ration. Il partit de Blida, le 26 août, avec un peu plus de 2,000 hommes et un convoi considérable. Conformément aux ordres qui lui furent donnés, il dut tenter le passage par les montagnes des Beni-Salah, en suivant le chemin que M. le maréchal croyait exister dans cette direction; on ne trouva qu'un sentier affreux, plus long que la route du col et un terrain infiniment plus difficile. Le premier jour, le général Changarnier n'alla pas plus loin que le nouveau poste d'Aïn-Telazid, parce qu'il n'était parti de Blida qu'à une heure du soir. Le lendemain, il bivouaqua sur l'Oued-Ouzra, et n'arriva à Médéa que le 28 dans la matinée. Il eut dans ces deux journées quelques légers engagements avec les Kbaïles. L'ennemi était, du reste, peu nombreux; il ne s'attendait pas à voir déboucher les Français par ces horribles gorges. Le général Changarnier, après avoir déposé le chargement de son convoi à Médéa, ne jugea pas prudent de s'y engager de nouveau: car El-Barkani était dans les environs avec quelques troupes, qui auraient pu dans ce terrain difficile lui faire beaucoup de mal sans en recevoir; il prit donc le chemin ordinaire du col le 29 au matin. Lorsqu'il fut parvenu à la mine de cuivre, son arrière-garde fut vivement attaquée et ses flancs menacés. Il fit aussitôt filer en avant ses bagages ainsi que sa cavalerie, et ayant massé son infanterie, il ordonna à ses tirailleurs de rentrer brusquement dans la colonne. Cette apparence de fuite enhardit l'ennemi, qui se mit imprudemment à leur poursuite. Lorsqu'il fut bien engagé, le général fondit sur lui à la baïonnette avec toute son infanterie, et le culbuta jusqu'au bois des Oliviers en lui tuant une centaine d'hommes; le reste disparut. Le général reprit alors sa marche, passa le col et alla bivouaquer au confluent de la Chiffa et de l'Oued-Kebir. Le lendemain, il rentra à Blida à 6 heures du matin. El-Barkani avait deux bataillons de réguliers et un millier de Kbaïles, à l'affaire du 29; on lui fit quelques prisonniers. Nous eûmes, dans toute l'opération de ce premier ravitaillement de Médéa, 23 hommes tués et 76 blessés. Le général Changarnier trouva la garnison de Médéa dans une position encore assez supportable; elle avait eu, le 3 août, une affaire très-chaude; voici les détails de ce combat: Une partie des troupes campait, depuis quelques jours, hors la ville pour construire sur un point utile à garder quelques retranchements qui devaient en compléter la défense. Le jour que nous venons de dire, ces tirailleurs furent attaqués par quatre bataillons de réguliers et environ 2,000 Arabes ou Kbaïles des tribus, conduits par l'Émir en personne, qui manœuvra de manière à les envelopper. Pendant qu'ils soutenaient le combat, qui de minute en minute devenait plus vif, le général Duvivier fit rentrer à la hâte un bataillon qui, comme les jours précédents, était allé couper les blés des environs de la place. Ce bataillon, commandé par le capitaine Nagant, du 23o de ligne, arriva au moment où une partie des troupes engagées commençait à plier; il chargea aussitôt l'ennemi à la baïonnette et lui fit perdre tout le terrain qu'il avait gagné; mais le général, n'ayant plus de nouvelles troupes fraîches, ne voulut pas qu'il s'aventurât trop loin; il dut donc s'arrêter après ce premier succès, qui du reste fut décisif. Les Arabes tiraillèrent encore quelque temps pour pouvoir relever leurs blessés, et à neuf heures, ils se mirent en retraite. Ce combat, très meurtrier de part et d'autre, coûta à la garnison de Médéa 57 tués et 86 blessés; le lieutenant-colonel Chapenay, du 23o de ligne, fut du nombre des morts. Dans le mois de septembre, le maréchal fit évacuer le camp de Cara-Mustapha, qui n'avait jamais été qu'une superfétation, vu sa proximité de celui du Fondouk; mais on crut cependant devoir laisser dans cette localité un petit poste que l'on établit dans une tour construite à cet effet. Dès que Ben-Salem sut qu'il n'y avait plus de camp à Cara-Mustapha, il s'y porta avec quelques troupes et se mit à faire le blocus de la tour, dont la garnison, ne pouvant sortir pour aller à l'eau, se trouva bientôt dans une position fort critique. Les troupes du Fondouk étant trop faibles pour tenter la moindre sortie, il fallut en faire marcher d'Alger. Le 17 septembre, le général Changarnier partit de la Maison-Carrée vers le soir, avec environ 1200 hommes d'infanterie et 400 chasseurs à cheval; il surprit, au point du jour, Ben-Salem, qui se jeta en désordre sur la rive droite du Boudouaou; le général l'y ayant poursuivi l'attaqua de front et par la gauche au moment où il cherchait à se mettre en position sur le plateau où se trouve le tombeau du marabout dont il portait le nom. Les Arabes furent mis en pleine déroute et laissèrent 126 des leurs sur le champ de bataille; 11 prisonniers, 42 chevaux, 200 fusils, quelques mulets, un tambour, et enfin les éperons, les tapis et le cachet même de BenSalem, qui, dans la surprise du matin, avait été obligé de sauter à cheval presque nu, furent les trophées de cette victoire. Le lieutenant-colonel Tartas, du1r de chasseurs, dont c'était le début en Afrique, tua d'un coup de sabre le kaïd des Isser, ce même Mustapha-ben-Omar quelque temps notre allié, et qui ne s'était résigné à servir Abd-el-Kader qu'après s'être vu abandonné par nous, au mépris des promesses les plus formelles. C'était un fort honnête homme et un vaillant guerrier; il mourut bravement de la main d'un brave ennemi, au moment où il cherchait à rallier ses cavaliers. Tous les Français qui l'avaient connu, le général Changarnier entre autres, l'estimaient et le regrettèrent. Après cette affaire, le général Changarnier rentra momentanément à Alger; il retourna ensuite à Blida pour aller opérer le ravitaillement de Miliana. La garnison de cette ville était dans la position la plus déplorable. Miliana n'est pas un endroit malsain par lui-même; sa position élevée semble au contraire donner des garanties de salubrité; cependant une horrible contagion faucha en peu de mois la première garnison française qui y fut établie. Plusieurs causes y contribuèrent : l'exiguité de la ration réglementaire du soldat est balancée, partout où il y a un marché, par les denrées qu'il peut se procurer pour améliorer son mince ordinaire; à Miliana, ville dépeuplée et bloquée, il n'y avait point de marché, et le soldat fut réduit pour satisfaire son appétit aux plus déplorables expédients : les fruits verts, les herbes sauvages, les reptiles les moins propres à l'alimentation, lui servirent de pâture; il en résulta des dyssenteries qui se compliquant avec la nostalgie, maladie morale enfantée par l'isolement et l'ennui, devinrent mortelles. Comme il fut impossible de cacher les premiers ravages du mal, les choses en vinrent au point que tout homme qui, se sentait atteint se croyait perdu et l'était en effet. Lorsqu'on put compter les décès par centaines, une sorte de délire s'empara des survivants : ils désiraient la mort, ils l'appelaient; il ne restait aux plus énergiques qu'as sez de force pour préférer à la maladie les quelques balles que les Kbaïles venaient tirer de temps à autre sur la ville. Enfin, lorsque le général Changarnier arriva à Miliana, 800 hommes avaient déjà succombé, et parmi les trois cents qui vivaient encore, cent cinquante seulement étaient en état de supporter le poids de leurs armes. Le colonel Illens avait mis à profit, pour faire connaître à Alger son horrible position, la bonne volonté d'un déserteur de la légion étrangère qui, après avoir servi quelque temps dans les troupes de l'Émir, était venu se rendre. Cet homme, voulant racheter sa faute par quelque grand acte de dévouement, parvint à tromper la vigilance de l'ennemi, et apporta au maréchal les alarmantes dépêches du commandant de Miliana. Ce ne fut cependant que plusieurs semaines après les avoir reçues que le maréchal fit partir le général Changarnier. On a dit, à l'époque où les malheurs de la garnison de Miliana excitaient le plus vivement la commisération publique, qu'elle était morte de faim. La chose n'est point exacte: mais il est certain que l'approvisionnement de cette place ayant été mal calculé, et qu'une partie s'en étant trouvée avariée, nos malheureux soldats seraient en effet morts de faim si le plus grand nombre d'entre eux n'étaient morts de maladie. Ce fut le 1er octobre que le général Changarnier partit de Blida avec un convoi considérable pour aller ravitailler Miliana. Il bivouaqua le même jour à Haouch-Mouzaïa, et le 2 à Oued-Hammam. Les tiraillements des Kbaïles furent continuels dans toute cette seconde journée de marche. Il y eut même des engagements assez vifs au passage de l'Oued-Bourkika, à Karoubet-el-Ouzri et à Cheba-el Keta. |