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M. le PRÉSIDENT met aux voix successivement les trois vœux suivants :

I.

« L'Association nationale française pour la >> protection légale des travailleurs, d'accord avec >> la Ligue Sociale d'Acheteurs, émet le vœu que le >> regime des exceptions toléré et partant sanctionné >> par la loi du 2 novembre 1892 soit supprimé. >>>

Ce vœu est adopté à l'unanimité.

II.

« L'Association nationale française pour la >> protection légale des travailleurs, d'accord avec >> la Ligue Sociale d'Acheteurs, émet le vœu qu'on >> se préoccupe et qu'on s'occupe le plus tôt possible > de la réglementation du travail à domicile. >>>

Ce vœu est adopté à l'unanimité.

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« L'Association nationale française pour la >> protection légale des travailleurs, considérant les >> avantages qu'a apportés dans les pays étrangers, > notamment aux États-Unis, l'action combinée des >> Ligues d'acheteurs et des Inspecteurs du travail, >> émet le vœu qu'une collaboration active et intime » s'établisse en France entre la Ligue sociale d'ache>> teurs et les Inspecteurs du travail. »

Ce vœu est adopté à l'unanimité.

LA PROTECTION LÉGALE DE L'EMPLOYÉ

ET LA

Réglementation du travail dans les Magasins

Dans la séance du 19 décembre 1903, sous la présidence de M. Cauwès, l'Association Nationale Française pour la protection légale des travailleurs a examiné cette question sur le rapport de M. Artaud, directeur de la Revue populaire d'Économie sociale.

M. LE PRÉSIDENT donne la parole à M. Artaud qui présente le rapport suivant :

Rapport de M. Artaud

Parmi les travailleurs qui échappent encore aujourd'hui d'une façon à peu près complète à la protection légale, il convient de citer une catégorie spéciale, importante par le nombre, plus importante encore par le rang social qu'elle occupe, par les éléments qui la composent, par le rôle économique que lui imposent les transformations successives du commerce et de l'industrie modernes : c'est la catégorie des Employés.

A vrai dire, on a quelque peine à définir l'Employé. On peut le considérer comme l'intermédiaire entre le producteur et le consommateur; mais ce n'est pas le définir. Je crois que la définition la plus simple est peut-être celle admise par le récent Congrès International de Bruxelles : « Doit être considéré comme employé quiconque n'est pas ouvrier. >>>

Alors le champ devient vaste, trop vaste même, et on se trouve fort embarrassé pour classer les catégories trop nombreuses qui se présentent.

La classification la plus rationnelle consiste à distinguer les Employés de bureau et les Employés de commerce proprement dits, appartenant à toutes les branches de commerce, magasins de gros et de détail, vendeurs, courtiers, placiers, depuis le modeste calicot jusqu'au chef de rayon.

Mais à ces deux catégories générales doit-on ajouter, comme l'a fait la statistique officielle et le législateur aprės elle, les salariés des petites industries de l'alimentation : cuisiniers, pâtissiers, restaurateurs, limonadiers, coiffeurs, charcutiers, boulangers, etc. ? Nous ne le croyons pas. Nous estimons au contraire que ces salariés sont, non des employés, mais des ouvriers du commerce, dont l'assimilation à l'ouvrier de l'industrie s'impose d'elle-même en admettant qu'on ait été forcé, ce que nous allons étudier, à refuser cette assimilation à l'employé de commerce.

Et nous trouvons une confirmation juridique de cette opinion dans un arrêt rendu ces jours derniers par la Cour de Nîmes, arrèt qui, réformant un jugement du Tribunal de Commerce, décide que le cuisinier, qu'il soit chef ou marmiton, participe de l'ouvrier et de l'homme de service, et qu'il ne peut être assimilé à un employé de commerce.

Et c'est pourquoi, dans ce rapport, nous envisagerons seulement la situation de l'employé de commerce proprement dit, travaillant dans les magasins et bureaux, et nous nous efforcerons d'étudier: 1o la nécessité de protéger légalement l'employé; 2o les moyens d'assurer cette protection au point de vue de la réglementation du travail dans les magasins.

I

Nécessité de protéger légalement l'employé

La protection légale de l'employé de commerce s'impose au même titre que celle de l'ouvrier de l'industrie. Elle s'impose surtout pour des raisons qui sont particulières à la situation mème de l'employé. Pour être parfois moins dure que celle de l'ouvrier, cette situation n'en est pas moins souvent pénible, et surtout elle est plus précaire. L'employé n'a pas comme l'ouvrier, l'outil protecteur. Il ne vaut très souvent que dans la maison où il est et parce qu'il a des titres d'ancienneté, qu'il a gravi un à un les échelons, qu'il est rompu à la routine administrative. Il n'y a pas pour lui comme pour l'ouvrier de tarif établi, ses appointements ne lui sont généralement garantis par aucun contrat de louage et s'il est remercié, pour un motif souvent futile, il est exposé à rester longtemps avant de trouver un emploi, même inférieur.

Il travaille et aucune loi ne règle la durée de son labeur : il peut être employé 12, 14, 15 heures par jour. Jusqu'en juillet 1903 il pouvait même travailler dans les conditions de salubrité les plus déplorables: il n'y avait pas d hygiène pour l'employé. Et cependant les statistiques les plus récentes nous indiquent que la mortalité annuelle des employés de 20 à 30 ans représentait environ de 40 à 44 %, alors qu'elle n'était, par exemple, que de 29 à 32°%% dans l'industrie du bâtiment et de la métallurgie. Enfin, écoutez cet aveu du D' Berthod: « La plupart des grands magasins fournissent une morbidité et une mortalité effrayantes parmi leurs employés. à telle enseigne que ceux qui restent quelques années et échappent à la tuberculose sont presque Гехсерtion ». La statistique établit que cette corporation fournit à la tuberculose 40% environ de ses victimes.

Comment s'expliquer dès lors que le législateur n'ait pas songé à étendre aux salariés du commerce le bénéfice des lois de protection ouvrière? C'est que le commerce n'existait pas autrefois comme aujourd'hui. On ne connaissait pas alors ces établissements de banque, ces compagnies d'assurances, ces bureaux privés où des milliers d'employés compulsent des registres, alignent des chiffres. L'Etat seul possédait des fonctionnaires, pauvres ronds-de-cuir sur lesquels la verve caustique de Balzac avait daubé si fort qu'on ne savait plus si on devait plaindre ou envier leur sort. Aujourd'hui ces bureaucrates sont légions, ils prennent toutes les forces, depuis le modeste scribe, teneur de livres, expéditionnaire, jusqu'au chef de bureau, comptable, etc. Ils vivent côte

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