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Telles sont les conclusions que nous avons l'honneur de soumettre à l'approbation de l'Association. Nous les résumerons dans le vœu suivant:

« L'Association française pour la protection légale >> des travailleurs,

>> Considérant qu'aux termes de la loi du 30 mars >> 1900, les enfants âgés de plus de 13 ans, ainsi que les >> enfants âgés de plus de douze ans, pourvus des certi>> ficats d'études primaires et d'aptitude physique peu>> vent être employés à un travail industriel dont la >> durée maxima est actuellement de 10 h. 1/2 par jour >> et sera fixée à 10 heures à partir du 31 mars 1904;

>> Considérant qu'un travail quotidien de dix heures >> par jour excédant manifestement les forces d'un enfant » de 12 à 13 ans risque, par sa continuité, de mettre > obstacle au développement physique et de nuire à la > santé de l'enfant,

« Emet le vœu :

« Qu'une enquête soit ouverte par les pouvoirs >> publics à l'effet d'étudier les moyens propres à assurer >> une protection plus efficace au travail des enfants >> employés dans l'industrie.

« L'Association estime que cette enquête devrait » avoir plus spécialement pour but de rechercher s'il >> est possible d'organiser en France le travail de demi>> temps pour les enfants et les adolescents, et, dans le >> cas contraire, de déterminer à partir de quel âge >> devrait être autorisé le travail industriel des enfants. >>>

(1) Le dernier rapport sur l'application de la loi du 2 novembre 1892 émanant de la Commission supérieure du travail (in-8, Paris, Imprimerie Nationale, 1902, p. XXIII) fait ressortir dans les 124.016 établissements industriels visités en 1901 par les inspecteurs du travail la présence de 317.981 enfants et adolescents âgés de moins de 18 ans dont 315.985 âgés de 13 à 18 ans et seulement 1.996 enfants de 12 à 13 ans.

Une courte discussion a suivi la lecture de ce rapport.

M. Arthur Fontaine, directeur du Travail au Ministère du Commerce et de l'Industrie, se déclare partisan, en principe, du travail de demi-temps qui lui paraît être la combinaison la plus propre à améliorer la condition des enfants employés dans l'industrie.

Si le travail au demi-temps n'est pas possible, il faudra reculer à 15 ans, l'age d'admission des enfants dans les fabriques et ateliers.

M. Fontaine se demande toutefois si l'enquète proposée, par le rapporteur, sera susceptible de donner des résultats bien concluants. Le travail de demi-temps n'a fonctionné en France que de 1874 à 1892 et dans des conditions très imparfaites. L'enquête ne saurait donc porter utilement sur le passé. Quel serait donc son but exact?

M. Martin-Saint-Léon répond que l'enquête aurait pour but de préciser les conditions dans lesquelles pourrait être créé et organisé dans l'avenir le travail de demi-temps. Ce serait une grande consultation dans lequelle tous les arguments favorables ou contraires au demi-temps seraient discutés. Les dépositions des hommes compétents et les débats de la Commission prépareraient et faciliteraient la solution de la question si délicate et aujourd'hui encore si complexe de l'âge d'admission des enfants et de la durée de leur travail quotidien dans les établissements industriels.

M. Cauwès, professeur à la Faculté de Droit de Paris, président de l'Association, fait observer que l'enquête pourrait également porter sur l'application du travail de demitemps en Angleterre où, pendant de longues années, le nombre des petits ouvriers travaillant à la demi-journée a été considérable.

M. Fontaine. L'Angleterre n'a cependant jamais tenté de combiner le demi-temps et l'instruction professionnelle qui en est le complément nécessaire.

Il est à craindre, si une enquête trop générale est entreprise immédiatement, qu'elle aboutisse à la condamnation du

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travail de demi-temps considéré avec défaveur par les chefs d'industrie et mal connu des ouvriers. Mais il serait possible de poursuivre utilement dès à présent une enquête circonscrite aux quelques établissements industriels où le denitemps a été introduit avec succès, dans les ateliers des Compagnies de Chemins de fer, par exemple. On mettrait ensuite les autres industriels en présence des résultats ainsi constatés et la discusion sur le fond pourrait s'engager.

M. Keufer, Secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Livre, membre du Conseil supérieur du Travail. Il est avéré que l'on admet dans l'industrie des enfants trop jeunes. L'âge minimum devrait être fixé à 14 ans.

Si le système du demi-temps est adopté il faudra occuper l'enfant pendant ses heures de liberté et à cet effet organiser l'enseignement professionnel. Or, actuellement ni le monde patronal, ni le monde ouvrier ne sont préparés à donner cet enseignement. Il convient donc avant tout d'agir sur l'opinion et de l'amener progressivement à accepter la réforme projetée.

Cette propagande n'exclut pas l'idée d'une enquête sur le demi-temps qui devrait être combinée avec l'enquête du Conseil supérieur du Travail sur l'apprentissage.

M. Mallemont estime que l'introduction du travail de demi-temps est possible dans la grande industrie qui dispose de moyens d'actions lui permettant de créer des écoles. Il en est différemment dans la petite industrie où l'organisation de l'enseignement professionnel rencontrerait de grandes difficultés.

M. Briat, Secrétaire général du Syndicat des ouvriers en instruments de précision, membre du Conseil supérieur du Travail, se rallie à l'idée d'une enquête, mais, il propose de demander également au Gouvernement de faire procéder dans un établissement public à une expérience du travail de demi-temps.

M. Martin-Saint-Léon déclare accepter cette adjonction aux conclusions de son rapport.

Ces conclusions (avec addition du vœu de M. Briat) sont mises aux voix et adoptées à l'unanimité des votants.

LA LIGUE SOCIALE D'ACHETEURS

La séance du 10 novembre 1903 s'est tenue sous la présidence de M. Paul Cauwès, président de l'Association.

M. LE PRÉSIDENT. Une Ligue Sociale d'Acheteurs s'est fondée à Paris il y a un peu moins d'un an; de puissantes ligues du même genre fonctionnent depuis quelque temps déjà aux Etats-Unis. Madame Brunhes, secrétaire-générale de la Ligue de Paris, a bien voulu accepter de nous présenter un rapport sur l'œuvre si intéressante de cette Ligue.

L'Association française pour la Protection légale des Travailleurs a-t-elle été oublieuse de l'objet spécial de ses statuts en mettant à l'ordre du jour le sujet dont Madame Brunhes va nous entretenir ? Je voudrais aussi brièvement que possible montrer que non.

Bien souvent nous déplorons l'insuffisante efficacité des lois protectrices du travail, malgré le système de l'inspection, malgré les dispositions pénales qui les sanctionnent. Trop souvent, elles sont éludées ou tournées; les chefs d'industries en effet les subissent plutôt qu'ils ne les acceptent. L'opinion publique est ignorante, indifférente ou enfin sans action possible faute d'organisation. Pourtant les lois sociales ont besoin, plus que d'autres encore, d'être consacrées par la conscience publique et soutenues par les mœurs.

Les Ligues Sociales d'Acheteurs sont destinées à éveiller la conscience du public, à lui montrer le devoir social de ne pas commander le travail, de ne pas poursuivre la satisfaction quand même d'un caprice ou d'un désir, au prix des souffrances et du surmenage de l'ouvrier producteur; elles lui font connaître les conditions humaines de travail qu'exige la lo i, ou auxquelles il faut tenir, même à défaut de la loi, et elles l'orientent pour ses achats, vers les établissements inscrit s sur les listes blanches parce qu'ils ont souscrit à ces conditions. Si les acheteurs sont ainsi avisés et organisés, les

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