EDMOND CAZAL = Histoire Anecdotique de l'Inquisition en Italie et en France De Simon de Montfort aux Borgia ÉDITION ORNÉE DE NOMBREUSES ILLUSTRATIONS DOCUMENTAIRES PARIS BIBLIOTHÈQUE DES CURIEUX 4, RUE DE FURSTENBERG, 4 MCMXXIV UNIVERSITY OF MICHIGAN LIBRARIES FR. McCreery 10-25 43 INTRODUCTION Brève Chronologie Dans l'Introduction à l'Histoire anecdotique de l'Inquisition d'Espagne, nous avons raconté succinctement l'origine et les débuts de l'Inquisition ou Saint-Office. Il importe de noter ici ce qui, dans ces origines et ces débuts, concerne particulièrement la France et l'Italie. L'Inquisition était, la plupart du temps, en collaboration et complicité avec le pouvoir royal, un organe de défense et d'attaque créé par la papauté et dont le premier tribunal fut fondé en 1208, dans la Gaule narbonnaise, par Arnaud Amaury, abbé de Citeaux et légat du pape Innocent III. Dominique de Guzman - qui devait être saint Dominique - et douze moines de son ordre composeront ce tribunal, chargé « de la recherche et de la punition de tous ceux qu'on peut appeler ennemis de l'Église catholique et romaine ». << Et Dominique installa ses frères, prêcheurs ou Dominicains, à Toulouse. Le quatrième concile de Latran décréta, en 1215, les premières lois de ce qu'on devait appeler le «< SaintOffice ». L'année suivante, le concile de Melun UNIVERSITY OF MICHIGAN LIBRARIES ordonna << d'enfumer toutes les cavernes où l'on pourrait croire que les hérétiques se seraient réfugiés ». << Le 22 décembre de la même année, le pape Honorius III approuva l'institut toulousain de Dominique; il écrivit à ses moines pour louer leur zèle et enflammer leur ardeur. « Quelques mois plus tard, le cardinal Bertrand, légat, arrivait en Languedoc. D'accord avec Dominique, il envoyait des frères prêcheurs et brûleurs à Aix, à Embrun, à Auch, à Narbonne. Enfin, dans un bref du 8 décembre 1219, Honorius III engageait l'épiscopat « à seconder ces moines de tout son pouvoir afin qu'ils puissent remplir l'objet pour lequel ils ont été envoyés ». Dominique, en même temps, sous le nom de Milice du Christ, créait les fameux « Familiers de l'Inquisition ». « Ces affiliés juraient de « poursuivre les hérétiques et d'assister les inquisiteurs dans l'exercice de leurs fonctions ». Le nombre de ces sbires augmenta à mesure que s'étendirent leurs privilèges. En 1232, Grégoire IX dressa un code que les conciles de Narbonne et de Béziers perfectionnèrent, tandis que Frédéric III, empereur d'Allemagne et roi de Sicile, publiait à Padoue une constitution, dans laquelle il déclarait prendre sous sa protection spéciale les frères prêcheurs et leurs aides et ordonnait à ses sujets de « dénoncer, d'arrêter et d'emprisonner les hérétiques ». << A cette constitution, cinq mois plus tard, il ajouta ceci « Tous les hérétiques indistinctement seront condamnés à la peine du feu ou à avoir la langue coupée si les évêques jugeaient à propos de leur faire grâce ». « On vit successivement Philippe-Auguste, roi de France, encourager les massacres que faisaient, des Albigeois, Dominique et Simon de Montfort; Louis VIII se mettra à la tête d'une armée qui prêtera main-forte aux inquisiteurs contre les hérétiques de Toulouse, de Foix, de Béziers, du Béarn et de Carcassonne; la reine Blanche, régente du royaume et tutrice de son fils Louis IX, obéir aux ordres du pape Grégoire et encourager l'Inquisition; Louis IX, devenu majeur, faire ses premiers pas vers la canonisation en essayant de donner une forme stable à l'Inquisition de France et en choisissant, pour Grands-Inquisiteurs du royaume, le Prieur des Cordeliers de Paris et le Provincial des Dominicains. << En même temps, le pape Innocent IV accordait aux frères prêcheurs des privilèges nouveaux et une extension considérable de leurs pouvoirs. << Son successeur Alexandre IV, « appréciant le zèle avec lequel les fils de Saint-Dominique poursuivaient les hérétiques », décréta que, désormais, il n'y aurait pas d'autres inquisiteurs qu'eux, ce qui navra les Franciscains, aussi zélés que les Dominicains pour la besogne inquisitoriale. » En Italie, l'Inquisition suivait une marche parallèle, et tout de suite elle fut un instrument de règne « temporel » pour le Saint-Siège, une arme au service du parti guelfe contre le parti gibelin. De l'an 1198, où fut élu pape le cardinal Lothaire Conti, âgé de trente-sept ans, véritable fondateur de l'Inquisition catholique, jusqu'au milieu du xve siècle, une confusion s'établit ainsi en Italie entre la foi et la politique. Les destinées de l'Inquisition furent, dès lors, liées à celles du parti guelfe et oscillèrent en même temps. La conquête du |