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droit commun sur la manière de prouver l'existence des faits (!).

34.

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Quelle est aujourd'hui la force obligatoire des anciennes ordonnances de police légalement faites par les communes avant l'introduction du régime nouveau établi par les lois de la Révolution? On suppose d'ailleurs qu'il s'agisse d'ordonnances statuant sur des objets qui ne rentrent plus dans les attributions des communes.

Il n'y a aucun motif pour supposer que ces ordonnances ne soient plus applicables. Les lois qui modifient pour l'avenir la compétence d'un corps public n'emportent pas de plein droit l'abrogation des actes qu'il a légalement faits avant la modification.

La loi des 19-22 juillet 1791 confirme ce principe. Tout en limitant le pouvoir règlementaire des communes (tit. I, art. 46), elle déclare ce qui suit (tit. I, art. 29):

« Les règlements actuellement existants, sur le titre des matières d'or et d'argent, sur la vérification des pierres fines et fausses, sur la salubrité des comestibles et médicaments, sur les objets de serrurerie, continueront d'être exécutés, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. Il en sera de même de ceux qui établissent des dispositions de sûreté, tant pour l'achat et la vente des matières d'or et d'argent, des drogues, médicaments et poisons, que pour la présentation, le dépôt et l'adjudication des effets précieux dans les monts-de-piété, lombards ou autres maisons de ce genre.

« Sont également confirmés provisoirement les règlements qui subsistent touchant la voirie, ainsi que ceux actuellement existants à l'égard de la construction des

(1) Cass. 28 mai 1849. (Pas. 1849-1-243).

bâtiments et relatifs à leur solidité et sûreté, sans que, de la présente disposition, il puisse résulter la conservation des attributions ci-devant faites sur cet objet à des tribunaux particuliers. »

La plupart des règlements énumérés dans cet article se rapportent à des matières à l'égard desquelles les municipalités étaient devenues incompétentes depuis le décret des 16-24 août 1790. Cependant la disposition que l'on vient de rappeler suppose que ce décret ne les a point abrogés, sinon l'on n'aurait pas dit : les règlements actuellement existants.... continueront d'être exécutés, mais les anciens règlements... abrogés par le décret des 16-24 août 1790... entreront de nouveau en vigueur...

L'énumération faite par l'article 29 ne doit donc pas être considérée comme limitative. Si le législateur a cru devoir la faire, c'est que les objets auxquels elle se rapporte lui ont paru importants et dignes d'être signalés spécialement à l'attention des municipalités.

Quant aux mots jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, ils montrent que le législateur de 1791 se proposait de statuer prochainement sur les objets dont on vient de parler, et d'abroger alors, soit expressément, soit virtuellement les règlements maintenus.

35. Comment les anciennes ordonnances de police dont il est question ici cessent-elles d'être obligatoires?

On ne saurait admettre que la commune ait le droit de les abroger. Car le législateur seul est compétent aujourd'hui pour statuer sur ce qui en fait l'objet ; elles ont force de loi : il faut donc une loi pour les abolir.

Mais cette abolition ne doit pas être expresse. Il faut appliquer ici les principes concernant l'abrogation des lois. Dès qu'une de ces ordonnances vient à être en contradiction, soit avec le texte, soit avec l'esprit d'une loi postérieure, dès

que la matière qu'elle traite vient à être réglée par une loi, cette ordonnance perd sa force obligatoire.

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La cour de cassation de France (1) a appliqué ce principe dans un arrêt du 22 décembre 1838. Un maire avait, par un arrêté du 26 fructidor an VIII, remis en vigueur les anciennes défenses faites aux marchands et colporteurs non domiciliés à Colmar d'étaler et de vendre leurs marchandises dans cette ville hors des temps de foire. La cour a déclaré que l'arrêté était inopérant attendu, en droit, que la loi du 23 août 1796 (6 fructidor an IV), procédant du principe de la liberté du commerce et de l'industrie proclamé par l'article 7 de la loi des 2-17 mars 1791, déclare que tout individu muni d'une patente peut exercer son industrie ou son commerce dans toute l'étendue de la France; que ces deux dispositions ont virtuellement abrogé tous les règlements contraires de police qui existaient à l'époque de leur promulgation, et qu'il n'est pas au pouvoir de l'autorité municipale de les faire revivre... »

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Il faut tenir pour abrogés les anciens règlements sur le titre des matières d'or et d'argent, ceux qui établissent des dispositions de sûreté pour l'achat et la vente des drogues, médicaments et poisons, et pour la présentation, le dépôt et l'adjudication des effets précieux dans les monts de piété. Ces matières ont, en effet, été réglées par des lois spéciales postérieures à la loi des 19-22 juillet 1791 (2).

(1) DALLOZ, Rép., vo Commune, no 700, note 2.

(2) Voir quant au titre des matières d'or et d'argent, la loi du 5 juin 1868 et l'arr. royal du 10 juin 1869; quant à l'achat et la vente des drogues, la loi du 21 germinal an X; quant au dépôt et à l'adjudication des effets dans les monts-de-piété, la loi du 30 avril 1848 (art. 1 et 7).

CHAPITRE II.

DES ORDONNANCES DE POLICE COMMUNALE CONCERNANT LA SÉCURITÉ ET LA COMMODITÉ DU PASSAGE DANS LES VOIES PUBLIQUES.

SECTION I.

BUT DE CETTE POLICE ET LIEUX QUI Y SONT SOUMIS.

36.

SOMMAIRE.

Texte de l'art. 3, no 1, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790. 37. But de cette disposition.

-

38-41. Portée des mots rues, quais, places et voies publiques.

42. Concours de la police communale avec les polices générale et provinciale.

43. Chemins de fer.

44. — Rues, ruelles, passages établis à travers les propriétés particulières.

45-48.

Réglementation des faits qui se produisent dans l'enceinte des propriétés particulières, mais qui peuvent nuire à la salubrité du passage dans les voies publiques. Constructions intérieures.

49-50. Cours d'eau.

36. L'article 3, n° 1, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790 est le siége de la matière.

Il est ainsi conçu :

« Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, sont :

« 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques;

ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles. >

37. Le but de la police communale, en ce qui regarde la voirie, ressort clairement de cette disposition : c'est la sûreté et la commodité du passage. La commodité du passage exige le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements; à la sûreté du passage se lient l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles, c'est-à-dire rendre la voie publique insalubre. L'énumération contenue dans la disposition n'est du reste point limitative; elle n'est faite qu'à titre d'exemple des mesures que les corps municipaux sont appelés à prendre, en vue de garantir la sûreté, la commodité et la salubrité des voies publiques.

38. — Les mots rues, quais, places et voies publiques comprennent non seulement la voirie urbaine, mais toutes les voies publiques, de quelque nature qu'elles soient, traversant la commune.

La cour de cassation (1) a fait l'application de ce principe à la grande voirie. Les énonciations si générales de notre article comprennent, dit-elle, évidemment les voies publiques quelconques traversant une localité, sans qu'on puisse en excepter les routes appartenant à l'Etat et qui forment rues; si une pareille exclusion pouvait exister, elle

(1) Cass. 30 mars 1868. (Pas. 1868-1-293). Rapp. M. Bonjean.

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