1 1673. trouvant en état d'être gardés, les Affiégez se virent à peu près resserrés dans le corps de la Place, ils ne tenoient plus du côté qu'on les attaquoit, qu'un ravelin devant une porte, & une demi-lune sur le bord du Sars, que les Affiégeans avoient negligée dans l'apprehenfion des fourneaux qui se trouvoient dans tous leurs ouvrages: mais foit que les mineurs des Hollandois eussent été tués,' ou faits prifonniers dans les afsauts, ou qu'étant étonnez de la grandeur du peril, ils n'eussent ofé donner à propos feu à leurs amorces, la plûpart des mines qui sauterent firent beaucoup plus de peur que de mal. Ces actions de valeur se passerent le onzième jour depuis l'ouverture de la tranchée. Deux jours après, le fossé du Ravelin qui restoit à prendre se trouvant percé, & les mineurs prêts à s'attacher au corps de la Place, les Affiégez battirent la chamade, & demanderent à capituler. On donna des ôtages de part & d'autre; la Ville se rendit, les conditions de la Garnison furent d'autant plus honorables, que ce fut la pres miere de cette guerre a qui l'on per- 1673. mit d'emmener du canon & à qui on accorda tous les avantages qu'elle pouvoit defirer. 2 Elle ne fortit même de Mastrich qu'un jour après pour être conduite à Bolduc par le plus court chemin; elle étoit composée de huit Regimens d'Infanterie Hollandois ou Allemands qui avec le Regiment Italien faifoient à peu près trois ou quatre mille hommes. La Cavalerie consistoit en sept ou huit cens chevaux ou Hollandois, ou auxiliaires; les bleffés & les malades, qui n'étoient pas en petit nombre, furent embarqués fur la Meuse, & menés en d'autres endroits : quelques particuliers de ces Troupes dirent en sortant qu' ils avoient perdu pour le moins deux mille hommes, mais peut-être s'en faifoient-ils honneur ; car il n'étoit pas vraisemblable, que des gens qui n'avoient tenu que treize jours de tranchée ouverte fans grandes forties, & qui ne s'étoient presque défendus que de leur feu, euffent pû faire une perte fi confiderable. Ce qu'il y eut de cercain, c'est qu'il y mourut plusieurs Of. 1673. faciers fur-tout parmi les reformés dont la plupart étoient des Troupes d'Espagne. Il ne feroit pas moins difficile de dire précisément le nombre des morts du côté des François, chaque Regiment ou chaque Corps exagerant peut-être sa perte, ou pour mieux representer les dangers qu'ils avoient courus, ou pour s'attirer indirectement plus de loüanges. Quoi qu'il en foit on demeura d'accord que le Regiment du Roi & celui du Dauphin furent ceux qui avoient fouffert davantage, de même que la premiere Compagnie des. Moufquetaires dont presque route la tête & la plus grande partie des Officiers furent mis hors de combat; la seconde n'y fut pas fi maltraitée, non-plus que les Gardes du Corps. Du Regiment des Gardes Françoifes, il y eut quinze ou feize Officiers tués, ou blessés: entre les Capitaines le Chevalier de Ranes y mourut; Croisilles qui commandoit un bataillon y fauta avec un fourneau la nuit qu'on emporta l'ouvrage à corne, & je ne sçai si ce ne fut point : on dans l'endroit où les Affiégez ayant 1673. fait un amas de poudres & de grenades, & le feu s'y étant mis vit s'élever un si gros tourbillon de fumées & de flames, & l'on entendit en l'air de si terribles éclats, qu'on pourroit douter avec quelque raison, que la guerre ait jamais rien fait voir de plus épouvantable. Le Comte d'Estrades, qui fut fait Maréchal de France quelque temps après, eut le gouvernement de Mastrich, il avoit déja celui de Dunkerque, & commandoit encore dans Vezel, mais le Roi ne crut pas que ce fut trop recompenfer ses longs fervices: le Marquis de Vaubrun fut mis pour commander dans la place en l'abfence du Gouverneur & on y laissa pour garnison dix bataillons & quatre escadrons. Les jours suivans, l'Armée Françoise ne s'occupa qu'à remplir ses li gnes & ses tranchées, & comme les fourrages devenoient rares dans les pays, & qu'il n'étoit pas à propos d'achever de ruiner les environs d'un poste où l'on mettoit tant de Troupes pour le conferver, l'Armée fit : #673. un mouvement & s'alla camper plus près de Vizet entre la hauteur de Liechtenberg & la Meuse. Toutes les Troupes qui avoient fervì à ce Siége, ne suivirent pas le Roi ; la Brigade de Pilois fut renvoyée au Vicomte de Turenne, dont l'Armée se trouvoit alors dans le Comté de Valdek. Desbonnetz Brigadier d'Infanterie alla rejoindre le Prince de Condé avec quatre bataillons ; les Regimens d'Irlac & d'Alface s'en allerent à Tongres, pour aider à démolir les restes de cette ancienne Ville, déja tant de fois ruinée; querques. Troupes prirent le chemin de Maseyck, dont on abattit la plupart des fortifications ; d'autres furent destinées pour d'autres endroits. Tant de détachemens diminuerent confiderablement cette Armée; mais Le Roi ne voyant pas affés d'ennemis autour de lui pour l'engager à en conserver davantage, jugea qu'il valoit mieux les employer fous des Généraux qui pourroient en avoir besoin; d'ailleurs il étoit necessaire de mieux garnir les Places de Flandres, vû les bruits qui couroient dès lors que les |