Images de page
PDF
ePub

Le Marquis de Brandebourg, dont 1671. la puissance est des plus confiderables après celles des Couronnes, laissa entrevoir qu'il n'attendoit qu'un temps propre à donner quelque atteinte au Traité de Westphalie, dont il n'étoit pas content: Et tous les Princes du Cercle du Rhin, excepté l'Archevêque de Mayence, offroient alors au Roi d'eux-mêmes & sans en être follicités, tout ce qui dépendoit d'eux pour faciliter un heureux succès à ses entreprises.

L'Evêque de Munster, comme le plus inquiet & le plus ambitieux, -étoit aussi un des plus empressés a confpirer la perte de ses anciens en-nemis, & fon ressentiment éclatoit affés pour marquer qu'il ne tiendroit pas à lui, qu'on n'avançat de plu. sieurs mois la déclaration de la Guerre ; le Duc de Neubourg, que les -nouveaux bienfaits du Roi avoient attachés plus étroitement aux interêts de la France, ne fut pas des moins ardens à se déclarer contre les Hollandois.

Enfin le Pape, bien loin de défaprouver ce dessein, ne cessoit d'en

1671. presser l'exécution, dans la vûë quê le châtiment qui tomberoit fur des peuples révoltez contre leurs Princes légitimes, les puniroit encore de s'être soustraits à l'obéïssance de l'Eglife

& d'avoir rejetté l'ancien culte de la Religion: De forte que le Roi dont la premiere pensée n'avoit peutêtre été que de réprimer l'indifcretion de quelques membres des Etats, trouva dans la suite que sa confcience & fon honneur devoient également l'exciter à la vengeance.

Mais Sa Majesté instruite que les guerres éloignées, telle que celle dont il avoit formé le projet, ne peuvent jamais réüffir qu'à force d'hommes & d'argent, se donna tout entier aux foins d'en lever & d'en amaffer autant que son Royaume pouvoit le supporter.

Le bruit de ces grands aprêts ne fut plus alors un mistere, & l'on envoya de tous côtés faire de nouvelles levées de Troupes, en Suiffe, en Savoie, en Italie, en Allemagne, en Angleterre & dans tous les Etats que l'on avoit disposés à en fournir; ainsi l'allarme se repandant dans

2

presque toute l'Europe, on se pré- 1671 para de toutes parts à l'attaque, ou à la défense.

Les Hollandois ne pouvant plus douter qu'ils ne fussent l'objet de tant de préparatifs, commencerent de leur côté à chercher les moyens de se mettre à couvert de l'orage; ils envoyerent dans toutes les Cours renouveller leurs pratiques, & conjuren leurs Alliez de ne pas les abandonner dans un si pressant besoin.

د

Presque tous les Princes d'Allemagne armoient ou pour se soûtenir eux-mêmes, ou pour secourir leurs Alliez. Les Anglois travailloient à augmenter leurs Flottes, & les Ef-pagnols, foit que leurs anciennes jalousies se réveillassent, ou qu'ils se voulussent mettre en état de défendre les Provinces-Unies, qui les avoient fi bien servis dans la derniere Guerre firent les derniers efforts pour renforcer leur Troupes, ne doutant pas que le falut ou la perte du reste de la Flandres, ne dépendît du bon ou du mauvais succès de l'entreprise qui se formoit contre la Hollande Le Roi déclara la guerre aux Hol 1672 1672. landois au mois d'Avril 1672. pour les raisons contenues dans le Manifeste qu'il fit publier quelques jours auparavant. Le Roi d'Angleterre la déclara peu de jours après ; & ces deux Princes joignirent alors la plupart de leurs Vaisseaux, pour combattre ceux de cette République, qui depuis plufieurs années s'étoient rendus fi formidables sur l'Ocean.

Dès le même mois, les Troupes Françoises eurent ordre de marcherà leur rendez-vous, & le Roi s'achemina vers Charleroi, où il arriva les premiers jours de Mai; il joignit aux environs de cette Place, l'Armée qu'il avoit résolu de commander en personne, & dont le Vicomte de Turenne étoit Lieutenant-Général.

Le Prince de Condé se rendit au même temps à Sedan, pour y recevoir les Troupes qu'il devoit commander. Mais celles où je servois alors ne fe trouverent point employées dans l'un ni dans l'autre de ces Corps ; ainsi je n'entrerai point dans le détail de leurs premieres Conquêtes, ne m'étant propose de rapporter dans ces Memoires que les faits dont je puis avoir été témoin oculaire, ou tout 1672. au plus, ceux dont la verité ne sçauroit m'être contestée.

Je n'oferois même affûrer le nombre d'hommes, dont le Roi se fervit en cette expédition, ni la quantité d'Artillerie & de munitions qui le suivit, les Armées s'augmentant tous les jours à mesure que les nouvelles levées joignoient; mais les bruits communs faifoient monter cette Armée à vingt mille Combattans. Dès que les Troupes furent raffemblées, le Roi prenant sa route par la Chauffée qui va de Bavai à Tongres, passa la Meuse à Vizet, trois lieües au-dessus de Mastrich; d'où traverfant une partie du Limbourg, & du pays de Juliers, il s'approcha des bords du Rhin, aux environs de Nuitz. De là, descendant le long de ce Fleuve, il commença d'agir par la prise de trois ou quatre Places qu'il fit attaquer en même temps; il est vrai qu'elles n'étoient pas alors également fortes mais Rhinberg étoit du nombre: on sçait qu'elle donna autrefois un grand relief à la réputation du Duc de Parme, &

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »