par l'allocation de secours aux accouchées dans le besoin, à condition qu'elles s'abstiennent de travailler pendant la durée des secours. L'indemnité prévue par la proposition devait être égale à la moitié du salaire avec un minimum de 0 fr. 75 et un maximum de 2 francs. Les secours devaient varier de 0 fr. 50 à 1 fr. par jour. Sur la demande de M. P. Strauss, la Direction du travail a procédé récemment à une évaluation mise à jour des charges qui résulteraient de l'adoption de la proposition de M. G. Dron. La Direction du travail estime que l'indemnité prévue par le projet serait en moyenne de 1 fr. 25 et que la dépense annuelle pour le service des indemnités aux femmes soumises au repos obligatoire s'élèverait à 2.450.000 francs pour quatre semaines de repos. Le montant des secours aux accouchées dans le besoin qui garderaient le repos volontairement s'élèverait à 1.620.000 fr. Soit pour les indemnités et les secours une dépense totale qui ne dépasserait pas 4 millions. La proposition de M. Dron nous paraît avoir dégagé très nettement les principes qu'il importerait de suivre dans le règlement de la question des indemnités. Nous avons indiqué pour quelles raisons très sérieuses nous pensions qu'un repos d'une durée totale de trois mois était nécessaire. En restant, par ailleurs, dans les termes de la proposition Dron, la dépense atteindrait 9 ou 12 millions, suivant que l'on élèverait ou non les secours d'assistance pour chômage volontaire dans la même proportion que les indemnités de droit pour les femmes soumises au chômage légal. Croit-on vraiment que cette somme d'une dizaine de millions, répartie entre le budget de l'Etat et les budgets locaux, soit une charge trop lourde, si l'on tient compte avant tout de la grandeur des résultats prévus: des milliers d'existences à sauver? Parvenu au terme de mon exposé, je soumets à votre examen, le projet de vœux suivant : La Section française de l'Association internationale pour la Protection légale des travailleurs, émet le vœu que dans les établissements assujettis à l'Inspection du Travail, le travail de femmes enceintes ou récemment accouchées soit soumis aux prescriptions suivantes : 1) Les femmes ne pourront être admises au travail pendant les deux mois qui précèderont le terme presumé de leur grossesse et pendant le mois qui suivra l'accouchement. Dans le cas d'accouchement prématuré, le repos après l'accouchement sera prolongé si l'enfant est vivant, de façon à ce que la durée totale du chômage ne soit en aucun cas inférieure à trois mois. 2: Les femmes enceintes pourront demander congé pour cause d'accouchement prochain sans qu'il y ait de ce fait rupture du contrat de travail. 3) Des règlements d'administration publique détermineront les différents genres de travaux dangereux, excédant les forces, ou insalubres qui seront interdits ou qui ne seront permis qu'à certaines conditions aux femmes enceintes ou récemment accouchées. 4) Pendant la période d'allaitement, on devra permettre aux femmes d'allaiter leurs nourrissons soit dans une pièce spéciale annexée à l'établissement, soit au dehors. Les femmes disposeront à cet effet de deux repos d'au moins une demi heure chacun, qui couperont le travail de la matinée et de l'après-midi. 5) Tout établissement occupant au moins 50 femmes devra posséder une crèche installée dans des conditions hygiéniques et soumise à une surveillance médicale continue conformément aux règlements. La Section française estime qu'une application stricte d'une loi sur le repos obligatoire des femmes enceintes ou récemment accouchées ne peut être obtenue que si le chômage imposé aux femmes est compensé par l'allocation de secours à la charge du budget de l'État et des budgets locaux, à défaut de l'organisation d'un système général d'assurance ouvrière garantissant des indemnités de droit. La Section déclare en outre: qu'elle donnera son appui à tout projet d'assistance maternelle qui garantira à toute femme non assujettie au repos obligatoire une aide matérielle suffisante pour qu'elle puisse se trouver pendant su grossesse et après ses couches dans les conditions hygiéniques indispensables pour elle et son enfant. D G. FAUQUET. Discussion du Rapport Après la lecture de ce rapport, la parole est donnée à M. Félix Poussineau (M. Félix, le couturier bien connu), qui tient à faire connaître l'œuvre des « Mutualités maternelles. >>> M. Félix. En 1891, il assistait à une réunion où Jules Simon relatant ce qui s'était passé à la conférence de Berlin et le vœu qu'elle avait émis relativement à la protection des femmes accouchées, déplorait que rien ne fût tenté en France dans ce but. Il y a 11 ans, il a fondé pour les ouvrières de la couture, de la passementerie, de la broderie, de la mercerie, et de l'industrie de la dentelle, de la ville de Paris, la Mutualité maternelle. Cette Société accorde à ses adhérentes, inscrites depuis au moins 9 mois, pendant une durée de 4 semaines, une allocation hebdomadaire de 12 francs, soit un secours total de 48 francs. A l'origine, elle avait décidé de donner 18 fr. par semaine et de demander une cotisation annuelle de 6 francs, ces chiffres étant calculés d'après un salaire journalier de 5 francs. Mais l'expérience ne tarda pas à prouver que seules les ouvrières à 1 fr. 50 ou 2 fr. de salaire étaient secourues; la plupart des autres sont en effet mariées et ne recourent pas à la Mutualité. Dans ces conditions, on se résolut à réduire la cotisation annuelle à 3 francs et à n'octroyer que 12 francs par semaine. Les adhérentes sont admises à partir de l'âge de 16 ans; la seule condition exigée d'elles pour qu'elles puissent toucher l'indemnité, est de s'abstenir de tout travail pendant les quatre semaines qui suivent l'accouchement. L'allocation est due même si l'enfant meurt, et aussi dans le cas d'une fausse couche. Un supplément de 10 francs est accordé aux mères qui allaitent elles-mêmes leurs enfants; L'indemnité peut être prolongée une ou deux semaines, après attestation d'un des médecins de la Mutualité maternelle. Si la mère a accouché de deux jumeaux, le secours est de 18 francs, il est maintenu à ce chiffre même si l'un des enfants meurt. Les accouchées qui retournent au travail avant le délai de quatre semaines ne touchent pas d'allocation. L'indemnité est payée par semaine. Pour éviter les fraudes, les trois premiers versements sont faits à domicile par une inspectrice de l'Association qui se présente à l'improviste. La quatrième semaine n'est payée à l'ouvrière que lorsqu'elle se présente elle-même à la Société dans les délais voulus. Le secours d'allaitement de 10 francs est également payé à ce moment, mais seulement si l'enfant est en vie. Depuis 1892, il y a eu 4.000 mères ainsi secourues; la mortalité des enfants de moins de 1 an qui, du début de l'expérience jusqu'en 1896, atteignait 10°/s, est tombée actuellement à 6°/%, alors que, d'après les statistiques officielles, elle atteint 30 à 35°/% dans la classe ouvrière. Il n'y a pas eu de mortalité du tout parmi les enfants avant 4 semaines, sauf tout récemment un seul cas où le décès a été dû à un accident. M. Félix Poussineau a organisé une Mutualité semblable à Dammarie-lez-Lys (Seine-et-Marne). La cotisation annuelle a été fixée à 1 franc par an, car les villageois n'auraient pas admis qu'on ne les fit pas payer. Elle groupe tous les habitants du village. Pendant les sept années qui ont précédé la fondation de la mutualité, sur un total de 199 naissances, il y eut 16 décès d'enfants de 0 à 30 jours. Pendant les sept années qui ont suivi, le nombre total des naissances s'est élevé à 258 et le chiffre des décès d'enfants de 0 à 30 jours est tombé à 11. A Vienne, dans l'Isère, M. Bonnier a également fondé une Mutualité maternelle. La mortalité parmi les enfants des participantes est tombée de 21 °/% à 6%%. M. Poussineau est à la veille de tenter d'étendre la Mutualité maternelle à toutes les ouvrières et femmes d'employés de Paris. Il doit reconnaître que dans cette tentative il a rencontré de l'hésitation chez les Chambres syndicales patronales à qui il demandait une subvention de 100 fr. par an. Il a au contraire trouvé le meilleur accueil et des subventions dans les milieux ouvriers. M. Gide demande comment on pourra déterminer l'époque du repos avant, alors qu'on ignore le moment de l'accouchement. En Suisse, on exige 8 semaines de repos en tout dont 6 après; ces 6 semaines de repos après devant être observées en tout état de cause, si par erreur l'ouvrière quitte son travail trop tôt avant ses couches, il en résulte que la durée du chômage sans indemnité sera plus longue. Il y a là une cause de fraudes. Le rapporteur réplique que le vœu proposé exige 3 mois de repos en tout; si on ne le prend pas avant, il faudra compléter cette durée après. - Toutefois, il est évident que si l'enfant meurt, la durée du repos sera abrégée. M. Bourguin exprime une préoccupation inverse. Qu'adviendrait-il si, par suite d'erreur sur la date de l'accouchement, la femme quitte le travail trop tôt? N'y aurait-il pas lieu de faire une différence en moins en ce qui touche l'indemnité ? M. le Docteur Fauquet répond que les erreurs sont rarement supérieures à 15 jours. Exceptionnellement on peut se tromper d'un mois. L'accouchement se produit une fois sur deux dans la quinzaine et trois fois sur quatre dans le mois prévus dès le début de la grossesse (1). M. Félix Poussineau ajoute à sa communication précédente qu'il existe à la Mutualité maternelle un dispensaire, et que le projet dont il poursuit la réalisation comporte des consultations de nourrissons avec distribution de lait stérilisé, qui permettront de suivre l'enfant pendant 2 mois. Ces Mutualités se répandent; il y en a à Melun, Dijon, Nantes, Marseille, Toulouse, Nimes et dans plus de 30 villes. (1) (Voir la note 2, page 9 du rapport). |