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plaintes, comment a-t-on voulu y satisfaire? Par les dispositions inouïes d'un projet de loi dans lequel le fisc, reprenant d'une main ce qu'il cédait de l'autre, perfectionnait son triste ouvrage et aggravait le mal au lieu de le guérir. Depuis que le sage rapporteur de votre commission en a porté le jugement qu'une délibération publique aurait dù confirmer, l'administration s'était tue: on aurait pu croire qu'elle préparait des mesures proportionnées aux souffrances. Aujourd'hui qu'elle a prononcé quelques paroles, quelle espérance nous offre-t-elle? L'espérance que la culture de la vigne sera restreinte par la force des choses; c'est-à-dire que tous les capitaux que cette culture a employés seront perdus. On concevrait une telle réponse à une industrie qui demanderait en sa faveur des prohibitions, des privilèges, mais l'adresser à celle qui ne demande que le droit commun, l'affranchissement du joug qu'elle subit; c'est mal comprendre la situation de la France, c'est exclure la justice du régime de l'impôt.

Mais le budget des recettes a d'autres vices. Ce n'est point assez que le fisc impose l'agriculture, le commerce, l'industrie; il se fait lui-même agriculteur, commerçant, manufacturier, avec moins de succès que les particuliers, on le conçoit; mais il se défend contre la concurrence à l'aide du monopole. Il produit du tabac, du salpêtre, de la poudre, etc.; et interdisant à autrui ce qu'il fait, maître du commerce, de la marchandise et du prix, il n'arrive qu'à ce triste résultat de gagner peu et d'empêcher les autres de gagner beaucoup.

Il ne lui suffit pas d'imposer, de monopoliser; dois-je dire ce qu'il fait lorsque, dans des tripots de loteries, de jeux, il attire, par l'appåt du gain, bien moins l'argent du riche que la subsistance du pauvre, exploitant par privilège la cupidité, l'ignorance, les vices de notre infirme nature!

Enfin, cette faculté d'exploiter sous tant de formes la fortune publique s'élargit encore: le fisc ne se contente pas de l'exercer pour lui, il la délègue aux départements et aux villes; mais il fait plus, il la concède à des corporations, à des écoles, à l'Université, aux institutions de la Légion d'honneur, des Invalides, etc. Si bien qu'il en résulte une nouvelle série d'impôts qui se dérobent au contrôle législatif, et qu'il devient impossible de faire le relevé exact de tout ce que ce bon pays de France paye pour les frais de son immense administration; les institutions que ces contributions spéciales entretiennent, doivent-elles exister hors du budget et former dans l'Etat des corps indépendants avec leurs intérêts propres soutenus d'un privilège? Je ne le pense pas; il y a là violation formelle de la prérogative des Chambres, il y a source de désordre et d'abus.

Ainsi entraînés par une obstination ou une faiblesse également malheureuses, nous mesurons pour ainsi dire la bonté de nos impôts sur leur produit. Le fisc se prend à tout: il frappe sur le fond et sur le revenu, sur les personnes onnes et sur les choses, sur les actes et sur les passions; recevant beaucoup il dépense encore davantage. Sans doute, il ne prend d'une main que pour rendre de l'autre; mais ce mouvement, qu'il communique aux capitaux et qui pourrait être si favorable à l'aisance de tous, est vicieux aujourd'hui dans son origine comme à sa fin.

Ce n'est pas tout encore; cet énorme budget, surchargé de plus en plus de tant de centimes, sous tant de noms divers, additionnels, facultatifs,

variables, extraordinaires, est-il au moins capable de pourvoir à tous les besoins? Non, Messieurs, mal reçu et mal dépensé, il devient à la fois intolérable et insuffisant.

Si nous avions eu le courage ou le bonheur de retrancher au lieu de 2 millions, 50 millions d'ioutiles dépenses, l'administration aurait pu sans peine nous proposer pour 50 millions d'autres dépenses utiles; et les contribuables sont assez éclairés pour comprendre qu'ils auraient gagné à ce compte, quoiqu'ils n'eussent pas payé moins; car il y aurait double profit à changer des dépenses stériles contre des dépenses productives; un luxe onéreux, de vains monuments, de représentations fastueuses, de traitements sans fonctions, de fonctions sans services, ou même des fonctions et des services, instruments véritables de dommage, mmage, contre des routes, des canaux, des écoles, de l'ordre, de l'industrie, de la liberté.

Vous savez que dans les 8 budgets antérieurs à celui de 1828, la moyenne de l'excédent annuel de la dépense effective sur la recette évaluée a été de 46 millions; vous pouvez déjà prévoir que cet excédent sur les exercices de 1828 et de 1829 ne sera pas moindre. Quelle est notre situation actuelle? Après l'heureuse influence d'une longue paix, un excédent du passif de l'administration des finances sur son actif de 190 millions: une diminution sensible dans le produit de plusieurs impôts indirects : les services importants des ponts et chaussées, de la marine, réclament le secours extraordinaire de plus de 200 millions pour des routes, des canaux, des ports.

Cette situation est assez grave pour que nous cherchions les moyens de l'alléger. Sans doute les ressources ne manquent pas. Cet admirable système de crédit qui dès ses premiers développements a payé payé les frais de 2 cruelles invasions, d'une déplorable guerre et d'une prodigue indemnité, est destiné à se prêter, quand il le faudra, à des dépenses plus considérables et moins malheureuses. Mais ce crédit lui-même tinirait par refuser son secours à une administration imprévoyante qui, ajournant toujours le bien, perdrait enfin la puissance de le réaliser.

Notre plus impérieux besoin aujourd'hui est de réformer le régime d'impôts sous lequel nous souffrons. Ce régime arbitraire n'appartient point à la Restauration; quel intérêt trouverait-elle à le défendre? Il est celui de l'Empire; nous y trouverons partout le génie despotique de ce gouvernement, qui, victime de ses propres excès, semble au milieu de nous se survivre encore à lui-même. Notre administration lui appartient tout entière; nos lois de commerce et de finances sont trop souvent les siennes : la Restauration l'a adopté pour l'intérêt matériel et apparent qu'elle y rencontre malgré son intérêt moral qui le condamne. Il est temps qu'elle cherche le régime légal qui lui est propre.

Les bonnes vues toutes pratiques que présentent depuis plusieurs années, ou les rapports de vos commissions, ou les discours de vos orateurs, coordonnées par l'expérience d'une administration éclairée, fourniraient les moyens de satisfaire à bien des vœux.

Je suis du nombre de ceux qui pensent que l'institution libre des départements ents et des communes pouvait devenir une source d'économies et préparer même les éléments véritables d'un meilleur régime d'impôts. Aujourd'hui nous ne saurions guère l'attendre du développement de ces libertés, qui nous apparurent un moment sous les traits du privilège, et qui nous furent soudainement ravies quand nous désirions les rendre semblables à elles-mêmes.

Une autre voie nous resterait encore, c'est celle de l'enquête. A toute administration qui ne communique point par la voie de l'enquête avec le pays, les plaintes des contribuables paraîtront toujours factices et hostiles, parce qu'elle s'en rapportera contre elles aux rapports de ses agents trop intéressés au maintien des abus dont ils vivent et dont tant d'autres souffrent.

Je n'entends point parler de commissions présidées par un ministre ou par un fonctionnaire de son choix, où sont représentés les seuls intérêts qu'il plaît au ministre d'y appeler, et qui marche avec un appareil d'investigation et de discussion concertées, vers un but déterminé d'avance, la sanction des actes que l'administration a déjà exécutés ou conçus. Celles-là, utiles encore, quoique imparfaites, seraient évidemment insuffisantes.

Il faudrait une enquête conforme à la nature de notre gouvernement, qui, librement instituće au milieu de la représentation du pays, sincère, complète, dominerait naturellement les intérêts injustes, les vues purement locales, les vieilles routines comme les vains systèmes; et qui, recueillant sans autre soin que celui de la vérité, les communications officieuses des agents de ladministration, les témoignages des contribuables, les jugements de l'opinion éclairée, préparerait ainsi des résultats dont l'application successive deviendrait pour le gouvernement un titre de gloire, et pour le peuple une source de biens.

Notre tâche à nous, mandataires d'un pays libre, serait de contribuer à doter le pays de cet immense bienfait: mais c'est une tâche que les ministres nous rendent trop rude. L'administration voit le bien sans doute, elle le désire, mais elle ne l'accomplit pas: l'intention est droite, c'est la volonté qui fait faute. Le système actuel uel d'ailleurs, s'il est nuisible à la couronne, dont il dénature l'autorité tutélaire, est commode à l'administration, dont il favorise l'influence. Cette voie est commode, Messieurs, parce qu'elle est frayée; mais un précipice est au bout.

Une administration qui arrive au pouvoir trouve aussitôt toutes les usurpations fiscales qui se coalisent contre l'envie qu'elle montre d'abord de leur faire une bonne guerre, et la direction fatale qu'elle avait trouvée à son avènement, qu'elle avait voulu changer, elle la continue: c'est comme une fascination que le pouvoir exerce sur ses ministres, nous pourrions dire sur ses victimes.

En 1828, après cet heureux mouvement de l'esprit public, qui parut commencer l'époque de la restauration des lois, une session eut lieu qui fut surtout celle de l'espérance: il nous fut permis de remédier par quelques lois de transition ou de circonstance aux maux dont le pays avait le plus souffert. Mais le ministère, nous en avions la confiance, allait, dans l'intervalle des sessions, préparer le rétablissement des libertés municipales, l'assiette équitable de l'impôt, le système administratif compatible avec les principes de la Charte; nous entrions ainsi en esprit dans une voie longue, mais sûre, qui promettait à la France le premier bien de la société humaine, l'amour de l'ordre et de la liberté.

Messieurs, nous n'avons été ni dni suivis

dans cette carrière, fut celle de l'es

la déception. Ja

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assion le de

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cevrait du pays une qualification sévère, si, à l'esprit de comprendre notre devoir, nous ne joignions pas le courage de le faire.

Et d'ailleurs la triste expérience que nous avons acquise ne nous avertit-elle pas que notre vote ici doit répondre à notre conscience et non aux promesses des hommes et aux apparences des choses?

Nous accordâmes l'an dernier l'ordinaire budget à une administration nouvelle dont il n'était pas l'ouvrage, et qui avait été obligée de le présenter tel que la précédente le lui avait laissé, mais qui promettait d'en commencer la réforme l'année suivante. Il n'en est point ici: le budget de 1830 n'est pas autre, trait pour trait, que celui de 1829. Le voterons-nous encore avec résignation, en ajournant de nouveau nos espérances? Il y faut réfléchir, Messieurs; et nous aussi nous sommes responsabl s.

Cette tribune présente tous les ans les moyens d'améliorer notre administration. C'est l'intérêt, c'est le vœu de ceux qui travaillent, de ceux qui conseillent et même de ceux qui gouvernent; et toujours les mêmes errements se continuent; le bien semble impossible à réaliser.

L'opinion devient de plus en plus éclairée et la législation demeure toujours aussi vicieuse. C'est là, Messieurs, un état qui doit exciter toute votre sollicitude.

Lorsque les principes du gouvernement représentatif écrits dans la loi, pénètrent de plus en plus dans les esprits, si l'administration, au lieu d'en déduire successivement les conséquences, ou les refuse nettement, ou les dispute pied à pied, ou les concède sans confiance, n'estil point à craindre que le pays libre en droit, mais trop souvent administré et imposé comme au temps où il ne l'était pas, ne finisse par croire que notre système représentatif n'est au fond qu'une déception habile? Et alors suspendu pour ainsi dire entre le régime qui n'est plus et celui qui n'est pas encore, dans quel vague s'égareraient ses idées et ses sentiments?

Des pratiques constantes de l'administration aux résultats de la science moderne; de la manière dont le pays est encore régi, à celle dont il sent qu'il pourrait l'être, la distance est trop grande.

Une bonne administration dirige le mouvement de la société dans les voies de perfectionnement qui tui sont naturelles.

Une administration prudente, qui se défierait même de ce mouvement, aurait encore le bon esprit de le suivre.

Mais une administration qui lutterait obstinément contre la force des choses, qui combattrait les besoins du ferait-elle autre chose temps, que que compromettre l'avenir?

Je ne puis voter la loi des recettes, si MM. les ministres du roi ne se croient point obligés d'entreprendre une revision de l'assiette de l'impôt, et spécialement une réforme des droits qui pèsent sur les sels et sur les boissons.

(On demande la clôture. Elle est adoptée.)

M. de Berbis, rapporteur. Messieurs, le mode qui nous est imposé ou que l'usage a consacré dans les délibérations qui concernent les budgets de l'Etat, ne nous laisse guère, lorsque nous en sommes aux recettes, que la faculté de faire des réflexions générales sur le système des impôts, sans que nous puissions parvenir à des résultats sérieux. En effet, discutant les recettes après, comment pourrions-nous supprimer une

325 partie des recettes sans qu'une partie des dépenses | plus pressante, le gouvernement, à s'occuper

ne restât à découvert? Il faudrait, pour que cela n'arrivât pas, commencer par réduire nos dépenses d'une somme égale à celle dont nous voudrions diminuer nos impôts, ou bien commencer par régler la quotité de nos impôts et y proportionner le montant de nos dépenses; mais en est-il d'un Etat comme d'un particulier, et pourrions-nous suivre cette dernière manière de procéder ? C'est fort douteux. Quoi qu'il en soit, Messieurs, il est évident que dans le moment actuel nous sommes dans une position qui ne nous laisse plus le choix, nous avons à pourvoir à des dépenses dont le montant est voté; il ne nous est donc pas possible, pour cette fois du moins, de réduire nos recettes, car ce serait nous créer volontairement un déficit. Il faudra bien cependant en venir, Messieurs, vous et le gouvernement, à un examen sérieux de notre système d'impôts, et y consacrer tout le temps nécessaire, non à notre avis pour en renverser les bases, que nous croyons bonnes, mais pour y apporter les modifications convenables, utiles, et nous dirons même indispensables. Il y a évidemment des intérêts à concilier et des soulagements à apporter dans les charges qui pèsent sur les contribuables. Il y a une meilleure pondération à établir dans les différents impôts; c'est au gouvernement à profiter des vues générales et particulières qui ont été présentées, et dans cette discussion et dans les précédentes; il doit en faire le sujet de ses méditations, et vous soumettre ensuite les projets qu'il aura jugés utiles et propres à atteindre le but qu'il doit avoir, de concert avec vous, dans l'intérêt des contribuables et de la prospérité du pays.

Dans les discours qui viennent d'être prononcés, aucun des principes que nous avons émis dans notre rapport n'ayant été attaqué ou contredit, nous aurions pu en quelque sorte nous dispenser de prendre la parole. Toutefois nous avons cru convenable de vous soumettre à la suite de cette discussion générale, ainsi qu'il est d'usage, de courtes réflexions. Nous commencerons par défendre la constitutionnalité des impôts: nous n'en croyons aucun de ceux existants contraire à la Charte. Ils peuvent être plus ou moins onéreux, plus ou moins mal assis, mais ils ont tous été votés et consentis librement par les trois pouvoirs réunis à qui il appartient de les voter et de les consentir. Professer une autre doctrine, ce serait compromettre les ressources de l'Etat et affaiblir dans l'esprit des peuples l'autorité que doivent avoir à leurs yeux les actes legislatifs les plus nécessaires au bon ordre et à la sûreté du royaume; nous croyons que, sans employer de tels moyens, l'on peut signaler tel ou tel impôt comme onéreux, comme nuisible même, et en demander ou la suppression ou la diminution; mais, néanmoins, que nous devons en même temps éviter avec soin tout ce qui pourrait porter les contribuables à se croire fondés à refuser d'acquitter des impôts légalement établis. Parmi ces impôts, c'est celui des boissons qui a le plus occupé les orateurs que vous avez entendus: il y a eu à cet égard un accord que l'on peut dire unanime; car ceux mêmes qui ont cru exagérées les plaintes des propriétaires de vignes, n'ont pas nié leur détresse et la nécessité de venir à leur secours, c'est-àdire au secours d'une de nos branches agricoles les plus importantes.

Nous ne répéterons point, Messieurs, ce que nous avons dit sur ce sujet dans notre rapport; nous nous bornerons à inviter, de la manière la

sérieusement, dans l'intervalle de cette session à la prochaine, des modifications indispensables à apporter et dans le fond et dans la forme de l'impôt qui pèse sur les boissons: nous ne doutons pas qu'avec une volonté ferme, qu'avec les lumières qu'il a et celles dont il peut s'entourer, il ne parvienne au but que nous désirons. Nous ne pensons pas que sans lui, et par des propositions isolées, plus ou moins bien digérées, mais qui manquent d'ensemble, et dont les difficultés, pour être bien appréciées, demandent du temps et de fortes méditations, il nous fût possible d'arriver à quelque résultat satisfaisant, et qui n'apporterait pas quelque pertubation notable dans les revenus de l'Etat.

Ainsi nous ne croyons pas devoir entrer dans l'examen des différents systèmes qu'ont émis plusieurs orateurs. Nous regardons en général leurs vues quelques divergentes qu'elles soient, comme utiles, en ce qu'elles pourront en faire naître au gouvernement ou faciliter des recherches. Mais, nous le répétons, c'est à lui essentiellement, comme ayant seul tous les documents et comme étant placé au-dessus de tous les intérêts particuliers, qu'il appartient de nous présenter, et sur l'impôt des boissons et sor tout autre, les changements que nous désirons. En effet, comment ferions-nous s'il fallait nous prononcer actuellement? Les uns proposent un droit unique, le droit d'inventaire; d'autres voudraient, dans les communes sujettes aux droits d'entrée, remplacer le droit de détail par le droit de circulation, et n'avoir qu'une seule classe pour les droits d'entrée; d'autres, diminuer d'un tiers le droit de détail, et reporter les deux autres tiers sur l'impôt mobilier et personnel; d'autres enfin voudraient réimposer la contribution foncière de ce dont elle a été dégrévée, et décharger d'autant les contributions indirectes; enfin il en est qui proposent des impôts somptuaires pour atteindre le même but.

à la

Toutes ces propositions prouvent, comme nous l'avons dit, qu'il faut que tout parte d'un centre commun, c'est-à-dire du gouvernement. Si nous ajoutons à ce conflit de propositions celles qui tendent ou suppression ou à la diminution d'autres impôts encore, l'on voit, Messieurs, combien il serait imprudent de notre part de nous trop håter ou d'adopter sans une discussion plus approfondie des changements aussi importants que ceux que l'on nous demande. Nous compromettrions évidemment la chose publique. Mais d'accord au fond avec tous les orateurs qui ont pris part à cette discussion, nous appelons de tous nos vœux une sage révision de notre système d'impôt, c'est-à-dire les améliorations dont il est susceptible; et nous pensons que c'est pour le gouvernement un devoir impérieux de réaliser autant qu'il le pourra ces vœux à la prochaine session. Nous terminerons par cette observation, c'est que le moyen le plus certain que nous ayons de diminuer les impôts, c'est, en tout état de choses, de commencer par réduire successivement nos dépenses.

M. le Président. Nous allons passer à la délibération des articles du projet. Art. 1°r. << Continuera d'être faite, en 1830, conformément aux lois existantes, la perception des droits d'enregistrement..... »

M. Caumartin. Messieurs, nos dépenses et les impôts qui, nécessairement, doivent les balancer,

s'étaient tellement élevées sous les précédentes administrations, qu'il nous a fallu porter, dans toutes les parties du service public, une sévère investigation, au risque de troubler les paisibles jouissances de ceux qui profitaient des prodigalités, des abos, des sinécures et des cumula.

des objets soumis à l'impôt, par la surcharge qui entrave quelques industries, par l'inégalité de la répartition et par le mode vexatoire et dispendieux de la perception.

Si l'inquiétude et la perturbation que causent nos recherches s'arrétaient à ces favoris du budget, le mal ne serait pas grand; mais, Messieurs, il s'étend plus loin.

Des citoyens honnêtes, instruits et laborieux, qui croyaient, à juste titre, avoir fixé leur avenir par leurs talents, leurs services et leur dévouement, deviennent à chaque session incertains de leur existence et de celle de leur famille.

Cet état de choses devient insupportable, et nous ne devons pas attendre, Messieurs, qu'on nous rappelle que la prospérité publique est intimement liée au bonheur des individus.

Nos institutions même pourraient souffrir de ce malaise; et si, pour remédier au mal que nous a légué le passé, nous donnions ainsi le carac tère d'une maladie intermittente et périodique à une crise qui ne devait être que passagère, nous ferions peut-être prendre en aversion et le remède et le médecin, c'est-à-dire le système représentatif et les Chambres.

Nous avons fait jusqu'à présent à peu près toutes les économies de détail que comportait le budget des dépenses. Il est vrai qu'il n'en est goère allégé; mais nos économies ont été appliquées à des services jusque-là insuffisamment dotés, et il y aurait injustice ou aveuglement à ne pas reconnaître Pimportance de ces améliorations, dans lesquelles MM. les ministres ont eu souvent le mérite de nous seconder.

Mais, Messieurs, ne devaient-ils pas faire plus dans cette session?

Au lieu de nous obliger à inquiéter encore cette année toutes les administrations par la recherche mesquine d'économies partielles, n'auraient-ils pas dû réaliser leurs promesses et nos espérances; rentrer, par de plus larges voies, dans les limites indiquées par les exigences strictes et réelles des services qui leur sont confiés; nous proposer les innovations si désirables dans le choix, l'assiette et la répartition de l'impôt; et assurer enfin au budget et à toutes les existences qui s'y rattachent, la fixité et la stabilité qu'il est convenable et possible de leur donner?

Qu'ils n'oublient pas toutefois que l'intérêt public ne souffre pas moins que l'intérêt privé de cette situation précaire, et si de funestes influences la prolongeaient encore, que l'on sache bien que ce n'est pas à nous, mais à MM. les ministres que l'on doit s'en prendre; puisqu'ils ont l'initiative légale et que seuls ils ont les éléments nécessaires pour coordonner toutes les parties d'un nouveau système organique.

Leur responsabilité, à cet égard, est d'autant plus engagée que la discussion approfondie des dépenses leur a bien fait connaître les vices du régime actuel et la nécessité d'une réforme d'ensemble.

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A l'égard des recettes, il n'y aurait peut-être ni à dire ni moins à faire, et il est à regretter que cette partie du budget soit toujours traitée dans les derniers jours d'une session fatigante et sous l'empire de la nécessité.

L'assiette, la répartition et la perception de l'impôt sont essentiellement vicieuses en France. Le milliard fatigue moins les contribuables par l'énormité de sou poids que par le mauvais choix

Pour me renfermer dans l'objet que je me suis proposé, je ferai remarquer que les droits d'enregistrement, de timbre, de greffe et d'hypotheque, qui sont portés au budget pour un 5 environ du milliard, sont hors de toute mesure et qu'ils ne pourraient dans une nouvelle assiette de l'impôt grever ainsi de 182 millions les tributaires du Trésor.

Le timbre, qui maintenant s'applique à tout et qui jadis était si peu coûteux, a haussé ses tarifs jusqu'à l'excès; il gène particulièrement le commerce par les sujétions qu'il lui impose dans toutes ses relations, qui ont tant besoin d'indépendance et de protection. On vous signalait ces jours-ci le timbre des patentes de dernière classe qui s'élève à la moitié du principal; je signalerai le timbre des quittances et laissez-passer sur nos canaux, qui, par exemple est de 20 centimes pour un péage de 65 centimes sur une distance de 5 kilomètres dans certaines parties du canal d'Angoulême.

Les droits exigés pour succession en ligne directe sont un impôt contre nature. La transmission du père au fils n'est pas une mutation libre et conventionnelle; il y a là, en quelque sorte, unité de personne, il y au moins continuité du droit de propriété. La loi ne peut ici que reconnaître le vœu de la nature, et son inutile sanction fiscale est d'autant plus odieuse qu'elle s'applique aux biens sans déduction d'aucune charge, d'aucune dette; de sorte que l'héritier du sang paye au Trésor des droits pour des biens qu'il ne recueille pas.

Les droits de mutation par contrats sont portés à un taux si élevé qu'il met souvent obstacle aux aliénations et nuit ainsi à l'accroissement de la richesse territoriale; ritoriale; car presque toujours on achète dans la vue d'améliorer. Quand les frais de contrat imposent d'abord le sacrifice de deux années de revenu, on hésite à devenir acquéreur.

La justice est mieux administrée en France que partout ailleurs; mais les frais qu'elle entraine sont une de nos plaies sociales. On se plaint avec raison des émoluments attribués aux avoués; mais ces plaintes sont exagérées: on ne fait pas attention que, dans un état de frais, surtout en première instance, les trois ou quatre cinquièmes ont été déboursés par l'avoué en droit de timbre, d'enregistrement et de greffe.

La justice, Messieurs, est la première dette de la société et du souverain envers tous les citoyens. On dit qu'elle est gratuite en France, et cependant les impôts indirects qu'il faut acquitter pour l'obtenir sont tels, que le pauvre opprimé ne peut défendre ses droits devant les tribunaux. Il n'est pas de magistrat qui n'ait eu à déplorer maints exemples de déni de justice dont la législation est seule coupable.

Les frais d'expropriation sont si considérables que, pour les créances qui n'excèdent pas 1,200 ou 1,500 francs, il faut une hypothèque double ou triple du capital emprunté.

Les lois prescrivent des formalités sages et prévoyantes pour le règlement des affaires de famille; mais ces formalités sont si dispendieuses que les personnes peu fortunées sont obligées de renoncer à ces garanties tutélaires.

Indépendamment de ceux qui, par impuissance, n'acquittent pas cette contribution, il en est un

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plus grand nombre peut-être qui s'y soustraient par la fraude et la dissimulation.

Ainsi on rédige sur papier libre et sous seings privés beaucoup d'actes qu'on préférerait faire authentiquement s'il en coûtait moins.

Dans les contrats qu'on ne peut se dispenser de passer régulièrement, les parties et les notaires s'appliquent à déguiser les clauses pour frustrer le fisc.

Enfin, Messieurs, ses exigences sont si exorbitantes qu'en justice même, et surtout dans les tribunaux de commerce qui rendent de si grands services, il est des magistrats qui, effrayés des conséquences, ont peine à s'opposer des réticences, à certains détours que les défenseurs se permettent dans l'intérêt de leurs clients, pour éluder des droits qui, dans ces matières, excèdent souvent le capital, lors surtout qu'ils portent sur des objets non contestés, comme cela arrive fréquemment.

Les contraventions sont punies par des amendes dont l'énormité, dans certains cas, excède tellement les règles d'une bonne justice, que l'admimistration supérieure s'est réservé la faculté de tempérer, par des transactions, la rigueur de la loi. On peut dire qu'elle use de ce pouvoir avec un sage discernement, et que, sous ce rapport, elle mérite la reconnaissance publique; mais enfin l'ordre légal serait encore préférable même à ce régime paternel.

Si ces droits étaient plus modérés, on éviterait presque toutes ces fraudes, ces simulations, ces tolérances qui ne sont pas moins dangereuses pour les parties que contraires aux intérêts du Trésor, aux lois et aux mœurs publiques.

Cette partie de l'impôt, avant la Révolution, était extrêmement modique, mais le fisc semble avoir voulu s'enrichir, à certains égards, des droits féodaux dont la propriété a été affranchie. C'est notamment par les lois de brumaire et frimaire an VII qu'il a fait cette conquête.

Depuis l'on s'est plaint souvent de l'élévation des tarifs qui rapportaient au Trésor de 115 à 120 millions; on était sur le point d'en obtenir la réduction, lorsque les événements de 1815 ont au contraire nécessité l'augmentation de quelquesuns de ces droits et la création de quelques droits analogues.

Au moins, les commissaires du roi ne demandaient-ils cette surcharge que pour les subsides à payer dans les 5 ans à l'étranger.

«

L'article 32 du titre VII de la loi du 28 avril 1816 porte: « Jusqu'à ce que l'acquittement des charges extraordinaires soit ter terminé, les droits d'enre• gistrement, de timbre et d'hypothèque seront « perçus avec les augmentations énoncées aux << articles suivants. Ces augmentations étaient « évaluées à 26 millions. »

Les charges extraordinaires ont été acquittées dans le délai convenu; mais comme il est plus difficile de supprimer que de créer des impôts, le fisc s'est trouvé bien de maintenir ce surcroît de contribution. Seulement, en 1824, le gouvernement, paraissant céder enfin au vœu général, a promis de prochaines réductions, et, par une loi du 16 juin, il en a accordé quelques-unes. Ces réductions ne se sont élevées qu'à 3,500,000 francs environ, et les promesses n'ont reçu depuis aucun effet; de sorte que la surcharge établie par la loi du 28 avril 1816 subsiste encore pour 22 millions. D'après les évaluations de cette loi, et dans la réalité, pour une somme presque triple.

Et cependant, Messieurs, il y aurait d'autant

plus lieu de baisser ces tarifs que cet impôt qui, avant 1816, produisait 115 millions, et était déjà reconnu excessif; qui en 1816 était porté, en raison des circonstances, à 156 millions, figure maintenant, après une longue paix et dans des circonstances prospères, pour 182 millions. Ainsi nous payons 67 millions de plus que sous l'empire des lois de l'an VII et 26 millions de plus que pendant les 5 années de douloureuse mémoire.

Messieurs, dans la confiance que MM. les ministres, qui ne nous ont pas même fourni ces cadres qu'ils nous avaient promis, s'occupent d'un travail d'ensemble pour la réorganisation complète des parties de l'administration qui sont entachées d'abus et qu'ils ne sentent pas moins l'urgence d'une meilleure assiette et d'une plus juste répartition de l'impôt, j'ai cru de mon devoir d'appeler ici leur attention et celle de la Chambre sur ces détails qui, tout arides qu'ils paraissent, n'en sont pas moins d'un grand intérêt pour les relations journalières de toutes les classes de citoyens.

Je souhaite que l'on n'en méconnaisse pas l'importance, et me réserve de faire, à une époque plus opportune, des propositions expresses sur cette matière, si le gouvernement ne me prévient pas, en satisfaisant à ce besoin pressant.

M. le Président continue la lecture de l'ar

« et

ticle 1er. « Du timbre, de greffe, d'hypothèques, « de passeports et de permis de port d'armes, les droits à percevoir, sur le compte du Tré« sor, sur l'expédition des lettres de naturalité, « dispenses de parenté pour mariage, autorisation « de servir à l'étranger, d'après le tarif fixé par « l'ordonnance du roi du 8 octobre 1814;

« Des droits de douanes, y compris celui sur <<< les sels.... »

M. Duvergier de Hauranne. La loi des douanes ne pouvant pas être discutée cette année, beaucoup d'intérêts vont se trouver en souffrance); je voudrais donc soumettre à M. le ministre du commerce une observation qu'il sera possible d'utiliser. Il y a dans le projet de loi des douanes un article, sur lequel le gouvernement était d'accord avec la commission d'enquête; je veux parler de la condition de poids à laquelle sont assujetties les fontes étrangères. C'est un objet important et nécessaire; car les fontes entrent dans la confection de tous les métiers, des machines à vapeur et des machines hydrauliques; aussi l'importation en est-elle très considérable malgré l'exhaussement du droit. Cependant aux termes de la législation existante les fontes ne peuvent être introduites qu'en saumons de 400 kilogrammes. Or, on n'en fait point de ce volume en Angleterre; il faut donc en commander exprès, ce qui augmente le prix: on n'en vend point de ce volume en France; il faut donc les briser et les transformer en saumons de 25 kilogrammes, nouvelle cause de renchérissement. Il y a perte. pour le commerce, sans qu'il y ait profit pour l'Etat, sans même qu'il y ait protection pour les produits indigènes du même genre; car, pour les applications spéciales que j'ai signalées, on préfère toujours les fontes anglaises. La nouvelle loi y avait pourvu, et faisait disparaître cette condition genante. Je demande si les ministres, pendant l'intervalle de la session, se croiront autorisés, en vertu de la loi du 31 décembre 1814, à faire provisoirement par ordonnance ce que la loi aurait réglé. Nous sommes déjà assez en

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