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DE

LA LECTURE

DES

LIVRES FRANÇOIS.

SUITE du Tableau Géographique &
Hiftorique des dix-fept Provinces des
Pays-Bas, tiré des Auteurs François
du feizieme fiecle.

L'ARTOIS eft la province des Pays-Bas la Artoisa
plus méridionale & la plus voifine de la
France; elie en a, comme la plupart des
autres, anciennement dépendu, a été en-
fuite poffédée par des Seigneurs particu-
liers, qui ne relevoient point de cette Cou-
ronne; mais lui ayant été unie une premiere
fois, elle a été donnée en fief à des cadets
Tome L.

A

de la Maison Royale. Quoiqu'elle en foit fortie par des filles, elle en a toujours relevé jufqu'au regne de Charles-Quint, qui fecoua ce joug tant pour l'Artois que pour la Flandre. Philippe II, fous le regne duquel Guichardin écrivoit, la poffédoit au même titre & fur le même pied que le refte des Pays-Bas ; mais vers le milieu du dix-feptieme fiecle, elle fut conquife par les François, & cédée à la France par la paix des Pyrénées; elle eft comptée, depuis plus de cent vingt ans, au nombre des provinces du royaume. Dans un moment je détaillerai un peu plus cette hiftoire.

L'Artois a vingt-cinq lieues de long & douze de large. On divife cette province en douze contrées, qui font la gouvernance d'Arras, l'avouerie de Béthune, le comté de Saint Paul, les régales de Terouane, & les bailliages d'Aire, de Saint-Omer, de Hesdin, de Lillers de Lens, de Bapaume, d'Avefnes, & d'Aubigny. Cette divifion avoit lieu du temps de Guichardin, comme elle l'a à préfent. On y compte dix villes & huit cent quarante quatre bourgs & villages, deux évêchés, & vingt-huit grandes & belles abbayes. L'Artois eft

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un pays plat; il n'y a prefque point de bois; les pâturages y font médiocres : mais d'ailleurs le terroir en eft bon & fertile; il produit tant de grains, & particuliérement de froment, qu'on appeloit autrefois l'Artois, le grenier des PaysBas, parce qu'il en fourniffoit toutes les provinces voifines. Il y croît auffi beaucoup de houblon avec lequel on fabrique de la biere, qui paffe pour excellente, étant en même temps délicate & trèsforte. Le lin dont on fait des toiles, le colza & la navette dont on tire beaucoup d'huile, font encore un grand objet de commerce pour l'Artois. Les principales manufactures de toiles font à Béthune, Aire, Saint-Venant & Bapaume. On y fait auffi quelques ferges. On voit que du temps des Ducs de Bourgogne, on y fabriquoit de riches étoffes, des tapifferies & des tapis; mais ces manufactures font tombées. Le caractere de fes habia tans eft la droiture, la fidélité & la fincérité; ils font d'ailleurs laborieux, trèsattachés à la Religion Catholique, & jaloux de leurs priviléges & coutumes. Il n'y a aucune riviere navigable dans l'Artois ; cependant il eft arrofé de plufieurs, qui deviennent confidérables en

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fortant de cette province; & on a pra tiqué des canaux & des éclufes qui fuppléent au peu de pente & d'abondance des eaux, & facilitent le commerce. La Lys prend fa fource dans l'Artois même, en fort pour paffer en Flandres, & après avoir traverfé Gand, fe jette dans l'Escaut. L'Aa paffe à Saint-Omer, & fe jette dans la mer, près de Gravelines. La Scarpe paffe auprès d'Arras, entre dans la Flandre, près de Douai, & après avoir paffé à Saint- Amand, se jette dans l'Escaut La Deule, que l'on diftingue en haute & baffe eft trèsfoible en elle-même ; mais les canaux la rendent navigable, & c'eft par elle que fe fait le commerce de Douai à Lille. Elle eft d'une grande reffource pour cette derniere ville. En en fortant, elle va fe jeter dans la Lys. Ce qui engage les Artéfiens à faire le commerce plutôt par les canaux que par terre, c'est que le terrein étant bas & humide, les chemins y font naturellement affez mauvais. Ce n'eft qu'avec beaucoup de foins que l'on parvient à les entretenir. D'ailleurs l'Artois eft un pays d'un grand paffage. Il existe encore un beau monument, & une belle preuve du foin que les Romains avoient des grands chemins d'Artois; c'est

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la chauffée, dite de Brunehaut, qui alloit de Bavay à Calais, en paffant par Arras. On admire dans fes fragmens la folidité & la majesté que ces Conquérans du Monde favoient imprimer à leurs ou

vrages.

Au feizieme fiecle, avant que l'Artois fût affujetti à la France, les peuples étoient très-peu chargés d'impôts; ils avoient des priviléges qui les en exemptoient. Louis XIII & Louis XIV ont promis de les leur conferver, & en effet ils en jouiffent encore à certains égards. Ils ne payent ni taille, ni gabelles, ni aides, du moins fous ces dénominations-là. Les Etats du pays continuent de s'affembler tous les ans avec grande cérémonie & l'on obferve dans leur tenue certaines . formes dont la confervation fatisfait les Artéfiens; mais d'ailleurs depuis un siecle il s'y eft établi différens genres d'impofitions, dont les unes font communes en France, aux pays d'Etats & à ceux d'Election; les autres remplacent celles qui n'ont pas lieu en Artois. Je reviendrai dans un moment fur la compofition des Etats d'Artois.

Le principal Tribunal de la province est le Confeil Provincial, établi en 1530 par

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