londe; elle est malheureusement trop bien connue, et vous n'avez pas sans doute encore perdu de vue la discussion à laquelle elle a donné lieu lors d'une pétition que vous avez pris en considération et que vous avez renvoyée à M. le ministre des affaires ecclésiastiques. Si nous avions l'avantage de voir, sur l'un ou l'autre de ces bancs, M. le ministre des affaires ecclésiastiques, nous lui demanderions quelle suite il a jugé à propos de donner à cette pétition, et si les nombreux pétitionnaires, c'est-à-dire tous les habitants notables et recommandables de la commune de Lalonde peuvent enfin espérer que justice sera faite à leurs réclamationset qu'ils cesseront d'êtreles victimes d'une conduite véritablement répréhensible. Puisque M. le ministre des affaires ecclésiastiques n'est pas présent, je désire seulement qu'il puisse avoir connaissance de mes observations, et accélère un peu la marche de l'affaire. Je ne donnerai pas de développement à une autre réclamation adressée au conseil d'Etat et qui regarde particulièrement M. le garde des sceaux. Plusieurs individus ayant eu à se plaindre d'abus de pouvoir et de véritables vexations, se sont adressés au conseil d'Etat; ils ont présenté une plainte en concussion. Depuis quelques mois leur réclamation a été déposee conformément à la loi. Il serait possible que M. le garde des sceaux n'en eût pas particulièrement connaissance. Je fais cette observation pour qu'il veuille bien ne pas la perdre de vue et qu'il accélère lejugement de l'affaire. Occupons-nous particulièrement de l'objet qui vous est signalé. Le sieur Feutry avait à se plaindre d'une injure grave à la mémoire de son père, d'un outrage véritablement sanglant. Le sieur Partie, auteur de cet outrage, a cherché à se soustraire à la juridiction ordinaire: il a invoqué sa qualité de ministre du culte; il a prétendu que le fait avait eu lieu lorsqu'il était revêtu de ses habits pontificaux... (On rit.) Je veux dire sacerdotaux; il n'a pas encore l'honneur de porter les habits pontificaux ; jusque-là il se contente des habits sacerdotaux. Le sieur Partie a opposé un déclinatoire; il a été accueilli; de là pourvoi devant le conseil d'Etat. Qu'est-il arrivé ? Le conseil d'Etat a déclaré qu'il y avait abus, et n'a pas fait droit à la demande du sieur Feutry qui avait pour objet de faire renvoyer le desservant devant les tribunaux. M. le ministre des affaires ecclésiastiques a pris tous les renseignements qui étaient nécessaires. Je suis loin de vouloir lui adresser le plus léger reproche; il a rempli ses devoirs avec honneur, loyauté et fermeté; je dois m'exprimer ainsi. Si je suis bien informé, dans le rapport qu'il a adressé à Sa Majesté non seulement le ministre demande qu'on déclare qu'il y a eu abus, mais que par suite le sieur Feutry soit autorisé à poursuivre oursuivre le sieur Partie devant les tribunaux. Cette seconde partie des conclusions du rapport a été entièrement perdue de vue. Le résultat a été seulement de déclarer qu'il y avait eu abus. Certes il ne fallait pas beaucoup de lumières pour reconnaître qu'on desservant qui, dans l'exercice du culte, avait calomnié la mémoire d'un de ses paroissiens, s'était rendu coupable d'abus. Le conseil d'Etat n'a pris aucune décision ultérieure pour mettre un citoyen outragé en position de demander justice devant les tribunaux. Si un pareil système pouvait se perpétuer, qu'en résulterait-il? Qu'un ministre du culte, garanti par la loi du 18 germinal an X pourrait, abusant impunément de sa position, outrager ses paroissiens et n'aurait à craindre que cette déclaration sans résultat ultérieur : Il y a abus. Cette décision est en contradiction avec la disposition de la loi. Je suis fâché de voir qu'un de MM. les ministres ne paraisse pas adopter mon opinion à cet égard. Je vais la développer en peu de mots. M. Petou. Ne faites pas attention à cela. M. Thil. Au contraire, je dois faire attention à toutes les dispositions de MM. les ministres. (On rit.) D'après la loi de germinal an X, le conseil d'Etat, suivant les circonstances, après avoir déclaré qu'il y a abus, procède par voie administrative au renvoi devant les tribunaux. Dans l'espèce, la partie outragée avait déjà saisi les tribunaux; on lui a opposé un déclinatoire parce qu'elle n'avait pas passé par la filièredu conseil d'Etat. Le conseil d'Etat, après avoir reconnu qu'il y avait eu abus, ne pouvait se se dispenser de prononcer par voieadministrative ou derenvoyer devant les tribunaux. C'est ce qu'il n'a point fait. L'ordonnance du 8 mai 1829 est illusoire. Quoi! On ferait des frais pour s'adresser au conseil d'Etat, et on n'aboutirait qu'à ce résultat : il y a eu abus dans la conduite de l'ecclésiastique, sans pouvoir obtenir des juges naturels, des juges dont on n'invoque pas en vain la justice! La réclamation du sieur Feutry n'intéresse pas seulement un individu, elle vous signale un seil d'Etat. Je ne reproduirait pas les observavice dans notre législation, relativement au Contions qui vous ont été présentées sur ce point, particulièrement par M. Dupin aîné. Je craindrais de fatiguer votre attention, tant la matière est abondante. Je n'ai rien à dire sur les explications qui viennent d'être données par M.le garde des sceaux. Je reconnais que ces explications sont en harmonie avec nos lois existantes. Mais nos lois, sur ce point, ont besoin d'être revisées. Il faut les mettre en harmonie avec nos institutions constitutionnelles. Maintenant toutest public. Le prétendu scandale qu'on a vouluéviter, il est impossible de s'y soustraire. Il serait à désirer que le conseil d'Etat n'eût pas à prononcer sur ces sortes de matières; c'est aux tribunaux seuls qu'il appartient, dans l'intérêt de la morale et de la religion, de prononcer sur toutes les réclamations qu'on pourrait adresser contre un ministre du culte. M. Bourdeau, garde des sceaux. Je commencerai par donner quelques explications sur un fait qui a été cité par l'honorable préopinant; c'est relativement au dépôt d'une plainte en concussion contre un administrateur; laquelle, dit-il, traîne au conseil d'Etat depuis deux ou trois mois. M. Petou. Depuis six mois! M. Bourdeau, garde des sceaux. Cela est possible; je ne conteste pas le fait; il ne m'a pas été possible de le vérifier. M. Petou. Je le connais parfaitement. M. Bourdeau, garde des sceaux. Cependant, je dois faire connaître à la Chambre quelle est la forme d'instruction qui ralentit la marche de ces recours au conseil d'Etat. ! Un administrateur est dénoncé pour faits de concussion. S'il y a une plainte portée devant les tribunaux, la nécessité d'obtenir l'autorisation du conseil d'Etat suspend le cours de la justice. Les recours sur des affaires de cette nature déjà instruites devant les tribunaux doivent être expédiés promptement. Toutefois, dans ce cas même, il y a des renseignements administratifs à prendre. Le ministre de l'intérieur prend des renseignements auprès des autorités locales; le garde des sceaux en prend auprès des autorités judiciaires, par l'intermédiaire du procureur général. La Chambre comprend très bien comment cette instruction peut être plus ou moins longue, selon la nature des renseignements à demander. Messieurs, si comme l'a dit le préopinant, il est important qu'une prompte justice se fasse, il n'est pas moins important que toutes les précautions de forme soient prises dans l'intérêt du prévenu, afin que le conseil d'Etat ne puisse juger qu'en connaissance de cause. J'ignore quelle est la situation particulière de l'affaire dont il s'agit, mais j'oserai assurer que, s'il y a eu des lenteurs, c'est qu'elles ont été commandées par le besoin d'instructions ou judiciaires ou administratives. Quant à l'appel comme d'abus, j'aurai encore quelques explications à donner à la Chambre. Il s'agit d'un desservant accusé, dit-on, deux fois pour abus dans l'exercice de ses fonctions. Le conseil d'Etat a prononcé; il y a une ordonnance qui déclare qu'il y a eu abus. Mais le conseil d'Etat n'a pas renvoyé l'affaire devant les tribu naux. Je regrette que l'interversion qui a eu lieu dans l'ordre des numéros des pétitions m'ait empêché de savoir que celle dont il s'agit devait ètre rapportée aujourd'hui, car j'aurais pu être mieux informé des faits et en rendre un compte plus circonstancié à la Chambre. Néanmoins, la manière dont les choses se passent relativement aux appels comme d'abus, me permet de vous donner des éclaircissements sur le mode de procéder et le résultat de la décision du conseil d'Etat. De deux choses l'une, ou l'appel comme d'abus est fait par une partie qui demande en même temps l'autorisation de poursuivre l'ecclésiastique devant les tribunaux, ou bien il y a purement et simplement plainte en appel comme d'abus. Dans ce dernier cas, le conseil d'Etat ne peut pas juger ultrà petita, il déclare seulement s'il y a eu abus. J'ignore si le sieur Feutry, en formant appel comme d'abus, a demandé en même temps à être autorisé à poursuivre le desservant devant les tribunaux. M. Petou, Il l'avait demandé. M. Bourdeau, garde des sceaux. Je dis que je l'ignore; mais je vais raisonner dans la supposition où la demande a été faite. La plainte en appel comme d'abus est transmise au ministre des affaires ecclésiastiques et au ministre de l'intérieur; ou quelquefois seulement au ministre des affaires ecclésiastiques, afin d'obtenir des renseignements ecclésiastiques et des renseignements administratifs. Ces renseignements sont transmis par les soins du garde des sceaux au comité du conseil d'Etat chargé de faire le rapport. Le comité examine les motifs de la plainte, l'instruction qui a eu lieu, les pièces qui ont été produites; il donne un avis tendant à déclarer qu'il y a eu abus, si effectivement l'abus a existé, et ensuite un avis tendant à accorder l'autorisation de poursuivre devant les tribunaux, si les faits de la plainte sont de nature à donner lieu à une instruction judiciaire. C'est à coup sûr de cette manière qu'il a été procédé. Je pourrais adjurer les honorables membres du conseil d'Etat qui siègent dans cette Chambre; ils savent avec quel soin, avec quelle précaution minutieuse, les appels comme d'abus sont suivis, non seulement dans l'instruction, mais encore dans la discussion; et s'il arrive quelquefois que le conseil d'Etat se borne simplement à déclarer qu'il y a eu abus, c'est que les faits de la plainte ne lui ont pas paru assez graves pour qu'on puisse renvoyer devant les tribunaux sans inconvénients. Je dis sans inconvénients, car ce serait un inconvénient que de renvoyer devant les tribunaux l'instruction de faits qui ne seraient pas complètement justifiés, de manière à donner lieu à une poursuite judiciaire. Toutes les fois qu'il y a un mélange de faits qui amènent une instruction judiciaire et une demande en réparation en faveur de la partie plaignante, jamais l'autorisation n'a été refusée. Si, dans la circonstance dont il s'agit, elle a été refusée, c'est qu'il a été reconnu que les faits diffamatoires ou autres sur lesquels portait la plainte ne devaient pas donner lieu à une instruction judiciaire. C'est ainsi que le conseil d'Etat procède avec la plus grande circonspection, et j'ose le dire avec la plus grande sévérité. M. Dupin aîné. Je conçois très bien que le juge administratif ne veuille pas prononcer sans s'éclairer, sans faire une instruction. Je croirai volontiers, dans l'intérêt du conseil d'Etat, qu'il cherche à s'environner de toutes les lumières, et que pour cela il demande des renseignements non seulement à l'autorité administrative et à l'autorité judiciaire, mais encore à l'autorité ecclésiastique. Mais si les procureurs généraux et les préfets répondent assez promptement, il n'en est pas de même de l'autorité ecclésiastique qui, en général, méconnaît l'autorité civileet répugne à s'y soumettre. Il est même interdit à ses membres d'y avoir recours; car il y a appel comme d'abus, non seulement de la part des citoyens contre les ecclésiastiques, mais encore de la part des ecclésiastiques inférieurs contre leurs supérieurs. Eh bien I cette mesure est tellement interdite qu'ils n'oseraient en user à peine d'interdiction. Voilà donc une cause de lenteur. Comment en pourrait-il être autrement, quand vous avez un tribunal central et unique pour connaître les appels comme d'abus qui se commettent dans tout le royaume. Ces appels comme d'abus portent en général sur des objets d'un mince intérêt qui blessent l'amour-propre, qui touchent à l'affection du moment. Vous sentez combien cette voie ouverte pour réprimer les abus est entravée par la nécessité de venir de 200 lieues pour demander justice. Il serait beaucoup plus convenable de faire juger les appels comme d'abus par l'autorité locale, quand ces abus se commettent à l'égard des citoyens, dans des intérêts tout à fait civils et circonscrits. J'aurais donc été charmé d'entendre M. le garde des sceaux annoncer une loi sur cet objet. Une autre objection a été faite sur le fond. L'ordonnance déclare, article 1er, qu'il y a abus, et article 2, que le garde des sceaux est chargé de l'exécution de l'article 1er. Je demande quelle est cette exécution, si ce n'est de porter à la connaissance de la partie plaignante la certitude qu'elle a été lésée; que c'est abusivement qu'on a agi à son égard, avec le néant de la répression civile, administrative ou religieuse, puisque le ministre des affaires ecclésiastiques nous a dit que le desservant tenant ses pouvoirs de l'archevêque, il était lui-même sans autorité pour l'atteindre et faire justice aux citoyens. J'ai vu beaucoup d'anciennes sentences comme d'abus. Mais toutes les fois que le Parlement déclarait qu'il y avait eu abus, il prenait une détermination ultérieure; il disait: il y a abus; en conséquence, telle ou telle chose sera faite. Par exemple, il y a abus dans un mandement, en conséquence, il sera supprimé; et même le Parlement disai: il sera brûlé au pied du grand escalier. Il a toujours une décision portee sur le fond; la déclaration qu'il y a abus, sans répression, est un scandale plus grand que de laisser la plainte sans réponse. Remarquez que, dans le cas dont il s'agit, l'appel comme d'abus n'est arrivé au conseil d'Etat qu'après une action portée devant les tribunaux. Les tribunaux auraient dû retenir l'action, car c'était une plainte en diffamation. C'est ici que je dois appler l'attention de la Chambre sur une confusion qui exi-te dans la jurisprudence. C'est un véritable abus d'interprétation. On a confondu les dispositions de l'article 75 de la Constitution de l'an VIII avec les dispositions de la loi du 18 germinal an X. Assurément, on se récriera avec raison sur la prétention d'appliquer l'article 75 aux ecclésiastiques. C'est en vertu de la loi du concordat, qu'on a pensé que les tribunaux ne pourraient être saisis qu'autant que le conseil d'Etat autoriserait la poursuite. La loi de germinal an X dit que si, à l'occasion d'un appel comme d'abus, le conseil d'Etat s'aperçoit qu'il y a eu à une autre poursuite, il pourra renvoyer devant les tribunaux. Mais de ce qui n'est qu'une faculté accidentelle, de ce qui n'est pas une condition exigée dans tous les cas, ni même à peine de nullité dans celui-ci, on en a fait une espèce de condition préliminaire indispensable, comme dans le cas de l'article 75. Ainsi, dans l'espèce, le conseil d'Etat, après avoir déclaré qu'il y avait abus, aurait pu renvoyer devant les tribunaux pour en connaître; il ne l'a pas fait, mais le droit n'en existe pas moins. La loi de l'an X ne dit nulle part qu'on ne peut actionner directement le desservant devant les tribunaux. L'article 75 ne couvre pas l'ecclésiastique, mais le fonctionnaire, et le prêtre n'est pas fonctionnaire; il est dans la même catégorie que les autres citoyens. Ici je puis invoquer une autorité imposante. Quand saint Paul fut traduit devant le tribunal du préteur, et que déjà par son ordre il était saisi, et sur le point d'être ba'tu de verges, il ne dit pas: Je suis prêtre, mais il s'écria: Je suis citoyen romain, civis romanus sum; il se mit sous la protection du droit commun. A gauche: Très bien, très bien! M: Dupin aîné. C'est une erreur enracinée dans la jurisprudence, que de croire que l'artic e 75 amplique aux ecclésiastiques comme aux fonctionnaires; j'ai dû la signaler, signaler, et j'espère que ses conséquences ne se reproduiront plus. M. de Cormenin. Je ne m'occuperai que de la question générale soulevée par le pétitionnaire sur le mode de procéder en matière d'appel comme d'abus. Ce modeest vicieux, et quelques mots suffiront pour le prouver, Sous l'Empire, tout se consommait dans le secret d'une instruction purement administrative. Alors, le despotisme étouffait également sous sa main de fer la liberté du prêtre et les plaintes des citoyens. La Restauration mit les appels comme d'abus dans les attributions du comité du contentieux. Mais on garda, par une inexplicable anomalie, les formes de l'instruction administrative. Ainsi, tandis que les parties exercent librement leur pourvoi par le ministère des avocats, dans les autres matières contentieuses, tandis que tout particulier peut demander directement devant le conseil d'Etat, contre tout fonctionnaire public, l'autorisation de poursuivre les réparations civiles, les recours en matière d'appel comme d'abus ne peuvent être introduits sur le rapport du ministre des affaires ecclésiastiques. De deux choses l'une, cependant: ou les appels comme d'abus sont une matière contentieuse, alors il faut observer les formes usitées pour l'instruction et le jugement des autres matières contentieuses; ou ils ne le sont pas: alors il ne fallait point les attribuer au comité de ce nom. Ce qu'il y a de pire en matière de jugement, c'est d'avoir les apparences de la règle avec les réalités de l'arbitraire. Cela ne vaut rien ni pour les plaignants ni pour les inculpés. Ni pour les plaignants, car il ne leur est permis ni de se présenter en personne devant le conseil, ni de le saisir directement par le ministère d'un avocat. Non seulement ils ne peuvent ni suivre dans leurs détours les phases variées de l'instruction, ni assister au jugement; mais ils n'ont même aucun moyen légal pour éclairer, redresser, hâter l'information, entre les mains qui la resserre ou l'étend, la commence et la termine, et présente son rapport quand et comment il lui plaît. Il y a plus: un commis, rédacteur de ce rapport confidentiel signé par le ministre peut, trompé lui-même, incriminer la probité du plaignant, ses mœurs, l'honneur de sa vie, la mémoire de son père, devant le conseil d'Etat, devant ce tribunal de cent personnes, qui a les inconvénients du nombre et de l'indiscrétion, sans avoir les avantages de la publicité. Et ce rapport, que le plaignant a tant d'intérêt à connaître, à éclaircir, à réfuter, ne lui est pas toujours communiqué. (Vive sensation.) Il ne devrait même jamais l'être, car ce que vous aurez peine à croire, Messieurs, le règlement du conseil défend de communiquer les rapports des ministres qui attaquent un citoyen. (Nouveau mouvement.) Mais cependant, s'il y avait par hasard dans ce rapport des faits controuvés, qui les rétablira? des pièces fausses, qui les découvrira? des récriminations calomnieuses, qui les repoussera? Voilà donc ce citoyen sans défense, qui, jeté parmi les pièges d'une instruction tépébreuse, et exposé à des coups qu'il lui est interdit de parer, peut, de plaignant qu'il était, devenir en quelque sorte accusé, et au lieu de réparation recevoir des flétrissures. Je ne crains pas de le dire, le scandale, les invectives et l'erreur ne s'échappent que trop souvent de ces informations latérales, où chaque partie, sans craindre les observations d'un adversaire qui l'aurait contenue et redressée, se livre dans l'ombre au trouble et à l'emportement de ses passions. Messieurs, la modération du langage, la conviction du magistrat, la vérité judiciaire ne peuvent jamais sortir que des débats contradictoires. Les ecclésiastiques inculpés n'ont pas à se louer plus que les plaignants d'un tel mode de procéder. N'avons-nous pas vu dans une célèbre affaire l'archevêque de Toulouse condamné sans avoir été entendu, parce que le délit ressortait, disaiton, suffisamment de la pièce arguée! Mais qui donc nous permet de juger qui que ce soit, cardinal ou particulier, sans l'appeler ni l'entendre? Qui nous permet d'affirmer que le sens d'on écrit est bien réellement celui qu'au premier appel nous imaginons découvrir? ir? Qui nous permet de fermer volontairement les yeux au jour nouveau d'une interprétation contraire ? Vous vous croyez suffisamment éclairé, lorsque vous avez parlé seul dans l'absence de l'accusé, sans contradiction et sans réplique! Mais ne craignez-vous pas que si cette jurisprudence se propageait, la contagion d'un si mauvais exemple ne vint à gagner les tribunaux et même les Chambres qui, sans entendre aucun orateur, pourraient bien s'aviser à leur tour de se croire aussi suffisamment éclairés. Toute cette matière est si mal définie, si mal réglée, qu'un arrêt du conseil assez récent, après avoir déclaré l'abus, a fait accessoirement des injonctions aux condamnés. Mais dans quelle loi, je le demande, dans quel décret obligatoire, dans quelle ordonnance réglementaire le conseil d'Etat a-t-il puisé le droit de mulcter un condamné de peines accessoires qui ne sont écrites nulle part? D'un autre côté, le délit le plus qualifié n'estil pas distingué par la Cour de cassation ellemême de l'abus, lorsqu'il est commis dans l'exercice du culte? Comme vous le voyez, Messieurs, la confusion la plus étrange règne dans cette matière. Je ne pousserai pas plus loin mes remarques; j'en ai dit assez pour appeler la sérieuse attention des ministres sur les lacunes de la législation existante, et sur les vices d'une procédure trop souvent sans règle, sans contradiction et sans terme. La distribution d'une bonne justice, Messieurs, est le premier devoir du gouvernement, comme elle est le premier besoin des peuples. J'appuie les renvois proposés par votre commission. M. le comte de Murat. Je ne viens point ici m'occuper de la législation sur les appels comme d'abus, et si j'avais été tenté de le faire, la prudence ime conseillerait sans doute de renoncer à traiter cette question après les habiles orateurs qui descendent de cette tribune; mais telle n'était pas mon intention: je viens seulement donner à la Chambre quelques explications sur l'objet même de la pétition, c'est-à-dire sur les retards dont on se plaint. Dans les griefs imputés au desservant de Lalonde, il y a deux faits distincts qui ont donné lieu à deux affaires séparées. Le premier fait était un outrage à la mémoire du sieur Feutry. Il y a eu appel comme d'abus; l'instruction de l'affaire n'a été terminée que M. Moyne, rapporteur. La pétition du sieur Feutry vient de donner lieu à une savante discus sion. Je ferai remarquer que le sieur Feutry, dans sa pétition, n'a point indiqué les conclusions qu'il a prises devant le conseil d'Etat. On vient de nous donner sur le fond de l'affaire des détails qui n'étaient pas connus de la commission, aussi les conclusions n'avaient été prises que d'après les faits énoncés dans la pétition, et d'après cette considération, que le pétitionnaire appelait de tous ses vœux des modifications à la juridiction du conseil d'Etat. Sous ce rapport, la commission ne peut persister dans ses conclusions. (La Chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le garde des sceaux et à M. le ministre des affaires ecclésiastiques.) M. Dartigaux, autre rapporteur de la commission des pétitions, a la parole. M. Dartigaux. Le sieur Félix Mercier, à Rougemont (département du Doubs), demande la suppression des juges-auditeurs. Il dit que les jeunes gens, en sortant des écoles de droit, n'ont pas assez d'expérience et de connaissances pour entrer dans la magistrature; il pense qu'ils devraient s'y préparer par dix années d'exercice du barreau, parce qu'il regarde les places de juge-auditeur comme des sinécures dans lesquelles on néglige l'étude au lieu de s'y livrer. Ces conjectures du pétitionnaire ne sont appuyées d'aucun fait, et son langage autorise à croire qu'il n'a des idées bien exactes, ni de l'utilité de cette institution dans son état actuel, ni des avantages qu'on peut en retirer en la régularisant. Sa demande, considérée en elle-même, serait ainsi d'un faible itérêt; mais elle se rattache à une question dont la Chambre s'est occupée plusieurs fois; les rapporteurs de ses commissions lui ont soumis l'analyse des lo's de la matière; ils ont fait voir qu'il existait de l'incertitude sur la légalité, soit de l'institution des jugos-auditeurs, soit de l'amovibilité de leurs fonctions, et ils ont démontré la nécessité d'une loi qui fit cesser les doutes, attendu, comme l'a dit l'honorable M. Daunant, que de toutes les administrations il n'en est pas dont la marche doive être plus assurée que celle de la justice, et qu'un état de cho-es dans lequel on peut contester à ces magistrats en exercice le droit de juger, est un véritable désordre. L'utilité de cette mesure a été reconnue, un projet de loi sur cette matière a été soumis aux cours royales; on ne peut aujourd'hui que rapprocher de leurs observations tous les documents qui s'y rapportent, et votre commission vous propose d'ordonner le dépôt de la pétition au bureau des renseignements. M. le chevalier Dubourg. Messieurs, c'est pour la deuxième fois, cette année, que le droit de pétition nous ramène des critiques contre P'institution des juges-auditeurs. Ces critiques ont pris une couleur acerbe, sous la plume d'une polémique quelquefois passionnée; dans cette Chambre même elles ont trouvé des échos, et le siège des jeunes magistrats a été ébranlé. Il importe, Messieurs, que des inculpations aussi funestes à la confiance des justiciables qu'au respect que l'on doit aux organes de la loi soient dissipées. J'examinerai donc cette question sous le double rapport de sa légalité et de son utilité. L'ordonnance du 18 novembre 1823, que l'on critique, ne contient qu'un article qui soit relatif aux jugesauditeurs, c'est l'article 9. Cet article lui-même ne contient que deux dispositions, l'une qui décide que les juges-auditeurs n'auront pas de traitement, l'autre qui établit qu'ils pourront être placés près des tribunaux de première instance composés de plus de 3 juges. La première de ces dispositions n'est point attaquée, l'article 13 de la loi du 20 avril 1810 avait créé un corps de juges-auditeurs pour les tribunaux composés seulement de 3 juges; mais, d'un autre côté, l'article 15 de la même loi disait que tout ce qui était relatif à l'institution, et n'était pas réglé par la loi, le serait par des règlements d'administration publique. Il fut établi, par les articles 5 et 13 de la loi du 22 mars 1813, que les juges-auditeurs pourraient être envoyés dans les tribunaux composés de plus de 3 juges; ce décret ne fut point attaqué dans les formes établies par les constitutions de ce temps. Il acquit dès lors la force et l'autorité de la loi (arrêts de la Cour de cassation des 26 mai 1819, 3 février 1820 et 14 juin 1821). L'ordonnance de 1823 s'exécutait sans réclamation et sans obstacle, lorsque, le signal ayant été donné dans les feuilles publiques, et répété à la tribune de cette Chambre, on entreprit pour la première fois en 1827, au bout de 4 ans, de l'attaquer devant les tribunaux; mais deux pourvois fondés sur cette cause furent solennellement rejetés par la Cour de cassation. Le dernier arrêt du 6 juillet 1827 a été prononcé par le ministre qui tient dans ce moment le portefeuille des affaires étrangères. La régularité de l'ordonnance se fonde: 1o sur le décret de 1813; 2o sur les principes du droit public de cette époque qui lui donnait force de loi; 3o sur l'article 15 de la loi du 20 avril 1810, et sur l'article 14 de la Charte, qui, le caractère légal du décret de 1813 établi, donnerait au roi le droit de faire des règlements nécessaires pour son exécution; 4o enfin sur la jurisprudence. Les avantages et les inconvénients peuvent être pris sous un double aspect: par rapport à l'institution elle-même; par rapport à la disposition qui l'étend aux tribunaux de plus de 3 juges. L'institution en soi ne peut guère être attaquée, puisqu'elle a sa base dans une loi. (Art. 13 de la ioi dù 28 avril 1810.) Mais de plus elle a l'avantage de faire de la magistrature une carrière certaine et pour ainsi dire à part, un corps qui a son noviciat spécial et qui se recrute dans ses propres rangs; elle appelle les fils de famille avant qu'ils aient été détournés de la judicature, soit par d'autres professions entreprises, soit par l'habitude de l'oisiveté, elle plie et soumet les jeunes gens aux mœurs décentes de cet état, avant qu'ils se soient accoutumés à des mœurs plus faciles et moins retenues. Elle encourage les familles considérées à vouer leurs enfants à des fonctions dont l'accès leur est ouvert de bonne heure, et qui sont pour eux une noble étude, avant de devenir une prérogative et un devoir; elle fournit les moyens de composer toujours décemment les tribunaux inférieurs; parce que les progrès de leur avancement les appellent naturellement dans ces tribunaux, en attendant qu'ils puissent s'élever au delà; elle affranchit le gouvernement de l'obligation de placer dans ces tribunaux des officiers ministériels; obligations très fâcheuseset dont les résultats se sont fait sentir longtemps. Bien loin d'interdire l'accès de la magistrature aux hommes honorables qui se distinguent dans la profession du barreau, les rangs restent ouverts au mérite; seulement on cesse d'être contraint de les ouvrir, faute de sujets, à ceux qu'aucune sorte de mérite n'honore et ne recommande. D'ailleurs, Messieurs, ne pourrait-on pas craindre qu'un long exercice de la profession profession du barreau ne disposât pas convenablement l'esprit aux fonctions de juge. Au barreau, on s'applique sans cesse à trouver des motifs pour douter et contester; sur le siège on n'a d'autre étude que de rechercher la raison de décider. Ces deux opérations toutes contraires ont, à la longue, une grande influence sur la direction des esprits. Les hommes supérieurs font exception, sans doute, mais à quoi les hommes supérieurs ne font-ils pas exception? L'usage que l'on a fait de l'institution achève d'en démontrer les avantages, elle met en évidence les talents des jeunes magistrats; donne la facilité aux chefs de la magistrature de présenter avec discernement les sujets qui sont propres, soit au ministère public, soit à remplir les fonctions de juges. D'ailleurs, les choix ont été si heureux, qu'il n'est pas arrivé de 1823 à 1828 qu'on ait été contraint de traduire des jugesauditeurs devantles tribunaux pour faits de discipline. Sans doute, les ancieus magistrats ne dédaigneraient pas un pareil éloge. On a cité comme un inconvénient l'amovibilité des juges-auditeurs, c'était une erreur; ils ne sont point amovibles, la Cour de cassation l'a formellement déclaré dans le 6o considérant de son arrêt du 6 juillet 1827. On s'est plaint de l'âge, c'est également une erreur; car il faut distinguer l'âge de leur nomination, et l'âge où ils entrent en exercice des fonctions de juges: sur ce dernier point, il n'y a nulle différence entre les jugesauditeurs et les autres juges. Aucun d'eux n'a et ne peut avoir voix délibérative avant l'âge de 25 ans révolus. C'est ce que décide l'article 64 de la loi du 20 avril 1810. Sur le premier point, remarquons d'abord que l'âge de la nomination n'est point prescrit par l'ordonnance de 1823, mais par le décret de 1813. Ajoutons que cet åge est celui que la loi du 20 avril 1816 prescrit pour les substituts, dont l'office est plus important. Ajoutons enfin qu'il s'agit non no de magistrats proprement dits, mais d'élèves, et qu'il est par conséquent raisonnable et utile de les soumettre de bonne heure à ce noviciat. On s'est plaint aussi de leur nombre; autre méprise: on oubliait l'ordonnance du 12 février 1814 qui limite ce nombre, dans chaque ressort, au double du nombre des tribunaux de première instance qui en dépendent. Voilà pour l'institution en général, un mot suffit pour ce qui concerne la disp disposition qui l'étend aux tribunaux de plus de trois juges. Ou l'on considère les juges-auditeurs comme concourant à la distribution de la justice, et l'on trouve que leur présence sera plus utile dans les tribunaux où le nombre des affaires est plus multiplié. Ou l'on considérera les juges-auditeurs comme de simples élèves, et l'on trouvera qu'ils |