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JACQUES DE MOLAY, GRAND MAITRE DES TEMPLIERS ET SES CHEVALIERS

BRULES VIFS PAR ORDRE DE PHILIPPE LE BEL.

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CHAPITRE VII

De Sodome à Gomorrhe, par le Temple

Tout le monde sait ce que fut, au moyen âge, l'ordre des Templiers militaire et religieux, fondé en 1118 par Hugues de Payns et huit autres chevaliers français, compagnons de Godefroy de Bouillon. Il comprenait quatre grades les chevaliers, les écuyers, les frères lais et les prêtres chapelains. Les Templiers formèrent en Orient l'avant-garde des armées chrétiennes ; ils faisaient vou de pauvreté, d'obéissance et de chasteté. Mais comme il arrive toujours, dans le cas où un ordre religieux prospère, surtout s'il est mendiant, les Templiers constituèrent bientôt l'ordre le plus riche de la chrétienté. Les donations en argent, en terres et en châteaux affluaient, et l'ordre devint un grand propriétaire terrien. Dans tous les pays d'Europe, les Templiers étaient si riches qu'ils furent à plusieurs reprises les banquiers, prêtant à fonds perdus, des papes, des rois, des princes et même des particuliers. Leurs temples, véritables forteresses, dont il subsiste de nombreux spécimens, renfermaient leurs richesses et affirmaient leur puissance. Des légendes se formèrent sur leur avidité et leur immoralité;

on disait alors « boire comme un templier », « jurer comme un templier »>, paillarder comme un templier ».

Or, en pleine prospérité de l'ordre du Temple régnait le roi Philippe le Bel à Paris, et à Rome pontifiait le pape Clément V. C'étaient des hommes capables de s'entenare. Le pape estimait n'avoir amais assez de trésors dans ies caves du Vatican. Quant au roi de France, il était désespérément à court d'argent pour parer aux continuelles et écrasantes dépenses de sa longue guerre contre les Flandres. Il avait imposé de si lourdes taxes, que certains de ses sujets se révoltaient. Et il usait de subterfuges tels qu'il a mérité le surnom de Faux-Monnayeur. Il ne lui restait que peu de ressources et encore moins de scrupules. Le flot des confiscations dans le Languedoc commençait à tarir; d'autre part, les sommes énormes, que ces confiscations avaient fournies au trésor royal pendant plus d'un demi-siècle, enseignaient le profit d'une habile campagne contre l'hérésie.

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Philippe venait précisément de mener à bien une opération financière analogue à celle qu'il allait tenter contre les Templiers; il avait arrêté tous les juifs du royaume, les avait dépouillés de leurs biens et bannis ensuite sous peine de mort. Un mémoire touchant des projets à l'étude, conservé encore aujourd'hui dans le Trésor des Chartes, montre qu'il comptait bénéficier de même des biens confisqués aux Templiers.

En 1306, Philippe le Bel fit savoir à Clément V qu'il avait à lui parler de choses d'importance.

Les courriers n'étant jamais assez sûrs; et, au surplus, des explications par voie épistolaire étant lentes, difficiles et sujettes à des indiscrétions, le

roi pria le pape de se rendre à Lyon, où il irait luimême, et où ils pourraient conférer de manière à se mettre d'accord rapidement, sans que personne pût divulguer le sujet de leur conversation et, il l'espérait bien, de leur alliance.

Clément V consentit, et le pape et le roi se rencontrèrent en effet à Lyon.

Il ne s'agissait de rien moins que d'anéantir l'ordre du Temple, de s'emparer de ses richesses et d'en faire deux parts, l'une pour le pape, l'autre pour le roi. Clément V entra, saisi d'enthousiasme, dans les vues de Philippe IV; ils dressèrent ainsi le plan de leur crime : une accusation d'hérésie et d'immoralité sera intentée par le roi contre les chevaliers du Temple; et le pape évoquera, comme il en a le droit, le jugement de cette affaire. Les deux complices se mirent d'accord sur le choix des prétextes dont ils se serviraient pour écraser les Templiers et sur le rôle qu'ils prendraient l'un et l'autre dans ce complot.

Jacques de Molay, grand maître de l'ordre, était alors à Limisso où il préparait une expédition contre les Sarrasins, afin, disait-il, de venger les échecs des armées chrétiennes : c'était plutôt l'espoir d'y gagner de nouveaux butins qui l'alléchait. Il fallait l'attirer en France.

Clément V s'en chargea; il lui écrivit :

<< Nous allons faire prêcher une nouvelle croisade. Les rois de Chypre et d'Aragon nous réclament des secours pour la Terre Sainte. Nous vous ordonnons de venir en France très secrètement pour en délibérer avec nous et avec le grand maître des Hospitaliers, auquel nous adressons le même ordre qu'à vous. Apportez les sommes nécessaires à l'équipement d'une armée très nombreuse. Nous confé

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