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porte par où il faut que toutes les affaires du dehors entrent ; & c'est où se préparent les matieres qui doivent être agitées & réglées au prégadi, qui est le sénat de la république. Ce college est composé du Doge, de ses fix conseillers, des trois chefs de la quarantie criminelle, des fix sages-grands, des cinq fages de terre ferme, & des cinq sages des ordres; en tout vingt-fix personnes, différentes en âge & en dignité, forment une assemblée, qui représente tout le corps de l'état.

Le sénat, qui connoît parfaitement que la liberté de la république est incompatible avec un prince qui feroit au-dessus des loix, y a assujetti le Doge, fans aucue réserve, & en a encore fait à fon égard de particulieres, qui l'ont rendu en plusieurs chofes inférieur à la condition d'un simple sénateur, & qui de prince de la république qu'il étoit autrefois, l'ont fait devenir une vaine image & un véritable fantôme de la majesté, dont le sénat a retenu toute l'autorité. On n'éleve cependant à cette dignité que des sénateurs d'un mérite particulier. On choisit ordinairement un des procurateurs de S. Marc, ouun sénateur, qui ait fervi l'état dans les ambassades, dans le commandement de la flotte, ou dans l'exercice des premiers emplois de la république. Mais comme le sénat ne le met dans ce haut rang que pour gouverner en fonnom, les plus habiles fénateurs ne font pas toûjours les plus propres à occuper cette place. L'âge avancé, l'humeur aifée, & la naissance illustre, sont les troisqualités ausquelles on s'attache davantage. Le dogeat est également à charge à la famille & à la personne du Doge. Ses freres, ses enfans, & ses petits-fils, ne peuvent avoir aucun emploi considérable, qui ait rapport au gouvernement; & s'ils en ont quelqu'un, ou s'ils font ambassadeurs, ils doivent s'en démettre aussi-tôt après l'élection. Si le Doge est marié, sa femme n'est point traitée en princesse, le sénat n'en ayant point voulu couronner depuis le seizieme fiecle, foit pour moderer l'ambition des femmes, soit pour éviter lesfrais immenses qui se firent au couronnement de la derniere princesse, femme du Doge Marin Grimani. Toutes ces circonstances, jointes à la grande sujétion dans laquelle il faut que les Dogesvivent, n'empêchent pas les familles qui n'ont encore point donné de Doge à la république, de faire leur possible pour arriver à cet honneur, afin de se mettre en plus grande considération, outre qu'elles espérent quelquefois de mieux établir leur fortune, par le bien qu'on peut amaffer, file Doge est assez heureux pour vivre longtemps dans cette dignité. Le Doge préside à tous les conseils; mais il n'est reconnu prince de la république qu'à la tête du sénat, dans les tribunaux où il affiste, & dans le palais ducal de saint Marc. Hors de là, il a beaucoup moins d'autorité qu'un particulier, puisqu'il n'oferoit se méler d'aucune affaire. Quelques-uns ont écrit qu'il étoit permis de le tuer, ou de lui faire infulte, fi on le trouvoit hors de la ville, & qu'il n'avoit pas la permist on de fortir de fon palais. Il est vrai qu'il y a eu autrefois à ce sujet de très-féveres réglemens; mais les choses ne vont pas jusqu'à ces extrémités. Il ne quitte pas néanmoins la ville fans en demander une espece de permiffion à ses confeillers. Lorsqu'il fort de la ville, il ne porte aucune marque extérieure, qui le puisse faire distinguer des autres nobles; & fi quelque noble le rencontre, il ne fait pas semblant dele reconnoître, pour ne lui pas rendre les respects qui ne lui sont dûs que lorsqu'il estavec, la république. Quand il va par la ville en visites particulieres, il n'a, comme les autres nobles, que deux gondoliers, avec un valet de chambre, & n'est reconnoissable que par un tapis & deux carreaux de fatin cramoisi, qui sont sur le doffier; mais, bien-loin de faire paroître cette légere marque de sa dignité, les gondoliers la cachent presque toute avec les rideaux noirs de la gondole. Il est vêtu dans ces occafions comme les conseillers, c'est-à-dire, de pourpre; mais il porte un bonnet de général de la même couleur que la veste. Ce bonnet est rond, fait de carre en dedans, & n'a que quatre doigts de haut, & la partie supérieure, platte comme une grande affiette, ale double plus de circonférence qu'à l'entrée de la

tête. On donne au Doge le titre de férénité; mais pour lui faire sentir que cette qualité n'est pas atrachée à sa personne, les ambassadeurs ne laissent pas en son abfence d'user des mêmes termes lorsqu'ils parlent au college, & ne prononcent guere le mot de votre férénité, sans y joindre celui de vos excellenres. Quoique les dépêches se faffent au nom du prince, & que toutes les réponses des ambassadeurs lui foient adressées, il ne peut cependant les ouvrir; & néanmoins on peut les ouvrir, & même y répondre sans lui. Pour le faire ressouvenir qu'il ne fait que préter son non au sénat, on ne délibere, & l'on ne prend aucune tésolution sur les propofitions que les ambassadeurs & les autres ministres vont faire au college, qu'il ne se soit retiré avec ses conseillers. On examine alorsla chose; on prend les avis des sages, & l'on dresse la délibération par écrit, pour être portée à la premiere assemblée du sénat, où le Doge, se trouvant avec ses conseillers, n'a, com me les autres fénateurs, que sa voix, pour approuver ou désapprouver les résolutions qu'on a prises en fon abfence. La Monnoie de Venise porte le nom du Doge; mais elle n'est pas battue à fon coin, comme elle l'étoit lorsqu'il avoit un pouvoir absolu dans le gouvernement. La république lui donne quatorze mille ducats d'appointement pour l'entretien de sa maison, & pour les frais qu'il fait, à traiter quatre fois l'année les ambassadeurs, la seigneurie & tous les sénateurs qui affistent aux fonctions de ce jour. Le train ordinaire du Doge confifte en deux valets dechambre, quatre gondoliers, & quelques autres ferviteurs. La république paye tous les autres officiers, qui ne le servent que dans les cérémonies publiques. Il peut vendre les charges de commandeurs du palais, qui font les huissiers de la justice, & celles des écuyers, qui font au nombre de vingt-cinq. C'est en cela, & dans la collation de tous les bénéfices de faint Marc, que confistent ses principales prérogatives. Comme la république n'a pas seulement revêtu fon prince de toutes les apparences d'une dignité souveraine, mais qu'elle lui a encore fait accorder par les papes & par les rois les véritables prérogatives de la majesté royale, & la préféance au-dessus des autres princes, il est surprenant qu'elle l'ait abaissé au rang des autres princes d'Italie à l'égard des cardinaux; car lorsqu'un cardinal va à l'audience, il s'assied à la droite du Doge, dans sa propre chaise, qu'on élargit exprès en ces rencontres; & dans une visite particuliere, le Doge va recevoir le Cardinal à sa gondole ces visites particulieres, & celles que les ambassadeurs font quelquefois au Doge, dans des occafions extraordinaires, ne se font qu'avec la permission du sénat; car le Doge n'est pas maître de recevoir qui il lui plait. Il vit chez lui d'une maniere si retirée, qu'on peut dire que la folitude & la dépendance font les qualités les plus essentielles à sa condition: auffi ces vifites ne plaisent-elles pas beaucoup au sénat, qui n'en accorde la permiffion que lorsqu'il manque de prétexte honnête pour la refufer. Avant que de procéder à l'élection d'un nouveau Doge, on rend les derniers devoirs au défunt, avec toute la pompe digne du rang qu'il a tenu pendant sa vie. Onembaume fon corps, & on l'expofe pendant trois jours dans une falle, fur un lit de drap d'or, avec l'épée & les éperons, que, par un usage affez fingulier, on lui met à la renverse. Le temps de cette expofition n'est pas feulement pour donner lieu au peuple d'aller rendre les derniers devoirs à leur prince; mais il est particuliement destiné à recevoir les plaintes qu'on pourroit faire contre sa conduite & contre fon administration, & pour donner le temps à fes créanciers de demander leur payement, auquel l'on oblige ses héritiers de fatisfaire incessamment, fans quoi il feroit privé des honneurs funebres, qui se font aux dépens de la république. La premiere chose que l'on fait après la mort du Doge, c'est d'élire trois Inquifiteurs, pour rechercher sa conduite , pour écouter toutes les plaintes qu'on peut faire contre fa maniere de vivre, & pour faire justice fur les moindres chofes, aux dépens de fa fucceffion. Les obféquer du

:

Doge ne font pas plutôt finies, que toute la noblesse, au-dessus de trente ans, s'assemble dans le grand confeil, où l'on élit cinq correcteurs, qui doivent corriger les promesses du Doge, c'est-à-dire, les statuts, dont il doit jurer folemnellement l'observation. Le fort & le merite concourent également dans le choix que l'on fait du prince. Par un long circuit de balotations, & d'élections réciproques, on rompt l'effet que les brigues auroient sans cela, & on laisse jouir les familles de la fatisfaction qu'elles trouvent à contribuer presque toutes à l'élection du Prince; car tous les nobles, qui font au grand conseil, tirent chacun une balle d'une urne, où il y en a trente qui font dorées : ceux qui ont les balles dorées sont réduits à neuf par le fort. Ces neuf en élisent quarante, que le fort réduit à douze: ces douze en nomment vingtcinq, qui, par le fort, reviennent à neuf: ces neuf choififfent quarante-cinq nobles, dont on en tire onze au fort, qui nomment les quarante & un véritables électeurs du Doge. Après que tous ces électeurs ont été approuvés dans le grand conseil, ils s'enferment dans le palais de saint Marc, d'où ils ne fortent point qu'ils n'ayent élu le Doge; & quoique, pour l'ordinaire, cette élection ne tire pas en longueur, les électeurs ont été néanmoins quelquefois cinq ou fix mois fans pouvoir s'accorder, à cause que des quaranre & une voix, il en faut avoir 25 pour êtrefait Doge Pendant tout le temps que les électeursfontenfermés, ils font gardés soigneusement, & traités à peu près de la même maniere que les cardinaux dans le conclave. Le Doge, après son élection, & après avoir prêté ferment, & juré l'observation des statuts, fe fait voir au peuple. Mais comme larépublique ne lui laisse jamais goûter une joie toute pure, fans la mêler de quelque amertume, qui lui fasse ressentir le poids de la fervitude à laquelle sa condition l'enga ge, on le fait paffer, en descendant, par la salle où fon corps doit être exposé après sa mort. C'est-là qu'il reçoit, par la bouche du grand chancelier, les complimens sur son exaltation. Le Doge monte enfuite dans une machine, qu'on agpelle le puits, & qui eft conservée dans l'arfenal pour cette ceremonie. Elle a effectivement la figure extérieure d'un puits, foutenu sur un brancart, qui est d'une longueur extraordinaire, & dont les deux bras se joignent ensemble. Environ deux cens hommes portent cette machine fur leurs épaules. Le Doge est assis dans cette espece de puits, avec un de ses enfans, ou de ses plus prophes parens, tout debout derriere lui; il a deux baffins remplis de monnoie d'or & d'argent, battue tout exprès pour cette cérémonie, avec telle figure & telle inscription qu'il lui plait; & il la jette peuple pendant qu'on le porte ainsi

au

place de faint Marc.

autour de la

Comme la dignité de conseiller du prince apporte plus d'honneur qu'elle ne donne de part aux affaires importantes, ce ne font pas, pour l'ordinaire, les meilleures têtes de la république qui occupent ces postes; mais on éleve toûjours à ce rang de vieux sénateurs de la premiere nobleffe. Ils font un an confeillers, & n'affiftent que huit mois au college; pendant les autres quatre mois ils président à la quarantie criminelle, de même que les trois chefs de cette chambre ont féance au college pendant deux mois. Le Doge, les fix conseillers, avec les trois chefs de la quarantie criminelle, qu'on appelle vice-conseillers, représentent la seigneurie, & jugent les caufes privilégiées, qui se plaident au college. Il y a autant de conseillers qu'il y a de quartiers dans la ville; & un noble, qui demeure dans un quartier, ne peut être conseiller dans un autre, chaque conseiller étant le chef de fon quartier. Quoiqu'on ne les appelle que conseillers du Doge, ils font véritablement conseillers de la feigneurie; aussi ont-ils plus de crédit que le Doge, puisqu'ils peuvent faire, sans lui, tout ce qu'il ne peut faire qu'avec eux. Ils font vêtus de rouge, avec la veste ducale à manches, durant le temps qu'ils font en charge, & les chefs de la quarantie criminelle ne portent que la veste violette, de la maniere ordinaire, à manches étroites. On fait choix des meilleurs sujets de la république pour remplir les

places des fix fages-grands; car comme il doivent ma nier les plus grandes affaires de l'état, ils doivent avoit acquis une prudence consommée, & une parfaite connoissance des intérêts de la république. Ces fix nobles font la partie intellectuelle de l'ame de l'é. tat; aussi les procurateurs de faint Marc se font-ils honneur d'occuper ces postes; & en effet, les fagesgrands font les maîtres du gouvernement durantles fix mois qu'ils font en charge. Ce font ceux qui consultent toutes les matieres qui doivent étre agitées au Prégadi. C'est aussi le fénat qui les élit; mais comme on ne change que trois conseillers du Doge à la fois, on ne change aussi que trois sages-grands tous les fix mois, afin de ne pas remplir ces places impor. tantes de fix sujets nouveaux. Ils portent laveste ducale de drap violet; & la république n'envoye point d'ambessadeur à l'empereur, au Pape, ni au Grand Seigneur, qu'il n'ait eu, ou qu'elle ne lui donne la qualité de fage-grand. Comme les fix sages-grands roûlent par semaine pendant leur fix mois, on dire que le sage de semaine est le chef de la républi que; car c'est lui qui reçoit tous les mémoires & toutes les requêtes; c'est lui qui propose les affaires au Prégadi, où son sentiment donne ordinairementle branle aux résolutions du fénat.

Peut

Les sages de terre-ferme n'ont guere moins d'autorité dans le college que les sages-grands. Ils porrent la veste ducale violette; ils font traités d'excellence, & la république donne la qualité de sages de terreferme à tous les ambassadeurs qu'elle envoye au rois & aux princes souverains. Ces sages ne font que fir mois en charge. Le premier est le fage de l'écriture, & c'est proprement le fécretaire d'état pour la guer. re: les officiers & les foldats dépendent absolument de lui; il peut les caffer, & les condamner mêmeà la mort, sans appel, étant juge des uns & des autres dans toute l'étendue des terres de la république. - Le second sage est le caissier ou le trésorier des guerres: il ordonne le payement des troupes, des officiers& des pensionnaires de l'état. Le troisieme sage est le sage des ordonnances: il a la direction des milices de terre-ferme. Les deux autres sages ne font que pour supléer au défaut des précédens, fi parindis position, ou par quelqu'autre cause, ils ne pouvoient vaquer à leurs emplois. C'est le Prégadi qui éi les cinq sages de terre-ferme, qui n'ont point de voix délibérative dans l'assemblée du sénat, où ils affistent, & où on agite les mémes matieres qu'ils ont déjà examinées & dirigées au college dans leurs confulta tions.

La république a su se faire une pépiniere de grands hommes, en établissant les cinq fages des ordres, Oll petits fages. C'est comme une magistrature fans ju risdiction, & qui devient une excellente école pour la jeunesse, qui s'instruit par-là dans les affaires, & se rend capable d'exercer les premieres charges de l'état. Les places de petits sages sont destinées aux jeunes nobles d'ancienne origine, qui commencent à doner des marques de prudence, par une conduite plus sage, ou moins déréglée, que celle de la plupart da la jeunesse de Venise, qui vit dans un grand libertinage Pendant les fix mois qu'ils font en charge, ils ont part au fécret de l'état, puisqu'ils affistent aux confultations du college, & qu'ils entrent au sénat. Ils n'ont à la vérité voix délibérative ni dans l'une ni dans l'autre de ces assemblées; mais ils peuvent dire leur avis à la consultation des sages-grands, en parlant debout & découverts; & afin que rien ne manque à leur instruction, la chambre sécrette, où se confervent toutes les dépêches importantes des ambassadeurs, & tous les registres des affaires de l'état, leur est ouverte quand il leur plaît.

Toute l'autorité de la république réside dans le prégadi ou sénat. On y prend les résolutions de la paix ou de la guerre, des ligues & des alliances; on y éit les capitaines généraux, les provéditeurs des armées, & tous les officiers qui ont un commandement considérable dans les troupes; on y nomme les ambassadeurs; on y régle les impositions; on y élit tous ceux qui compofent le college; on y examine les résolutions que les sages prennent dans les confultations

du college, fur lesquelles le fénat se détermine, à la pluralité des voix de ceux qui ont droit d'opiner dans cette affemblée, qui est l'ame de l'état, & par conséquent le principe de toutes les actions de la république. L'origine du nom de prégadi vient de ce qu'autrefois le fénat ne s'affemblant que dans des occafions extraordinaires, on alloit prier les principaux citoyens de s'y trouver, lorsque quelque affaire importante méritoit qu'on prit leur avis. Aujourd'hui le Ténat s'assemble les mercredis & famedis; mais le fage de semaine peut faire tenir extraordinairement le prégadi, lorsque les affaires qu'on y doit porter demandent une prompte délibération. Le Prégadi fut compose de foixante fénateurs dans sa premiere institution, c'est ce qu'on appelle le prégadi ordinaire. Mais comme on étoit obligé d'en joindre souvent plufieurs autres dans les affaires importantes, on en créa encore soixante, ce qu'on appelle la Giunta. Ces fix-vingt places font toûjours remplies par des nobles d'un âge avancé, d'un mérite connu, & de la premiere nobleffe. Tous les membres du college, ceux du conseil des dix, les quarante juges de la quarantie criminelle, & tous les procurateurs de faint Marc, c, entrent auffi au prégadi avec la plus grande partie des magistrats de la ville; de forte que P'assemblée du sénat est d'environ deux cens quatrevingt nobles, dont une partie a voix délibérative, & le reste n'y est que pour écouter, & pour se former aux affaires. Le Doge, les confeillers de la seigneurie, & les sages-grands, font les seuls dont les avis peuvent être balotés, pour éviter la confusion qui naîtroit de la diversité des sentimens dans une sigrande affemblée, où les avis ne peuvent paffer qu'ils n'ayent la moitié des voix. Cependant ceux qui n'ont pas le droit de suffrage peuvent haranguer, pour approuver, ou pour contredire les opinions que l'on propose. Comme les fix-vingt sénateurs ordinaires & extraordinaires font tous les ans balotés au grand conseil, pour être changés ou continués, comme il plaît à cette affemblée, cela fait que le défir qu'ils ont tous d'être maintenus dans ce rang, qui leur donne unfi grand crédit, & la crainted'en être privés par le grand confeil, qui n'épargne jamais personne, les attachent inviolablement au devoir de leur emploi, & les empêchent d'user mal de leur autorité.

Toute l'autorité de la république est partagée entre le fénat & le grand conseil; & fi le premier régle fouverainement les affaires d'état, le second dispose absolument de toutes les magistratures, dont dépend l'ordre du gouvernement. Il a droit de faire de nouvelles loix, d'élire les fénateurs, de confirmer les élections du fénat, de nommer à toutes les charges, de créer les procurateurs de saint Marc, les prodestats, les gouverneurs & les commandans qu'on envoye dans les province. Enfin le grand conseil corrige toutes les erreurs publiques, & redresse les fausses démarches des particuliers qui n'usent pas de leur autorité au gré de la noblesse; de forte que comme le grand confeil est l'assemblée générale des nobles, il est aussi le tribunal, la base & le soutien de la république. Tous les nobles Vénitiens qui ont vingtcinq ans, & qui ont pris la veste, entrent au grand confeil, avec le droit de fuffrage. Cependant pour gratifier une partie de la jeune noblesse, qui a atteint l'âge de vingt ans, on en tire tous les ans trente au fort, qui ont le même privilége que ceux de vingtcinq; & comme cette cérémonie se fait le jour de fainte Barbe; on appelle Barbarini, les trente que le fort favorise entre tous ceux dont les noms font mis dans l'urne. La république a souvent fait servir ce privilége de récompense pour les enfans des nobles qui avoient rendu des services importans à l'état; & pendant la guerre elle a vendu pour deux cens ducats la dispense d'âge. Le grand conseil s'assemble les Dimanches & les Fêtes, exceptéles jours de la fainte Vierge & de faint Marc. Pendant l'été, c'est depuis huit heures du matin jusqu'à midi; & en hiver, depuis midi jusqu'au coucher du soleil, n'étant pas permis de finir après ce temps aucune affaire dans le grand confeil; & celles mêmes qui se trouvenr commencées, fans pouvoir être terminées, font rebalo

tées dans la féance suivante, comme si l'on n'en avoit point parlé. Cette assemblée se tient dans la plus grande falle du palais, qui a dans le fond une espece de trône, où le Doge & les conseillers de la seigneurie prennent leurs places: les chefs du conseil des dix, les avogadors, & les censeurs, font afsis autour de la falle, fur des bancs élevés, parce que c'est à eux à prendre garde que les nobles ne faffent rien contre les statuts. Les plus grandes assemblées du grandconfeil ne font ordinairement que de fix cens nobles; mais il y en a environ un pareil nombre, qui font, ou employés dans les provinces, ou qui, pour d'autres raifons, ne se trouvent pas au confeil. Comme les sages peuvent assembler extraordinairement le sénat, de même les conseillers de la seigneurie font maîtres de convoquer le grand confeil toutes les fois que la multitude des emplois à distribuer, ou quelqu'affaire pressante le demandent. On fonne pour cet effet une cloche, qui s'appelle la Trotiére, à laquelle répondent celles des principaux clochers des autres cinq quartiers de la ville; & à ce fignal, la nobleffe ne manque point de se rendre au grand conseil, où il est défendu de porter des armes, fous peine de la vie, ou d'être jetté par les fenêtres. Pour la sûreté de cetteassemblée, contre laquelle on a fait autrefois plufieurs conspirations, qui tendoient à faire périr toute la noblesse d'un seul coup; on met des gardes aux principales entrées du palais, & on tient les autress fermées. On fe fert pour cet effet de la maîtrise de l'arsenal; & comme ce conseil ne se tient que les jours de Fête, afin que tous les magistrats de la ville s'y puiffent trouver, les ouvrages de l'arsenal n'en font point retardés. Toute cette milice est sous le commandement de quelques procurateurs de faine Marc, qui ne vont point au grand confeil, étant comme au-dessus des magistratures qu'on y distribue. Les procurateurs qui font de garde se tiennent dans une très-magnifique loge, bâtie pour ce sujet au pied du clocher de faint Marc, vis-à-vis de la grande porte du palais. Elle est toute de marbre, enrichie de fort belles statues, & d'excellens bas-reliefs de bronze, qui font du Sanfouin, aussi-bien que l'architecture do ce bâtiment, qui a un parvis élevé de quelques marches, & fermé d'une balustrade de marbre, & qui fert de corps de garde au palais.

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Le confeil de dix prend connoissance des affaires criminelles qui arrivent entre les nobles, tant dans la ville que dans le reste de l'état; il juge les crimes de leze-majesté publique; il a droit d'examiner la conduite de tous les podestats, commandans & officiers qui gouvernent les provinces, & de recevoir les plaintes que les sujets pourroient faire contr'eux. Il a foin de la tranquillité publique ce qui fait que ce tribunal est le maître des Fêtes & divertissemens publics. Il procéde contre ceux qui font profession de quelque secte particuliere, contre les sodomistes contre les faux-monnoyeurs; en un mot, il a une jurisdiction fi étendue, que son autorité est redoutable à tout le monde, même aux nobles. Il fut créé, pour la premiere fois, en mil trois cens dix, pour redonner à la ville la tranquillité & la sûreté qu'elle avoit perdue après l'entreprise de Bayamonte Tiepolo, pour s'opposer aux changemens que le Doge Pierre Gradenigue avoit introduits dans le gouvernement. Mais comme on s'apperçut que ce tribunal avoit produit des effets très-avantageux pour l'établissement du nouveau gouvernement, il fut rétabli en plusieurs rencontres; & enfin, il fut confirmé pour toûjours, vingt-cinq ans après sa premiere création. Le Doge entre dans le conseil avec ses fix conseillers, & il y préside; mais les dix sénateurs qui le composent, ont un égal pouvoir dans son abfence. Ils doivent être tous de dix différentes familles, & font élus tous les ans par le grand confeil; mais ils élisent trois de leurs corps pour en être les chefs, & les changent tous les trois meis, pendant lesquels ces chefs roûlent par semaine. Celui qui est de semaine reçoit les mémoires, les accusations, lesrapports des espions, & les communique à ses collegues, qui, sur les dépofition des témoins, & les réponses des accusés, qu'ils tiennent dans de rudes cachots, font le procès aux

coupables, à qui il n'est pas permis de se défendre, ni par eux-mêmes, ni par avocat.

Le tribunal des Inquifiteurs d'état est encore plus formidable. Il n'est composé que de trois membres, qui font deux fénateurs du conseil des dix, & un des confeillers du Doge. Ces trois seigneurs ont un pouvoir absolu sur la vie du Doge & fur celle des Nobles, des étrangers, & de tous les sujets de la république, fans être tenus d'en rendre compte à qui que ce foit, ni d'en communiquer avec le conseil des dix, s'ils se trouvent tous trois de même avis. Les exécutions de ce tribunal ne font pat moins fécretes que leurs jugemens, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime public; car pour ne pas donner lieu de crier contre une fi grande févérité, qui punit quelquefois de mort une parole qui aura échapé à un miférable contre un fi rigoureux gouvernement, on envoye la nuit noyer le coupable, fans autre formalité que la confrontation de deux témois, s'il y en a, ou bien fur le rapport des espions, dont la ville est remplie. Comme une pareille procédure a donné lieu quelquefois à de fâcheux inconvéniens, il a été ordonné que les Inquifiteurs d'état ne pourront plus faire mourir un noble Vénitien, sans l'entendre pour sa justification.

On appelle à Venise Avocadors, deux magistrats, dont la fonction a quelque chose de semblable à celle des avocats & des procureurs généraux. Comme ils . instruisent les procès, & plaident contre les criminels pour l'observation des loix, on les appelle avocats de la commune ; Avocadors del commun; mais ils jugent en outre les procès qui naissent entre les sujets pour des coups donnés, pour des enlevemens de filles, pour des injures qui font tortà la réputation: cependant ils portent les affaires de conféquence aux tribunaux qui en doivent connoître. La plus grande autorité de ces deux magistrats confiste à pouvoir fufpendre pour trois jours les jugemens de tous les tribunaux, du collége, du grand confeil, du confeil de dix, & même des inquifiteurs d'état, lorsqu'il ne s'agit point d'un crime positif; mais seulement de l'exécution des ordonnances qu'ils peuvent faire sur la matiere d'état. Mais ils font obligés de dire dans trois jours les raisons de leur interposition. Ils portent la veste ducale violette, avec l'étole rouge, dans leurs fonctions ordinaires; mais dans le grand confeil, dont les délibérations seroient nulles, s'il n'y affistoit un des avocadors, ils portent la veste de

pourpre.

Quoiqu'il y ait trois quaranties, c'est-à-dire, trois chambres, composées de quarante juges chacune, il fuffit de parler de la quarantie criminelle, qui est le tribunal le plus considérable de la république, après ceux où l'on traite des affaires d'état. Il est même le plus ancien de tous. Avant la création des deux quaranties, la vieille & la nouvelle, cette chambre jugeoit les affaires civiles, comme les criminelles ; & avant que le conseil des dix fût établi, elle prenoit auffi connoiffance des crimes d'état, & de tous ceux de la nobleffe; mais quoique la jurisdiction de ce tribunal ait été confidérablement diminuée ; cela n'empêche pas qu'il ne soit encore en grande confidération, parce que les quarante juges dont il est compofé, entrent au fénat avec voix délibérative, & que les trois chefs, qui en font les présidens, ont féance au college pendant les deux derniers mois qu'ils font en charge. Le Doge, avec les fix confeillers de la feigneurie, présidoit autrefois à la quarantie criminelle; mais on s'eft contenté d'y faire préfider trois des conseillers de la seigneurie pendant les quatre derniers mois de leur année, afin de faire toûjours voir le rapport que le college & la quarantie criminelle ont ensemble. C'est à cette chambre que les avogadors font souvent, par leur interpofition, renvoyer les décisions du college, du fénat, & des autres conseils fouverains, touchant les affaires civilles & criminelles des particuliers, pour y être de nouveau examinées, & même quelquefois caffées & annullées.

Pour prévenir les désordres du luxe, la république a établi trois magistrats des pompes, appellés fopraproveditori alle pompe. Ce font des sénateurs du pre

mier ordre, qui, par des ordonnances très-séveres, ont réglé la table, le train & les habits de la noblesse Vénitienne.

La république prend aussi une entiere connoissance des affaires générales & particulieres des religieux & religieuses. Elle a établi à cet effet trois magistrats, choisis dans le corps des fénateurs, & qui ont une autorité fort étendue pour maintenir l'ordre & la paix dans les couvens, & pour empêcher que les religieuses n'entretiennent un trop grand commerce avec les séculiers. Ils peuvent ordonner tout ce qu'ils jugent nécessaire à cet égard. Il est défendu, entr'autres, aux religieux & aux ecclésiastiques d'aller aux parloirs des religieuses, sans la permission expreffe d'un de ces magistrats. Pour veiller à l'exécution de toutes les ordonnances qui font faites touchant la discipline extérieure des couvens de filles, ces tro is magistrats ont un capitaine de Sbirres qui visite les parloirs, & quantité d'espions gagés, qui leur rapportent quelles font les personnes qui ont de trop grandes habitudes aux couvens. Mais la jeune nobleffe Vénitienne, qui fait un de ses plus grands divertiffemens du commerce qu'elle entretient avec les religieuses, tient ces capitaines & ces espions dans une telle crainte, que leur rapport ne peut tomber que fur des personnes de peu de considération; outre que cette rigueur apparente eft plutût pour faire ostentation d'ungouvernement exact, & pour empêcher les supérieurs eccléfiastiques de s'en mêler, que pour guérir un mal qui ne leur paroît pas moins nécessaire que peu capable de remede.

Les états que la république posséde enterre-ferme, & au-delà de la mer Adriatique, font administrés en la maniere suivante. Elle envoie deux nobles, l'un avec la qualité de podestat, & l'autre avec le titre de capitaine des armes, dans les plus confidérables villes de terre-ferme, & ces deux officiers qui repréfentent également la majesté publique, le premier étant pour administrer la justice aux sujets, & le fecond pour commander aux gens de guerre, & les tenir dans le devoir, font toujours des nobles du premier ou du second ordre. Il arrive souvent des démêlés entre le podestat & le capitaine touchant leur jurisdiction; mais ils font obligés d'en rendre compte au fénat fans rien entreprendre. Cependant le podestat a la préféance dans les fonctions publiques, où ils font obligés de se trouver ensemble; aussi est-ce fur le podestat que roûle le poids des plus importantes affaires; car il a la connoissance des causes civiles & criminelles, & de tout ce qui regarde la police, la paix & le repos des peuples. Le capitaine des armes, outre le commandement sur les foldats & fur tous les gens de guerre qui sont dans l'étendue de sa jurisdiction, prend auffi connoissance des crimes qui se commettent de nuit, & a le soin du payement des deniers publics, par le moyen des receveurs qui lui en rendent compte. Les villes de Padoue, de Vicence, de Verone, de Breffe, de Bergame, de Crême & de Trevise, comme capitales des provinces, ont cha cune un podestat & un capitaine des armes. Dans les autres, ces deux charges font unies en la personne du podestat. Les emplois des uns & des autres durent seize mois, & les gages que la république donne à ces officiers ne font que depuis dix jusqu'à quarante ducats par mois. C'est pour cela qu'elle envoye dans les grandes villes des nobles fort riches, afin qu'ils puiflent faire une dépense conforme à leur dignité; dans les petites podestairies, elle envoye des nobles pauvres, qui n'étant obligés de faire aucuns frais, trouvent de quoi fubfister honnêtement. La république envoye un noble du premier rang, dans la province de Frioul, avec le titre de provéditeur général de Palma-Nova. A Udine, qui est le lieu de la résidence du patriarche d'Aquilée, il y a un lieutenant & quelques fubalternes. Dans l'Istrie, dont Capo d'Istria est la capitale, il y a quatre villes épiscopales, & cinq moins confidérables, & qui ont toutes leur podestat. Les magistratures du Frioul & de l'Istrie durent deux années, comme celles de Dalmatie & des isles du Levant; parce qu'elles font trop éloignées pour les renouveller plus souvent. Larépublique donne donne le titre de provéditeurs, de comtes, de gouverneurs, de capitaines, ou de châtelains, aux nobles qu'elle envoye dans les villes de Dalmatie, pour administrer la justice. Les magistrats des principales, comme font les comtes de Zara & de Spalatro, qui font deux archevêchés, font affistés d'un conseil de trois nobles Vénitiens, sans lesquels ils ne peuvent rien déterminer; mais ces officiers obéissent au provéditeur géneral de la province, qui y a un commandement absolu dans les affaires de la paix, comme dans celles de la guerre. Les troupes que la république entretient dans cette province, qui confine aux états du Grand Seigneur, font néanmoins fous le commandement d'un général étranger, qui ne peut pourtant rien entreprendre que par l'ordre du provéditeur général. Les isles de Corfou, de Zante, & de Céphalonie, font gouvernées chacune par un provéditeur, affisté d'un conseil de trois nobles Vénitiens. Il y a outre cela un général de ces trois isles, aux quels les provéditeurs particuliers obéiffent, de même que les magistrats des villes de Dalmatie sont soumis au provéditeur général de cette province.

La république envoye ordinairement tous les cinq ans tenir les grands jours dans les provinces: elle choifit pour cet effet trois des premiers fénateurs, auxquels elle donne le nom d'Inquifiteurs de terreferme, pour les distinguer des Inquifiteurs d'état. Mais comme cette commission n'est pas agréable, on ne l'accepte, que parce qu'on n'ofe la refuser. Ces inquifiteurs font chargés de rechercher l'administration des podestats, des capitaines, & autres officiers publics: d'écouter les plaintes que les sujets font contr'eux, & de leur rendre justice, par rapport aux torts qu'ils ont pû fouffrir. Mais, fi l'on en excepte la concuffion & la malversation, touchant les deniers publics, les nobles Vénitiens n'ont guere à craindre le châtiment que mériteroit une administration peu réguliere. Ces inquisiteurs marchent avec une compagnie de cavalerie, des officiers, & un bourreau, afin qu'ayant l'autorité & la force en main, ils puissent rendre une prompte & rigoureuse justice. Mais quelque bruit que fassent ces inquifiteurs, c'est une tempête qui ne tombe le plus fouvent que fur quelque miférable ou fur quelque gentilhomme de terre-ferme. Cette noblesse ayant plus à craindre dans ces occafions, que qui que ce Toit, parce qu'on en fait volontiers des exemples. Au reste, cetre sévérité contient les magistrats dans leur devoir, fait vivre la noblesse de la campagne dans la crainte & dans la foumiffion, & perfuade les peuples de la douceur & de l'équité du gouvernement. Ce feroit au-delà de la mer Adriatique, dans les gouvernemens de Dalmatie, & les isles du Levant, qu'une pareille recherche produiroit des effets falutaires pour le bien des peuples; mais lorsqu'on y a voulu envoyer les inquifiteurs, on n'a pas seulement trouvé de la difficulté à y procéder, comme en cerre-ferme, contre les magistrats; les inquifiteurs même n'ont pas cru qu'il y eût de la sûreté pour leurs personnes, s'ils entreprenoient d'exécuter leur commiffion avec la sévérité ordinaire; de forte qu'il ne se trouve presque plus de fénateurs qui veuillent aller exercer ces fortes d'emplois au-delà de la mer.

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L'état de la république de Venise se partage en quatorze provinces, dont on en trouve fix vers le midi d'orient en occident; savoir le Dogado, le Padouan, le Vicentin, le Véronois, le Bressan, & le Bergamasc. Le Cremasque est au midi du Bressan, & la Polefine de Rovigo, au fud du Vicentin. Les quatre suivantes sont à fon nord du mid au septentrion: savoir la Marche Trevisane, le Feltrin, le Bellunese & le Cadorin. A l'orient de celle-ci sont le Frioul, qui lui eft contigu, & l'Istrie sur le golfe de Venife, presque vis-à-vis le Ferrarois.

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Le Dogado, ou duché de Venise, s'étend en long, depuis l'embouchure du Lisonzo, jusqu'à celle de l'Adige, & comprend les isles des Lagunes, de Venife, de Maran, & tout le quartier qui est vers la côte du golfe, depuis Carvazere jusqu'à Grado, & plusieurs isles qui font aux environs de la capitale. Les principales font au nombre de neuf, dont les Tome VI

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VENITTA-VILLA, lieu de France, dans le territoire de Beauvais, fur l'Oife. Il en est parlé dans la vie de saint Ansebert, citée par Ortelius.

VENKIANG, ville de la Chine, dans la provin ce de Suchuen, au gouvernement de Chingtu, premiere métropole de la provice. Elle est de 12. d. 55'. plus occidentale que Pekin, sous les 30 d. 45'. de latitude septentrionale. * Atlas Sinenfis.

VENLEE, riviere de France, dans la Normandie, au Cotentin. Elle a sa source dans le bois d'Outot, & porte ses eaux en la mer aux Hogues, dans le petit havre de Cingreville. * Corn. Dict. Vaudome, manuscr. géog.

VENLO, ville des Pays-Bas, dans la partie de la province du Gueldre, appellée le Haut-Quartier, sur la rive droite de la Meuse, à quatre lieues audessous de Ruremonde. Venlo tire fon nom de tes deux mots Flamands, Veen & Loo, qui signifient une terré marécageuse & baffe. Ce n'étoit autrefois qu'un bourg, que Renaud III, duc de Gueldre, fitaggran dir en 1343, & qu'il entoura de murailles, après lui avoir donné le titre & les privileges d'une ville. En 1372, Arnou de Horn, évêque d'Utrecht, & un feigneur de Brederode s'emparerent de cette ville, au nom du comte de Blois & de Mathilde de Gueldre fa femme. Charles, duc de Bourgogne, la prit en 1473, & l'archiduc Maximilien, enfuite empereur, l'enleva en 1481, au duc de Gueldre, qui s'en étoit remis en poffeffion. Les habitans ayant pris en 1512. le parti de Charles d'Egmont, duc de Gueldte, contre l'empereur Charles V. Marguerite d'Autriche, duchesse douairiere de Savoye, tante de ce Monar que, fit affiéger, mais inutilement, cette ville. En 1543, Charles V. affiégea cette ville en personne,& la contraignit enfin de se rendre à des conditions honorables, & par un accord, qui fut appellé le traité de Venlo. Elle ne resta pas long-temps sous la domination de l'Espagne; car les confédérés s'en empa rerent en 1568; mais le prince de Parme la leur re prit le 28. Juin 1586, après sept ou huit jours d'atta que. Le prince Maurice l'affiégea inutilement en 1606, & elle resta au pouvoir des Espagnols jusqu'au mois de Juin 1632, que Fréderic Henri, prince d'O range, la prit en trois ou quatre jours d'attaque. Le cardinal Infant la reprit au mois d'Août 1637, auffi en trois jours d'attaque, par la lâcheté du gouverneur. Depuis ce temps, Venlo resta au pouvoir de l'Espagne, jusqu'au traité de Munster, qu'il fut stipule par l'article VII, que tout le haut-quartier de Gueldre seroit échangé pour un équivalent; mais cet article n'eût point fon exécution. Enfin, la ville de Ven lo fut prise le 23 Septembre 1702, par l'armée des Alliés, en cinq jours de tranchée ouverte: & par le traité de Barriere, l'empereur l'a cédée aux États Généraux en toute propriété & fouveraineté , avec les forts de saint Michel & de Stevenswaert, & l'Am manie ou bailliage de Montfort. * Janiçon, état pré fent des Provinces-Unies, t. 2, p. 400, & fuiv.

C'est dans la ville de Venlo, que Guillaume, due de Clèves, demanda pardon à genoux à l'empereur Charles V, pour s'être révolté contre lui en 1543. C'est aussi dans cette même place qu'on fit le premier

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