cas, un repos doit être accordé (article 2). Le travail de nuit entre 9 heures du soir et 5 heures du matin est interdit; cependant, il est permis exceptionnellement pour les enfants de plus de treize ans, si la nature de l'industrie, le chômage d'un moteur, ou des réparations urgentes l'exigent ; dans ces cas, deux heures de travail de nuit compteront pour trois heures dans la supputation des douze heures (article 3). Repos obligatoire les dimanches et fêtes (article 4). Des règlements d'administration publique pourront : 1° étendre la loi à d'autres établissements que ceux de l'article 1; 2o élever le minimum d'âge et réduire la durée du travail pour certaines industries où les labeurs excèderaient les forces de l'enfant; 3° déterminer les industries insalubres où seront interdits les enfants de moins de seize ans; 4o interdire aux enfants dans les ateliers où ils sont admis certains travaux dangereux; 5o statuer sur les travaux permis les dimanches et fêtes; 6o statuer sur les conditions du travail de nuit prévu par l'article 3 (article 7). Des règlements d'administration publique pourvoieront aux mesures destinées à l'exécution de la loi (article 8). Le gouvernement prescrira le mode d'inspection qu'il jugera le plus convenable. La loi de 1841 devait rester lettre-morte. L'administration ne prit aucune mesure pour assurer l'exécution de la loi; les commissions d'inspecteurs gratuits qu'elle créa, étant composées la plupart du temps de manufacturiers, ne fonctionnèrent pas. Les fabricants. éludèrent la loi: ils fractionnèrent leurs établissements en ateliers comprenant moins de dix-neuf ouvriers. La journée de huit heures pour les jeunes aides ne se prêtait pas aux combinaisons du travail; avec elle, il fallait interrompre forcément le travail des adultes à moins d'organiser une double série d'aides; mais alors leur travail se trouvait réduit à une demi-journée Ce fractionnement de la durée de travail entraînait une succession d'ouvriers qui nuisait à la qualité des produits. En fait les industriels refusaient les enfants de moins de 12 ans; ceux-ci se trouvaient ainsi jetés sur le pavé. Même dans le cas où on les admettait, ils pouvaient en sortant de la manufacture, aller travailler dans une autre, ou se mettaient à vagabonder; les écoles étaient insuffisantes pour les recevoir. Ajoutons que la nomenclature des établissements était incomplète; la fabrique de Lyon, le tissage des toiles par exemple, à raison de la dissémination des ateliers, échappaient à toute réglementation et cependant les abus n'y étaient pas moins excessifs. Six ans après la loi de 1841, les rapports des inspecteurs, les avis des préfets, des autorités locales et industrielles demandaient unanimement la revision de la loi. Le gouvernement déposa un projet de modification le 15 février 1847: ce projet s'appliquait aux manufactures, fabriques, usines, chantiers et ateliers, portait à 10 ans l'âge d'admission, n'admettait plus qu'une seule classe de jeunes travailleurs et rendait la fréquentation de l'école obligatoire jusqu'à 12 ans. La Commission n'étendait la protection qu'aux établissements occupant au moins dix personnes de tout âge et de tout sexe, et à ceux occupant au moins cinq personnes, enfants, adolescents ou femmes ; les femmes étaient assimilées de tous points aux adolescents. La Chambre des pairs adopta la nomenclature du gouvernement; c'était étendre de 80.000 à 800.000 enfants la règlementation. De 8 à 12 ans, le travail était de six heures, de 12 à 16 et pour les filles et femmes, de douze heures. Des règlements d'administration publique étaient prescrits pour l'exécution de la loi, et devaient être publiés dans les deux années de sa promulgation; deux heures étaient pendant deux jours de chaque semaine retirées du travail et consacrées à l'instruction primaire des adolescents de 12 à 16 ans. Des inspecteurs salariés étaient créés ainsi que des comités d'inspecțion locale et des sociétés de patronage (21 février 1848). La Révolution de 1848 empêcha le projet de devenir loi. §3. La 2e République et le 2e Empire. - Quoique sa durée ait été éphémère, la Révolution de 1848 eut une importance capitale : c'est une révolution sociale. Son cachet, selon l'expression de Louis Blanc, est l'organisation du travail. Elle est en quelque sorte l'épanouissement des théories nouvelles qui jusque là ne s'étaient développées que dans les livres et qui étaient nées sous l'influence des abus causés par la surproduction. Grâce à l'établissement du suffrage universel, elle marque l'avènement de la démocratie. Désormais « les questions économiques et surtout celles relatives au travail, longtemps reléguées à l'arrière-plan de la politique, occupaient le devant de la scène. Elles allaient être étudiées, discutées, provisoirement résolues dans un sens ou dans l'autre, et du sein des utopies par lesquelles débutent souvent les sciences morales pouvaient se dégager tôt ou tard, par l'expérience et la réflexion, d'utiles vérités. Quel que fût le gouvernement, il lui était désormais impossible de ne pas tenir compte des faits accomplis et de ne pas songer tant que durerait le suffrage universel, qu'il prenait son point d'appui dans les masses populaires (1) » . Le gouvernement provisoire installé le 24 février, lançait dès le 28 la proclamation suivante : « Considérant qu'il est temps de mettre un terme aux longues et iniques souffrances des travailleurs»; « que la question du travail est d'une importance suprême »; «qu'il n'en est pas de plus haute, de plus digne des préoccupations d'un gouvernement républicain »; << qu'il appartient surtout à la France d'étudier ardemment et de résoudre un problème posé aujourd'hui chez toutes les nations industrielles de l'Europe » ; « qu'il faut aviser saus le moindre retard à garantir au peuple les fruits légitimes de son travail... » « Le gouvernement de la République crée une commission de gouvernement pour les travailleurs, nommée avec mission expresse et spéciale de s'occuper de leur sort. » Cette commission se réunit au Luxembourg; elle fut immédiatement assiégée de demandes les plus pressantes relatives surtout à la réduction des heures de travail; le gouvernement y répondit par le décret du 2 mars : << Considérant 10 qu'un travail manuel trop prolongé, non seulement ruine la santé du travailleur, mais encore, en l'empêchant de cultiver son intelligence, porte atteinte à la dignité de l'homme, 2o..... (1) Levasseur, Hist. des Classes ouvrières après 1789, t. II, p. 212. Le gouvernement provisoire de la République décrète: 1o La journée de travail est diminuée d'une heure. En conséquence, à Paris, où elle était de onze heures, elle est réduite à dix, et en province où elle avait été jusqu'ici de douze heures elle est réduite à onze ». Ce décret souleva parmi les industriels des protestations unanimes; il arrivait en pleine crise économique et procédait trop radicalement : en fait les journées duraient jusqu'à treize ou quatorze heures; la transition était trop brusque. Aussi dans la séance du 5 juillet 1848, Pasc. Duprat déposait-il le projet suivant : « Considérant que le décret du 2 mars est nuisible aux intérêts de l'industrie et contraire à la liberté du travail, l'Assemblée nationale décrète : le décret du 2 mars est abrogé. » P. Leroux se posa en défenseur du décret. Il n'y a pas, dit-il, de mesure mieux fondée en droit et plus nécessaire. Il ne peut être question ici de liberté ; les ouvriers se faisant une concurrence de plus en plus illimitée ne sont pas libres; on doit les considérer tous comme des mineurs. La vraie liberté d'ailleurs a toujours des règles et des limites; l'anarchie n'en a pas; ceux qui veulent abolir le décret veulent conserver l'anarchie; ils veulent qu'il soit permis à la fausse industrie de tout faire sur les ruines de l'humanité. Il est vrai qu'il y a à craindre l'abus de la protection, l'encombrement des produits, la concurrence des nationaux et de l'étranger, il faut pour cela permettre au peuple de faire lui-même directement sa demande à la nature, développer l'agriculture, tourner nos forces vives vers elle par l'association; la |