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ment groupées toutes les informations relatives à son développement dans le monde, une organisation qui, par ailleurs, pût leur servir de trait d'union, porter la parole en leur nom et attirer l'attention des gouvernements sur telle question capable d'être tranchée par voie d'entente internationale. Seule une association réunissant les compétences les plus diverses et les plus incontestables (savants, fonctionnaires intéressés aux questions du travail, industriels, ouvriers, etc.) et où seraient représentées toutes les grandes nations industrielles pouvait être qualifiée pour assumer un tel rôle.

C'est à la conférence de Berlin, en 1890, que fut pour la première fois proposée par la Suisse la création d'un office international du travail. Elle ne fut pas écoutée. Toutefois, la conférence, où quatorze États furent représentés et formulèrent des vœux minima de législation ouvrière, vota le prindipes d'échanges, entre gouvernements, de relevés statistiques et d'autres documents concernant la législation du travail et son exécution sur les points compris dans les résolutions de la conférence.

L'idée fit peu de progrès dans les années qui suivirent. Le Gouvernement helvétique fit, en 1896, une deuxième tentative dans le même sens; les réponses qu'il reçut furent des objections d'inopportunité venant de la presque unanimité des puissances.

C'est alors que les individus, plus portés à l'action que les Gouvernements, se groupèrent pour reprendre la tâche dont ceux-ci se désintéressaient, celle de la création d'un Bureau international de la législation du travail, en même temps que pour étudier la situation respective de la législation du travail dans les différents États, les résultats qu'elle avait provoqués, les vœux généraux qu'il était permis de formuler. En 1897, deux congrès, l'un à Zurich et l'autre à Bruxelles, débattirent vivement l'utilité d'un certain nombre de mesures législatives ainsi que celle de la création du bureau international tant désiré.

Il y eut tant de divergence entre les adhérents de la dernière de ces assemblées, que le duc d'Ursel, chargé de clôturer la réunion, fut obligé de se contenter de célébrer en termes infiniment vagues « le spectacle magnifique » auquel il venait d'assister, sans préciser aucune création positive.

Cependant, dans divers pays, les sociétés privées s'organisèrent pour l'étude de la législation ouvrière. En Belgique et en Allemagne elles prirent corps rapidement; en Autriche et en Belgique s'organisèrent des goupements analogues. L'année 1900 allait amener la fédération de toutes ces bonnes volontés éparses et par suite impuissantes. C'est au mois de juillet de cette année, que sur l'initiative d'un certain nombre de professeurs français, se réunit à Paris, au Musée social, un congrès qui portait à son ordre du jour les questions de législation sociale qui préoccupaient le plus vivement l'attention: la limitation légale de la journée de travail, l'interdiction du travail de nuit, les résultats de l'inspection du travail et les réformes qu'il serait possible d'y introduire, et la création d'une union internationale pour la protection légale des travailleurs.

Vingt-neuf rapports furent déposés. Il y eut trois journées de discussions intéressantes. Sur les trois premiers points le Congrès émit des vœux. Il ne pouvait faire autre chose. Sur le quatrième il aboutit à une œuvre positive.

Le Congrès vota à l'unanimité la constitution d'une Association internationale pour la protection légale des travailleurs. Elle avait pour but : 1o de créer des liens entre les partisans de la législation ouvrière; 2o d'organiser un office international du travail chargé de publier un recueil périodique de la législation du travail dans tous les pays; 3o de faciliter l'étude de la législation du travail dans tous les pays et particulièrement de fournir aux membres de l'Association des renseignements sur les législations en vigueur et leur application; 4o de favoriser par tous les moyens l'étude de la question de la concordance des diverses législations protectrices des ouvriers ainsi que celle d'une statistique internationale du travail; 5o de provoquer la réunion de congrès internationaux. Le siège de l'association était fixé en Suisse. La direction était confiée à un comité international au-dessous duquel des sections nationales s'organiseraient dans tous les pays.

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Ces décisions ne devaient pas, comme il arrive parfois des résolutions des congrès, demeurer lettre morte. On se mettait à l'œuvre sans perdre de temps dans les différents pays pour créer des sections nationales et, dès l'année suivante, l'Association internationale était définitivement constituée dans une conférence internationale qui se tint à Bâle au mois de septembre.

Elle eut pour but de vérifier et d'approuver les statuts des sections nationales nouvelles formées, de fixer de la manière la plus précise l'organisation et le rôle de l'association internationale et de l'office international qu'elle créait, et d'arrêter le programme de leur activité.

Huit sections nationales furent officiellement constituées en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Hongrie, en Italie, en Hollande et en Suisse. Chacune d'elles, sous réserve de se conformer à ses obligations générales envers l'association, fut libre de s'organiser à sa guise et de fonctionner comme société d'étude et de propagande autonome.

L'association internationale fixa définitivement son siège à Bâle. Elle nomma pour son président M. Scherrer, avocat à Saint-Gall, et pour secrétaire M. Bauer, professeur à l'Université de Bâle. M. Bauer fut en même temps chargé de la direction de l'Office international de publication. Mais on eut soin de distinguer de la manière la plus précise le rôle de cet office et celui de l'association.

L'office fut chargé d'entreprendre, non la publication d'un recueil universel de législation sociale (charge trop coûteuse pour les moyens financiers de l'association), mais celle d'un bulletin mensuel donnant régulièrement les résolutions des Congrès relatives à la protection du travail, le texte ou l'analyse des lois et règlements nouvellement promulgués sur la législation protectrice du travail, et une bibliographie des publications officielles et des publications privées s'y rapportant; diverses autres publications pouvaient être entreprises selon les ressources dont il disposerait l'office. Il fut rigoureusement spécifié que toutes ces publications auraient un caractère strictement documentaire et d'absolue neutralité, l'Office du travail devant apparaître non comme un organe de polémique ou comme le représentant officiel de l'association, mais simplement comme un instrument de travail et d'étude scientifique constitué par elle.

A l'Association internationale appartenait de fixer l'ordre du jour de ses travaux, d'en formuler les conclusions, et de prendre les décisions qu'elle estimerait en découler.

Elle décida de provoquer des recherches comparées sur l'état de la législation sur le travail de nuit des femmes et ses effets, sur le degré d'insalubrité et la législation actuelle des industries insalubres et spécialement sur celles qui fabriquent et emploient les couleurs de plomb et le phosphore blanc. Elle renonça ultérieurement à s'occuper, ainsi qu'elle en avait manifesté le désir, de l'établissement d'un cadre uniforme pour les statistiques des accidents de travail dans les divers pays, cette tâche ayant été abordée par une autre organisation plus qualifiée pour la mener à bien.

La conférence de Bâle de 1901 se sépara après avoir fixé le rôle et l'organisation des différents rouages de l'Association et arrêté le plan de ses travaux. Depuis cette date le fonctionnement de ces rouages s'est poursuivi. S'il est inutile d'insister sur l'Office du travail dont la publication périodique atteste l'activité de plus en plus appréciée des travailleurs, des réunions périodiques ont permis de suivre l'action générale de l'association, et un coup d'œil sur l'œuvre d'une des sections nationales, la section française, permettra d'apprécier l'appui que celles-ci apportent à la cause générale de la protection du travail.

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Ce fut au mois de septembre 1902 que se tint à Cologne le Congrès de toutes les sections de l'Association internationale. Selon la décision de la conférence de Bâle, les questions mises au programme avaient été étudiées dans chaque pays et un grand nombre de rapports, dont plusieurs très complets, fournirent au Congrès les bases de discussion les plus sérieuses. Plusieurs gouvernements étaient représentés par des délégués officiels. Les débats furent longs, parfois assez animés, et du plus haut intérêt. On aboutit, en définitive, aux conclusions suivantes:

1o Sur la question de l'interdiction du travail de nuit des femmes, il fut voté que «l'état de la législation sur le travail de nuit des femmes dans la plupart des États ayant une grande industrie et comme le prouvent les rapports publiés par les sections - l'influence de cette législation sur la situation de l'industrie en général, sur celle des diverses entreprises et des ouvriers en particulier, justifient en principe l'interdiction du travail de nuit des femmes ».

Une commission à laquelle chaque section nationale avait le droit d'élire deux délégués était chargée de rechercher les moyens d'introduire cette interdiction générale et éventuellement d'examiner comment les exceptions qui existent encore à cette interdiction pourraient être supprimées. Elle devait faire appel aux personnes les plus compétentes et déposer son rapport dans les deux ans.

2o Sur la question de l'interdiction du phosphore blanc et du plomb, le Congrès vota les résolutionssuivantes :

<< a) Les dangers que présentent pour la santé des ouvriers et ouvrières la manipulation et l'emploi du phosphore blanc et du plomb étant exceptionnellement graves, il est urgent de charger une commission de rechercher les moyens propres à faire disparaître ces dangers et à amener par entente internationale la prohibition générale du phosphore blanc et la suppression, dans la mesure du possible, de l'emploi du blanc de céruse.

b) Cette mission sera confiée à la commission chargée d'étudier la question de l'interdiction du travail de nuit des femmes.

c) En ce qui concerne les travaux publics, le Comité inter

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