destinée pour Médéa. Le 5, l'armée bivouaqua à Karoubet-el-Ouzri, à l'entrée du pays des Beni-Menad. Le 6, elle pénétra sur le territoire montagneux de cette tribu, et traversa plusieurs ravins, dont un, dit Chaba-el-Keta, l'arrêta assez long-temps par la nécessité où l'on fut de pratiquer des rampes pour le passage de l'artillerie. Il y eut, ce jour-là, quelques tiraillements avec les Kbaïles, dont on incendia les cabanes et les moissons. A cinq heures, on arriva au confluent de l'Oued-Djer et de l'Oued-Hammam, où l'on y établit le bivouac. Le 7 au matin, le corps expéditionnaire s'étant remis en marche, rejoignit, près du marabout de Sidi-Riar, la route directe d'Alger à Miliana, que le maréchal n'avait pas voulu prendre d'abord, parce qu'au-dessous de ce point elle coupe quatorze fois l'Oued-Djer. On remonta la vallée de l'Oued-Adelia, mais lentement, à cause des nombreux coups de pioche qu'il fallut donner çà et là pour rendre la route praticable aux voitures de l'artillerie. La cavalerie arabe, qui se montrait dans le lointain, n'envoya contre nous que quelques tirailleurs, promptement dispersés par nos gendarmes maures et nos spahis. L'ennemi ne chercha pas à défendre le col du Gontas. L'armée le franchit sans obstacle, descendit par AïnSultan dans la vallée du Chélif, et prit position sur l'Oued-Zeboudja, un des affluents de droite de cette rivière. Le 8, le corps expéditionnaire descendit la belle, fertile et large vallée du Chélif, jusqu'au marabout de SidiAbd-el-Kader, bâti à l'entrée de la gorge qu'il faut suivre pour monter à Miliana, et au fond de laquelle coule l'Oued-Boutan, dont les eaux limpides descendent du Zacar. La cavalerie de l'Émir déployait ses masses sur la gauche de la colonne, mais à une distance considérable, et sans paraître vouloir l'attaquer. Miliana est située sur un ressaut du mont Zacar qui forme comme une plaine aérienne, à une des extrémités de laquelle la ville a été bâtie. Des rochers à pic lui servent de base de deux côtés. Au nord, les escarpements abruptes du mont Zacar semblent la séparer, elle et sa petite plaine, du reste du monde. Ce coin de terre arrosé par des sources abondantes, paré d'une riche et gracieuse végétation, entouré de profonds et verdoyants ravins, et d'où enfin, la vue s'étend sur la magnifique vallée du Chélif qu'il domine à une hauteur considérable, offrirait un délicieux asile à une de ces petites républiques de sages, qu'à défaut de réalité l'imagination enfante quelquefois dans des rêves consolateurs. A l'approche de nos troupes, celles d'Abd-el-Kader avaient forcé les paisibles habitants de Miliana d'abandonner leurs foyers; elles avaient même mis le feu à la ville, mais l'incendie fit peu de progrès et ne détruisit guère que quelques échoppes de marchands juifs. Cette tentative de destruction annonçait que l'Émir n'avait nullement le projet de défendre Miliana. Néanmoins, favorisé par la nature du terrain qui permettait à ses gens de nous faire quelque mal en ne courant que peu de chances d'en recevoir, il embusqua son infanterie derrière les rochers, et lorsque les têtes de nos colonnes, conduites par les colonels Changarnier et Bedeau, se mirent à gravir les contre-forts du Zacar, cette infanterie fit sur elles un feu assez bien nourri, soutenu par celui de deux mauvais canons. Mais tout cela ne produisit que fort peu d'effet; nos troupes entrèrent à Miliana presque sans pertes. L'ennemi se mit en retraite par la route de Cherchel. Le maréchal resta trois jours à Miliana; il fit exécuter au mur d'enceinte, qui était en mauvais état, les réparations les plus urgentes, et construire trois ouvrages extérieurs pour la défense des jardins. Une mosquée fut disposée pour servir d'hôpital, une autre fut affectée au service des vivres. Les troupes destinées à former la garninison de cette pauvre ville déserte furent établies dans les maisons les plus vastes et les plus convenablement situées. Abd-el-Kader avait construit à Miliana une fonderie, encore bien incomplète, et quelques forges pour l'exploitation d'une mine de fer qui existe aux environs. La perte de ces établissements situés en dehors de la ville, à la chute des eaux qui descendent des montagnes, dut faire pressentir à l'Émir quel serait le sort de tous ceux qu'il possédait encore dans l'intérieur du pays. M. le maréchal Valée laissa à Miliana un bataillon du 3o léger et un bataillon de la légion étrangère sous le commandement de M. le lieutenant-colonel d'Illens. Ces deux bataillons et les détachements du génie et de l'artillerie qui leur furent adjoints présentaient un effectif de 1,100 hommes environ. Le 12, le maréchal quitta Miliana avec le reste des troupes et redescendit dans la vallée du Chélif. La deuxième division fut chargée de couvrir le convoi, tandis que la première combattrait l'ennemi qui se montrait assez nombreux sur les hauteurs de droite et de gauche de la gorge de l'Oued-Boutan. On arriva ainsi jusque dans la plaine après avoir chassé l'ennemi de toutes les positions d'où il cherchait à nous inquiéter. Au delà du marabout de Sidi-Abd-el-Kader, l'armée se dirigea sur l'Harba de Djendel, localité située sur le Chélif. Peu d'instants après, un gros de cavalerie s'étant présenté en avant de notre gauche, les spahis et les gendarmes maures les chargèrent. Mais ayant eu affaire à plus forte partie qu'elle ne le supposait, cette troupe, qui ne fut pas soutenue à temps, fut obligée de se mettre en retraite, ce qu'elle fit du reste avec beaucoup d'ordre. On fit alors marcher la légion étrangère, et la cavalerie ennemie disparut. On incendia ce jour-là les belles moissons de la vallée du Chélif. Nous eûmes dans cette journée 14 hommes tués et une centaine de blessés. L'armée coucha à l'Arba sur la rive gauche du Chélif; c'est l'emplacement du marché de la tribu de Djendel. Le 13, on partit de ce point, on repassa le Chélif à deux lieues plus loin, et l'on alla coucher sur le plateau d'Ouamri, dans la direction de Médéa. La marche fut lente, parce qu'il fallut travailler sur plusieurs points pour rendre la route praticable. On tirailla plus ou moins toute la journée avec les Arabes qui présentaient une masse de 2,000 cavaliers au plus. Les tiraillements furent assez vifs au passage du Chélif. Le 14, l'armée arriva à Zboudj-Lazara où elle prit position. Pendant qu'elle formait ses bivouacs, les troupes de l'Émir s'établissaient à gauche et non loin de la route du col. On tirailla trèspeu ce jour-là. Le maréchal, avant de se rendre à Médéa, devait aller prendre les approvisionnements destinés à cette ville, lesquels, comme nous l'avons vu plus haut, avaient été laissés à Haouch Mouzaïa. Comme il était possible que l'ennemi cût pris position au col, on résolut de l'y surprendre ou, dans le cas où il n'y serait pas encore, del'y prévenir. En conséquence, le général fit partir à minuit Ie colonel Changarnier avec cinq bataillons. Cet officier supérieur ne rencontra pas l'ennemi sur sa route, et ar rive au col, qui n'était pas occupé, il y prit position. Le 15, au point du jour, le reste de l'armée se mit en marche pour monter au col. L'arrière-garde et la gauche furent aussitôt vivement attaquées par les forces de l'Émir. Le combat fut long et sur certains points assez acharné. Nous eûmes 30 hommes tués et près de 300 blessés. Les troupes de l'Émir perdirent aussi assez de monde. Un retour offensif effectué par le colonel Changarnier, qui était redescendu du col avec une partie de son monde, leur fit éprouver de grandes pertes. Toute l'armée fut réunie au col vers quatre heures. Le maréchal fit aussitôt évacuer tous les blessés sur Haouch-Mouzaïa. Le général Blanquefort, chargé de cette opération, dirigea le lendemain sur le col les approvisionnements déposés à cette ferme. L'escorte de ce convoi eut dans le trajet un petit combat à soutenir contre la tribu de Mouzaïa. Le 17, le général Blanquefort conduisit les blessés à Blida. Il revint au col, le 19, avec un fort convoi pris dans cette ville. Le 20, l'armée se trouva réunie à Médéa. Il y eut sur la route des tiraillements sans importance. Le général Duvivier n'avait pas été inquiété à Médéa où il travaillait activement à se fortifier. La chaleur était excessive et les troupes extrêmement fatiguées. Cependant M. le maréchal ne pouvait clore la campagne avant d'avoir jeté un nouveau convoi dans Miliana dont l'approvisionnement était incomplet. Il chargea de cette opération le colonel Changarnier. Cet officier supérieur, ayant sous ses ordres 5,000 hommes pris dans les deux divisions, partit, le 22, de Médéa où resta le maréchal avec le reste de l'armée. Il alla coucher ce jour ! |