INTRODUCTION La question de la réglementation de la durée du travail est une des plus importantes que présente la législation ouvrière. Limiter la durée du travail, c'est tout d'abord résoudre implicitement jusqu'à un certain point la difficile question des salaires; étant donné la marche ascendante de ceux-ci, réduire la durée du travail c'est en fait augmenter leur taux, puisque l'ouvrier gagnera tout autant, bien que travaillant moins longtemps. En second lieu, ménager la force et la santé de l'ouvrier, relever sa dignité en lui donnant le temps de vivre de la vie de famille, à l'enfant qui se développe éviter un travail prématuré, sauvegarder l'intérêt de la famille en protégeant la femme, c'est faire non seulement œuvre d'humanité, mais encore œuvre de prévoyance sociale. Nous étudierons la réglementation de la durée du travail dans la journée (fixation des heures de travail, repos, travail de nuit), dans la semaine (repos hebdomadaire), dans l'année (repos des jours fériés), dans la vie (âge d'admission au travail). PREMIÈRE PARTIE HISTORIQUE Dans le cours de l'histoire, deux périodes principales sont à considérer, en matière de réglementation de la durée du travail : la première va des origines jusqu'à la Révolution française, la deuxième de la Révolution française à nos jours. Ces deux périodes ont chacune un caractère bien tranché. A vrai dire, la réglementation du travail telle que nous la comprenons aujourd'hui, est une science toute moderne, je dirai même contemporaine. Pour que naquît l'idée de protection des travailleurs, il fallait tout d'abord qu'apparût le rôle considérable de l'ouvrier dans la production de la richesse, et ce fait ne put se manifester qu'avec l'apparition de la grande industrie et de ses innovations économiques. Il fallait de plus, que les préjugés de castes, les traditions et la routine, qui voulaient que le travail manuel ne fût pas en honneur, disparussent. Il fallait que les barrières qu'accumulaient les règlements patronaux et l'absolutisme royal contre la liberté du commerce et de l'industrie, contre l'égalité de condition des ouvriers dans leurs rapports avec leurs patrons fussent renversées. Il fallait enfin que l'oppression et l'exploitation de l'homme par l'homme aient fait place désormais aux idées de fraternité et de solidarité. Ce fut en majeure partie l'œuvre des philosophes et économistes du xvme siècle, œuvre qui eut sa consécration légale dans la Révolution française. CHAPITRE PREMIER Des origines à la Révolution française § 1er. L'Antiquité. - Dans toutes les sociétés antiques, le régime du travail suit la même évolution. Durant la période patriarchale où les besoins sont réduits au strict minimum, les questions de travail ne se posent pas, chacun se suffisant à lui-même. Mais l'homme étant avant tout un être sociable, bientôt les familles isolées se réunissent et des cités sont fondées. A ce moment apparaît l'esclavage : celui-ci se développe au point de détruire le travail libre, si bien qu'on finit par s'habituer à regarder le travail comme le lot des esclaves, l'oisiveté comme l'apanage des citoyens. Au point de vue qui nous occupe, le maître règle seul la condition de l'esclave: il le fait travailler comme il veut et tant qu'il veut; il a même droit de vie et de mort sur lui ; l'esclave est sa chose, sa «res». En fait cependant, en Grèce et sous la République romaine, la situation de l'esclave n'est pas si misérable que ce que pourraient le faire supposer les droits exorbitants de son maître sur lui; les esclaves sont plutôt des membres de la famille, et comme le maître tend de plus en plus à en augmenter le nombre, leur |