1673. trajet il n'y eut que le Duc de la Feuillade, le Chevalier de Fourilles, & trois ou quatre autres qui pûrent monter fur l'autre bord; cependant personne ne s'y perdit, les uns se prirent au reste des vieux pilotis qui paroissoient encore dans l'eau, les autres furent secourus par ceux qui se jetterent après

eux.

Cette premiere épreuve n'ayant pas réussi, on ne trouva pas à propos d'exposer les Troupes à ce peril; on se contenta d'en avertir le Roi, & de les faire camper le long du Canal en attendant ses ordres. S. M. étoit partie de Courtray, le 23. du mois, d'où il renvoya la Reine & le refte de la Cour à Tournay pour y demeurer pendant la Campagne. Il prit avec l'Armée le même chemin qu'avoit tenu le premier détachement, & alla se camper à la vûë de Gand entre l'Abaye de Dronghen & Marie-Kercke; en arrivant il fit avancer des bateaux pour jetter des ponts sur le Canal dont j'ai parlé. L'ouvrage achevé, les Troupes détachées pafferent & s'allerent poster à Kapricke Village des terres d'Espagne, mais peu éloigné

de trois ou quatre Places, apartenant 1673.
aux Hollandois, afin que ces der-
niers pussent avec quelque apparence
prendre des jaloufies de cette marche.

Avant que de camper en cet endroit, on commanda 5oo. Chevaux qui par differens chemins allerent donner l'allarme dans le Pays; le Chevalier de Hautefeuille en conduisoit la moitié, & St. Clar Brigadier de Cavalerie le reste; ce dernier alla d'abord passer à la vûë de Philippine, puis tournant la tête vers l'Ile de

- Bieruliet, comme s'il eût eu dessein d'y entrer, il alla cotoyer Ysendick, & l'ayant laiflé sur sa droite il revint enfin se faire voir à la Garnison d'Ardenburg.

Dans toute cette course il ne rencontra point d'ennemis; le ChevaHier d'Hautefeüille apperçut seulement 400. Chevaux de l'autre côté du Saz de Gand, ce qui détermina à faire un pont sur le Canal de ce nom , pour le passer avec ses Troupes; mais fa peine & fa diligence furent inutiles. Ses Coureurs ne purent atteindre que 20. ou 30. Maîtres que le gros qui se retiroit vers Hulth

1673. laiffoit apparemment derriere, pour obferver s'ils feroient suivis.

Deux jours après ces détachemens étant retournés à Kapricke, le Duc de ta Feüillade les remena vers l'Armée, toujours poftée dans fon premier Camp.Le Roi en avoit encore détaché quelques troupes qui passant le Canal de Bruges fous les ordres de Monfieur, s'étoient avancés fur le chemin des premiers pour être plus à porté de les soûtenir, ou peut-être pour mieux répandre le bruit que toute l'Armée alloit prendre cette route. Quoiqu'il en foit, on ne put s'y tromper longtemps, & dès que Monfieur, & le Duc de la Feüillade eurent repassé le Canal, ils allerent, fans s'arrêter, avec les mêmes Troupes, paffer le Lis entre Deynse & Gand, fur des ponts que l'on avoit jettés fur cette Riviere. Le lendemain ces mêmes Troupes prirent encore le devant & furent paffer le petit Efcaut à Gavre entre Gand & Oudenarde, où ils y attendirent l'Armée, qui paffant ces deux rivieres dans le même jour se trouva toute rassemblée dans ce Camp.

Dans cette marche le Roi détacha 1673. le Marquis de Rochefort LieutenantGénéral, avec les Brigades de Cavalerie de Montclar, & de la Feüillée quelques Moufquetaires & des Dragons, pour paffer la Tenre & fe faire voir entre Dendermonde & Bruxelles; le Marquis de la Trousse avec sa Brigade de Gendarmerie, eut ordre d'al Her vers Gand & de se tenir entre les deux Efcauts pour couvrir l'aîfle gauche de l'Armée quand elle s'é branleroit.

De Gavre le Roi vint camper à Borst, & de-là à Likercke sur la Tenfe , d'où il détacha encore le Chevalier de Fourilles avec la Brigade d'Infanterie que commandoit Defbonnez, pour joindre le Marquis de la Trousse, & aller ensemble se pofter entre Aloft & Bruxelles, afin d'assurer la marche de S. M. qui venoit camper à la vûë de cette Capitale.

Pendant ces mouvemens, l'Artik lerie & les gros bagages filoient vers Noftre-Dame de Hall & s'avançoient fur la route qu'on vouloit tenir; le Marquis de Rochefort ayant encore

1673. paffé le Canal de Vilworde, sembloit conduire ce qu'il avoit de Troupes vers le Dénier : ainsi l'Armée s'étendant presque dans tout le Brabant Espagnol, il eût été difficile de pénétrer le veritable dessein du Roi; il le déclara alors, & nomma les Regimens qui devoient investir Maftrich sous les ordres du Comte de Lorges.

Jusques - là personne n'avoit ofé prévoir par quelle expédition on commenceroit la Campagne, & toutes les differentes démarches des Troupes ne donnoient aucune idée de ce que le Roi méditoit; il est vrai qu'on n'avoit pas crû qu'il pensât à pouffer ses Conquêtes du côté de la mer, parce qu'on n'avoit point vû de Vaisseaux armés fur ces côtes, & que d'ailleurs les Places dont on auroit pû se rendre maîtres, n'étoient que d'une médiocre importance, & fort difficiles à conferver.

Aussi n'y avoit-il gueres d'apparence de s'imaginer que le Roi voulût attaquer une Ville de la réputation de Mastrich, quand on consideroit que son Infanterie n'étoit