CHAPITRE IV. DES RÈGLEMENTS DE POLICE AYANT POUR OBJET LE MAINTIEN DU BON ORDRE DANS LES LIEUX PUBLICS. SECTION I. PRINCIPES GÉNÉRAUX. SOMMAIRE. 175. Texte de l'art. 3, no 3, tit. XI, du décret des 16-24 août 1790. Comparaison de cette disposition avec celle du no 2 du même article. Portée des mots : « bon ordre. " 176-178. Portée des mots : « lieux publics. » 179-182. Les règlements destinés à assurer le maintien du bon ordre dans les lieux publics doivent se concilier avec la liberté de l'inTravail sur les dustrie. - Colportage de genièvre sur les quais. ports. Chargement, déchargement, transport des grains et farines dans les marchés; arrêté royal du 18 mai 1827. Exercice de la profession de peseur, mesureur et jaugeur dans l'enceinte des marchés, halles et ports. 183. La commune peut prescrire certaines conditions d'âge et d'aptitude à ceux qui exercent une industrie sur la voie publique. 184. Crieurs dans les ventes publiques. 185. -Les règlements destinés à assurer le maintien du bon ordre dans les lieux publics doivent se concilier avec les libertés constitutionnelles. Mesures préventives. 186. — Réglementation du métier d'afficheur. 175. L'art. 3, n° 3, tit. XI, de la loi des 16-24 août 1790 range parmi les objets confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux : le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics. Le même article, dans son n° 2, leur confie le soin de réprimer les délits contre la tranquillité publique. Ces deux dispositions tendent au même résultat; elles se complètent réciproquement. L'une a plus spécialement pour but le maintien de la tranquillité générale dans la commune, le repos et la sécurité de tous les habitants; l'autre tend à obtenir le maintien du bon ordre dans des lieux déterminés. Le bon ordre comprend d'ailleurs la tranquillité, la paix, parfois même la décence en tant qu'elle est nécessaire pour le maintien du bon ordre. 176. Quels sont les endroits auxquels s'applique notre disposition? Ceux, dit le décret, où il se fait de grands rassemblements d'hommes. Mais cette expression générale est précisée et restreinte par les mots : « et autres lieux publics. » Il ne s'agit donc ici que des lieux publics. Mais que faut-il entendre par là? L'autorité communale ne saurait maintenir l'ordre dans un lieu à moins que ses agents n'aient le droit d'y pénétrer. Les endroits faisant l'objet de notre disposition sont donc tout d'abord les voies publiques, telles que les rues, les marchés, les rivières et canaux, les quais, les plages de la mer; puis les édifices publics où tout le monde est admis, comme les hôtels de ville, les théâtres communaux, les églises, les cimetières, les palais de justice. Il n'y a pas à distinguer, à cet égard, entre les voies ou édifices dépendant du domaine public de la commune et ceux qui appartiennent au domaine public national ou provincial. Tous, sauf dispo sition contraire de la loi, sont également soumis à l'action réglementaire de la commune. « Peu importe, dit un arrêt de la cour de cassation de France (1), que le terrain soit domanial ou communal; dès que le public s'y rassemble, dès qu'il s'y forme un concours habituel ou momentané, l'œil et la main de la police doivent s'y porter. » 177. Que faut-il décider relativement aux endroits appartenant à des particuliers où il se fait régulièrement ou accidentellement de grands rassemblements d'hommes les cafés, les auberges, les salles de danse ou de jeu, les sociétés particulières ? : On vient de dire que l'action réglementaire de la commune peut atteindre seulement les lieux où ses agents ont le droit de pénétrer puisque, partout ailleurs, ses ordonnances seraient dépourvues d'efficacité. Quels sont donc les lieux privés dans lesquels les officiers de police peuvent toujours entrer? Aux termes de l'art. 10 de la Constitution, le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. La loi des 19-22 juillet 1791 indique les principaux de ces cas. L'article 9, tit. 1, de cette loi est ainsi conçu « A l'égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que les cafés, cabarets, boutiques et autres, les officiers de police pourront toujours y entrer, soit pour prendre connaissance des désordres ou contraventions aux règlements, soit pour vérifier les poids et mesures, le titre des matières d'or ou d'argent, la salubrité des comestibles ou médicaments. » L'art. 10 ajoute: «Ils peuvent aussi entrer, (1) Cass. fr. 18 septembre 1828. (DALLOZ. Rép. vo Commune, no 693, 1 ote 5.) en tout temps, dans les maisons où l'on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur en aurait été donnée par deux citoyens domiciliés. Ils pourront également entrer, en tout temps, dans les lieux notoirement livrés à la débauche. » Ainsi, le signe auquel on reconnaît les lieux privés soumis au pouvoir réglementaire de la commune, c'est que tout le monde y est admis indistinctement. Mais encore faut-il s'entendre sur le sens de cette expression. Elle comprend les endroits où le public pénètre en vue d'une occupation ou d'un acte auxquels ces lieux sont affectés d'après leur destination. Elle exclut ceux qui n'ont pas ce caractère, et où l'on entre en vue d'une personne déterminée: tels sont le cabinet du médecin, de l'avocat, de l'avoué, de l'huissier, ou même les habitations des particuliers. Ici ce n'est pas tel endroit que l'on recherche, c'est telle personne. D'autre part, lorsqu'on parle de lieux où tout le monde est admis indistinctement, on n'exclut pas ceux dans lesquels certaines catégories de personnes, comme les femmes où les enfants, ne sont pas reçues; ni ceux où le public n'est accueilli que sous une charge ou une condition, moyennant, par exemple, l'obligation de payer un droit d'entrée ou de débourser une certaine somme, ainsi que cela a lieu dans les cafés ou les boutiques. Mais on ne saurait pas considérer les édifices ou enclos, appartenant à des particuliers, comme des lieux publics, lorsqu'ils ne sont ouverts qu'à un nombre déterminé de personnes tels sont les couvents, les écoles privées, les locaux d'une société particulière, sauf les jours où tout le monde y est reçu. 178. Du reste, dès qu'il s'agit de lieux publics, il importe peu qu'on n'y puisse pénétrer qu'en sonnant ou en frappant à la porte: ils n'échappent pas pour cela à l'autorité des communes. Ils y sont soumis d'ailleurs toujours, en tout temps, comme disent les art. 9 et 10, tit. I, de la loi des 19-22 juillet 1791, c'est-à-dire la nuit aussi bien que le jour, et lors même que la porte n'est pas restée ouverte ou qu'il n'existe aucun indice de contravention. La cour de cassation a examiné cette question à propos des cabarets. Elle a d'abord admis que la police ne peut pas y faire de visites domiciliaires pendant la nuit, si l'entrée de ces établissements est fermée au public et s'il n'existe pas d'indices de fraude (1). La conséquence de cette doctrine était que, dans les circonstances que l'on vient de rappeler, les cabarets ne seraient pas soumis aux règlements communaux. Mais la cour a modifié ensuite sa jurisprudence. Elle a décidé, par un arrêt du 15 janvier 1855, que les officiers de police peuvent entrer dans les cabarets alors même que la porte n'en reste pas ouverte ou qu'il n'existe pas d'indices de contravention: cette solution n'est pas nettement exprimée dans l'arrêt, mais elle résulte de l'ensemble de ses considérants, surtout lorsqu'on les rapproche du jugement attaqué et du réquisitoire du ministère public (2). Il suit de là que les communes peuvent valablement (1) Cass. 13 juin 1839. (Pas. 1839-1-116); cass. 8 avril 1844 (Pas.1844-1256). Rapp. M. Peteau. (2) Cass. 15 janvier 1855 (Pas. 1855-1-70). Rapp. M. Peteau. Voir, en sens contraire, DALLOZ, Rép. vo Commune, no 1188, et les arrêts qu'il cite. On lit dans l'arrêt de 1844: « Attendu que l'art. 9 du tit. I de la loi des 19-22 juillet 1791 permet aux officiers de police d'entrer toujours dans les lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que les cafés, cabarets, etc. pour constater les désordres et contraventions aux règlements; qu'à la vérité les termes de cet article combinés avec l'art. 10 de la même loi, ne permettent pas de donner à l'expression toujours le sens que les visites sont autorisées |