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Charles-Quint, lorsque François I lui eut entiérement abandonné la souveraineté d'Artois, en renonçant aux droits de féodalité que nos Rois y exerçoient depuis le regne de Philippe Auguste. Un de ces droits étoit, que, du moins dans les caufes majeures, & en matiere civile, on appeloit au Parlement de Paris, des Sentences & Jugemens rendus au nom des Baillis & Gouverneurs d'Arras & des autres villes de la province, par les Tribunaux & Magistrats établis dans chacune de ces villes. Lorsque Charles-Quint eut déclaré l'Artois indépendant de la France, le Conseil Souverain fut fubstitué à cet égard au Parlement de Paris, & subsista dans cet état jusqu'à l'entiere foumiffion de l'Artois à la France au dixseptieme fiecle. Ce Tribunal existe en. core; mais de Conseil Souverain, il est de. venu Conseil provincial; les appels au Parlement de Paris ont été rétablis en matiere civile; les charges ont été multipliées & rendues vénales. Ce Conseil reçoit cependant toujours les appels des gouvernances & des bailliages de la province, & juge en dernier reffort pour des sommes un peu plus considérables que celles abandonneés aux Présidiaux du royaume. On y suit les anciennes cour tumes d'Artois, rédigées en 1540 & 1544, & quelques usages locaux ; & l'on y obferve les formes judiciaires établies_par les Ordonnances, que l'on appelle Placards, des Ducs de Bourgogne, de CharlesQuint, des Archiducs d'Autriche, & des Rois d'Espagne; enfin par celles de nos Rois, auxquelles tous les Tribunaux du royaume font assujettis. Les Magistrats municipaux sont presque par-tout l'Artois Juges ordinaires de police, & fouvent Juges criminels en premiere instance.

Entrons dans un peu plus de détails fur l'Histoire d'Artois. Le pays que cette province occupe aujourd'hui, étoit autrefois partagé entre différens peuples Celriques & Belges. Ceux depuis Arras jufqu'aux limites de la Flandre actuelle, étoient les Atrebates; les Morins habitoient dans la partie occidentale qui avoisine le Boulenois & le Calefis. Cefar parle dans fes Commentaires, de ces deux Peuples, mais particulièrement des derniers. Lorfque la Belgique fut partagée en deux tout le pays fus placé dans la feconde. Les Francs, dès le temps de Clodion, s'avancerent jusqu'en Artois. Ils en furent repousses une premiere fois, ayant été vaincus auprès de

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Lens; ils y revinrent sous le commandement de Mérovée; Childeric s'y fixa, & Clovis s'avança dans la Gaule, au point que ce qui forme aujourd'hui la Flandre, l'Artois & la Picardie, ne fut plus qu'une des provinces de fon vaste empire. Sous les descendans de Clovis, l'Artois faifoit partie du royaume d'Austrafie. On prétend que nos Rois de la premiere Race y mirent quelquefois des Comtes; mais rien n'est si incertain que leurs vrais noms, la durée de leur gouvernement, & encore plus leur fuccession. Le premier, dont l'on foit afsuré, s'appeloit Thibaut, & vivoit à peu près fous le règne de Charlemagne; un autre, nommé Béranger, qui peut-être étoit fon fils, mourut certainement sous cet Empereur. Il eut, diton, une postérité qui dura pendant quelques générations, & s'éteignit sous le regne de Charles le Simple, au commencement du dixieme fiecle. Alors Arnoud, dit le Grand ou le Vieux, Comte de Flandres, petit-fils de Baudouin I, dit Bras de Fer, qui avoit épousé, après l'avoir enlevée, la Princesse Judith, fille de l'Empereur Charles le Chauve, & avoit obtenu le comté de Flandre, joignit l'Artois à son domaine. D'autres Auteurs prétendent que Baudouin lui

même avoit obtenu de Charles le Chauve, l'Artois en même temps que la Flandre.

Ces commencemens font très-obfcurs; ce qu'il y a de certain, est que Baudouin Bras de Fer fut enterré dans l'abbaye de Saint-Bertin en Artois, & que le Comte Baudouin II, dit le Chauve, fils de Bras de Fer, étoit Abbé laïque de Saint-Vaast d'Arras, c'est-à-dire, qu'il en possedoit les terres, & qu'Arnoud I, Baudouin III son fils, Arnoud II son petitfils, Baudouin IV, Baudouin V, Baudouin VI, Arnoud III, Robert I, Robert II, & Baudouin VII leurs descendans, jouirent également de la Flandre & de l'Artois. Après Baudouin VII, mort en 1119, & enterré à Saint-Bertin, Charles, fils de Canut Roi de Danemarck, & d'Adelle de Flandre, posséda encore ces deux provinces; il fut afsaffiné en 1127. N'ayant point laisse d'enfans, fon heritage fut difputé par ses deux cousins, Guillaume, fils de Robert III, Duc de Normandie, & Thiéri d'Alface, tous deux fils de deux Princesses de Flandre. Thieri l'emporta, & eut un fils nommé Philippe, qui n'eut point d'enfans de ses deux temmes: il mourut, en 1191, à la Croisade, où il suivoit le Roi Philippe

Auguste. Sa sœur Marguerite, Comteffe de Hainaut, hérita de la Flandre; mais Philippe en avoit démembré l'Artois, & l'avoit cédé à sa niece Isabelle, qu'il avoit mariée au Roi Philippe Auguste. Louis VIII, leur fils unique, se trouva héritier de l'Artois, sa mere étant morte avant fon oncle. Le Roi Philippe Auguste l'érigea en comté pour son fils; celui-ci étant monté sur le trône, & s'étant fait céder quelques places que les Comtes de Flandre avoient voulu se réserver, l'Artois setrouva ainsi réuni à la Couronne: mais ce ne fut pas pour long-temps; Louis VIII en fit l'apanage de fon second fils Robert, tige de la branche d'Artois. Ce Prince fut tué, en 1249, à la bataille de la Massoure en Egypte, où il avoit accompagné fon frere le Roi Saint Louis; il n'étoit âgé que de trente-trois ans. Son fils, nommé Robert II, lui fuccéda, fut créé Pair de France par le Roi Philippe le Bel, & fut tué, en 1302, dans une bataille près de Courtray. Il avoit eu un fils, nommé Philippe, qui étoit mort avant lui, & une fille nommée Mahaud, qui avoit épousé Othon Comte de Bourgogne. Quoique Philippe eût laissé un fils, elle prétendit que c'étoit à elle à hériter de

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