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trouve une petite riviere & quelques grandes maifons aux environs. La ville eft fituée à une petite portée de canon de la mer. Au-devant de la ville, il y a quelques demilunes & quelques redoutes de côté & d'autre, & fur le bord de la mer on voit une tour à fix côtés, pour défendre le mouillage; elle eft armée de trois piéces de canon. Il y a vis-à-vis cette tour un petit mole, qui s'avance droit dans la mer, environ foixante-dix toifes, lequel n'eft propre que pour les débarquemens & pour mettre de moyennes Barques à couvert des vents d'eft; du côté de l'oueft de ce mole, il y a quelques maifons de pêcheurs; on y peut faire de l'eau dans des jardins, qui font environ cinq à fix cents toifes vers l'oueft, où il y a une petite riviere avec un pont & quelques grandes maifons au bord de la mer. On mouille ordinairement vers le fud-oueft du mole à la petite portée du canon, par huit à neuf braffes d'eau, fond de fable fin; mais ce mouillage n'est guères bon, à moins que les vents ne foient à la terre. (a) Vayrac, Etat préfent de l'Espagne, l. 1, p. 126. (b) Silva, Poblac. de Espana, p. 244. TARRAS, ville de l'ifle de Sardaigne, fur la côte occidentale de l'ifle. Prolomée, l. 3, c. 3, la marque entre le port Coracodes & l'embouchure du fleuve Thyrfus. Simler dit que c'eft la ville Tharros que l'itinéraire d'Antonin place fur la route de Tibuli à Sulci, entre Corni & Othoca, à dix-huit milles du premier de ces lieux, & à douze milles du fecond. Au lieu de Tharros, quelques manuscrits portent Tharbos, & d'autres Tharpos. Le nom moderne eft Large, felon Marius Niger.

TARRATE, contrée du royaume d'Ethiopie ou d'Abis finie, au royaume de Tigré. Davity, Etats du grand Negus, p. 489, dit que le pays des Tarrate eft au nord de des Tarrate eft au nord de Caxumo, , & contient le grand monaftère de l'Alleluya, un autre nommé Abbagarima, dont les lettres d'Ethiopie parlent avec tant d'avantage, le lieu d'Angeba, qui a un béténégus ou palais royal, où perfonne ne peut demeurer s'il n'eft lieutenant de roi; Agro honoré pareillement d'un béténégus, & Angugui.

TARRAUBE, bourg de France, dans le bas Armagnac, éléction de Lomagne.

TARREGA, ville d'Espagne, dans la Catalogne, (2) à fix lieues de Lérida, fur la route de cette ville à Barcelone. Elle eft bâtie fur une colline près de la riviere Cervera, & entourée d'une muraille. Les Romains la peuplerent plufieurs années avant l'ére vulgaire, () & alors on la nommoit TARRAGA.Voyez ce mot. Dans la fuite les Maures s'en emparerent; mais dom Raymond Beranger, comte de Barcelone, la leur enleva en 1163, il la fit rebâtir & la fortifia. C'est aujourd'hui le chef-lieu d'une viguerie. Son territoire abonde en bled, vin, huile, bétail, gibier & poiffon. (a) Jaillot, Atlas. (b) Silva, Poblac. de Espana, p. 251.

TARRICINENSIS RESPUBLICA. On trouve ce nom fur une médaille rapportée dans le tréfor de Goltzius. Ortelius foupçonne que TARRICINENSIS eft là pour TARRACINENSIS; dans ce cas il feroit queftion de la ville de

TERRACINE.

TARRON ou TARRUM, ville de la Mauritanie Céfarienfe. Ptolomée, l. 4, c. 2, qui la marque dans les terres, la place entre Turaphilum & Garrha.

TARSA. Etienne le géographe donne ce nom à un village bien peuplé, au voisinage de l'Euphrate, à quinze ftades de ce fleuve, & à cent cinquante ftades au-deffous de Samofate.

TARSATICA, ville de l'Illyrie, felon Ptolomée, I. 2, c.7, & Pline, l. 3, c. 27. Dans l'itinéraire d'Antonin, cette ville eft nommée Tarfaticum ou Tharfaticum, & marquée fur la route d'Aquilée à Siscia, en paffant par la Liburnie, entre ad Titulos & ad Turres, à dix fept milles du premier de ces lieux, & à vingt milles du fecond. On croit communément que c'eft aujourd'hui la ville de Fiume, dans la Carniole.

TARSCHIZ, nom d'un château de la province de Khoraffan.* Il étoit occupé par des brigands ou affaffins de la faction des Mohedah ou Ismaëlites de Perfe; mais le fultan Tacash Khan, les en chaffa, & extermina leur race. *D'Herbelot, Biblioth. orientale.

TARSE. Voyez TARSUS & THARSIS.
TARSEA. Voyez TARSUS.

TARSENÆ. Voyez BOANE.

TARSI, ville de Syrie, felon Héfyche, cité par Or télius.

1. TARSIA, contrée de l'Afie mineure, au voisinage de la Bithynie, felon Porphyrogénéte, cité par Ortélius. Ce font les habitans de cette contrée que Porphyrogénéte nomme THARSIATÆ,

2. TARSIA, ville de l'Afie mineure, felon Nicétas. Elle donnoit apparemment le nom à la contrée. Voyez l'article précédent.

3. TARSIA, petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, entre les rivieres Sénito & Crate, environ à cinq lieues au midi de Caffano. On prend cette petite ville pour l'ancienne Caprafa, que Corneille. & Maty confondent mal-à-propos avec Caprafia. Voyez CAPRASE & CAPRASIA. Magin, Carte de la Calabre

citérieure.

*

TARSIANA', ville de la Carmanie. Elle étoit dans les terres entre Chodda & Alexandria, felon Ptolomée, l. 6, c. 8. Au lieu de Tarfiana, le manuscrit de la bibliotheque palatine lit TARUANA.

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TARSIATE. Voyez TARSIA I.

TARSICUM MARE. Voyez THARSIS.

1. TARSIUM, ville de la baffe Pannonie, felon Prolomée, l. 2, c. 16, qui l'éloigne du Danube, & la marque entre Baffiana & Sirmium. C'eft la ville de Tarfum ou Tarfus d'Aurelius Victor, Epitom. p. 51 & 56, qui dit que les empereurs Tacite & Maximin y finirent leurs jours.

2. TARSIUM ou TARSIA, promontoire de la Carmanie ou de la Perfe. Arrien, in Indicis, no. 37, dit qu'il entroit fort avant dans la mer.

Il

TARSIUS, fleuve de l'Afie mineure, dans la Troade. traversoit la contrée appellée Zeleja, & il y ferpentoit tellement, qu'on le paffoit vingt fois en fuivant le grand chemin.

TARSOK, ou TUERSOCK, Ou TUERIOGK, petite ville
de Moscovie, dans le duché de Tuere.

TARSOU, nom moderne de la ville de Tarse. Voyez
TARSUS.

TARSU. Voyez ZEPHYRIUM PROMONTORIUM.
TARSUM. Voyez TARSUS, no. 2.

TARSURA, fleuve de la Colchide. Arrien, dans fon
périple du Pont-Euxin, met l'embouchure Tarfuras entre
celles des deux fleuves Singames & Hippus, à cent vingt
ftades du premier de ces deux fleuves, & à cent cinquante
ftades du fecond.

On croit que Tarfura s'appelle aujourd'hui Ochums
riviere de la Mingrelie.

1. TARSUS, ville d'Afie, dans la Cicile. Il eft difficile
de donner l'origine de cette ville. Tous les anciens qui en
ont parlé, l'ont mêlée de fables. Etienne le géographe
écrit que c'eft une colonie des Argiens. Quoi qu'il en foit
il eft conftant que la ville de Tarfe étoit très-ancienne, &
qu'elle avoit été fondée par les Grecs, ou du moins qu'elle
avoit été augmentée par une colonie grecque, & que fes
habitans excellerent dans l'étude des belles lettres, de la
philofophie, & de toutes les sciences qui étoient cultivées
chez les Grecs; puisque Strabon ne craint point de dire
qu'ils furpafferent en cela Athénes, Alexandrie, & toutes
les autres académies du monde : Tantum his hominibus
[Tarfenfibus] ftudium rerum philofophicarum & disciplina-
rum omnium quas encylias vocant, inceffit, ut & Athenas &
Alexandriam, & fi quis alius locus ubi philofophia & huma-
niorum artium fchola funt, fuperaverint.
fuperaverint. Cellarius
Geogr. ant. 1. 35 c. 6.

Le Cydnus traversoit la ville de Tarfe, felon le témoi-
gnage de Denys le Périégéte, de Strabon, de Pomponius
Mela, de Pline, d'Arrien & d'Ammien Marcellin. Strabon
ajoute que cette ville étoit très-peuplée, fort puiffante, &
foutenoit avec éclat fa dignité de métropole. Pline l'ap-
pelle ville libre: elle l'avoit apparemment été ancienne-
ment comme colonie grecque, & Pline nous apprend
qu'elle jouiffoit auffi de fa liberté fous les Romains. Quel-
ques-uns croient qu'elle mérita auffi les priviléges de co-
lonie par fon grand attachement à Jules-Céfar, & que ce
privilége communiqua à tous fes citoyens la qualité de
citoyens Romains. Saint Paul, qui étoit né à Tarfe, jouissoit

TARSEIUM, ville qu'Etienne le géographe, qui cite de ce droit par fa naiffance. D'autres foutiennent que Polybe, place près des colonnes d'Hercule,

Tarfe étoit feulement ville libre, & non colonie romaine

ས །

du tems de faint Paul, parce que l'on ne remarque dans les médailles aucun veftige de ce titre de colonie romaine avant le regne de Caracalla, ou d'Héliogabale; & qu'ainfi le privilége de citoyen romain n'appartenoit pas à l'apôtre fimplement comme citoyen de Tarfe, mais par quelque droit particulier, que fon pere & fes aïeux avoient acquis. Prolomée place cette ville dans les terres, & Pline dit qu'elle étoit loin de la mer, procul à mari; cependant Strabon remarque qu'il n'y a pas plus de cinq ftades de Tarle à l'embouchure du Cydnus: Indè [ à Tarfo ] non plura quam quinque ftadia funt ad Cydni oftia. Un fi petit espace auroit-il engagé les anciens géographes à mettre cette ville dans les terres, & à la dire éloignée de la mer, procul à mari? Il faut que ce paffage de Strabon foit corrompu. Il avoit fans doute écrit rira, quinquaginta. Cette conjecture eft d'autant mieux fondée, que les voyageurs modernes mettent la ville de Tarfe, aujourd'hui appellée TARSOU, à fix milles de la mer.

d'é

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Lucas, dans fon voyage de l'Afie Mineure, dit qu'elle n'eft qu'à huit lieues d'Adana. On paffe fur un beau pont de pierres, & la riviere qui coule deffous fe nomme Merihafa ou Synduos. Quand on eft arrivé aux démolitions, on entre d'abord par une grande porte encore entiere, faite de grofles barres de fer quarrées, de vingt pouces. pailleur fur chaque côté, & elles ont chacune près de trente pieds de hauteur. Les abords de Tarfe font toutes en ruines : le peu qui refte, & où il y a des habitans, ne mérite pas que l'on en parle. Les Grecs n'y ont pour église qu'une chaumiere, dont la vue fait affez connoître leur indigence. L'églife des Arméniens eft paffablement belle. Ils racontent que c'eft faint Paul qui l'a fait bâtir. On y voit une pierre de marbre qu'ils prétendent être celle où les apôtres étoient affis lorsque JESUS-CHRIST leur lava les pieds. Ils difent encore que le vendredi faint il fort de cette pierre une grande abondance d'eau, dont ils rempliffent plufieurs vafes, & ils ajoutent que cette eau guérit un grand nombre de maladies. Les habitans de Tarfe affurent que c'est chez eux qu'eft mort le prophéte Daniel, & on montre une mosquée, fous laquelle on prétend qu'il eft enterré. Les Turcs y ont mis, fur une grande tombe un cercueil de bois, qu'ils révérent, & ils le font voir à ceux qui vont à Tarfe comme une rareté. Ce cercueil est toujours couvert d'un drap noir en broderie. On détruifit en 1705 les anciennes murailles de la ville, pour y bâtir des camps & des maifons. Tarfe n'eft pas peuplée, parce que la pefte y eft presque toujours. Ce n'eft pas que l'air y foit mauvais; mais la malpropreté des habitans eft extrême: ils n'ont aucun foin de faire ôter les immondices de leur ville. A juger de Tarfe par fes anciennes enceintes, elle avoit plus de quatre lieues de tour. Lucas prétend que c'eft dans les tremblemens de terre qu'il faut chercher la caufe de fa deftruction. On y voit des édifices renversés, dont les fondemens femblent fortir de terre, c'est-à-dire, que le haut eft en bas, & le bas en haut. Il ajoute qu'il n'y vit qu'une petite inscription: elle parle d'un certain Europe, qu'elle marque avoir été gouverneur ou général. Autour de ces démolitions croiffent en plufieurs endroits fous terre de petites racines femblables à des œufs de pigeon, & que l'on appelle en turc taupalac. Ces racines font un peu plates, & ont en même tems de petits rejet tons déliés comme des cheveux. On attribue à ces racines des vertus admirables. L'opinion commune eft qu'il y a de grands tréfors cachés fous les ruines de Tarfe, & cela peut fort bien être, fi cette ville a été renverfée par un tremblement de terre. Une ville fi célébre devoit abonder en richeffes.

2. TARSUS, ville de Bythynie, felon Etienne le géographe, qui la nomme auffi TARSEA.

3. TARSUS, contrée de la Bithynie. C'eft Etienne le géographe qui en fait mention.

4. TARSUS. Ifidore donne ce nom à un lieu de l'Inde. TARTA, mot corrompu par Corneille: il faut lire TATTA. Voyez TATTA.

TARTANE, (la) petite anfe de l'Amérique fepten trionale, dans la Martinique, à la partie méridionale de la Caravale.

TARTANIUS AMNIS, fleuve dont il eft fait mention dans un fragment de l'hiftoire de Saluftre. Il femble que ce fleuve étoit aux environs de la Bithynie.

TARTARES, peuples qui habitent une grande partie du continent de l'Afie. Ils occupent tout le nord de l'Afie, & font partagés préfentement en trois nations différentes; 1°. les TARTARES, proprement dits; 2° les CALLMOUCKS; 3°. les MOUNG ALES. Quoique les autres peuples païens, qui font disperfés par toute la Sybérie, & fur les bords de la mer Glaciale, descendent des Tartares, on ne les confidere pas aujourd'hui comme en faifant partie mais comme des peuples fauvages : & fi l'on en trouve quelques-uns de plus civilifés vers les frontieres des Callmoucks & des Moungales, il faut les confidérer plutôt comme des branches nouvellement féparées de ces deux nations, que comme faifant partie des anciens habitans de la Sibérie. Les TARTARES proprement dits, font tous profeffion du culte mahométan, quoiqu'il y en ait quelques branches dont la religion paroît tenir beaucoup plus du paganisme que du culte de Mahomet. Ils font fubdivifés de rechef en plufieurs branches, dont les plus confidérables font les Tartates USBECKS, qui habitent entre le pays de Charafs'm & les états du grand Mogol, au nord-eft de la Perfe: les Tartares de Chiva, qui font compris ordinairement fous le nom de Tartares Ufbecks, & habitent le Charafs'm, aux environs des embouchures des rivieres d'Amú & de Khefell; les KARA-KALLPAKKS, qui habitent les bords de la riviere'de Sirr, à l'eft de la mer Caspienne, & au nord des Tartares de Chiva; la CASATSCHIA ORDA, qui habite aux environs de la riviere de Jemba, au nord eft de la mer Caspienne; les TARTARES DE NAGAY, qui habitent entre la riviere de Wolga & celle de Jaick, au nord de la mer Caspienne; les TARTARES BACHKIRS, qui habitent vers le pied des montagnes des Aigles, à l'eft de la riviere de Wolga; les TARTARES d'UFFA, qui habitent dans le royaume de Cafan, au nord des Baschkirs, entre la riviere de Wolga & les montagnes des Aigles ; les CIRCASSES, qui habitent à l'oueft de l'embouchure de la riviere de Wolga, & au nord oueft de la mer Caspienne; les TARTARES DAGHESTANS, qui habitent au fud des Circaffes, & à l'ouest de la mer Caspienne; les TARTARES KOUBANS, qui habitent fur les bords de la riviere de Kouban, entre le Palus Méotides & la mer Noire, au pied des montagnes du Caucafe; les TARTARES DE LA CRIMEE, qui habitent dans la presqu'ile de la Crimée, & fur les bords du nord des Palus Méotides, & de la riviere de Don & celle de Borysthène; les TARTARES DE BUZIACK, qui habitent entre la riviere de Boryfthène & le Danube, à l'ouest de la mer Noire. Tous ces Tartares Mahométans, font ordinairement d'une taille médiocre, mais bien renforcée : ils ont le teint fort bafané, les yeux bien coupés, noirs & vifs, mais le tour du vifage fort large & affez plat, avec un grand nez aquilin; enforte qu'on les peut diftinguer aux traits du vifage des Callmoucks & des Moungales. Leurs habillemens font différens, felon les différens qu'ils occupent: ceux qui habitent aux frontieres de Perfe & des Indes, imitent l'habillement de ces nations; les autres, qui habitent vers les frontieres de la Ruffie, fe mettent à peu près comme les Ruffes; & ceux enfin qui habitent vers les frontieres des Turcs, fe conforment beaucoup à la maniere de s'habiller de cette nation. On peut dire en général que tous les Tartares Mohométans ne vivent quafi que de ce qu'ils peuvent voler fur leurs voifins, auffi-bien en tems de paix qu'en tems de guerre, en quoi ils font bien différens des Callmoucks & des Moungales, qui, quoique païens, vivent tranquillement du produit de leurs troupeaux, & ne font de mal à perfonne à moins qu'on ne leur en falle. * Hiftoire générale des Tartares, p. 7 & fuiv.

pays

Tous les Tartares prétendent être iffas de Turck, fils aîné de Japhet; & comme ils fuppofent que Japhet, avant que de mourir, le défigna pour être, après lui, chef de toute fa famille, il fe croient d'une extraction bien plus noble que les peuples voifins, qu'on croit descendre des autres fils de Japhet. Du moins il eft certain qu'ils ont toujours porté le nom des Turcs, jusqu'à ce que ZingisKhan ayant rangé toutes les tribus de certe nation fous fon obéiffance, le nom des Tares a infenfiblement fait place à celui des Tartares, fous lequel nous les connoillons à préfent. Mais ils l'on confervé entr'eux, & prétendent qu'aucune autre nation n'a droit de le porter que la leur. Ils ont pris ce nom d'un des fils jumeaux d'Alingé-Khan, ap

par

pellé Tatar. Tatar donna fon nom à une feule tribu, & c'eft d'elle que les étrangers ont emprunté le nom de Tatars qu'ils donnent maintenant à toute la nation turque. Il eft impoffible de dire pofitivement à quelle occafion cela eft arrivé; cependant il paroît que nous devons l'ufage de ce nom, dans l'étendue où on le prend à préfent, aux miffionnaires neftoriens, que nous favons avoir étendu fort loin, dans les neuf & dixiéme fiécles, leurs converfions du côté du Tangut, & des autres provinces fituées à l'eft de ce royaume, qui étoient occupées alors par les différentes branches de la tribu des Tartares, & les alliés de cette tribu; & comme ces miffionnaires prétendoient donner une grande idée au monde de l'avantage qui revenoit au chriftianisme, ils ne manquoient pas de vanter la puillance des princes Tartares, aux cours des quels ils avoient accès, leur attribuant des empires, des titres & des richeffes, qui ne fubfiftoient que dans leur imagination; mais ils n'avoient garde de dire que les Mogoules, chez lesquels ils n'avoient point d'accès, avoient des princes du moins auffi puiffans que ceux des Tartares; peut-être qu'ils n'avoient aucune connoiffance diftincte de cette branche fi confidérable de la nation turque, qui habitant pour lors au nord de la tribu des Tartares, pouvoit être regardée par eux, pofé qu'ils en euffent quelque connoiffance, comme un peuple fauvage & barbare. Quoi qu'il en foit, il y a apparence que le monde, prévenu par les infinuations de ces miffionnaires, fe ft insensiblement une habitude de donner le nom de Tartares à tous les peuples qui habitoient dans l'Afie fepten trionale, & qu'elle étoit établie du tems de l'invalion de Zingis-Khan dans l'Afie méridionale; car quand on fçut que ce prince des Mogoules étoit en même-tems fouverain des Tartares, on crut auffi que tous les peuples de ces quartiers étoient des Tartares. Les Chinois, qui ne fe mettent guère en peine de ce qui fe paffe chez leurs voifins, ne fe font accoutumés de donner le nom de Tartares à toute la nation turque en général, que parce qu'ils n'en connoiffoient que la feule tribu des Tartares qui habitoit fur leurs frontieres, & avec laquelle ils avoient

aflez fouvent des démêlés.

Les Tartares, tant Mahometans, que Callmoucks & Moungales, prennent autant de femmes légitimes qu'ils veulent, & y ajoutent fouvent un grand nombre de concubines, qu'ils choififfent d'ordinaire parmi leurs esclaves. Les Tartares Mahometans obfervent quelques degrés de parenté, dans lesquels il leur eft défendu de se marier; & les Calmoucks & les Moungales, à l'exception de leurs meres naturelles, n'obfervent aucune proximité de fang dans leurs mariages. Les enfans qui naiffent des femmes légitimes ou des concubines, font également légitimes & habiles à hériter de leurs peres; toutefois avec cette réfervation, que fi le pere a été khan ou chef de quelque tribu, les fils iflus des femmes légitimes lui fuccédent toujours préférablement à ceux qui font nés des concubines; cela s'entend fi long-tems que la violence ou l'intrigue n'en dispofe pas autrement.

Tous les Tartares font accoutumés de tirer la même nourriture des chevaux que nous tirons des vaches & des bœufs : ils ne mangent communément que de la chair de cheval & de brebis, rarement de celle de boeuf ou de vache, qu'ils n'eftiment pas à beaucoup près fi bonne. Le lait de jument leur fert aux mêmes ufages que le lait de vache à nous, & on affure que le lait de la jument eft bien meilleur. Outre cela, il eft à remarquer que quafi par toute la grande Tartarie, les vaches ne fouffrent abfolument point qu'on leur tire le lait, elles en nourriflent à la vérité leur veaux ; mais d'abord qu'on les leur ôte, elles ne fe laiffent point approcher pour le faire traire, elles perdent même inceffamment le lait dès qu'elles ne voient plus leurs veaux; en forte que c'eft une espèce de néceffité qui a introduit l'ufage du lait jument chez les Tartares. Ils favent tirer de ce lait une eau-de-vie en le faifant aigrir d'une certaine maniere pendant deux nuits, enfuite ils le mettent dans un pot de terre, qu'ils ont soin de bien boucher par-tout, & après y avoir mis un tuyau, ils le font paffer au feu, & cette eau-de-vie n'eft pas moins bonne ni moins claire que celle que nous diftillons de nos grains; mais il faut pour cet effet qu'elle foit paffée deux fois au feu : ils donnent le nom d'Arack à cette eaude-vie, à l'exemple des Indiens leurs voifins, qui appellent

toutes leurs liqueurs fortes de ce nom. Tous les Tartares en général aiment la boiffon ; & lorsqu'ils peuvent avoir des liqueurs fortes, ils en boivent jusqu'à ce qu'ils tombent par terre ; en quoi ils différent extrê mement du refte des Orientaux, qui ont généralement l'yvrognerie en horreur. Lorsque les Tartares veulent le réjouir entr'eux ils apportent chacun autant de boiffon forte qu'ils en peuvent ramafler, & boivent nuit & jour, fans bouger de la place, jusqu'à ce que le tout foit confumé. Les Tartares Mahométans font obligés par les devoirs de leur culte, d'y apporter plus de ménagement que les Tartares païens ; & c'eft pour cette raison qu'on ne remarque pas tant ce défaut aux Tartares Ufbecks, de la Crimée & de Budziack, qu'aux autres qui vivent fous la protection de la Ruflie, & qui ne font que des Mahométans à gros grain, en quoi il y a apparence que le climat, où les premiers habitent, bien plus doux que celui des autres, leur eft d'une grande aide; car nous voyons que par une inclination naturelle, tous les peuples qui habitent vers le nord font adonnés aux boiflons fortes. C'eft par cette raifon que les Espagnols & les Italiens font moins adonnés à la boiffon que les Allemands & les Anglois, ceux-ci moins que les Polonois, les Danois & les Suédois, & ces derniers moins que les peuples de la Novégue, de la Finlande & de la Ruffie. La même proportion a encore lieu dans la grande Tartarie, où les Tartares Ufbecks & les Callmoucks, qui habitent dans le Tangut, font moins adonnés à ce vice que les Moungales & les Callmoucks qui habitent au nord de la Chine & des états du grand Mogol, & que les autres Tartares Mahométans, qui habitent au nord de la mer Caspienne, & ces derniers bien moins que les Tartares qui habitent dans la Ruffie & la Sibérie, ce qui ne peut provenir que d'un tempérament & d'un fang plus froid dans ces nations, à mesure qu'elles habitent plus vers le Pole.

Tous les Tartares aiment encore beaucoup le tabac : ils fument tous, grands & petits, hommes & femmes, avec excès. Cette pallion de fumer eft fi grande chez les Toungous, les Offiakes, les Samoyédes & autres peuples païens de la Siberie, que pour ne pas perdre la fumée du tabac ils l'avalent, ce qui les fait tomber, après en avoir tiré quelques bouchées, dans de grandes convulfions qui leur durent un quart d'heure, plus ou moins, felon le tempérament des perfonnes; puis étant revenus à eux, ils jettent pour l'ordinaire une grande quantité de pituite, ce qui déchargeant beaucoup leurs eftomacs chargés de mauvaifes nourritures que ces peuples font accoutumés de prendre, leur fert d'une excellente médecine.

Ils ont une maniere tout-à-fait finguliere de combattre, en laquelle ils font fort habiles. En allant à l'action ils fe partagent fans aucun ordre ni rang en autant de troupes qu'il y a de tribus ou de hordes particulieres qui compofent l'armée, & en cette forte ils vont charger les ennemis la lance à la main, chaque troupe ayant fon murfa ou chef particulier à la tête. Ils ne fe battent qu'à cheval, & n'ont point l'usage de l'infanterie. L'arc & la fléche font leurs meilleures armes, dont ils tirent avec tout autant, & même plus d'adreffe en fuyant qu'en avançant, & c'eft pour cela qu'ils ne cherchent point d'en venir aux coups de main avec leurs ennemis, à moins de quelque grand avantage, trouvant mieux leur compte à les harceler de loin, en quoi la vîtelle de leurs chevaux leur eft d'un grand fecours; car le plus fouvent lorsqu'on les croit abfolument en déroute, ils ne manquent pas de venir tomber fur leurs ennemis avec plus de vigueur qu'auparavant, & pour peu qu'on fe foit preffé à les pourfuivre fans garder l'ordre néceffaire en cette occafion, on court de terribles risques avec eux.

Tous les Tartares en général, de quelque pays ou religion qu'ils puiffent être, ont une exacte connoiffance des Aimacks ou Tribus, dont ils font fortis, & ils en confervent foigneufement la mémoire de génération en génération. Quoique même par la fuite du tems une telle tribu vienne à fe partager en diverfes branches, on ne laiffe pas de comp ter toujous ces branches d'une telle tribu; en forte qu'on ne trouvera jamais un Tartare, quelque groffier qu'il puille être d'ailleurs, qui ne fache de quelle tribu il eft. Chaque tribu ou chaque branche féparée d'une tribu a fon chef particulier, pris dans la tribu qui prend le nom de Murfa, & c'eft proprement une espéce de majorat, qui doit tomber réguliérement d'aîné en aîné dans la postérité du premier

fondateur

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fondateur d'une telle branche ou tribu, à moins que quelque caufe violente & étrangere ne trouble cet ordre de fucceffion. Un tel murfa doit avoir annuellement la dîme de tous les beftiaux de ceux de fa tribu, & la dîme du butin que fa tribu peut faire lorsqu'elle va à la guerre. Toutes les familles qui compofent une tribu, campent d'ordinaire enfemble, & ne s'éloignent point du gros de l'ordre fans en faire part à leur murfa, afin qu'il puiffe favoir où les prendre lorsqu'il veut les rappeller. Ces murfes ne font confidérables à leur khan qu'à proportion que leurs khans ou tribus font nombreuses, & les khans ne font redoutables à leurs voifins qu'autant qu'ils ont beaucoup de tribus, & des tribus compofées d'un grand nombre de familles fous leur obéisfance: c'eft en quoi confifte toute la puiffance, la grandeur & la richeffe d'un khan des Tartares. Il faut obferver ici que le mot Or da, eft en ufage ehez tous les Tartares, pour parler d'une tribu qui eft affemblée pour aller contre les ennemis, ou pour d'autres raifons particulieres.

Quoique la vie errante ait été de tout tems propre aux Tartares, & que même tout ce qu'on en trouve dans l'hiftoire depuis Ogus-Khan jusqu'aux fiécles préfens réponde parfaitement aux mœurs, au culte & aux coutumes des peuples qui occupent maintenant la grande Tartarie; cependant plufieurs hiftoriens ont été & font encore du fentiment, que ce pays a été autrefois habité par d'autres peuples plus civilifés; mais fur quoi font fondées leurs opinions? Jusqu'à préfent on n'a eu que des connoiffances confufes & fabuleufes de ce pays. D'ailleurs la figure extérieure & reflemblante de tous les peuples du nord de l'Afie, depuis le Japon jusqu'à la riviere de Wolga, fait beaucoup contre eux. On y trouve cependant deux chofes qui embarraffent les curieux. La premiere eft, qu'en plufieurs endroits de la grande Tartarie, vers les frontieres de la Sibérie, on voit des petites collines fous lesquelles on trouve des fquelettes d'hommes accompagnés des Iquelettes de chevaux, & de plufieurs fortes de petits vafes & joyaux d'or & d'argent ; on y trouve même des fquelettes de femmes avec des bagues d'or aux doigts, ce qui ne paroît convenir en aucune maniere aux habitans d'à prefent de la grande Tartarie; & cela eft fi vrai, que du tems que les prifonniers Suédois étoient en Sibérie, ils alloient par troupes à la recherche de ces tombeaux, les Ruffes de leur côté en faifoient de même : & comme les Callmoucks ne vouloient

ques

point permettre qu'on fe fit une habitude de venir fpolier ces tombeaux jusques bien avant fur leurs terres, ils tuerent en diverfes occafions bon nombre de ces aventuriers; en forte qu'il eft à préfent févérement défendu par toute la Sibérie d'aller à la recherche de ces tombeaux. La feconde eft qu'en 1721, un certain médecin envoyé par l'empereur de la Ruffie pour examiner les diverfes plantes & racines que la Sibérie peut produire, étant arrivé en compagnie de quelofficiers prifonniers Suédois du côté de la riviere de Tzulim, à l'oueft de la ville de Krasnoyar, trouva au milieu de la grande Steep, qui regne de ce côté, une espéce d'aiguille taillée d'une pierre blanche, ayant environ feize pieds de haut, & quelques centaines d'autres petites d'environ quatre à cinq pieds de hauteur, dispofées tout à l'entour de la premiere; il y avoit une inscription fur l'un des côtés de la grande aiguille, & plufieurs caracteres fur les petites, que le tems avoit déja effacés en plufieurs endroits; & à juger de ce qui refte de l'inscription qu'on trouve fur la grande aiguille, les caracteres n'ont aucune connexion avec ceux des langues qui font à préfent en ufage dans le nord de l'Afie; & ces fortes d'ouvrages conviennent d'ailleurs fi peu au génie des Tartares qu'il eft quafi impoffible de pouvoir croire, qu'eux, ou leurs ancêtres, ayent jamais été capables de concevoir un femblable deffein; fur-tout fi l'on confidere que ni dans le voifinage de l'endroit où ces monumens fetrouvent, ni à cent lieues à la ronde, il n'y a point de carrieres d'où on ait pu tirer ces pierres, & qu'elles n'y peuvent avoir été apportées que par la riviere de Jenifea: cependant le fait eft conftant. Tout ce qu'on peut dire là-deffus, c'est que le tems & les découvertes que l'on fera peu à peu, à mesure qu'on aura des connoiffances plus exactes de ce vafte continent, donneront peut être des éclairciffemens là-deffus. Mais à l'égard des joyaux d'or & d'argent qu'on trouve dans les tombeaux, il me paroît fort vraisemblable que ce font les tombeaux des Mogoules, qui accompagnerent Zingis- Khan dans la grande irruption qu'il fit dans l'Afie méridionale, & de leurs descendans dans les premieres générations; car comme ces gens emportent quafi toutes les richeffes de la

Perfe, du pays de Charafs'm, de la grande Boucharie, du royaume de Caschgar, du Tangut, d'une partie des Indes & de tout le nord de la Chine, ils pouvoient avoir beaucoup d'or & d'argent; & d'autant que la plupart des Tartares païens ont encore à préfent la coutume, lorsque quelqu'un des leurs meurt, d'enterrer fon meilleur cheval, & les plus précieux de fes meubles avec lui, pour pouvoir fervir à fon ufage dans l'autre monde, ils n'auront pas manqué pour lors d'enterrer des vafes d'or & d'argent avec leurs morts, filong-tems qu'ils en auront eu; enforte que toute la différence entre ces tombeaux & ceux des Tartates païens d'à préfent fe réduit feulement à ce qu'il ne leur refte plus de ces richelles, & ce qu'ils enterrent avec leurs morts confifte ordinairement en quelques écuelles de bois & autres femblables uftenfiles de peu de prix, qui ne laillent pas de leur paroître un objet confidérable par rapport aux fervices qu'ils en peuvent tirer dans leurs petits ménages. Ajoutez à cela, que vû la vénération extraordinaire que tous les Tartares païens ont généralement pour le tombeau de leurs ancêtres, on peut prendre l'oppofition que les Callmoucks firent à ceux qui alloient à la recherche de ces tombeaux, comme une marque certaine de ce qu'ils regardoient ces tombeaux comme ceux de leurs ancêtres, puisqu'il n'y a que cette feule confidération qui peut avoir porté des gens auffi pacifiques que le font naturellement les Callmoucks, à en venir aux voies de fait dans une femblable occafion.

Les Tartares, pour marquer leur amour & leur vénération à leurs fujets, ont dans tous les tems pris leur nom. Nous avons vu que les Moguls ou Moxgals ont pris ce nom de deux princes, leurs chefs. C'est auffi d'Ufbeck-Khan que vient le nom des Tartares Ufbeck de la grande Boucharie & du Charafs'm. Les Moungales de l'eft ont adopté le nom de Manfueurs de Manfueu Khan, bifayeul du défunt empereur de la Chine. Tout nouvellement les Callmacki Dfongari, fujets du Contaisch ou Grand Khan des Callmoucks, viennent de prendre le nom de Contaischi, enforte qu'on ne les appelle plus préfentement dans la Sibérie, & les autres pays voifins que Contaisches,

Les Tartares, quoiqu'ils ayent des habitations fixes, ne laiflent pas en voyageant d'un endroit à l'autre de porter avec eux tous les effets de prix qu'ils peuvent avoir, ce qui eft encore un refte de vivre de la maniere de leurs ancêtres, avant qu'ils euffent des demeures fixes; de-là vient que lorsqu'il leur arrive de perdre une bataille, leurs femmes & leurs enfans reftent ordinairement en proie au vainqueur avec tout leur bétail, & généralement tout ce qu'ils ont. Ils n'agiffent ainfi que pour ne pas laiffer leurs biens & leur famille en proie aux autres Tartares leurs voifins, qui ne manqueroient pas de profiter de leur abfence pour les venir enlever à la premiere occafion. D'ailleurs comme on ne fauroit voyager dans les vaftes landes de ce pays, qu'en menant avec loi la quantité de bétail vivant dont on peut avoir befoin pour fa fubfiftance en chemin, ils trouvent plus de commodité à mener toute leur famille avec eux, qui en peut avoit befoin, que d'en être chargés eux-mêmes dans le tems qu'il s'agit de toute autre chofe, & cette maniere de voyager avec toute forte de bétail vivant eft fi néceflaire dans ces quartiers, où l'on ne trouve à plufieurs cents lieues que de l'herbe, & quelquefois de l'eau que les caravanes de la Sibérie qui vont trafiquer à Pekin, font obligées d'en ufer de même depuis Sélinginskoy jusqu'à Pekin.

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Comme les Tartares païens menent une vie fort fimple, ils ne s'appliquent pas tant à faire des esclaves qui leur puiffent fervir, que les Tartares Mahometans: tout le bien des premiers confiftant en bétail, qu'ils ont ordinairement fous leurs yeux, & pour la garde duquel ils n'ont befoin que de leur famille, ils n'ont garde de fe charger de bouches inutiles. Il n'y a don que les khans & les murfes qui gardent des esclaves pour le fervice de leurs familles lorsqu'ils en font fur leurs ennemis, & le refte en eft réparti parmi leufs fujets, afin d'en augmenter le nombre, ce qui augmente en même tems leur revenu; mais chez les Tartares Mahométans les esclaves font un objet confidérable : ils ne commencent même fort fouvent la guerre avec leurs voisins faire des esclaves, dont ils gardent pour leur fervice autant qu'ils en ont befoin, & vont vendre le refte où ils peuvent. Ce commerce va même fi loin chez les Circas fes, les Dagheftans & les Tartares de Nagaï, que faute d'autres esclaves, ils ne fe font pas une affaire de s'entrevoHhhhh

que pour

Tome V.

Aer les enfans, & de les aller vendre; & s'ils n'en peuvent attraper, ils vendent leurs propres enfans au premier qui fe préfente. Un Cicalle ou Tartare Dagheftan, s'il eft las ou mécontent de fa femme, il la vend à la premiere occafion, & s'il a une fille qui a quelque beauté, il ne manque pas de la bien promener par-tout, afin de la pouvoir vendre plus profitablement. Enfin, le commerce des esclaves fait toute leur richelle, & c'ett pour cette raifon que dès qu'ils voient une occafion favorable à faire un bon nombre d'esclaves, il n'y a ni paix ni alliance qui puiffe tenir auprès d'eux contre une fi dangereufe amorce.

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Tous les Tartares généralement, même les peuples païens de la Sibérie, confervent encore la même façon à peu près en leurs bâtimens : car, foit qu'ils habitent dans des hutes, ou qu'ils ayent des demeures fixes, ils ne manquent de laiffer toujours une ouverture au milieu du toit, qui leur fert en même tems de fenêtre & de cheminée : les hutes des Callmoucks & des Monngales font en rond, d'un affemblage de plufieurs groffes perches d'un bois léger de la hauteur de la hute, jointes enfemble par des bandes de cuir, afin de les pouvoir dreffer & transporter avec d'autant plus de facilité; ils les couvrent en-dehors d'un feutre épais pour y pouvoir être à l'abri du froid & du mauvais tems; la place du feu eft au milieu de la hute, directement au-deffous du trou qu'ils laillent au milieu du comble, & les dortoirs font tout à l'entour de la hute contre la clôture. Les nurfes & autres gens de diftinction parmi eux, ont des hutes plus commodes & plus fpacicules; ils ont même en été de grandes tentes de Kitayka, & en hiver des loges de planches couvertes de feutre, qu'ils peuvent aifément mon tet & démonter. Le peu de Callmoucks qui ont des habitations fixes, les bâtiflent en rond à l'imitation des hutes de ceux de leur nation, avec un toit en espéce de dôme, ce qui fait un tout d'environ deux toifes de hauteur, dont le dedans eft tout-à-fait femblable à celui des hutes dont on vient de donner la description, n'y ayant ni chambres, ni fenêtres, ni greniers, mais le tout confiftant en une feule. piece de la hauteur & du contour de tout le bâtiment; mais les Moungales de Nieucheu, que le commerce qu'ils ont avec les Chinois commence à dégourdir peu-à-peu, ont des maifons plus commodes & plus fpacieufes : ils les bâtiffent en quarré, & donnent environ dix pieds de hauteur aux murailles des côtés, le toit en reflemble à peu près à ceux de nos maisons de payfans: ils y pratiquent même en quelques endroits de grandes fenêtres d'un papier de foie fort mince, accommodé exprès, & des dortoirs maçon nés de deux pieds de hauteur fur quatre de largeur, qui regnent tout à l'entour de la maison, & leur fervent en même tems de cheminée: car ils ont l'invention d'y faire du feu en-dehors d'un côté de la porte, & la fumée circulant par ce canal tout à l'entour de la maifon n'en fort que de l'autre côté de la porte, ce qui, communiquant une médiocre chaleur à ces dortoirs, leur eft d'une grande commodité en hiver. Toutes les habitations des Tartares, foit fixes, foit mouvantes, ont leurs portes tournées au midi, pour être à l'abri des vents du nord qui font fort pénétrants par toute la grande Tartarie.

A moins que toute la grande Tartarie ne foit entre les mains d'un feul prince, comme elle l'étoit du tems de Zingis Khan, il eft impoffible que le commerce y puiffe fleurir car maintenant que ce pays eft partagé entre plufieurs princes, quelque porté que puiffe être l'un ou l'autre d'entre eux à favorifer le commerce, il n'en peut rien faire, fi les voifins fe trouvent dans des fentimens oppofés. Les Tartares mahométans fur-tout, font d'une indocilité extraordinaire là-deffus, & prévenus en faveur de la nobleffe de leur extraction, ils regardent le trafic comme un métier indigne d'eux ; ils fe font gloire de dépouiller tout autant de marchands qu'il leur en tombe entre les mains, ou du moins de les rançonner à un fi haut prix, qu'ils en perdent pour jamais l'envie d'y revenir; ce qui rend la grande Tartarie quafi inacceffible aux marchands des nations de l'oueft, qni doivent absolument paffer, ou fur les terres des Tartares mahométans, ou fur leurs frontieres pour y entrer; mais du côté de la Sibérie, de la Chine & des Indes, les marchands y peuvent aborder en toute liberté, puisque les Callmoucks & les Moungales négocient fort paisiblement avec les fujets des états voifins qui ne font pas en guerre avec eux.

Comme chez tous les Tartares le pere eft en quelque ma

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niere le maître fouverain de fa famille, rien n'égale le res pect que les enfans en quelque âge ou fituation qu'ils puif fent le trouver, font accoutumés de marquer à leurs peres: mais les meres font peu confidérées. Lorsque le pere vient à mourir, les enfans doivent employer plufieurs jours à pleurer fa mort, & renoncer pendant ce tems à toutes fortes de plaifirs, de quelque nature qu'ils puiflent être, même les fils doivent s'abitenir en ces occafions de la compa gnie de leurs femmes pendant plufieurs mois. Outre cela les enfans font indispenfablement obligés de ne rien menager pour rendre les funérailles de leur pere auffi honorables qu'il leur eft poffible, felon les coutumes du pays; & après tout cela, ils doivent du moins une fois par an aller faire' leurs dévotions auprès du tombeau de leur pere, & fe souvenir des obligations infinies qu'ils lui ont. Les Tartares païens remplillent des devoirs fi faints avec la derniere exactitude; mais ceux qui profeffent le culte mahométan n'y prennent pas garde de fi près, fur-tout en ce qui regarde les honneurs qu'ils font obligés de rendre à la mémoire de leur pere après la mort. Voyez les différens articles de TARIARES qui fuivent, & le mot TARTARIE.

Les Tartares BASKIRS OU BASCHKIRS. Voyez Bas

KIRS.

Les TARTARES - BURATTES. Voyez plus bas l'article TARTARES-TUNGUSES.

Les TARTARES DE BUDZIACK habitent vers le rivage occidental de la mer Noire, entre l'embouchure du Danube & la riviere de Bog. Ils font une branche des Tartares de la Crimée mais ils font indépendans du khan de Crimée & de la porte leur extérieur, leur religion & leurs coutumes font tout-à-fait conformes à celles des Tartares de la Crimée; mais ils font plus braves. Le brigandage fait la principale occupation de leur vie, & il n'y a ni paix, ni treve, ni amitié, ni alliance qui les en puiffe retenir; ils vont même faire quelquefois des courfes fur les terres des Turcs, d'où ils enlevent tous les chrétiens fujets de la Porte qu'ils peuvent attraper, après quoi ils fe retirent chez eux. Lorsque les Turs ou d'autres puiffances voisines Turs ou d'autres puiflances voifines envoyent de gros corps d'armée contr'eux, ils fe retirent fur certaines hauteurs toutes environnées de marais, vers le rivage de la mer Noire, d'où il eft quafi impoffible de les déloger, parce qu'on ne fauroit y aborder que par des défilés fort étroits, où cinquante hommes peuvent arrêter facilement toute une armée nombreuse: & comme ces hauteurs qui font d'une asfez grande étendue, font les feules terres que les Tartares de Budziack cultivent, & que les pâturages n'y manquent pas, ils n'ont rien qui les preffe de fortir de-là avant que leurs ennemis fe foient retirés; cependant ils ménagent les Turcs Jusqu'à préfent les Tartares de Budziack n'ont point eu de khan particulier, mais ils vivent fous le commandement des murses, chef des différens hordes qui compofent leur corps, ils peuvent faire environ trente mille hommes. Ils font les plus méchans de tous les Tartares.* Hift. des Tatars, p. 473 & fuiv.

Les TARTARES-CALLMOUCKS. Voyez CALLMOUCKS. Les TARTARES DE LA CASATSCHIA ORDA. Voyez CASATSCHIA ORDA.

Les TARTARES DE LA CRIMÉE OU PETITS TARTARES, font les Tartares dont on a eu jusqu'ici le plus de connoiffance en Europe, à caufe de leurs fréquentes invafions dans la Pologne, la Hongrie & la Ruffie. Leurs khans prétendent descendre en droite ligne de Zugi-Khan, fils aîné de Gingis-Khan ou Gengiscan, comme nous le prononçons. Ces Tartares font préfentement partagés en trois branches, dont la premiere eft celle des Tartares de la Crimée; la feconde, des Tartares de Budziack; & la troifiéme, des Tartares Koubans. Les Tartares de la Crimée font les plus puiffans de ces trois branches, on les appelle auffi les Tartares de Perekop, de la ville de ce nom, ou les Tartares Saporovi. Les Polonois leur donnent ce nom parce qu'ils habitent au delà des cataractes du Borifthene. Voyez CRIMÉE.

Les TARTARES CIRCASSES. Voyez CIRCASSIE. Les TARTARES DU DAGHESTAN ou DAGISTAN. Voyez DAGISTAN.

Les TARTARES KOUBANS habitent au fod de la ville d'Aflof, vers les bords de la riviere de Kouban, qui a sa fource dans la partie du mont Caucase que les Ruffes appellent Turki Gora, & vient le jetter dans les Palus Méotides, à 46d 15' de latitude, au nord-eft de la ville de Daman. Ces Tartares font encore une branche de ceux de la Crimée, &

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