La phrase de l'Académie n'est peut-être pas toutà-fait aussi précise que celle de Gattel, mais on reconnaît évidemment leur identité. Je ne comprends donc pas l'assertion de Mr. Dumaine, que le Dictionnaire ne donne pas à cette expression le même sens que moi. 341. On ne dit pas cochemar, on dit cauchemar. 342. On n'appelle pas caville, une méprise, une erreur où l'on tombe par ignorance, par inadvertance; on l'appelle bévue. Il a fait une infinité de bévues dans son livre. Il n'entend rien aux affaires de finance, il y fait à toute heure des bévues. 343. On de dit pas, un costic ou un caustic ou un caustique, pour une ouverture faite dans la chair, etc.; on dit un cautère. Se faire un cautère au bras. Panser un cautère. Laisser fermer un cautère. On dit d'une matière qui est brûlante, corrosive, qui a la propriété d'entamer la peau, etc., qu'elle est caustique. Remède caustique. Herbe caustique. On appelle aussi substantivement, le caustique lunaire, la pierre infernale. Enfin, on appelle aussi cautère, la matière caustique, ou le caustique, avec lequel on fait à la peau l'ouverture dont nous avons parlé. Appliquer un cautère. 344. On ne dit pas qu'une personne a les yeux cassés, on dit qu'elle les a battus; ou cernés. 345. On ne dit pas enchapler ou enchapeler une faux; on dit rebattre une faux. Enchapeler n'est pas français, mais chapeler l'est; on dit chapeler du pain, c'est-à-dire, ôter le dessus de la croûte du pain. Et ce que l'on a ainsi ôté s'appelle chapelure. Mettre de la chapelure, des chapelures de pain dans une sausse pour l'épaissir. A l'occasion de rebattre une faux, Mr. Dumaine dit: c'est l'avis de Mr. Develey mais le Dictionnaire de l'Académie, ni aucun autre, ne donnent un tel sens à ce mot; reforger une faux parait étre la vraie expression. Je crois pouvoir à mon tour faire là-dessus quelques observations: reforger, c'est, sans contredit, forger de nouveau; or forger c'est donner la forme au fer ou autre métal, par le moyen du feu et du marteau (Académie), et l'on n'emploie point de feu pour enchapler une faux; donc alors on ne forge, ni on ne reforge. D'ailleurs au mot faux on trouve dans l'Académie, les exemples suivans: aiguiser une faux; rebattre une faux, etc. Pour faire la première opération, nos faucheurs portent avec eux une pierre à aiguiser, qu'ils appellent improprement une molette; voilà sans doute ce que l'Académie entend par aigui ser une faux; mais qu'entend-elle par rebattre une faux? si ce n'est l'opération dont il est question ici. 346. On n'appelle pas droit de focage, d'affouage, de bocherage, de coupage, le droit de couper dans une forêt une certaine quantité de bois pour se chauffer; on l'appelle droit de chauffage, L'affouage n'est point un droit; c'est l'entretien en combustible d'une manufacture, d'une usine, etc. Le fouage était un droit, mais c'était le Seigneur qui l'exigeait par chaque feu ou maison. 347. On ne dit pas, un chenevier; on dit une chenevière. Epouvantail à chenevière. 348. On ne dit pas, du chenevard, pour de la graine de chanvre; on dit du chenevis, Mettre du chenevis dans l'auget. 349. On ne dit pas, jouer à clicli-mouchette; on dit jouer à cligne-musette. 350. On ne dit pas, cligner les yeux, pour remuer et baisser les paupières fréquemment, coup sur coup; on dit clignoter. Il ne fait que clignoter. Clignoter les yeux, Il est sujet à un clignotement d'yeux continuel. Cligner les yeux, cligner l'oeil, c'est fermer l'œil, fermer les yeux à demi. Tenir les yeux clignés. Il est sujet à un clignement d'yeux. Ciller les yeux, c'est les fermer et les rouvrir dans le moment. Ciller les yeux. Ciller les paupières. On dit aussi cillement. "Un clin d'œil, est un prompt mouvement de la paupière, qu'on baisse et qu'on relève au même instant. Se faire obéir par un clin d'œil. Cela sera fait en un clin d'œil. 351. On ne dit pas que les grenouilles croassent; on dit qu'elles coassent. On dit aussi, le coassement des grenouilles. Mais en revanche on dit, les corbeaux croassent, et le croassement des corbeaux. Ce mot s'emploie aussi au figuré: C'est un méchant Poëte qui ne fait que croasser. 352. On n'appelle pas castagnette, ni traclette, ni taquenette, une sorte d'instrument fait de deux os, ou de deux morceaux de bois, qu'on se met entre les doigts et dont on tire quelque son mesuré, en les battant l'un contre l'autre on l'appelle cliquette. Jouer des cliquettes. Une cliquette de ladre. Les ordonnances obligeaient autrefois les ladres à porter des cliquettes, afin qu'on se détournát de leur chemin. Le mot castagnette désigne un instrument composé de deux petits morceaux de bois creusés, que l'on tient dans la main, et que l'on frappe l'un contre l'autre en cadence, en mettant les deux concavités l'une contre l'autre. Jouer des castagnettes. Danser avec des castagnettes. 353. On ne doit pas appeler collègues, ceux qui sont d'une même compagnie, d'un même corps; on doit les appeler confrères. Ils sont tous deux de l'Académie, ils sont confrères. Nous avons un nouveau confrère. Un collègue est un compagnon en dignité, ou qui a égale puissance en même magistrature, ou même négociation, ou même commission, comme étaient autrefois les deux Consuls de Rome, etc. Ce mot de collègue se dit de ceux qui sont en petit nombre, comme celui de confrère de ceux qui sont d'une compagnie nombreuse. 354. On ne dit pas les communs, pour les pâturages où les habitans d'un ou plusieurs villages ont droit d'envoyer leurs troupeaux ; on dit, les communaux ou les communes. Les communaux d'un tel bourg, d'un tel village. De grandes communes. Mener paitre les troupeaux dans les Communes. 355. On n'appelle pas communier, un membre de la commune. 356. On ne dit pas, des filleuses d'artichaut; on dit des ailletons d'artichaut. Lever des œilletons d'artichaut. 357. On ne dit pas, un oubli, des oublis, pour une sorte de petit pain sans levain, dont on se sert pour cacheter des lettres: on dit, un pain à cacheter, des pains à cacheter. Un oubli est un manque de souvenir. Mais une oublie est une sorte de pâtisserie qui est fort mince, de figure ronde, et que l'on cuit entre deux fers. Cela est mince comme une oublie. Une main d'oublie. Jouer des oublies. Crier des oublies. Un corbillon d'oublies. On ne dit pas, un gauffre, ni un brisselet, on dit, une gauffre: brisselet n'est pas français. 358. On ne dit pas, manger des bignets ni des beugnets, mais des beignets. Beignet de pommes, Faire des beignets. 359. Quand les béliers heurtent de la tête les uns contre les autres, on ne dit pas qu'ils se tútent; on dit qu'ils se cossent. 360. On n'appelle pas jardinière, un insecte qui vit sous' terre, principalement dans les couches, et qui coupe et ronge les racines des plantes; on l'appelle courtilière subst. fém. ou taupe-grillon subst. masc. Il y a une faute d'impression dans la grammaire de Mr. Dumaine, les mots taupe et grillon étant si séparés l'un de l'autre qu'on les croirait indépendans. 361. On n'appelle pas grillet, un insecte qui habite dans les maisons près des cheminées, ou dans les champs, s'enfonçant dans des trous pratiqués sous terre, et qui fait un bruit aigu et perçant; on l'appelle grillon. 362. On n'appelle pas chátaigne, ni belogne, ni taloche, un coup donné sur la main d'un écolier avec une petite palette de bois ou de cuir, lorsqu'il a fait quelque légère faute; on l'appelle férule, tout comme la palette même qui sert à cet usage. On lui a donné une férule. Il a eu une férule, deux férules. Une taloche est un coup donné sur la tête à quelqu'un avec la main. Il a eu une taloche. Il lui a donné une vilaine taloche. Il est populaire. 363. On n'appele pas tracle, un coup du plat de la main; on l'appelle claque. 364. On ne dit pas, elle est de vos partisannes; on dit, elle est de vos partisans. Le mot partisan n'a point de féminin. 365. On ne dit pas, je vais contre Genève, pour dire, je vais du côté de Genève, je vais vers Genève. 366. On ne doit jamais dire adieu, en abordant quelqu'un; ce mot est un terme de civilité et d'amitié, dont on se sert en prenant congé les uns des autres. Il ne suppose d'ailleurs pas toujours le tutoiement. Adieu Monsieur. Adieu Madame. Adieu mon ami. Dire adieu au monde, aux plaisirs, etc., c'est y renoncer. 367. Deux époux ne doivent pas dire, Mr. le Ministre un tel nous a épousés ; ils doivent dire, nous a mariés. Ce sont les époux eux-mêmes qui s'épousent l'un l'autre, 368. On dit qu'une femme est accouchée, au lieu de dire qu'elle a accouché. Cependant ce verbe est aussi actif, et signifie alors, aider à une femme à accoucher: Madame est accouchée; et c'est une telle qui l'a accouchée. 369. On ne dit pas, se rentourner chez soi; on dit, s'en retourner chez soi. 370. On ne dit pas, j'ai volontiers mal aux dents le soir; pour dire, j'ai ordinairement mal aux dents le soir. |