TITRE XVI. 142. La proposition suivante sera présentée à l'acceptation du peuple, dans les formes déterminées par l'arrêté du 20 floréal an x: <<< Le peuple veut l'hérédité de la dignité impériale dans la descendance directe, naturelle, légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte, et dans la descendance directe, naturelle et légitime de Joseph Bonaparte et de Louis Bonaparte, ainsi qu'il est réglé par le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII. >>> Signé Cambacérès, second consul, président; Morard de Galles, Joseph Cornudet, secrétaire. Vu et scellé le chancelier du sénat, signé Laplace. Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues des sceaux de l'État, insérées au Bulletin des lois, soient adressées aux cours, aux tribunaux et autorités admi nistratives, pour qu'ils les inscrivent dans leurs registres, les observent et les fassent observer, et le grand juge ministre de la justice est chargé d'en surveiller l'exécution. Donné au palais de Saint-Cloud, le 28 floréal an xII et de notre règne le premier. Signé NAPOLÉON. Vu par nous archichancelier de l'empire, signé Cambacérès. Le grand juge ministre de la justice, Régnier. Par l'empereur, le secrétaire d'État, signé Hugues-B. Maret. 1 9. DÉCHÉANCE ET ABDICATION DE NAPOLÉON. Depuis dix ans le sénatus-consulte qui avait institué le gouvernement impérial régissait la France, lorsque, Paris occupé par l'ennemi, le sénat, s'emparant de l'initiative des destinées de l'État, nomma un gouvernement provisoire, prononça la déchéance de Napoléon et de sa famille; et, s'attribuant le pouvoir constituant, sans délégation du peuple, il adopta en une seule séance un acte qu'il intitula constitution, mais qu'il abandonna aussitôt qu'il l'eut faite. Napoléon abdiqua le 11 avril. SÉNATUS-CONSULTE portant que Napoléon Bonaparte est déchu du trône, et que le droit d'hérédité établi dans sa famille est aboli. 2 avril 1814. Le sénat conservateur, considérant que, dans une monarchie constitutionnelle, le monarque n'existe qu'en vertu de la constitution ou du pacte social; Que Napoléon Bonaparte, pendant quelque temps d'un gouvernement ferme et prudent, avait donné à la uation des sujets de compter pour l'avenir sur des actes de sagesse et de justice; mais qu'ensuite il a déchiré le pacte qui l'unissait au peuple français, notamment en levant des impôts, en établissant des taxes autrement qu'en vertu de la loi, contre la teneur expresse du serment qu'il avait prêté à son avénement au trône, conformément à l'art. 53 de l'acte des constitutions du 28 floréal an XII; Qu'il a commis cet attentat aux droits du peuple, lors même qu'il venait d'ajourner sans nécessité le corps législatif, et de faire supprimer comme criminel un rapport de ce corps, auquel il contestait son titre et sa part à la représentation nationale; Qu'il a entrepris une suite de guerres en violation de l'article 50 de l'acte des constitutions du 22 frimaire an vIII, qui veut que la déclaration de guerre soit proposée, discutée, décrétée et promulguée comme les lois; Qu'il a inconstitutionnellement rendu plusieurs décrets portant peine de mort, nommément les deux décrets du 5 mars dernier, tendant à faire considérer comme nationale une guerre qui n'avait lieu que dans l'intérêt de son ambition démesurée; Qu'il a violé les lois constitutionnelles par ses décrets sur les prisons d'État; Qu'il a anéanti la responsabilité des ministres, confondu tous les pouvoirs et détruit l'indépendance des corps judiciaires; Considérant que la liberté de la presse, établie et consacrée comme l'un des droits de la nation, a été constamment soumise à la censure arbitraire de sa police; et qu'en même temps il s'est toujours servi de la presse pour remplir la France et l'Europe de faits controuvés, de maximes fausses, de doctrines favorables 1 1 au despotime, et d'outrages contre les gouvernements étrangers; Que des actes et des rapports entendus par le sénat ont subi des altérations dans la publication qui en a été faite; Considérant qu'au lieu de régner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français, aux termes de son serment, Napoléon a mis le comble aux malheurs de la patrie, par son refus de traiter à des conditions que l'intérêt national obligeait d'accepter, et qui ne compromettaient pas l'honneur français; Par l'abus qu'il a fait de tous les moyens qu'on lui a confiés en hommes et en argent ; Par l'abandon des blessés sans pansements, sans secours, sans subsistances; Par différentes mesures dont les suites étaient la ruine des villes, la dépopulation des campagnes, la famine et les maladies contagieuses; Considérant que, par toutes ces causes, le gouvernement impérial, établi par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII, a cessé d'exister, et que le vœu manifeste de tous les Français appelle un ordre de choses dont le premier résultat soit le rétablissement de la paix générale, et qui soit aussi l'époque d'une réconciliation solennelle entre tous les États de la grande famille européenne, Le sénat déclare et décrète ce qui suit : Art. 1er. Napoléon Bonaparte est déchu du trône, et le droit d'hérédité établi dans sa famille est aboli. 2. Le peuple français et l'armée sont déliés du serment de fidélité envers Napoléon Bonaparte. 3. Le présent décret sera transmis par un message au gouvernement provisoire de la France, envoyé de suite à tous les départements et aux armées, et proclamé incessamment dans tous les quartiers de la capitale (1). Le lendemain, 4 avril 1814, Napoléon mit à l'ordre du jour le manifeste suivant: << L'empereur remercie l'armée pour l'attachement qu'elle lui témoigne, et principalement parce qu'elle reconnaît que la France est en lui et non pas dans le peuple de la capitale (2). « Le soldat suit la fortune et l'infortune de son général, son honneur et sa religion. « Le duc de Raguse n'a pas inspiré ces sentiments à ses compagnons d'armes; il est passé aux alliés. L'empereur ne peut approuver la condition sous laquelle il a fait cette démarche; il ne peut accepter la vie ni la liberté de la merci d'un sujet (3). (1) Le 5 avril, le corps législatif adhéra. (2) La France n'était pas plus alors qu'aujourd'hui dans le peuple de la capitale; mais elle était encore moins en lui. Ce mot rappelle celui de Louis XIV, qui disait : « L'État, c'est moi. » (5) Le duc de Raguse s'était rallié au gouvernement provisoire, et s'était déterminé à souscrire un arrangement particulier ainsi conçu: Art. fer. Les troupes françaises qui, par suite du décret du sénat du 2 avril, quitteront les drapeaux de Napoléon Bonaparte, pourront se retirer en Normandie avec armes, bagages et munitions, et avec les mêmes égards et honneurs militaires que les troupes alliées se doivent réciproquement. Art. 2. Si, par suite de ce mouvement, les événements de la guerre faisaient tomber entre les mains des puissances alliées la personne de Napoléon Bonaparte, sa vie et sa liberté lui seront garanties dans un espace et dans un pays circonscrit, au choix des puissances alliées et du gouvernement français. |