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roi de Prusse adressa le 16 février, au comte de Goertz, son ministre à Ratisbonne, un rescrit portant que l'Empire était dans l'obligation de s'intéresser pour les princes lésés en contravention aux traités existants. D'un autre côté, le ministère français recevait communication du conclusum avec une nouvelle réclamation. M. de Montmorin donna, le 11 février, connaissance de ces pièces à l'assemblée nationale. Mais, après une assez courte discussion, l'affaire fut ajournée par un renvoi au comité féodal.

Pendant ce temps, Joseph II vint à mourir. Il expira le 16 février. La mort de ce prince devait amener de grands changements dans la politique du corps germanique. En effet, c'était presque une guerre personnelle qu'il soutenait avec la Porte; c'était presque une affaire de vanité vis-à-vis de Catherine de Russie, qui l'avait fait persister à user ses forces militaires contre les Turcs. C'était enfin à sa personne que s'adressaient les résistances qui avaient amené le soulèvement des Pays-Bas. Dans l'intérêt de son pouvoir impérial, il avait attaqué les anciens priviléges, non-seulement en Brabant, mais aussi en Hongrie. La fière noblesse de ce royaume ne dissimulait pas ses mauvaises dispositions, et de nombreux réfugiés, accueillis en Prusse, conspiraient presque ouvertement. Tous ces obstacles paralysaient l'empereur Joseph II. Mais un nouveau règne, l'abandon des réformes, les amnisties, la paix, dans un pays où la politique était considérée comme chose personnelle, pouvaient changer cette position, et rendre l'Autriche libre d'agir avec toute sa puissance. C'est, en effet, ce qui arriva.

Extrait du traité conclu à Berlin, le 9 janvier 1790, entre les rois de la Grande-Bretagne, de la Prusse et leurs hautes puissances (les Provinces-Unies.)

« Les troubles dans les Pays-Bas étant de nature à intéresser les contractants et à pouvoir exiger leur intervention, on a arrêté quelques articles généraux et provisoires, pour être exécutés par chacun d'eux.

« 1o Ils ne se mêleront de ces troubles que dans le cas où ils seraient invités ou nécessités par les circonstances.

« 2o Ayant intérêt dans la conservation des priviléges des PaysBas, ils inviteront S. M. I. pour les assurer, et pour avoir soin que leurs cousins ne soient désormais alarmés.

<< 3o Si ces pays deviennent libres, alors les alliés délibéreront sur la nature de la constitution, et s'ils les reconnaîtront pour tels ou non.

« 4o Aucune puissance étrangère ne sera admise dans cette alliance sans un commun accord.

<<< 5o Les alliés feront cause commune des suites que cette alliance produira. »

En réponse à ce traité, les Pays-Bas, comme il était convenu, prirent à leur service une légion anglaise, une légion prussienne et une légion hollandaise; et les états nommèrent pour commandant en chef de cette armée un général prussien.

DEUXIÈME PARTIE.

LIVRE I.

DÉBATS RELATIFS A L'ÉTABLISSEMENT DE LA CONSTITUTION.

CHAP. I. Rapports de Mounier et de Champion de Cicé sur la constitution. Analyse des cahiers par Lally-Tolendal.

L'assemblée nationale avait fait serment, dans la séance du Jeu de Paume, de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France. Cette œuvre, qui, aux yeux de tous les hommes généreux, devait assurer définitivement la régénération de la France et fixer les destinées de la nation, devint donc immédiatement la préoccupation la plus suivie et la plus vive de la majorité de l'assemblée. Les événements qui se succédaient à Paris et dans les provinces, l'anarchie qui allait croissant, ne lui permirent point de s'arrêter. Dès le 7 juillet, fut formé un comité de constitution composé de trente membres; dès le 9, Mounier fit un rapport au nom de ce comité.

Dans ce rapport il commençait par établir que jusqu'ici la France n'avait pas joui d'une constitution; qu'à la vérité on avait toujours reconnu certaines maximes, comme celles de l'exclusion des femmes de la couronne, du droit des Français de ne pouvoir être taxés sans leur consentement, mais que l'on ne pouvait appeler du nom de constitution ni les assemblées du champ de mars et du champ de mai de la première et de la seconde race, ni l'aristocratie féodale, qui si longtemps avait opprimé la France, ni le régime qui avait prévalu depuis 1614. Il invita l'assemblée à ne pas contier à un seul comité un travail aussi important, mais de faire discuter tous les articles dans tous les bureaux à la fois, et d'établir un comité de correspondance entre les bureaux. Enfin, il présenta l'ordre général des matières constitutionnelles, qu'il récapitula ainsi :

Déclaration des droits de l'homme.

Principes de la monarchie.
Droits de la nation.

Droits du roi.

Droits des citoyens sous le gouvernement français.
Organisation et fonctions de l'assemblée nationale
Formes nécessaires pour l'établissement des lois.
Organisation et fonctions des assemblées provinciales et munici-
pales.

Principes, obligations et limites du pouvoir judiciaire.
Fonctions et devoirs du pouvoir militaire.

L'arrangement proposé par Mounier fut adopté en partie après une discussion assez longue, et l'on nomma, le 14 juillet, un nouveau comité, composé de huit membres, qui furent: Mounier, Talleyrand, évêque d'Autun, Sieyès, Clermont-Tonnerre, Lally-Tolendal, Cicé, archevêque de Bordeaux, Chapelier et Bergasse.

Le 27 juillet l'archevêque de Bordeaux et Clermont-Tonnerre prirent la parole au nom de ce comité. L'archevêque de Bordeaux présenta le projet des deux premiers chapitres de la constitution, contenant la déclaration des droits, et les principes du gouvernement français. Clermont-Tonnerre donna l'analyse des vœux exprimés dans les cahiers sur cette matière. Nos commettants sont d'accord sur un point, dit-il, ils veulent la régénération de l'État; mais les uns l'ont attendue de la simple réforme des abus et du rétablissement d'une constitution existante depuis quatorze siècles; d'autres ont regardé le régime social existant comme tellement vicieux, qu'ils ont demandé une constitution nouvelle. Ceux-ci ont cru que le premier chapitre devait contenir la déclaration des droits de l'homme. Cette demande d'une déclaration des droits est, pour ainsi dire, la seule différence entre les cahiers qui désirent une constitution nouvelle et ceux qui ne demandent que le rétablissement de ce qu'ils regardent comme la constitution existante. Clermont-Tonnerre termina son analyse par le tableau suivant;

Résultat du dépouillement des cahiers.

Art. Ier. Le gouvernement français est un gouvernement monarchique.

II. La personne du roi est inviolable et sacrée.

III. Sa couronne est héréditaire de mâle en mâle.

IV. Le roi est dépositaire du pouvoir exécutif.

V. Les agents de l'autorité sont responsables.

VI. La sanction royale est nécessaire pour la promulgation des

lois.

VII. La nation fait la loi avec la sanction royale.

VIII. Le consentement national est nécessaire à l'emprunt et à l'impôt.

IX. L'impôt ne peut être accordé que d'une tenue d'états généraux à l'autre.

X. La propriété sera sacrée.

XI. La liberté individuelle sera sacrée.

Questions sur lesquelles l'universalité des cahiers ne s'est point expliquée d'une manière uniforme.

Art. Ier. Le roi a-t-il le pouvoir législatif, limité par les lois constitutionnelles du royaume?

II. Le roi peut-il faire seul des lois provisoires de police et d'administration dans l'intervalle des tenues des états généraux?

III. Ces lois seront-elles soumises à l'enregistrement libre des cours souveraines?

IV. Les états généraux ne peuvent-ils être dissous que par euxmêmes?

V. Le roi peut-il seul convoquer, proroger et dissoudre les états généraux?

VI. En cas de dissolution, le roi est-il obligé de faire sur-le-champ. une nouvelle convocation?

VII. Les états généraux seront-ils permanents ou périodiques? VIII. S'ils sont périodiques, y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas une commission intermédiaire?

IX. Les deux premiers ordres seront-ils réunis dans une même chambre?

X. Les deux chambres seront-elles formées sans distinction d'ordre?

XI. Les membres de l'ordre du clergé seront-ils répartis dans les deux autres ordres?

XII. La représentation du clergé, de la noblesse et des communes sera-t-elle dans la proportion d'une, deux ou trois?

XIII. Sera-t-il établi un quatrième ordre, sous le titre d'ordre des campagnes?

XIV. Les personnes possédant charges, emplois ou places à la cour peuvent-elles être députées aux états généraux ?

XV. Les deux tiers des voix seront-ils nécessaires pour former une résolution?

XVI. Les impôts ayant pour objet la liquidation de la dette na• tionale seront-ils perçus jusqu'à son entière extinction?

XVII. Les lettres de cachet seront-elles abolies ou modifiées? XVIII. La liberté de la presse sera-t-elle indéfinie ou modifiée?

Discussion des articles.

Liberté des cultes. - Liberté de

CHAP. II. - Déclaration des droits. - Discussion générale. Déclaration des devoirs proposée. la presse.

Nous venons de voir que le vœu d'une déclaration des droits était exprimé dans un grand nombre de cahiers. Dans la séance du 11 juillet, Lafayette se fit l'interprète de ce vœu; il présenta le projet suivant :

<< La nature a fait les hommes libres et égaux; les distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont fondées que sur l'utilité générale.

<< Tout homme naît avec des droits inaliénables et imprescriptibles; tels sont la liberté de toutes ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie; le droit de propriété, la disposition entière de sa personne, de son industrie, de toutes ses facultés; la communication de ses pensées par tous les moyens possibles, la recherche du bien-être, et la résistance à l'oppression.

« L'exercice des droits naturels n'a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société.

<<< Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois consenties par lui ou ses représentants, antérieurement promulguées et légalement appliquées.

<<<< Le principe de toute souveraineté réside dans la nation. << Nul corps, nul individu, ne peut avoir une autorité qui n'en émane expressément.

<< Tout gouvernement a pour unique but le bien commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, soient distincts et définis, et que leur organisation assure la représentation

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