OCEANIE. avec les îles de Maïndanao, Célèbes et Bornéo, l'El dorado de l'Océanie. TOPOGRAPHIE. Les points les plus remarquables de la Papouasie sont les hayres Dori et de l'Aiguade, le golfe de Mac-Cluer, le golfe ou la rivière Dourga, aux environs du cap Walsh sur les bords d'une grande rivière qui reçut ce nom des Hollandais (voy. pl. 230), la baie de Geelwink, la baie de Humboldt et celle du Triton. Les Hollandais ont bâti, en 1828, un fort nommé De Bus, pour dé fendre la colonie qu'ils y ont établie par le 3o parallèle sud. La plaine Merkus, qui s'étend jusqu'au pied du mont Lancentsijsie, appartient aux colons, qui ont commencé à la faire défricher. Quelques tribus de Papouas y professent l'islamisme, commercent avec les Arrou et les Moluques, et parlent, outre leur idiome, la langue de Céram et le malayou. Cette contrée, peu connue et qu'on remarquait à peine, renferme en elle des principes de prospérité, et doit tôt ou tard sortir comme par enchantement de l'obscurité profonde qui l'environne. La Hollande, jalouse d'étendre sa puissance commerciale, a deviné tout ce qu'elle pouvait tirer de cette grande terre sous ce rapport; et son nouvel établissement deviendra, nous l'espérons, une colonie florissante, et un élément de civilisation dans un des plus beaux pays de notre petite planète. HAVRE DORI, VILLAGE DE KOUAO; ILES MA- Ce mouillage possédait autrefois un village de Papuas assez peuplé et aujourd'hui entièrement abandonné. Il occupe l'extrémité nord-ouest d'un petit golfe, dont l'entrée est protégée par deux îlots appelés Manasouari et Masmapi. Il y a deux bancs à fleur d'eau dans le canal de trois milles de longueur qui y conduit. Ce havre, quoiqu'il n'ait qu'un demi-mille de profondeur sur deux cents toises de largeur, est d'un ancrage sûr et commode pour les navires de tout rang. L'entrée de Dori, avec la longue suite de petites îles basses et riantes qui se développent sur sa gauche, sa lisière de terrains brisés sur sa droite, et dans le fond du tableau les immenses monts Arfakis formant six plans successifs terminés par quel ques pitons aigus, offre un des plus admirables coups d'œil du monde (voy. pl. 223). Il est situé par 0°51′49′′ de latitude septentrionale, 131° 44' 59" de longitude orientale, sur le côté oriental de la Papouasie, et au nord du golfe de Geelwink; il se trouve immédiatement au sud du cap Mamori. Les indigènes donnent au havre Dori le nom de Mamoi-Souari, et celui de Fanadik à la cri crique, sur le bord de laquelle était l'ancien village de Dori et non Dorey. Outre Dori qui est sur la rive nord du havre (voy. pl. 224), il y a encore sur la même rive un village nommé Konao (voy. pl. 226). Dans la petite île de Manasouari, qui occupe l'entrée de la baie, à trois milles au sud-est, et revêtu de grands arbres et plantations, est un village peuplé, situẻ au nord, nommée, je crois, Manavaï (voy. pl. 227), vis-à-vis la petite île Masmapi (voy. pl. 228), où quelques pê cheurs ont aussi établi leurs cabanes. On y voit quelques mangliers dont les racines croissent dans la mer. Les environs du havre Dori et les villages qui le bordent, peuvent avoir une population d'environ deux mille âmes. MOEURS ET COUTUMES. La nourriture ordinaire des Papouas (voy. pl. 229, 220 et 221) est le sagou; ils ne le préparent point en briques, mais ils l'entassent en masses de 12 ou 15 livres. Ils ajoutent à cela de la tortue, du poisson, des taros, des ignames, des cocos et des coquillages. Ils ne se servent pas de fours en terre comme les Polynésiens, mais ils font leurs foyers en plein air, et ils y placent des grillages en bambou, surtout pour faire cuire les tortues et les poissons. Ils ne connaissent pas le kava, et ils mâchent le bétel. Ils ramollissent l'argent au feu de forge et le battent ensuite. Cette forge se compose d'une pierre qui sert d'enclume et d'un soufflet consistant en deux cy.indres de gros bambous, disposés verticalement; l'air est refoulé dans chaque tuyau au moyen de deux pistons que fait mouvoir un homme assis sur un troncd'arbre de la hauteur des cylindres (voy. pl. 231). Leurs instruments de guerre sont des arcs, des flèches et des frondes; ils se servent de cette dernière arme avec beaucoup d'adresse, et portent des boucliers étroits et longs pour la défensive. Ils ont aussi un couperet d'acier nomméparang, employé à divers usages domestiques. Les pierres nécessaires à l'exercice de la fronde, arrondies avec soin, sont contenues dans des filets de chanvre d'un travail curieux. Il est peu d'individus qui n'aient des cicatrices provenant des flèches qu'ils lancent avec adresse. Leurs lignes, faites de chanvre, sont aussi très-artistement tressées. Les plantations de cannes à sucre et de bananiers (musa) sont distribuées avec uniformité et dans un bon état de culture. L'abondance des vivres rend la vie des Papouas de Dori, et généralement du nord de la Papouasie propre, très-facile. Les naturels de la Papouasie donnent souvent, en échange de quelques bagatelles, un grand nombre de coquillages, dont plusieurs d'une espèce jusqu'ici inconnue, des arcs, des flèches, quelques échantillons de muscades sauvages et d'autres épiceries. Nous avons vu dans une pirogue un indigène qu'on nous dit être un prêtre, et qui avait sur le cou-de-pied une marque semblable à celle qui serait produite par un fer chaud. Les Papouas fabriquent divers petits coffrets, avec art et solidité, en paille de pandanus et de bananier; ils savent fabriquer des ustensiles et de la poterie, art ignoré des Polynésiens; les femmes font les pots; elles font aussi des nattes. Ils ont des idoles en bois surmontées de cranes humains (voy.pl. 304). Quoique le tatouage paraisse fort peu sur leur peau bronzée, les Papouas des deux sexes le pratiquent par piqûre. Ils vont généralement nus; les chefs seuls portent des nattes en feuilles de bananier, teintes de brillantes couleurs et bordées de franges décou pées comme de la dentelle, et qui remplacent le maro polynésien; outre les bracelets dont nous avons parlé, ils ont pour parure des anneaux, des pendants en coquillages, en écaille ou en argent, et des peignes en bois à trois, cinq et sept dents, qui se dressent étrangement dans leur chevelure en forme de buisson. Quelques Papouas mohammédans ornent leurs têtes avec des mouchoirs qu'ils obtiennent en échange de leurs productions et qu'ils disposent en forme de turban. Ils allument promptement le feu par le frottement d'un morceau de bois sur du bambou. Nous avons un de ces ustensiles dans notre cabinet. Ils ont de longues torches de résine de dammer pour s'éclairer, et lorsqu'ils naviguent dans leurs pirogues, ils ont constamment un tison ardent qui sert pour allumer leurs cigarettes roulées dans une feuille de vaquois, dont ils font une grande consommation, car ils fument tout le jour. Ils ne boivent que de l'eau pure à leurs repas, après lesquels ils se lavent la bouche et les mains. Les instruments de musique de ce peuple sont le tam-tam, garni à une des extrémités d'une peau de lézard; une guimbarde faite avec une lame de bambou, la flûte de Pan, et la trompette marine faite avec un gros murex percé à un côté de l'extrémité la plus mince. Nous possédons également une de ces trompettes. La polygamie est générale parmi eux. Leur langue est assez douce et harmonieuse; on la parle depuis Véguiou jusqu'à Dori, et elle differe autant du malayou que de l'idiome des Alfouras, mais elle offre quelque ressemblance avec celui des Davers de l'île Kalemantan ou Bornéo. On n'entend jamais, chez les Papouas, ces cris rauques, bizarres, affreux, que nous avons toujours entendus chez les peuples sauvages. HISTOIRE. La Papouasie, cette grande terre des Papouas, faussement dite des Papous, paraît avoir été découverte vers 1511, par les Portugais Antonio Abreu et Francisco Serrano. A son tour, vers 1526, don José de Ménésès, dans sa traversée de Malakka aux Moluques, fut entraîné par les vents et les courants fort loin dans l'est de Kalémantan ou Bornéo, et atteignit sous l'équateur, à deux cents lieues des Moluques, un port des Papouas nommé Versija. Ce point, quoique que mal indiqué, nous paraît être le havre Dori. En 1528, deux ans après, le général espagnol Alvar de Saavedra tomba aussi sur la grande île des Papouas; il ý passa même deux mois. Il nomma ces terres Islas de Oro; c'était la manie du temps. Saavedra revint en 1529, et il semble avoir côtoyé la Papouasie pendant près de cinq cents lieues, et s'être dirigé ensuite au nord est. En 1537, les navires de Grijalva visitèrent, près de l'équateur, deux îles nommées Mensura et Boufou, habitées par des Papouas. « Les naturels, dit la relation, sont des hommes à che veux frisés; ils mangent de la chair humaine, sont de grands coquins, et se livrent à de telles méchancetés, que les diables vont avec eux à titre de compagnons. » La relation fait mention d'un oiseau de la grosseur d'une grue qui ne peut pas voler, mais qui court avec la rapidité la plus grande, et dont les plumes servent aux naturels pour orner la tête de leurs idoles. En 1545, Juigo Ortez de Hatez parait aussi avoir reconnu la plus grande partie de la côte septentrionale de la terre des Papouas, en relâchant sur divers points et signalant plusieurs îles nouvelles. Ce fut dans cette expédition que les Espagnols donnèrent à cette grande terre le nom de Nouvelle-Guinée, par suite de la ressemblance qui existait entre les indigènes du pays et ceux de la Guinée (Afrique). En 1753, Nicolas Sruick publia une description grossière de la côte septentrionale de cette île avec les noms portugais, qui ne correspondent nullement avec ceux des explorations plus récentes et plus exactes. Le Hollandais Schouten rectifia le premier les notions acquises sur cette terre; il l'accosta le 7 juillet 1616, devant l'ile Vulcain, qui était alors un volcan en activité. Il avait a bord un indigène de la Nouvelle-Irlande; mais il ne put comprendre le langage des Papouas, qui s'approchèrent, sur des pirogues à balancier. Après avoir dépasse, le 9 juillet, les îles qui reçurent le nom de Schouten, cet habile navigateur mouilla devant une île identique avec celle à laquelle M. d'l rville a depuis donné son nom. Suivant la relation du voyage de Lemaire et de Schouten, les habitants avaient les cheveux courts et frisés; ils portaient des anneaux aux narines et aux oreilles, des plumes à la tête et aux bras, des colliers de dents de porc au nez, et un grand ornement sur la poitrine, Ils usaient du bétel, et étaient sujets à plusieurs maladies ou difformités; ils avaient beaucoup de cocos, et ils demandaient une aune d'étoffe pour quatre de ces fruits; ils avaient des cochons, mais ils ne voulurent pas en céder. Pendant plusieurs jours on navigua le long de la côte, sans qu'on pût savoir quelle était la terre près de laquelle on se trouvait. Le 15, l'ancre fut jetée près de deux îles fertiles en cocos, sé parées de la grande terre par un mille d'étendue. Les naturels lancèrent des flèches aux Hollandais, qui leur répondirent par une décharge de pierriers. Après cette île, on en vit deux autres situées à cinq ou six milles de la côte et nommées Arimoa. Le 21, Schouten aperçut d'autres îles, probablement les îles des Traîtres, dont les habitants vinrent commercer avec de grandes pirogues chargées de poissons secs, de cocos, de bananes et de tabac. Ils s'approchèrent d'un air timide, versant de l'eau sur leur tête en signe d'amitié, et leur langage ne ressemblait pas à celui des îles Arimoa. Bientôt après qu'il eut quitté ces îles, Schouten en prolongea encore une fort haute, dont la partie occidentale fut nommée Goede-Hoope (BonneEspérance), nom qui fut transféré par Dampier à une pointe plus occidentale, Schouten partit de là pour les Moluques. En 1622, Roggeween vit aussi quelques parties de la Nouvelle-Guinée; il toucha aux îles Arimoa, où deux cents pirogues lui apportèrent des provisions. Il traversa un groupe qu'il nomma Mille Iles, et qui sont vraisemblablement encore les îles des Traîtres. Suivant le journal du voyage de Roggeween, les indigènes avaient une chevelure épaisse et bouclée comme de la laine, et la cloison des narines traversée par un morceau de bois. En 1643, le célèbre navigateur hollandais Abel Tasman reconnut l'île Vulcain, ainsi nommée parce qu'elle possède un volcan ignivome, et non pas éteint, comme le disent la plupart des géographes sédentaires. Il communiqua avec les habitants de l'île Jama, avec lesquels des provisions furent échangées, et vit à l'est l'ile Moa, où il se procura six mille noix de cocos et cent régimes de bananes (pisang). Depuis Tasman jusqu'à Dampier, c'est-à-dire durant l'espace de soixante ans, aucun Européen ne visita la Papouasie. Dampier vit en janvier 1700 une portion de la côte la plus occidentale, découvrit la petite île de PoudouSaboude, devant le golfe Mac-Cluer, prolongea de fort loin la bande septentrionale, vit encore l'île Schouten, et découvrit l'îlot de la Providence. A son retour, il s'ouvrit une route par le detroit qui porte le nom de ce savant navigateur, constata la séparation des deux grandes îles, découvrit dans le chenal une île volcanique et quelques autres îles, qu'il nomma Rook, Couronne, Rich, et un volcan, l'Ile Brûlante, et reconnut enfin celles de Schouten. Gouvernant encore à l'ouest, il quitta ces parages en passant à la hauteur des îles Missory et Providence. En 1705, le petit navire hollandais le Geelwink explora en détail la grande baie qui reçut son nom; mais comme il n'est resté aucun document précis sur cette campagne, le savant Fleurieu plaça la baie reconnue, à plus de deux cents lieues a l'est de sa position réelle. En 1705 encore, Funnel, capitaine anglais, vit quelques parties de la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée, sans avoir aucune communication avec les habitants. Carteret vit la côte septentrionale. Dans la partie méridionale à peu près inconnue, Edwards découvrit le cap Rodney. La Papouasie fut encore négligée jusqu'en 1768. En cette année, Bougainville approcha des terres, vers l'endroit où le capitaine d'Urville a placé la baie Humboldt, et les prolongea à une distance considérable. Cook à son tour, en 1770, en fit autant pour la côte méridionale, qu'il aborda aux environs du cap Walsh. Il voulut débarquer; mais les naturels, placés en embuscade, lui envoyèrent leurs javelines, et, en outre, plusieurs d'entre eux lancèrent, avec une sorte de canon ou de canne creuse, des feux dont personne ne put soupçonner ni l'usage ni la nature; seulement, à une certaine distance, les décharges ressemblaient entièrement à celles d'armes à feu, sauf le bruit (*). Les insulaires, selon Cook, ressemblaient aux naturels de la Nouvelle-Hollande, à cela près qu'ils lui parurent d'un teint beaucoup moins foncé. Le navigateur anglais fut le premier à relever quelques détails précis sur la partie méridionale de la Nouvelle-Guinée, quoique, d'après son aveu, elle eût dù être visitée en des siècles antérieurs par des Espagnols, des Hollandais et des Portugais, qui tous avaient gardé le silence sur leur decouverte. En 1774, le capitaine Forrest vint des Moluques, sur un koro-koro malai, pour prendre quelques plants de muscadier sur la partie occidentale de la Nouvelle-Guinée. Il entra dans le havre de Dori, et fut le premier qui recueillit des documents authentiques sur la Papouasie. Le Northumberland, vaisseau de la Compagnie des Indes, commandé par le capitaine Rees, allant en Chine dans la mousson contraire, relâcha le 30 mars 1783, dans une baie de la côte (*) Hawkesbury account, t. I, p. 608. |