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» à portée de Tyr, & il n'y a guères d'apparence qu'on y » vint trafiquer des côtes de l'Océan. Enfin le Pfalmifte » met les rois de Tharfis avec ceux des ifles: Reges Thar»fis & Infula. Or les ifles marquent ordinairement celles de la Méditerranée & les pays maritimes, où les Hé» breux avoient accoutumé d'aller par cette mer. » De tous ces pallages on peut conclure, felon D. Calmet, que le de Tharfis étoit fur la Méditerranée, & qu'apparemment c'eft la Cilicie.

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Après avoir raifonné ainfi, le paffage des Paralipoménes le rappelle, & lui fait tirer un double conféquence qui n'eft pas fort jufte, parce qu'elle porte à faux, comme je le ferai voir dans la fuite. « Lors donc, dit-il, qu'on voit équiper des vaiffeaux destinés à aller à Tharfis, dans la » mer rouge & à Afiongaber, on doit conclure, ou qu'il » y a deux pays de Tharfis, l'un fur l'Océan, l'autre fur la "ya » Méditerranée, ce qui ne nous paroît nullement probable: ou » que les vaiffeaux de Tharfis en général, ne fignifient que » des vaiffeaux de long cours, de grands vaiffeaux oppo»fés aux barques & aux nacelles. »

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Cette explication, qu'il donne en dernier lieu, touchant les vaiffeaux de Tharfis, n'eft qu'une alternative qui lui a paru néceffaire pour concilier une feule Tharfis, où l'on alloit par la Méditerranée, avec le paffage des Paralipoménes. Cette conciliation eft inutile, & par conféquent l'alternative qui n'a d'autre fondement que cela, devient auffi inutile. Il n'eft pas encore tems de le démontrer.

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Sentiment du pere BONFRERIUS.

Le pere Bonfrerius, favant jéfuite, qui a éclairci quantité de difficultés de la géographie des livres facrés, avoue que la queftion touchant Tharfis eft très-obfcure. « Bien des » gens, dit-il, ont été fort en peine de dire où elle étoit, principalement à caufe que dans les endroits de l'écriture » où il eft parlé de Tharfis dans le texte hébreu ww, » la vulgate & les Septante retiennent quelquefois ce mot, » & quelquefois l'expriment par Carthage ou par le mot de » Mer. Jofeph l'explique de la mer de Tharfe Tharficum » mare, ou par le pays de Tharfe ; d'autres l'entendent >> d'une contrée dans les Indes. Pineda, dans fon grand ou» vrage fur Salomon, prétend que c'eft Tarteflus en Espa» gne. Cette diverfité d'opinions eft une preuve de l'obscu» rité & de la difficulté. » Le pere Bonfrerius, après avoir renvoyé fon lecteur à fon commentaire fur l'écriture Genefe, chapitre 10, v. 4, & fait espérer un plus grand éclairciflement dans fon travail fur le III liv. des Rois, ajoute « Pour moi, je perfifte encore à préfent dans ce » fentiment, qu'il faut trouver une notion du mot Tharfis qui foit commune à tous les paffages de l'écriture fainte; » de forte qu'on les y puifle tous rapporter. Et je crois que "c'eft celle-ci, que par ce nom on entende en général les » lieux où il faut aller par mer, foit que ces lieux foient des ifles ou des pays d'outre-mer, où l'on ne pourroit arriver » par terre fans un grand détour, & fans beaucoup d'in» commodités. Il y a pourtant un lieu de l'écriture, (Judith, chap. 2, verf. 13,) où il femble que les enfans de » Tharfis font nommés pour les habitans de Tharfe & les Ciliciens».

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Il eft remarquable que Tharfenfes, les habitans de Tharfe, & Mallota, les habitans de Mallos, en Cilicie, font nommés ensemble en un même paflage des Machabées, liv. 2, chap. 4, verf. 30. Contigit Tharfenfes, & Mallotas feditionem movere eo quod Antiochi regis concubina dono effent dati. On ne peut pas douter qu'il ne foit là queftion de Tharfe & de Mallos, villes voifines. Antiochus y vint d'abord, les foumit, & leur laiffa pour fon lieutenant, Andronic. Cette remarque aura fon ufage fi on regarde le pasfage des Machabées comme une explication du paffage de Judith. Une chofe en quoi le pere Bonfrerius s'accorde avec Huet, c'eft fa penfée fur la néceffité de trouver une feule Tharfis, à laquelle conviennent tous les paflages de l'écriture où le nom fe trouve employé. La duplicité de Tharfis leur déplaît à l'un & à l'autre, & je crois, comme eux, qu'on doit l'éviter. « Il n'y avoit point de néceffité, dit » Huet, de navigat. Salom. cap. 3, verf. 12, de s'imaginer qu'il y eût deux Tharfis, comme a fait Jofeph, qui prétend que l'une étoit la ville de Tharfe de Cilicie, & » place l'autre dans les Indes ». ( J'ai déja fait voir que c'eft Huet qui fe trompe, & que Jofeph ne dit point cela, du

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moins aux endroits cités par Huet.) « De même que » Théodoret, in Ezech. cap. 38, verf. 13 & in Jon. cap. 1, » in Pfalm. 71,& Quaft. 36, in libr. Reg. qui place la pre» miere dans les Indes, & la feconde à Carthage. Saint Jé » rôme met au contraire la premiere à Carthage, la fe» conde dans les Indes. Bochart dit que l'unc eft à l'occident » dans l'Espagne, qui eft celle où alloient les vailleux qui partoient de Tyr, & l'autre à l'orient dans les Indes, du » côté de l'ifle de Taprobane, où les vaiffeaux d'Alionga»ber abordoient. Ce qui a fait inventer cette opinion à ces » auteurs, c'eft qu'ils ne pouvoient comprendre que des » vaiffeaux partis de Joppé fur la mer Méditerranée, com» me celui de Jonas & d'autres partis d'Afiongaber fur la » mer Rouge, comme ceux de Salomon & d'Hiram, ayent » pu par des routes entierement oppofées, arriver au même » pays de Tharfis. C'eft encore ce qui avoit fait fuppofer à » Bochart qu'il devoit y avoir deux Ophirs, ne pouvant au» trement le débarraffer de l'obscurité & de la contradiction » apparente des livres faints ».

En effet, c'eft cette prétendue contradiction qui a fait imaginer une Tharfis où l'on alloit par la mer Rouge. Huet croit la concilier par le fyftême qu'il avance, & que nous rapporterons ci-après en fon lieu. Il s'eft appliqué à chercher uu lieu où l'on pût aller par la Méditerranée & par la mer Rouge, ce qui ne fe préfentant qu'aux côtes occidentales de l'Afrique, il fuppofe que Bochart eût changé de fentiment, s'il eût fait attention que dès le tems de Salomon, on avoit commencé à doubler le cap qui eft à l'extrémité de l'Afrique, qui a été nommé depuis, cap de BonneEspérance, & que dès-lors on ne fe faifoit aucune peine de faire le tour de l'Afrique. Il emploie tout le quatrième chapitre de fon livre à prouver que ce circuit avoit été fait véritablement, en quoi il accufe jufte; mais cette érudition devint inutile pour expliquer la Tharfis de l'écriture. Pour la trouver, il ne falloit pas faire une navigation fi longue & fi dangereufe. La Tharfis des livres faints demande un lieu où l'on alloit habituellement ; & quelques exemples finguliers ne fuffifent pas pour prouver que le tour de l'Afrique fût une chofe ordinaire. Outre cela, cette navigation violente n'eft néceffaire que pour fauver le respect dû au pasfage des Paralipoménes, & dès qu'on fait voir qu'il n'a pas befoin de cette explication, cette navigation eft toute à pure perte.

Auteurs qui ont cherché Tharfis dans la Méditerranée.

Tous les paffages où il eft parlé de Tharfis, à l'exception de deux, s'accordent très-bien à chercher ce pays-là dans la Méditerranée. Le troifiéme livre des Rois, le fecond des Paralipoménes, chap. 9, les pleaumes, Ifaïe, Ezechiel, Jonas, s'accommoderoient affez d'une Tharfis, ou fituée sur cette mer, ou placée quelque part; de forte qu'en partant de Tyr, de Joppé, ou de quelque autre port de la même côte, on pouvoit arriver à Tharfis, à proportion de l'état où pouvoit être alors la navigation. Le troifiéme livre des Rois dit que la flotte d'Ophir s'équipoit à Afiongaber; mais il ne le dit pas de la flotte de Tharfis. Jonas s'embarque à Joppé, aujourd'hui Jaffa, port de la Terre Sainte, fur la Méditerranée, & il fe met fur un vaiffeau dont la deftination eft pour Tharfis. Cela eft clair, donc Tharfis eft fur la Méditerranée, ou s'il eft hors de cette mer, il la faut traverfer & en fortir pour arriver à Tharfis. Si la Tharfis où alloit le vaiffeau qui portoit Jonas avoit été dans les Indes, feroitil parti de Joppé ? Quel détour, long, périlleux & inutile n'auroit il point fait pour aller de là aux Indes. La mer Méditerranée renfermoit donc Tharfis, ou du moins en étoit le chemin ; mais fi Tharfis étoit dans la mer Méditerranée, en quel lieu de cette mer faut-il chercher ce pays? Eft-ce en Afrique ? en Europe ou en Afie? Les fentimens font partagés. Je vais rapporter les principaux.

Le paraphrafle chaldaïque croit que Tharfis eft l'Afrique, au troifiéme livre des Rois, chap. 10, verf. 22, & au 23 chapitre d'Ifaiïe, où nous avons vu que les interprétes mettent Carthage pour Tharfis, ce qu'ils font encore fur le 27° chapitre d'Ezechiel, j'entends les Septante; car en ce dernier endroit le paraphrafte cité rend Tharfis par la mer, quoique fur lfaïe il eut adopté le mot de Carthage. SaintAthanafe, Quaft, ad Antioch. faint Cyrille, lib. 5, in Ifai. & in Jon. 1. Théodoret, in Pfalm. 71, in Ezech. 38, & in Jon. 1, ont parlé de même. Tome V.

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Quelques-uns ont conjecturé que ce pouvoit être Tanis en Afrique. Le géographe de Nubie, II part. Climat. 3, pag. 87, dit que Tunis eft une très-ancienne ville; que fon om dans les annales eft Tharfis ; mais qu'après que les Mahométans l'eurent prife & ornée de nouveaux édifices, ils l'ap pellerent Tunes. Le bon Arabe El Edrift n'avoit lu ni Polybe, ni Tite-Live, ni Strabon, ni Diodore de Sicile, &c. qui ont tous vécu avant Mahomet, & n'ont connu cette ville que fous le nom de Tunes. A l'égard de fa conjecture il l'avoit prife des Rabins. Leusden a fait imprimer la prophétie de Jonas avec la paraphrafe chaldaique, la Mazore grande & petite, & les notes de Jarehi, d'Aben Ezra & de Kimchi. On y lit, p. 39, cette remarque d'Aben Ezra : Dixit Haggaon, Tarfila effe Tarfum; fed rabbi Mebascher dicit quod fit.urbs THUNES in Africa. Le géographe arabe qui avoit lu plus de rabins que d'auteurs grecs, a pu facilement adopter l'opinion des uns, & ignorer ce que les autres avoient écrit.

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Dom Calmet dit, dans fon dictionnaire de la bible, le Clerc entend par Tharfis THASSUS, ifle & ville dans la mer Egée. Il fe peut faire que ce favant homme ait placé cette penfée quelque part dans fes ouvrages, qui font en grand nombre; mais au moins ce n'eft pas dans le lieu où il suroit pu la faire valoir, s'il cût véritablement été de ce fentiment, c'est-à-dire, dans son commentaire, fur le livre des Rois ou fur les Paralipoménes. Il n'en dit pas le moindre mot, & femble adopter l'opinion de Bochart que nous rapporterons en fon lieu; ce qui foit dit ici en paffant. A dire vrai, il y auroit eu de la folie à mettre Tharfis à l'ifle de Thaffus ; d'où feroient venus dans cette ifle de l'Archipel l'argent & les autres richelles que l'on rapportoit de Tharfis en abondance? Cette idée ne mérite pas une plus ample explication.

Jofeph, Antiq. lib. 8, c. 2, & le paraphrafte arabe prétendent que par que par Tharfis il faut entendre la ville de Tharfe en Cilicie. Le premier fur-tout, parlant de Salomon, dit qu'il avoit un grand nombre de vaiffeaux fur la mer de Tharfe. E' r Tupsixy negquiry barátly, dans la mer furnommée Tharfienne. Racontant l'hiftoire de Jonas, il fubftitue fans détour, Tharfe à Tharfis ; & de peur qu'on ne s'y méil a foin de dire que c'eft à Tharfe de Cilicie, Es prenne, Tapoor indurys Buxias, que Jonas vouloit aller. A n'envifager que le livre de Jonas, Tharfe y convient affez. Cette même ville convient encore au Conteres reges Tharfis des pleaumes, & à l'autre pallage Reges Tharfis & Infula du pleaume 71. Ezechiel fait venir les vaiffeaux de Tharfis à Tyr, rien de plus naturel que de l'entendre des vaiffeaux de Tharfe dans la Cilicie. Le pillage des enfans de Tharfis rapporté dans le livre de Judith, s'entend commodément du pays qui dépendoit de Tharfe en Cilicie. Holopherne pille tous les enfans de Tharfis. Joseph, l. 1, c. 6, de la traduction d'Arnauld d'Andilli, explique Tharfis par Tharfe. Selon lui, « Thatfis fils de Javan, qui étoit l'un des fils de Japhet, fils de Noé, & qu'il appelle Tharfus, donna fon » nom aux Tharfiens qui font maintenant les Ciliciens » dont la principale ville fe nomme encore aujourd'hui "Tharfe ». Huet, que ce fentiment n'accommodoit pas, le réfute ainfi par des raifons dont il n'a pas apperçu le fondement ruineux : « Pour aller à Tharfis, il fallut conftruire » une flotte à grands frais fur la mer Rouge, & avec beaucoup de peine, & entreprendre un voyage de long cours. » Il eft vrai, continue-t-il, qu'en partant de Joppé & de "Tyr, on auroit abrégé beaucoup le chemin pour aller à » Tharfis ; que c'étoit la route que tenoit le navire fur lequel Jonas étoit monté, & que les Phéniciens la pre» noient ordinairement; mais des vaiffeaux qui devoient » s'arrêter à Ophir en allant à Tharfis, étoient obligés de » prendre une autre route ». Avant que de réfuter ce qu'il y a de faux, examinons un peu le fyftême de Huet.

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Strabon dit que les Phéniciens avoient coutume d'aller » dans ces pays-là, & qu'ils y avoient bâti des villes. Il » femble aufli vouloir detigner Tharfis, lorsqu'il dit que la » ville de Tyr devint fameufe par le commerce qu'elle fai» foit en Afrique, en Espagne, & même au-delà des co» lonnes d'Hercule; & lorsque Jofeph fait mention des es» claves amenés d'Ethiopie, & que Jonathan interpréte » Chaldéen, avec le rabin David Kimchi, rend Tharfis » par Afrique, je crois qu'on peut autant l'entendre de » cette partie de l'Afrique, qui eft fur l'Océan, que de » celle qui donne fur la Méditerranée. On doit encore en» tendre dans ce fens, ce que Anastase Sinaïte, (in Hexa» hemer. lib. 10,) dit, quand il rend Tharfis par Hespérie » occidentale, autfi-bien que les vers d'un ancien poëte dans l'épigramme de Lefbie, qui fe trouve parmi les épigram» mes qu'a ramaffées Pithou (1.3;) car, quoique cela puifle fe dire en même tems de l'Espagne, rien n'em» pêche qu'on ne le puiffe aufli appliquer à l'Afrique occidentale, où le trouvent les Hesperiens de la Libye, près » du mont Atlas, & le promontoire d'Hesperie, les Hespé» riens d'Ethiopie, la mer Hespérienne, fous laquelle on » comprend tout ce grand Océan, qui environne l'Afrique » occidentale & l'ifle d'Hespérie, fituée fur le lac Triton, » voisine de l'Océan, de laquelle Diodore fait mention. » Le même Strabon affure que les Tyriens alloient fouvent » dans ces contrées & qu'ils avoient bâti trois cents villes » fur la côte de la Libye. Joignez encore à ces autorités celle d'Eufébe, qui, dans fa chronique, dit que l'on en» tend le nom d'Espagne; fous celui de Tharfis, fentiment qui a été adopté par la plupart des modernes, qui veulent » que Tarteffus & Tarfeion foient les mêmes que Tharfis. » C'eft ainfi qu'en ont parlé Goropius, Hispan. l. 5,6,7, Grotius, in III Reg. c. 10, verf. 28, Pineda, de reb. Salo» monis, l. 4, c. 14, Emanuel Sa, in'II. Paralip. c. 9, V. 21, » & Bochart, Phaleg. l. 3, c. 7, & Chanaan, l. 1, c. 34 » & perfonne ne doutera que les Phoniciens n'ayent fréquenté fouvent la côte d'Espagne, lorsqu'on fera atten>tion qu'en cherchant la Bretagne & Thulé, ils ont été obligés de la côtoyer, qu'ils y ont élevé plufieurs monu» mens pour prouver qu'ils y ont été, & qu'Himilcon, Carthaginois, avoit mis par écrit la relation du voyage qu'il y fit. » La feconde preuve le tire des marchandifes de Tharfis : « On trouve en Espagne ou en Afrique de » toutes les especes de marchandifes que la flotte de Thartis » apporta. L'Espagne produit de l'or, de l'argent & d'autres » métaux, elle fournitloit aufli, fuivant le témoignage de » Pline, l. 37, c. 9, des pierres chryfolites, qui, au fenti» ment de plufieurs, étoient appellées Tharfis. L'Afrique ne » fournifloit pas feulement de l'or, mais encore de l'yvoi» re, des finges & des perroquets, ce qui eft confirmé, tant » par le témoignage des anciens, que par une expérience journaliere ».

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La quatrième preuve qu'il tire de la facilité du voyage de Tharfis, n'eft pas plus folide, quand en plaçant ce pays fur la côte occidentale de l'Afrique, on fuppole que l'on s'y rendoit de la mer Rouge. Ce voyage au contraire devoit être très-dangereux & très-difficile dans des tems où la navigation étoit très imparfaite. Le cap des Aiguilles & le cap des Tempêtes ne font pas fi aifés à doubler que Huet fe l'eft figuré; ainfi voilà deux preuves qui ne prouvent rien en sa faveur, parce qu'elles confiftent en des propofitions qui ont elles-mêmes besoin d'être prouvées.

V.

La cinquiéme appuie fur une prétendue deftination de la flotte de Jofaphat; il fuppofe que les paroles du troifiéme livre des Rois, c. 22, v. 49, font à peu près ce fens dans l'hébreu : Jofaphat fit conftruire des vaiffeaux deftinés pour Tharfis, qui devoient paffer en Ophir, pour y prendre de l'or, mais ils n'y allerent point, parce qu'ils furent brifés devant Afiongaber.

Sauf le respect dû à la grande érudition de Huet, l'hébreu ne fignifie point cela, l'hébreu dit fimplement: Jofaphat fit conftruire des vailleaux de Tharfis, pour aller à Ophir, à caufe de l'or; mais ils n'y allerent point, parce qu'ils furent brifés à Aliongaber. Schmidt, profeffeur de Strasbourg, qui a fait une verfion latine très-littérale, se

lon l'hébreu, dit: Jehoschaphatus fecit naves Tarschischi, ut abirent in Ophirem ob aurum; fed non abierunt, fracta enim funt naves in Ezion-Geber. Le Clerc traduit ainfi ce même pallage: Jofaphatus etiam fecerat naves Tharfenfes qua Ophiram irent ad petendum aurum; fed non profecta funt, nam frade funt naves Hetfiongeberi; & dans une note il explique ainfi : Naves Tharfenfes, hoc eft, naves ita fabricatas quemadmodum naves que Tharfin navigabant, & Huet lui-même traduit fimplement naves Tharfis, des navires de Tharfis, ce qui veut dire, bâtis fur le modéle de ceux que l'on envoyoit à Thatfis. Nous dirions fimplement des vailleaux de Thatfis, non que leur destination fût pour Tharfis, car ceux-ci devoient aller à Ophir, ni qu'ils eusfent été conftruits à Tharfis, puisqu'ils avoient été conftruits à Afiongaber, qu'ils n'en partirent point & qu'ils y furent brifés, mais parce qu'ils étoient conftruits à la maniere des vailleaux qui faifoient effectivement le voyage de Tharfis; on a en françois la même façon de parler. Nous appellons points de Venife des dentelles de points faites à Paris ou ailleurs, parce qu'elles font faites fur le modéle des points dont Venife faifoit ci-devant un grand commerce. Ce pasfage ne prouve point ce que M. Huet veut en conclure: Il faut lui prêter un fens étranger & forcé, pour en inférer que ces vaisseaux étoient destinés pour Tharfis ; il fignifie encore moins que ces vaiffeaux devoient, chemin faifant, paffer à Ophir. Dès qu'il ne fignifie point tout cela, il eft inutile de pouffer plus loin la conféquence, & d'ajouter que ces deux lieux étoient fitués de maniere que la même flotte pouvoit aller de l'un à l'autre, fans fe détourner de fon chemin. L'Ecriture diftingue ces deux flottes, leurs marchandifes & les ports d'où elles partoient. Les livres des Rois & des Paralipoménes, parlent des deux flottes fans les confondre, & on y voit que la flotte d'Ophir par toit d'Afiongaber, parce que c'étoit alors une nouveauté pour les Juifs d'avoir un port & des flottes fur la mer Rouge; on ne voit point que leur royaume fe foit étendu fi loin fous David, encore moins fous Saül; ainfi il étoit néceffaire de dire en quel endroit de la mer Rouge on s'embar quoit; auffi l'écriture dit-elle que c'étoit à Afiongaber, & en marque même les particularités comme on a vu au mot Ophir.

Il n'en eft pas de même de Tharfis ; on y alloir par la Méditerranée, au bord de laquelle la Palestine eft fituée. On y alloit du port de Joppé, on venoit de Tharfis à Tyr. Les Phéniciens les plus grands voyageurs de l'antiquité, faifoient fouvent ce voyage, & les Juifs du tems de Salomon, n'avoient pas befoin qu'on leur dît de quel côté on s'embarquoit pour Tharfis, ils le favoient; voilà pourquoi le livre des Rois & celui des Paralipoménes ne marquent point d'où partoit la flotte qui alloit à Tharfis; mais du tems des prophétes il s'eft trouvé des occafions où cette fpécification étoit néceflaire ; & les écrivains facrés n'y ont pas manqué alors. Jonas s'embarque à Joppé, fur un vaisfeau qui va à Tharfis, les vaiffeaux de Tharfis viennent à Tyr, & ainfi des autres paffages.

Ce préjugé d'une flotte équipée à Afiongaber, pour aller à Tharfis, a empêché M. Huet de découvrir la véritable Tharfis, & lui a fait prendre le parti de croire que les flottes de Tharfis faifoient le tour de l'Afrique. L'idée faufle qu'il s'étoit faite là deffus, l'a engagé à foutenir que Tharfis n'eft aucun port de la Méditerranée; ce font deux erreurs qui viennent de la premiere.

Du nom de Tharfis.

Ce nom, comme nous avons dit, avoit deux fignifications; l'une d'une forte de pierre précieufe; l'autre d'un homme appellé Tharfis : l'écriture fainte le nomme le fecond entre les enfans de Javan, quatriéme fils de Japhet, qui étoit le troifiéme fils de Noé. Jofeph dit, au livre premier des antiquités, c. 6, que ce Tharfis, qu'il nomme Tharfus, peupla la Cilicie. Tharfis s'étant établi dans la Cilicie, fa poftérité la peupla, & eut fans doute beaucoup de liaisons avec les Phéniciens, grands navigateurs. Les Grecs prétendent que le nom de Cilicie vient de Cilix, qu'ils font frere de Cadmus. Cela doit avoir formé entre les deux peuples un grand commerce maritime. La fituation de Tharfe, dans un tems où l'on fuivoit les côtes, fans s'en écarter que le moins qu'il étoit poffible, en faifoit un entrepôt commode.

Tharfis & Cetim étoient freres, felon la genefe. Tharfis habita la Cilicie, felon jofeph, & il fe trouve dans la Cilicie un canton nommé la CETIDE; Ptolomée en nomme les principaux lieux. Voyez CETIDIS. S. Bafile, évêque de Seleucie, in vita Thecle, t. 1, parlant du Calydnus, riviere voiline de la Séleucie d'Ifaurie, dit qu'elle a fa fource dans le fond de la Cétide.

Les Phéniciens, ayant une colonie à Carthage, poufferent aifément leur navigation jusqu'au détroit de Gibraltar, où ils eurent des établissemens confidérables. Tous les anciens hiftoriens en font pleins de témoignages; ils fortirent du détroit & furent les fondateurs de Cadix. Arrien, 1. 2, c. 16, dans fon expédition d'Alexandre, parle de plu fieurs Hercules, & prétend qu'Hercule adoré par les Ibériens (les Espagnols) à Tarteffus, où étoient certaines colonnes nommées Colonnes d'Hercule, étoit l'Hercule Tyrien ; car, ajoute-t-il, Tarteffus a été bâtie par les Phéniciens: on y éleva un temple en l'honneur d'Hercule, & on lui faifoit des facrifices à la maniere des Phéniciens. Arrien entend par là la ville fituée dans une ifle que les Latins nommerent Gades. C'est de celle là que Pline, /. 4, c. 22, dit: Noftri Tarteffon appellant, Pani GADIR ita punica lingua Gepem fignificante; il ne faut pas la confondre avec une autre Tarteffus nommée Carteia. Pline, l. 3, 0.1, qui fait auffi mention de celle-ci en ces termes : Carteia Tarteffos à Gracis dicta, les diftingue très bien, elle avoit été aufli fondée par les Phéniciens; mais, felon la remarque de Bochart, il y avoit une troifiéme Tarteffus, que les Phéniciens ne bâtirent point, & qu'ils trouverent toute fondée. Elle étoit au bas du Guadalquivir, qui entroit anciennement dans la mer par deux embouchures. Strabon, 1.3, p. 140, dit: Le Guadalquivir fe partage en deux; l'ifle, qui eft entré ces deux embouchures, à cent ftades de côte le long de la mer, felon quelques-uns, & plus felon d'autres. Il dit plus bas: Comme le Guadalquivir entre dans la mer par deux embouchures, on dit qu'il y a eu au milieu une ville nommée TARTESSUS, comme la riviere, & que l'on appelloit TARTESSIDE, le canton poffédé à préfent par les Turdules. Paufanias, Eliac. 2, dit de même: On dit qu'il y a en Espagne le fleuve Tarteffus, qui descend dans la mer par deux embouchures, entre lesquelles il y a une ville de même nom. Il n'eft pas étonnant que Pline n'ait point nommé cette Tarteffus, qui n'existoic déja plus du tems de Strabon. Bochart croit donc que cette ancienne ville ne fut point fondée par les Phéniciens; mais qu'ils la trouverent fondée en venant dans ce pays là. Il eft vrai que le Guadalquivir n'a aujourd'hui qu'une embouchure; mais outre que la même chofe eft arrivée à quantité d'autres rivieres, les anciens atteftent qu'elle en avoit eu deux. On vient d'en voir les preuves dans Strabon & dans Paufanias, ajoutons-y Ptolomée, qui fait mention de l'embouchure orientale du feuve Betis Βαίτιος τὸ ἀνατολικὸν Dea. Il faut en conclure qu'il y en avoit une autre fans doute occidentale dorixo, qui aujourd'hui ne fe trouve point dans fon livre, apparemment par la négligence des copistes.

C'est certe troifiéme Tarteffus, la plus ancienne de tou. tes, que les Hébreux ont appellée Tharfis, fi nous en croyons Bochart; & c'est là que les premiers Phéniciens, qui y allerent, trouverent des richelles immenfes. Il y a un paffage confidérable d'Ariftote, dans fon livre des Merveilles on dit que les premiers Phéniciens qui navigerent à Tartellus, y échangerent l'huile & autres ordures qu'ils portoient fur leurs vaiffeaux, contre de l'argent, en telle quantité, que leurs navires ne pouvoient ni le contenir ni le porter. Il ajoute qu'ils fe firent des ancres d'argent, & tout le refte de la vaiffelle & des uftenfiles. Hérodote, . 4, c. 152, marque par quelle aventure un vaiffeau des Samiehs fut porté à Tarteffus. Le capitaine s'appelloit Colaus, & fut le premier Grec qui fit ce voyage. Il paroît par le discours d'Hérodote, que ce port n'étoit pas fréquenté pour lors, que Colaus y trouva de grandes richeffes, & revint avec une charge qui fit fa fortune, fa part feule ayant monté à fix talens.

Il eft remarquable que les trois Tarteffus étoient dans la Bétique; l'une favoir, Carteia, dans la baie de Gibraltar; l'autre Gadir ou Gades, au golfe de Cadix ; l'ancienne à l'embouchure du Guadalquivir, entre les deux forties de ce fleuve. Joignez à cette fituation la richeffe du pays en argent, fi vantée par fi vantée par les anciens hiftoriens, qui confirment

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les voyages de ce pays-la; ajoutez ce paffage d'Eufebe Oapseis it r&ICúpes, Tharfis ex quo Iberi; Tharfis de qui font venus les Ibériens ou les Espagnols; vous trouvez une fuite de convenances qui rendent moins étranges les diverses opinions qui placent Tharfis, ou dans la Méditerranée, ou au voisinage de cette mer.

tale d'Afrique ne manque point de tout cela, & il n'eft pas néceffaire d'aller bien loin, ni jusqu'au coin de la Guinée, pour en trouver; encore moins de faire le tour de l'Afrique. Les Phéniciens de la Bétique avoient foin de fe fournir d'une marchandife, qu'ils voyoient que la flotte combinée de Hiram & de Salomon emporteroit avec plaifir; & le terme de trois ans, qui s'écouloit d'un voyage à l'autre, étoit bien affez long pour les amaffer, au lieu où la flotte abordoit, fans qu'elle eut la peine de les aller chercher ailleurs qu'à Tharfis.

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Il ne faut qu'une feule Tharfis, dira-t-on, la plupart des auteurs, dont j'ai rapporté le fentiment, le fouhaitent ainfi. Il est ailé de les fatisfaire, pourvu qu'ils conviennent qu'il a pu arriver au nom de Tharfis la même chofe qu'au mot Indes. C'étoit le nom particulier d'un fleuve; enfuite M. Huet réfute ce fentiment de cette maniere, après d'une contrée en deçà & au-delà du Gange, & encore avoir fuppofé que les vaiffeaux deftinés pour Tharfis deaujourd'hui le mot d'Indes eft devenu commun à des pays voient, chemin faisant, pafler par Ophir, il ajoute : « II très-différens les uns des autres. Il peut en avoir été de» eft facile de juger, par ce qui vient d'être dit, combien même de Tharfis ; Tharfe & la Cilicie ont pu être les » Bochart, & ceux de qui il avoit adopté le fentiment, fe premiers effais de la navigation phénicienne. Le nom de "font trompés groflierement en plaçant Tharfis dans la Tharfis aura fans doute pris de-là fon origine dans la langue Bétique, puisqu'on ne fauroit prouver qu'elle produife hébraïque. Si l'on a lu ce que nous avons dit à l'article » aucune des marchandifes que l'écriture dit que ces vaisGRÉCE, on aura de la dispofition à croire que ces mêmes » feaux apporterent. Il leur feroit auffi inutile de prétendre Hébreux, qui nommoient Javan les habitans de la Gréce, » qu'il y avoit dans les villes de la Bétique des foires & des à caufe de Javan, pere des Ioniens, ont pu appeller » marchés, où l'on pouvoit acheter ces fortes de marTharfis la Cilicie & les Ciliciens descendus de Tharfis. chandifes que l'on y portoit des pays éloignés ; car il feroit On a fait voir à l'article de Carthage, que vers le tems » ridicule de penfer que les Ifraëlites & les Phéniciens de Jofué, les Phéniciens étoient pallés en Afrique. Des » partis d'un port de la mer Rouge, euffent côtoyé les vaiffeaux, qui rafoient la côte de Phénicie, & enfuite celle » rivages de l'Afrique, fans s'y arrêter, pour aller en Esde Cilicie, arrivoient aifément à l'ifle de Candie & aux » pagne chercher des marchandises que les Espagnols euxautres ifles, qui font au midi de la Morée, de-là, ils ne » mêmes tiroient de l'Afrique. » Ce ridicule n'eft donc perdoient point la vue des terres, pour cotoyer la Gréce, qu'au cas que ces vailleaux de Tharfis partiffent de la mer la côte méridionale d'Italie & celle de Sicile, à la pointe Rouge, doublaffent le cap de Bonne-Espérance, & vinsoccidentale, de laquelle ils touchoient presque aux côtes fent à la Bétique par l'Océan le long de l'Ethiopie, de la d'Afrique, où étoit leur colonie de Carthage. De-là, en Guinée, de la Nigritie, &c. jusqu'au détroit ; en ce cas, il fuivant cette côte, ils trouvoient le détroit de Gibraltar. étoit plus naturel qu'ils priffent eux-mêmes fur les lieux, Je ne dis rien là qui ne foit conforme aux témoignages de les finges, les Négres & les perroquets; mais ce tour de l'antiquité & à la plus faine géographie. Ce voyage de l'Afrique n'étant qu'une chimére, le ridicule ceffe. On ne Cilicie, de Carthage & du détroit, a pu être appellé le doit pas s'étonner que les Israëlites & les Phéni ciens prisvoyage de Tharfis, parce que Tharfis étoit le premier fent dans la Bétique des marchandises qu'ils n'avoient pas trouvées fur leur route, étant venus par la Méditerranée. Il fuffit qu'au premier voyage ils ayent témoigné quelque goût pour ces marchandises, pour en trouver en abondance au voyage fuivant; fans qu'ils fuffent réduits à les aller chercher eux-mêmes. Or, je dis que les vailleaux de Tharfis alloient par la Méditerranée. La prophétie de Jonas & celle d'Ezechiel le marquent. Ils ne partoient point d'Afiongaber ni de la mer Rouge, & les deux paffages dont on abuse pour le prouver ne le difent point. On les a affez examiné dans cet article, pour se dispenser de le faire encore ici. Jonas ne veut point aller en orient où eft Ninive, il s'enfuit vers Tharfis à l'occident, cela eft naturel. Les marchands de Tharfis viennent aux foires de Tyr, rien de plus facile à concevoir dès que Tharfis eft dans la mer Méditerranée, ou près du détroit de Gibraltar. Le paffage de Judith ne fe peut expliquer de l'Afrique occidentale. Holoferne n'alla point de ce côté-là. Le Reges Tharfis & infula de David y vient aussi mal. Réduifons à un petit nombre de propofitions ce que nous avons tâché de faire voir dans cet article.

terme.

A l'égard de Tharfis en Espagne, la différence qu'il y a entre ce nom & celui de Tarteffus, ne doit point faire de peine; car les Phéniciens peuvent avoir changé le premier en, c'est-à-dire, l's en t, comme on a dit l'Aturie pour l'Affyrie, la Batanée pour le pays de Bafan; peut-être aufli n'ont-ils rien changé à ce nom. Polybe rapportant les conditions d'un traité fait entre les Romains & les Carthaginois, dit : Il ne fera point permis aux Romains de faire des prifes au-delà de Maftia & de TARSEIUM, ni d'y aller trafiquer, ni d'y bâtir des villes. Iapsrïov Tarseium, felon Etienne le géographe, eft une ville auprès des Colonnes d'Hercule. Le nom de Tharfis eft bien reconnoiffable en celui de Tharfeium. Auffi Goropius, Hispan. 1.5; 6. 7, Grotius, in III Reg. c. 10, v. 28, Pineda, de rebus Salom. l. 4, c. 14, Emmanuel Sa, in Paralip. l. 2, c. 9, v. 21, & Bochart, Phaleg. l. 3, c. 7, & Chanaan, l. i c. 34, n'ont-ils fait nulle difficulté d'affurer que c'étoit le

même nom & le même lieu.

Des marchandifes que l'on apportoit de Tharfis.

Après avoir rapporté Tharfis en fa place, malgré les illufions de quelques critiques; voyous fi l'on y trouvoit les marchandises, dont il eft dit que la flotte de Tharfis fe chargeoit en revenant. Ces marchandifes étoient de l'argent en maffe, ou en lame, la chryfolite, de l'yvoire, des finges, des perroquets & des esclaves Ethiopiens, c'eftà-dire, des Négres. Il n'y a nulle difficulté fur l'argent. Le pays où nous mettons Tharfis, c'est-à-dire, la Béthique, en produifoit alors en abondance, comme on l'a vu par le témoignage d'Ariftote & d'Hérodote. Il n'y en a pas davantage fur les chryfolites. Pline parlant de cette pierre dit: Bocchus auctor eft & in Hispania repertas quo in loco cryftallum dicit ad liberamentum aque puteis depreffis erutam, chryfoliton XII pondo à fe vifam. Ce témoignage eft bien fuffifant. Un pays qui produifoit des chryfolites du poids de douze livres, à douze onces la livre, comme étoit celle des anciens, ne devoit pas être ftérile de cette forte de pierre.

Les Phéniciens avoient des établiffemens au-delà du détroit vers la Nigritie. Ils étoient fur les flottes de Salomon; ils favoient bien comment lui procurer de l'yvoire, des finges, des Négres & des perroquets. La côte occiden

Il n'y avoit qu'une Tharfis proprement dite, que l'on connût d'abord; favoir Tharfe, & les environs connus enfuite fous le nom de Cilicie.

Les Phéniciens, vers le tems de Jofué, ayant fait des établiflemens en Afrique, leurs vaiffeaux fréquenterent le port de Carthage.

Cette navigation les mena peu à peu vers le détroit de Gibraltar, & leur fit découvrir le pays de Tharfis en Espagne; c'eft de cette Tharfis, du détroit, ou des environs que Salomon tiroit tant d'argent, d'yvoire, &c.

La Tharfis d'Holoferne eft la Tharfis de Cilicie & ne peut être l'Arabie. C'eft auffi celle du pfeaume, où il eft parlé des rois de Tharfis & des ifles.

Pour aller à Tharfis, on s'embarquoit à Joppé comme Jonas, ou à Tyr, fur les vaiffeaux des marchands dont parle Ezechiel.

Les paffages que l'on cite du livre des Rois & des Paralipoménes, pour en conclure que la flotte de Tharfis partoit d'Afiongaber, ne le difent point, & il eft plus naturel & plus raifonnable d'entendre, dans les paroles même de l'écriture, une diftinction réelle entre ces deux Alottes & ces deux voyages, que de donner lieu à une contradiction dont on ne fait comment fortir.

THARSOUS, nom que les Arabes & les Turcs donnent

ala ville de Tharfe en Cilicie. Elle a produit quelques au teurs furnommés Al-Tharfoufli, à caufe de la naiflance qu'ils avoient prife dans cette ville. * D'Herbelot, Bibliot. rientale.

THARSUS. Voyez TARSUS & THARSIS.

donner une fatisfaction convenable aux habitans d'Abdera. Egeo Ledivivo, p. 467.

*

THAT, château du Sugeftan. Dans l'année 393 de l'hégire, dit d'Herbelor, dans fa bibliotheque orientale, au mot Mahmod, Mahmoud, fils de Sebecteghin, premier

THASARTE, lieu de l'Afrique propre. Voyez TA- fultan de la dynastie des Gaznevides, entreprit de réduire

SARTA.

THASBALTE. Voyez TASBALTENSIS. THASIA, ville de l'Afrique propre. Ptolomée, l. 4, <. 3, la marque avec les villes qui étoient entre la ville Thabraca & le fleuve Bagradas.

THASIE, contrée de l'ibérique, felon Pline, l. 6,

C. 10.

THASKEND, nom d'une ville du Turqueftan ou de la grande Tartarie. Il eft forti de cette ville des perfonnages illuftres, qui ont porté le furnom de Tasch. kendi.

THASPIS. Voyez TESPIS.

THASUS, ifle fur la côte de la Thrace, à l'oppofite de l'embouchure du fleuve Neftus. La plupart des géographes écrivent THASUS, mais Polybe & Etienne le géographe difent THASSOS, & Pline THASSUS. Thafus, fils d'Agenor, roi des Phéniciens, paffe pour avoir demeuré plufieurs années dans cette ifle, & pour l'avoir peuplée : il lui donna fon nom. L'ifle fut enfuite augmentée d'une nouvelle colonie grecque qu'on y avoit menée de Paros. Ce qui la rendit confidérable entre les autres ifles dans la mer Egée; mais elle tomba fous la nomination des Céniriens & des Entriens ou des Airpo, comme Hefychius les appelle. Ces peuples s'y étoient rendus de la Thrace ou des confins de l'Afie. Hérodote fait une mention particuliere de ces peuples. A la fin les Athéniens s'en rendirent les maîtres; ils la dépouillerent entierement de fa liberté, en défarmerent les habitans, & pour les tenir plus aifément dans la fujétion, ils les accablerent de continuels impôts. Les Athéniens en furent dépoflédés par les Macédoniens, & ceux ci par les Romains. Thafus elluya enfuite le gouvernement tyrannique de plufieurs ufurpateurs, & à la fin, elle fut contrainte de fubir le joug de la domination turque. Mahomet II s'en empara dès l'an 1453. Elle fut traitée d'abord avec la derniere rigueur; mais dans la fuite, les Turcs mêmes y établirent un négoce; ce qui y attira de rechef de nouveaux habitans. Cette ille contient encore aujourd'hui trois bourgs fort peuplés, & mis par des fortifications en état de défenfe. On donne même au plus grand de ces bourgs le nom de ville de THASO. Les deux autres bourgs retiennent en quelque maniere leurs anciens noms, l'un cft appellé Ogygia ou Gift, & l'autre Etira ou Tyrra. Le commerce y attire un grand nombre d'étrangers, on voit aborder en tout tems dans le port de la ville quantité de bâtimens, fur-tout de Conftantinople, qui y portent un gain confidérable. Le terroir de cette ifle eft fertile, & abonde en toutes chofes néceffaires à la vie. Les fruits particulierement font délicieux, & il y a un excellent vignoble, célébre déja dès le tems de Varron; & Virgile, Georg. l. 2, v. 91, en parle ainsi :

Sunt Thafia vites, funt & Mareotides alba.
Pinguibus he terris habiles, levioribus illa.

Cette ifle a encore plufieurs mines d'or & d'argent, & des carrieres d'un marbre très-fin. Pline, remarque que ces mines & ces carrieres rapportoient beaucoup dès le tems d'Alexandre le Grand. Les empereurs Ottomans ne les ont pas laiffées en friche. Selim I entre autres, & Soliman II en ont tiré un profit confidérable. Le fultan Amurath fit creufer avec beaucoup de fuccès dans la montagne qui eft vers le feptentrion de l'ifle, vis-à-vis de celle de Neflo; mais au bout de cinq mois on discontinua ce travail, parce qu'on en avoit perdu la veine. Les habitans de l'ifle de Thafo avoient fait une alliance étroite avec ceux de la ville d'Abdera, à deffein de fe mettre à couvert des incurfions des Sarrazins & d'autres peuples barbares de l'Afie; mais ils les abandonnerent dans leurs preffants befoins, lorsque ces barbares vinrent avec une armée ravager toute la côte méridionale de la Thrace. Après leur départ ceux d'Abdere s'étant remis, penferent aux moyens de fe venger des Tharfiens qui avoient manqué à la foi promife; ils aborderent pour cet effet à l'impourvu dans cette ifle, & firent tout leur poffible pour s'en rendre les maîtres. Les peuples voifins prirent part à cette guerre, & obligerent les Thafiens à

Khalaf, qui n'étant que gouverneur du Segeftan y tranchoit du fouverain, & avoit même fortifié le château de That, comme s'il eut voulu s'y maintenir par la force; mais il n'eut pas plutôt appris la venue de ce prince, qu'il alla audevant de lui, lui porta les clefs de fa fortereffe & le reconnut pour fon fultan.

THATES. Voyez THAPSIS.

THATICES. Voyez METACOMPSO.

THAU. (L'étang de) étang en France, fur les côtes de Languedoc. Cet étang ett nommé Taurus par Avienus, & Laterra par Pline. Il s'étend presque de l'eft à l'ouest environ douze bonnes lieues au midi du diocèse de Montpellier, & d'une partie de celui d'Agde. On lui donne dans le pays les différens noms d'étang de Frontignan, de Maguelone & de Peraut, que l'on emprunte de gros lieux qui font fur fes bords, On donne ordinairement celui de Frontignan à la partie orientale. Cet étang fe débouche dans le golfe de Lyon par le Grau de Palavas, ou paffage de Maguelone, & par le port de Cette, où commence le fameux canal royal de Languedoc.

THAÚANA, ville de l'Arabie heureuse. Prolomée, 1.6, c. 7, la marque dans les terres. Le manuscrit de la bibliotheque palatine lit Thabane, au lieu de Thauana.

1. THAUBA, ville de l'Arabie heureufe, & dans les terres, felon Prolomée. Au lieu de Thauba, le manuscrit de la bibliotheque palatine porte Thabba.

2. THAUBA, ville de l'Arabie déferte. Ptolomée, l. 5, c. 19, la marque aux confins de la Méfopotamie.

THAUBASIUM, lieu d'Egypte. Par la pofition que lui donne l'itinéraire d'Antonin, ce lieu devoit être au voifinage des marais de l'Arabie. Il eft marqué fur la route de Serapiu à Pelufe, entre Serapiu & Sile, à huit milles du premier de ces lieux, & à ving -huit milles du fecond. Ortélius foupçonne que ce pourroit être le même lieu que la notice des dignités de l'Empire appelle Tuabafteum, & qu'elle place dans l'Auguftamnique. Je crois, dit Ortelius, que c'eft auffi le Theubatum de faint Jérôme.

THAUMACI. Strabon, l. 6, p. 434, met THAUMACI au nombe des villes de la Phthiotide; & Tite-Live, L. 32, c. 4, dit qu'en partant de Pyle & du golfe Maliacus, & pasfant par Lamia, on rencontroit cette ville fur une éminence tout près du défilé appellé Cale. Il ajoute que cette ville dominoit fur une plaine d'une fi vafte étendue, que l'on ne pouvoit en voir l'extrémité, & que c'eft cette espéce de prodige qui étoit l'origine du nom Thaumaci. Etienne le géographe prétend néanmoins que ce fut Thaumacus fon fondateur qui lui donna fon nom. Ce feroit un fait difficile à vérifier, ou du moins il faudroit aller chercher des preuves dans des tems bien reculés, car cette ville fubfiftoit du tems d'Homére, Iliad. B. v. 716.

Οἱ δ' άρα Μηθώνην καὶ Θαυμακίην ἐνέμοντο. Qui vero Methonen & Thaumaciam habitant. Pline, l. 4, c. 9, nomme auffi cette ville Thaumacia ou Thaumacie, & la met dans la Magnéfie; je ne fais fur quoi fondé. Phavorin, Lexic. dit qu'il y avoit une ville nommée Thaumacia dans la Magnéfie, & une autre de même nom fur le golfe Maliacus; il pourroit bien multiplier les êtres. Ce qu'il y a de certain, c'est que la ville de Thaumaci de Tite-Live étoit dans les terres.

THAUN, Dumnus, petite ville d'Allemagne, dans la partie du Palatinat qui eft à la gauche du Rhin, au comté de Spanheim, dans l'endroit où la riviere du Nahe reçoit celle de Simmeren. * Jaillot, Atlas.

THAUREN. Corneille qui cite Joly, voyage de Munster, dit que c'est un lieu fameux dans l'évêché de Liége, à une lieue de la ville de Mafeich; il ajoute : On y voit une célébre & riche abbaye de chanoineffes de fort ancienne fondation, qui peuvent fe marier de même que celles de Mons en Hainaut, excepté l'abbeffe, dame très-confidérable, qui a jurisdiction fur beaucoup de terres & de villages, & qui peut faire battre monnoie d'or & d'argent .Elle a des chanoines & des chapelains pour faire le fervice divin,

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