sybérie, & fur les bords de la mer Glaciale, descendent des Tartares, on ne les confidere pas aujourd'hui comme en faisant partie, mais comme des peuples sauvages : & fi l'on en trouve quelques-uns de plus civilisés vers les frontieres des Callmoucks & des Moungales, il faut les confidérer plutôt comme des branches nouvellement séparées de ces deux nations, que comme faisant partie des anciens habitans de la Sibérie. Les TARTARES proprement dits, font tous profeffion du culte mahométan, quoiqu'il y en ait quelques branches dont la religion paroît tenir beaucoup plus du paganisme que du culte de Mahomet. Ils sont subdivisés de rechef en plusieurs branches, dont les plus confiderables font les Tartates USBECKS, qui habitent entre le pays de Charafs'm & les états du grand Mogol, au nord-est de la Perse : les Tartares de Chiva, qui sont compris ordinairement fous le nom de Tartares Ufbecks, & habitent le Charafs'm, aux environs des embouchures des rivieres d'Amú & de Khefell; les KARA-KALLPAKKS, qui habitent les bords de la riviere de Sirr, à l'est de la mer Caspienne, & au nord des Tartares de Chiva; la CASATSCHIA ORDA, qui habite aux environs de la riviere de Jemba, au nord est de la mer Caspienne; les TARTARES DE NAGAY, qui habitent entre la riviere de Wolga & celle de Jaïck au nord de la mer Caspienne; les TARTARES BACHKIRS, qui habitent vers le pied des montagnes des Aigles, à l'est de la riviere de Wolga; les TARTARES d'UFFA, qui habitent dans le royaume de Cafan, au nord des Baschkirs, entre la riviere de Wolga & les montagnes des Aigles; les CIRCASSES, qui habitent à l'ouest de l'embouchure de la riviere de Wolga, & au nord ouest de la mer Caspienne; les TARTARES DAGHESTANS, qui habitent au fud des Circaffes, & à l'ouest de la mer Caspienne; les TARTARES KOUBANS, qui habitent sur les bords de la riviere de Kouban, entre le Palus Méotides & la mer Noire, au pied des montagnes du Caucase; les TARTARES DE LA CRIMÉE, qui habitent dans la presqu'ifle de la Crimée, & fur les bords du nord des Palus Méotides, & de la riviere de Don & celle de Borysthène; les TARTARES DE BUZIACK, qui habitent entre la riviere de Borysthène & le Danube, à l'ouest de la mer Noire. Tous ces Tartares Mahométans, font ordinairement d'une taille médiocre, mais bien renforcée : ils ont le teint fort basané, les yeux bien coupés, noirs & vifs, mais le tour du visage fort large & affez plat, avec un grand nez aquilin; enforte qu'on les peut diftinguer aux traits du visage des Callmoucks & des Moungales. Leurs habillemens sont différens, felon les différens pays qu'ils occupent : ceux qui habitent aux frontieres de Perse & des Indes, imitent l'habillement de ces nations; les autres, qui habitent vers les frontieres de la Ruffie, se mettent à peu près comme les Ruffes; & ceux enfin qui habitent vers les frontieres des Turcs", fe conforment beaucoup à la maniere de s'habiller de cette nation. On peut dire en général que tous les Tartares Mohométans ne vivent quasi que de ce qu'ils peuvent voler fur leurs voifins, auffi-bien en tems de paix qu'en tems de guerre, en quoi ils font bien différens des Callmoucks & des Moungales, qui, quoique païens, vivent tranquillement du produit de leurs troupeaux, & ne font de mal à personne à moins qu'on ne leur en falfe. * Histoire générale des Tartares, p. 7 & fuiv. Tous les Tartares prétendent être issas de Turck, fils aîné de Japhet; & comme ils supposent que Japhet, avant que de mourir, le défigna pour être, après lui, chef de toute fa famille, il se croient d'une extraction bien plus noble que les peuples voisins, qu'on croit descendre des autres fils de Japhet. Du moins il est certain qu'ils ont toujours porté le nom des Turcs, jusqu'à ce que ZingisKhan ayant rangé toutes les tribus de certe nation fous fon obéiffance, le nom des Turcs a insensiblement fait place à celui des Tartares, sous lequel nous les connoillons à présent. Mais ils l'on confervé entr'eux, & prétendent qu'aucune autre nation n'a droit de le porter que la leur. Ils ont pris ce nom d'un des fils jumeaux d'Alinge-Khan, ap 4 pellé Tatar. Tatar donna son nom à une seule tribu, & c'est d'elle que les étrangers ont emprunté le nom de Tatars qu'ils donnent maintenant à toute la nation turque. Il est impossible de dire positivement à quelle occasion cela est arrivé ; cependant il paroît que nous devons l'usage de ce nom, dans l'étendue où on le prend à présent, aux missionnaires nestoriens, que nous savons avoir étendu fort loin, dans les neuf & dixiéme siècles, leurs conversions du côté du Tangut, & des autres provinces situées à l'est de ce royaume, qui étoient occupées alors par les différentes branches de la tribu des Tartares, & par les alliés de cette tribu; & comme ces missionnaires prétendoient donner une grande idée au monde de l'avantage qui revenoit au christianisme, ils ne manquoient pas de vanter la puissance des princes Tartares, aux cours des quels ils avoient accès, leur attribuant des empires, des titres & des richesses, qui ne subsistoient que dans leur imagination; mais ils n'avoient garde de dire que les Mogoules, chez lesquels ils n'avoient point d'accès, avoient des princes du moins aussi puissans que ceux des Tartares; peut-être qu'ils n'avoient aucune connoissance distincte de cette branche si considérable de la nation turque, qui habitant pour lors au nord de la tribu des Tartares, pouvoit être regardée par eux, posé qu'ils en eussent quelque connoissance, comme un peuple sauvage & barbare. Quoi qu'il en soit, il y a apparence que le monde, prévenu par les infinuations de ces missionnaires, se fit insensiblement une habitude de donner le nom de Tartares à tous les peuples qui habitoient dans l'Asie septentrionale, & qu'elle étoit établie du tems de l'invasion de Zingis-Khan dans l'Asie méridionale; car quand on sçut que ce prince des Mogoules étoit en même tems souverain des Tartares, on crut aussi que tous les peuples de ces quartiers étoient des Tartares. Les Chinois, qui ne se mettent guère en peine de ce qui se passe chez leurs voisins ne se sont accoutumés de donner le nom de Tartares à toute la nation turque en général, que parce qu'ils n'en connoissoient que la seule tribu des Tartares qui habitoit fur leurs frontieres, & avec laquelle ils avoient aflez souvent des démêlés. Les Tartares, tant Mahometans, que Callmoucks & Moungales, prennent autant de femmes légitimes qu'ils veulent, & y ajoutent souvent un grand nombre de concubines, qu'ils choisissent d'ordinaire parmi leurs esclaves. Les Tartares Mahometans obfervent quelques degrés de parenté, dans lesquels il leur est défendu de se marier; & les Calmoucks & les Moungales, à l'exception de leurs meres naturelles, n'observent aucune proximité de sang dans leurs mariages. Les enfans qui naissent des femmes légitimes ou des concubines, sont également légitimes & habiles à hériter de leurs peres; toutefois avec cette réservation, que si le pere a été khan ou chef de quelque tribu, les fils issus des femmes légitimes lui succédent toujours préférablement à ceux qui sont nés des concubines; cela s'entendsi long-tems que la violence ou l'intrigue n'en dispose pas autrement. Tous les Tartares sont accoutumés de tirer la même nourriture des chevaux que nous tirons des vaches & des bœufs : ils ne mangent communément que de la chair de cheval & de brebis, rarement de celle de bœuf ou de vache, qu'ils n'estiment pas à beaucoup près si bonne. Le lait de jument leur sert aux mêmes usages que le lait de vache à nous, & on affure que le lait de la jument est bien meilleur. Outre cela, il est à remarquer que quasi par toute la grande Tartarie, les vaches ne souffrent absolument point qu'on leur tire le lait, elles en nourrissent à la vérité leur veaux ; mais d'abord qu'on les leur ôte, elles ne se laissent point approcher pour se faire traire, elles perdent même incessamment le lait dès qu'elles ne voient plus leurs veaux; en sorte que c'est une espèce de nécessité qui a introduit l'usage du lait jument chez les Tartares. Ils savent tirer de ce lait une eau-de-vie en le faisant aigrir d'une certaine maniere pendant deux nuits, ensuite ils le mettent dans un pot de terre, qu'ils ont soin de bien boucher par-tout, & après y avoir mis un tuyau, ils le font passer au feu, & cette eau-de-vie n'est pas moins bonne ni moins claire que celle que nous distillons de nos grains; mais il faut pour cet effet qu'elle soit paffée deux fois au feu: ils donnent le nom d' Arack à cette eaude-vie, à l'exemple des Indiens leurs voisins, qui appellent toutes leurs liqueurs fortes de ce nom. Tous les Tartares en général aiment la boisson; & lorsqu'ils peuvent avoir des liqueurs fortes, ils en boivent jusqu'à ce qu'ils tombent par terre; en quoi ils différent extrêmement du reste des Orientaux, qui ont généralement l'yvrognerie en horreur. Lorsque les Tartares veulent se réjouir entr'eux, ils apportent chacun autant de boisson forte qu'ils en peuvent ramafler, & boivent nuit & jour, sans bouger de la place, jusqu'à ce que le tout foit confumé. Les Tartares Mahométans sont obligés par les devoirs de leur culte, d'y apporter plus de ménagement que les Tartares païens ; & c'est pour cette raison qu'on ne remarque pas tant ce défaut aux Tartares Ufbecks, de la Crimée & de Budziack, qu'aux autres qui vivent sous la protection de la Ruflie, & qui ne font que des Mahornétans à gros grain, en quoi il y a apparence que le climat, où les premiers habitent, bien plus doux que celui des autres, leur est d'une grande aide; car nous voyons que par une inclination naturelle, tous les peuples qui habitent vers le nord font adonnés aux boislons fortes. C'est par cette raison que les Espagnols & les Italiens sont moins adonnés à la boiffon que les Allemands & les Anglois, ceux-ci moins que les Polonois, les Danois & les Suédois, & ces derniers moins que les peuples de la Novégue, de la Finlande & de la Ruffie. La même proportion a encore lieu dans la grande Tartarie, où les Tartares Ufbecks & les Callmoucks, qui habitent dans le Tangut, sont moins adonnés à ce vice que les Moungales & les Callmoucks qui habitent au nord de la Chine & des états du grand Mogol, & que les autres Tartares Mahométans, qui habitent au nord de la met Caspienne, & ces derniers bien moins que les Tartares qui habitent dans la Russie & la Sibérie, ce qui ne peut provenir que d'un tempérament & d'un sang plus froid dans ces nations, à mesure qu'elles habitent plus vers le Pole. Tous les Tartares aiment encore beaucoup le tabac: ils fument tous, grands & petits, hommes & femmes, avec excès. Cette passion de fumer est si grande chez les Toungous, les Oftiakes, les Samoyédes & autres peuples païens de la Siberie, que pour ne pas perdre la fumée du tabac ils l'avalent, ce qui les fait tomber, après en avoir tiré quelques bouchées, dans de grandes convulfions qui leur durent un quart d'heure, plus ou moins, selon le tempérament des personnes; puis étant revenus à eux, ils jettent pour l'ordinaire une grande quantité de pituite, ce qui déchargeant beaucoup leurs estomacs chargés de mauvaises nourritures que ces peuples sont accoutumés de prendre, leur fert d'une excellente médecine. Ils ont une maniere tout-à-fait finguliere de combattre, en laquelle ils sont fort habiles. En allant à l'action ils se partagent sans aucun ordre ni rang en autant de troupes qu'il y a de tribus ou de hordes particulieres qui composent l'armée, & en cette forte ils vont charger les ennemis la lance à la main, chaque troupe ayant son mursa ou chef particulier à la tête. Ils ne se battent qu'à cheval, & n'ont point l'usage de l'infanterie. L'arc & la fléche font leurs meilleures armes, dont ils tirent avec tout autant, & même plus d'adresse en fuyant qu'en avançant, & c'est pour cela qu'ils ne cherchent point d'en venir aux coups de main avec leurs ennemis, à moins de quelque grand avantage, trouvant mieux leur compte à les harceler de loin, en quoi la vîtefle de leurs chevaux leur est d'un grand secours; car le plus souvent lorsqu'on les croit absolument en déroute, ils ne manquent pas de venir tomber sur leurs ennemis avec plus de vigueur qu'auparavant, & pour peu qu'on se soit presse à les poursuivre sans garder l'ordre nécessaire en cette occafion, on court de terribles risques avec eux. Tous les Tartares en général, de quelque pays ou religion qu'ils puiffent être, ont une exacte connoiffance des Aimacks on Tribus, dont ils sont sortis, & ils en confervent soigneusement la mémoire de génération en génération. Quoique même par la suite du tems une telle tribu vienne à se partager en diverses branches, on ne laisse pas de compter toujous ces branches d'une telle tribu; en sorte qu'on ne trouvera jamais un Tartare, quelque groffier qu'il puisse être d'ailleurs, qui ne sache de quelle tribu il est. Chaque tribu ou chaque branche séparée d'une tribu a son chef particulier, pris dans la tribu qui prend le nom de Mursa, & c'est proprement une espéce de majorat, qui doit tomber régulièrement d'aîné en aîné dans la postérité du premier fondateur fondateur d'une telle branche ou tribu, à moins que quelque cause violente & étrangere ne trouble cet ordre de fucceffion. Un tel mursa doit avoir annuellement la dîme de tous les bestiaux de ceux de sa tribu, & la dîme du butin que fa tribu peut faire lorsqu'elle va à la guerre. Toutes les familles qui composent une tribu, campent d'ordinaire ensemble, & ne s'éloignent point du gros de l'ordre sans en faire part à leur mursa, afin qu'il puisse savoir où les prendre lorsqu'il veut les rappeller. Ces murses ne sont confidérables à leur khan qu'à proportion que leurs khans ou tribus font nombreuses, & les khans ne font redoutables à leurs voisins qu'autant qu'ils ont beaucoup de tribus, & des tribus composées d'un grand nombre de familles sous leur obéissance: c'est en quoi consiste toute la puissance, la grandeur & la richeffe d'un khan des Tartares. Il faut observer ici que le mot Orda, est en usage ehez tous les Tartares, pour parler d'une tribu qui est assemblée pour aller contre les ennemis, ou pour d'autres raisons particulieres. en Quoique la vie errante ait été de tout tems propre aux Tartares, & que même tout ce qu'on en trouve dans l'histoire depuis Ögus-Khan jusqu'aux siécles présens réponde parfaitement aux mœurs, au culte & aux coutumes des peuples qui occupent maintenant la grande Tartarie; cependant plusieurs historiens ont été & font encore du sentiment, que ce pays a été autrefois habité par d'autres peuples plus civilisés; mais fur quoi sont fondées leurs opinions? Jusqu'à préfent on n'a eu que des connoissances confufes & fabuleuses de ce pays. D'ailleurs la figure extérieure & reflemblante de tous les peuples du nord de l'Asie, depuis le Japon jusqu'à la riviere de Wolga, fait beaucoup contre eux. On y trouve cependant deux choses quienmbarrassent les curieux. La premiere est, qu'en plusieurs endroits de la grande Tartarie, vers les frontieres de la Sibérie, on voit des petites collines sous lesquelles on trouve des squelettes d'hommes accompagnés des Iquelettes de chevaux, & de plusieurs fortes de petits vases & joyaux d'or & d'argent; on y trouve même des squelettes de femmes avec des bagues d'or aux doigts, ce qui ne paroît convenir en aucune maniere aux habitans d'à present de la grande Tartarie; & cela est si vrai, que du tems queles priTonniers Suédois étoient en Sibérie, ils alloient par troupes à la recherche de ces tombeaux, les Russes de leur côté faisoient de même : & comme les Callmoucks ne vouloient point permettre qu'on se fit une habitude de venir spolier ces tombeaux jusques bien avant sur leurs terres, ils tuerent en diverses occasions bon nombre de ces aventuriers; en forte qu'il est à présent sévérement défendu par toute la Sibérie d'aller à la recherche de ces tombeaux. La seconde est qu'en 1721, un certain médecin envoyé par l'empereur de la Ruffie pour examiner les diverses plantes & racines que la Sibérie peut produire, étant arrivé en compagnie de quelques officiers prifonniers Suédois du côté de la riviere de Tzulim, à l'ouest de la ville de Krasnoyar, trouva au milieu de la grande Steep, qui regne de ce côté, une espéce d'aiguille taillée d'une pierre blanche, ayant environ seize pieds de haut, & quelques centaines d'autres petites d'environ quatre à cinq pieds de hauteur, disposées tout à l'entour de la premiere; ; il y avoit une inscription sur l'un des côtés de la grande aiguille, & plusieurs caracteres sur les petites, que le tems avoit déja effacés en plusieurs endroits; & à juger de ce qui reste de l'inscription qu'on trouve sur la grande aiguille, les caracteres n'ont aucune connexion avec ceux des langues qui font à présent en usage dans le nord de l'Asie; & ces fortes d'ouvrages conviennent d'ailleurs si peu au génie des Tartares qu'il est quasi impossible de pouvoir croire, qu'eux, ou leurs ancêtres, ayent jamais été capables de concevoir un semblable dessein; fur-tout si l'on considere que ni dans le voisinage de l'endroit où ces monumens setrouvent, ni à cent lieues à la ronde, il n'y a point de carrieres d'où on ait pu tirer ces pierres, & qu'elles n'y peuvent avoir été apportées que par la riviere de Jenisea : cependant le fait eft conftant. Tout ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que le tems & les découvertes que l'on fera peu à peu, à mesure qu'on aura des connoissances plus exactes de ce vaste continent, donneront peut être des éclaircissemens là-dessus. Mais à l'égard des joyaux d'or & d'argent qu'on trouve dans les tombeaux, il me paroît fort vraisemblable que ce sont les tombeaux des Mogoules, qui accompagnerent Zingis- Khan dans la grande irruption qu'il fit dans l'Asie méridionale, & de leurs descendans dans les premieres générations; car comme ces gens emportent quasi toutes les richesses de la Perse, du pays de Charass'm, de la grande Boucharie, du royaume de Caschgar, du Tangut, d'une partie des Indes & de tout le nord de la Chine, ils pouvoient avoir beaucoup d'or & d'argent; & d'autant que la plupart des Tartares païens ont encore à préfent la coutume, lorsque quelqu'un des leurs meurt, d'enterrer fon meilleur cheval, & les plus précieux de ses meubles avec lui, pour pouvoir fervir à fon usage dans l'autre monde, ils n'auront pas manqué pour lors d'enterrer des vases d'or & d'argent avec leurs morts, filong-tems qu'ils en auront eu; enforte que toute la différence entre ces tombeaux & ceux des Tarrates païens d'à présent se réduit seulement à ce qu'il ne leur reste plus de ces richesses, & ce qu'ils enterrent avec leurs morts consiste ordinairement en quelques écuelles de bois & autres semblables ustensiles de peu de prix, qui ne laislent pas de leur paroître un objet confidérable par rapport aux services qu'ils en peuvent tirer dans leurs petits ménages. Ajoutez à cela, que vû la vénération extraordinaire que tous les Tartares païens ont généralement pour le tombeau de leurs ancêtres, on peut prendre l'opposition que les Callmoucks firent à ceux qui alloient à la recherche de ces tombeaux, comme une marque certaine de ce qu'ils regardoient ces tombeaux comme ceux de leurs ancêtres, puisqu'il n'y a que cette seule considération qui peut avoir porté des gens aussi pacifiques que le font naturellement les Callmoucks, à en venir aux voies de fait dans une semblable occasion. Les Tartares, pour marquer leur amour & leur vénération à leurs sujets, ont dans tous les tems pris leur nom. Nous avons vu que les Moguls ou Mongals ont pris ce nom de deux princes, leurs chets. C'est aussi d'Ufbeck-Khan que vient le nom des Tartares Ufbeck de la grande Boucharie & du Charass'm. Les Moungales de l'est ont adopté le nom de Manfueurs de Manfueu Khan, bifayeul du défunt empereur de la Chine. Tout nouvellement les Callmacki Dfongari, sujets du Contaisch ou Grand Khan des Callmoucks, viennent de prendre le nom de Contaischi, enforte qu'on ne les appelle plus présentement dans la Sibérie, & les autres pays voisins que Contaisches. Les Tartares, quoiqu'ils ayent des habitations fixes, ne laissent pas en voyageant d'un endroit à l'autre de porter avec eux tous les effets de prix qu'ils peuvent avoir, ce qui est encore un reste de vivre de la maniere de leurs ancêtres, avant qu'ils eussent des demeures fixes; de-là vient que lorsqu'il leur arrive de perdre une bataille, leurs femmes & leurs enfans restent ordinairement en proie au vainqueur avec tout leur bétail, & généralement tout ce qu'ils ont. Ils n'agissent ainsi que pour ne pas laisser leurs biens & leur famille en proie aux autres Tartares leurs voisins, qui ne manqueroient pas de profiter de leur absence pour les venir enlever à la premiere occasion. D'ailleurs comme on ne sauroit voyager dans les vastes landes de ce pays, qu'en menant avec loi la quantité de bétail vivant dont on peut avoir besoin pour sa subsistance en chemin, ils trouvent plus de commodité à mener toute leur famille avec eux, qui en peut avoit besoin, que d'en être chargés eux-mêmes dans le tems qu'il s'agit de toute autre chose, & cette maniere de voyager avec toute forte de bétail vivant est si nécessaire dans ces quartiers, où l'on ne trouve à plusieurs cents lieues que de l'herbe, & quelquefois de l'eau, que les caravanes de la Sibérie qui vont trafiquer à Pekin, font obligées d'en user de même depuis Sélinginskoy jusqu'à Pekin. Comme les Tartares païens menent une vie fort simple, ils ne s'appliquent pas tant à faire des esclaves qui leur puissent servir, que les Tartares Mahométans: tout le bien des premiers consistant en bétail, qu'ils ont ordinairement sous leurs yeux, & pour la garde duquel ils n'ont besoin que de leur famille, ils n'ont garde de se charger de bouches inutiles. Il n'y a don que les khans & les murses qui gardent des esclaves pour le service de leurs familles lorsqu'ils en font sur leurs ennemis, & le reste en est réparti parmi leurs sujets, afin d'en augmenter le nombre, ce qui augmente en même tems leur revenu; mais chez les Tartares Mahometans les esclaves font un objet considérable : ils ne commencent même fort souvent la guerre avec leurs voisins que pour faire des esclaves, dont ils gardent pour leur fervice autant qu'ils en ont besoin, & vont vendre le reste où ils peuvent. Ce commerce va même si loin chez les Circasses, les Daghestans & les Tartares de Nagaï, que faure d'autres esclaves, ils ne se font pas une affaire de s'entrevoTome V. Hhhhh Aer les enfans, & de les aller vendre; & s'ils n'en peuvent attraper, ils vendent leurs propres enfans au premier qui se présente. Un Circaffe ou Tartare Daghestan, s'il est las ou mécontent de fa femme, il la vend à la premiere occasion, asion, & s'il a une fille qui a quelque beauté, il ne manque pas de la bien-promener par-tout, afin de la pouvoir vendre plus profitablement. Enfin, le commerce des esclaves fait toute leur richelle, & c'est pour cette raison que dès qu'ils voient une occafion favorable à faire un bon nombre d'esclaves, il n'y a ni paix ni alliance qui puisse tenir auprès d'eux contre une fi dangereuse amorce. Tous les Tartares généralement, même les peuples païens de la Sibérie, confervent encore la même façon à peu près en leurs bâtimens : car, soit qu'ils habitent dans des hutes, ou qu'ils ayent des demeures fixes, ils ne manquent pas de laisser toujours une ouverture au milieu du toit, qui leur fert en même tems de fenêtre & de cheminée : les hutes des Callmoucks & des Monngales font en rond, d'un assemblage de plusieurs groffes perches d'un bois léger de la hauteur de la hute, jointes ensemble par des bandes de cuir, afin de les pouvoir drefler & transporter avec d'autant plus de facilité; ils les couvrent en-dehors d'un feutre épais pour y pouvoir être à l'abri du froid & du mauvais tems; la place du feu est au milieu de la hute, directement au-dessous du trou qu'ils laitsent au milieu du comble, & les dortoirs font tout à l'entour de la hute contre la clôture. Les nurfes & autres gens de distinction parmi eux, ont des hutes plus commodes & plus spacicules; ils ont même en été de grandes tentes de Kitayka, & en hiver des loges de planches couvertes de feutre, qu'ils peuvent aifément moniet & démonter. Le peu de Callmoucks qui ont des habitations fixes, les bâtislent en rond à l'imitation des hutes de ceux de leur nation, avec un toit en espéce de dôme, ce qui fait un tout d'environ deux toises de hauteur, dont le dedans eft tout-à-fait semblable à celui des hutes dont on vient de donner la description, n'y ayant ni chambres, ni fenêtres, ni greniers, mais le tout consistant en une seule piece de la hauteur & du contour de tout le bâtiment ; mais les Moungales de Nieucheu, que le commerce qu'ils ont avec les Chinois commence à dégourdir peu-à-peu, ont des maisons plus commodes & plus spacieuses: ils les bâtiffent en quarré, & donnent environ dix pieds de hauteur aux murailles des côtés, le toit en ressemble à peu près à ceux de nos maisons de paysans: ils y pratiquent même en quelques endroits de grandes fenêtres d'un papier de foie fort mince, accommodé exprès, & des dortoirs maçon nés de deux pieds de hauteur sur quatre de largeur, qui regnent tout à l'entour de la maison, & leur fervent en même tems de cheminée: car ils ont l'invention d'y faire du feu en-dehors d'un côté de la porte, & la fumée circulant par ce canal tout à l'entour de la maison n'en fort que de l'autre côté de la porte, ce qui, communiquant une médiocre chaleur à ces dortoirs, leur est d'une grande commodité en hiver. Toutes les habitations des Tartares, soit fixes, foit mouvantes, ont leurs portes tournées au midi, pour être à l'abri des vents du nord qui font fort pénétrants par toute la grande Tartarie. A moins que toute la grande Tartarie ne soit entre les mains d'un seul prince, comme elle l'étoit du tems de Zingis Khan, il eft impossible que le commerce y puisse fleurir: car maintenant que ce pays est partagé entre plusieurs princes, quelque porté que puisse être l'un ou l'autre d'entre eux à favorifer le commerce, il n'en peut rien faire, si ses voisins se trouvent dans des sentimens opposés. Les Tartares mahométans fur-tout, sont d'une indocilité extraordinaire là-dessus, & prévenus en faveur de la noblesse de leur extraction, ils regardent le trafic comme un métier indigne d'eux; ils se font gloire de dépouiller tout autant de marchands qu'il leur en tombe entre les mains, ou du moins de les rançonner à un fi haut prix, qu'ils en perdent pour jamais l'envie d'y revenir; ce qui rend la grande Tartarie quasi inaccessible aux marchands des nations de l'ouest, qui doivent absolument passer, ou fur les terres des Tartares mahométans, ou sur leurs frontieres, ieres, pour y entrer; mais du côté de la Sibérie, de la Chine & des lodes, les marchands y peuvent aborder en toute liberté, puisque les Callmoucks & les Moungales négocient fort paisiblement avec les sujets des états voisins qui ne sont pas en guerre avec eux. Comme chez tous les Tartares le pere est en quelque ma vient à niere le maître souverain de sa famille, rien n'égale le respect que les enfans en quelque âge ou situation qu'ils puis. fent le trouver, font accoutumés de marquer à leurs peres : mais les meres font peu considérées. Lorsque le pere mourir, les enfans doivent employer plusieurs jours à pleurer sa mort, & renoncer pendant ce tems à toutes fortes de plaisirs, de quelque nature qu'ils puiflent être, même les fils doivent s'abitenir en ces occasions de la compagnie de leurs femmes pendant plusieurs mois. Ontre cela les enfans font indispensablement obligés de ne rien menager pour rendre les funérailles de leur pere aussi honorables qu'il leur est possible, felon les coutumes du pays; & après tout cela, ils doivent du moins une fois par an aller faire leurs dévotions auprès du tombeau de leur pere, & fe fouvenir des obligations infinies qu'ils lui ont. Les Tartares païens remplitlent des devoirs si saints avec la derniere exactitude; mais ceux qui professent le culte mahométan n'y prennent pas garde de si près, fur-tout en ce qui regarde les honneurs qu'ils font obligés de rendre à la mémoire de leur pere après sa mort. Voyez les différens articles de TARTARES qui suivent, & le mot TARTARIE. Les Tartares BASKIRS OU BASCHKIRS. Voyez BAS KIRS. Les TARTARES - BURATTES. Voyez plus bas l'article TARTARES-TUNGUSES. Les TARTARES DE BUDZIACK habitent vers le rivage occidental de la mer Noire, entre l'embouchure du Danube & la riviere de Bog. Ils font une branche des Tartares de la Crimée: mais ils font indépendans du khan de Crimée & de la porte: leur extérieur, leur religion & leurs coutumes font tout-à-fait conformes à celles des Tartares de la Crimée; mais ils sont plus braves. Le brigandage fait la principale occupation de leur vie, & il n'y a ni paix, ni treve, ni amitié, ni alliance qui les en puisse retenir; ils vont même faire quelquefois des courses sur les terres des Turcs, d'où ils enlevent tous les chrétiens sujets de la Porte qu'ils peuvent attraper, après quoi ils se retirent chez eux. Lorsque les Turs ou d'autres puissances voisines envoyent de gros corps d'armée contr'eux, ils se retirent fur certaines hauteurs toutes environnées de marais, vers le rivage de la mer Noire, d'où il est quasi impossible de les déloger, parce qu'on ne fauroit y aborder que par des défilés fort étroits, où cinquante hommes peuvent arrêter facilement toute une armée nombreuse: & comme ces hauteurs qui font d'une asfez grande étendue, font les feules terres que les Tartares de Budziack cultivent, & que les pâturages n'y mariquent pas, ils n'ont rien qui les presse de sortir de-là avant que leurs ennemis se soient retirés; cependant ils ménagent les Turcs. Jusqu'à présent les Tartares de Budziack n'ont point eu de khan particulier, mais ils vivent sous le commandement des murses, chef des différens hordes qui composent leur corps, ils peuvent faire environ trente mille hommes. Ils font les plus méchans de tous les Tartares.* Hift. des Tatars, p. 473 & suiv. Les TARTARES-CALLMOUCKS. Voyez CALLMOUCKS. Les TARTARES DE LA CASATSCHIA ORDA. Voyez CASATSCHIA ORDA. Les TARTARES DE LA CRIMÉE OU PETITS TARTARES, font les Tartares dont on a eu jusqu'ici le plus de connoifsance en Europe, à cause de leurs fréquentes invasions dans la Pologne, la Hongrie & la Ruffie. Leurs khans prétendent descendre en droite ligne de Zugi-Khan, fils aîné de Gingis-Khan ou Gengiscan, comme nous le prononçons. Ces Tartares sont présentement partagés en trois branches, dont la premiere est celle des Tartares de la Crimée; la seconde, des Tartares de Budziack ; & la troisieme, des Tartares Koubans. Les Tartares de la Crimée sont les plus puissans de ces trois branches, on les appelle aussi les Tartares de Perekop, de la ville de ce nom, ou les Tartares Saporovi. Les Polonois leur donnent ce nom parce qu'ils habitent au-delà des cataractes du Boristhene. Voyez CRIMÉE. Les TARTARES CIRCASSES. Voyez CIRCASSIE. Les TARTARES DU DAGHESTAN OU DAGISTAN. Voyez DAGISTAN. Les TARTARES KOUBANS habitent au sud de la ville d'Aflof, vers les bords de la riviere de Kouban, qui a fa source dans la partie du mont Caucase que les Rulles appellent Turki Gora, & vient se jetter dans les Palus Méotides, à 46d 15' de latitude, au nord-est de la ville de Daman. Ces Tartares font encore une branche de ceux de la Crimée, & |