rien de plus utile à leur instruction que de joindre aux exemples des siècles paflés les expériences qu'ils font tous les jours. Au lieu qu'ordinairement ils n'apprennent qu'aux dépens de leurs sujets & de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent: par le secours de l'Histoire", eils forment leur jugement sans rien hafarder sur les événemens passés. Lorsqu'ils voient jusqu'aux vices les plus cachés des Princes, malgré les fausses louanges qu'on leur donne pendant leur vie, exposés aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joie que leur cause la flatterie, & ils connoissent que la vraie gloire ne peut s'accorder qu'avec le mérite. D'ailleurs, il feroit honteux, je ne dis pas à un Prince, mais en général à tout honnête homme, d'ignorer le genre humain, & les changemens mémorables que la suite des temps a faits dans le monde. Si l'on n'apprend de l'Histoire à diftinguer les temps, on représentera les hommes sous la loi de nature ou fous la loi écrite, tels qu'ils font sous la loi évangélique; on parlera des Perses vaincus sous Alexandre, comme on parle des Perses victorieux sous Cyrus; on fera la Grece aussi libre du temps de Philippe que du temps de Thémistocle ou de Miltiade; le Peuple Romain aussi fier sous les Empereurs que sous les Contuls; l'Eglise aussi tranquille sous Dioclétien que fous Conftantin; & la France, agitée de guerres civiles du temps de Charles IX & de Henri III, aufli puissante que du temps de Louis XIV, où réunie sous un si grand Roi, seule elle triomphe de toute l'Europe. C'est, MONSEIGNEUR pour éviter ces inconvéniens que vous avez lu tant d'Histoires anciennes & modernes. Il a fallu avant toutes choses vous faire lire dans l'Ecriture l'Histoire du Peuple de Dieu, qui fait le fondement de la Religion. On ne vous a pas laissé ignorer l'Histoire Grecque ni la Romaine; &, ce qui vous étoit plus important, on vous a montré avec foin l'Histoire de ce grand Royaume ume que vous êtes obligé de rendre heureux. Mais de peur que ces. Hiftoires & celles que vous avez encore à apprendre ne se confondent dans votre esprit, il n'y a rien de plus nécessaire que de vous représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des fiecles. Cette maniere d'Histoire universelle est, à l'égard des Histoires de chaque Pays & de chaque Peuple, ce qu'est une Carte générale à l'égard des Cartes particulieres. Dans les Cartes particulieres vous voyez tout le détail d'un Royaume, ou d'une Province en elle-même : dans les Cartes universelles vous apprenez à fituer ces parties du monde dans leur tout; vous voyez ce que Paris ou l'île de France eft dans le Royaume, ce que le Royaume est dans l'Europe, & ce que l'Europe est dans l'Univers. Ainsi, les Histoires particulieres représentent la suite des choses qui font arrivées à un Peuple dans tout leur détail; mais, afin de tout entendre, il faut savoir le rapport que chaque Histoire peut avoir avec les autres; ce qui se fait par un abrégé où l'on voit, comme d'un coup d'œil, tout l'ordre des temps. Un tel abrégé, MONSEIGNEUR, VOUS propose un grand spectacle. Vous voyez tous les fiecles précédens se développer, pour ainfi dire, en peu d'heures devant vous : vous voyez comme les Empires se succedent les uns aux autres, & comme la Religion dans ses différens états se soutient également depuis le commencement du monde jusqu'à notre temps. C'est la fuite de ces deux choses, je veux dire celle de la Religion & celle des Empires, que vous devez imprimer dans votre mémoire; & comme la Religion & le Gouvernement politique font les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses, renfermé dans un abrégé, & en découvrir par ce moyen tout l'ordre & toute la suite, c'est comprendre dans sa pensée tout ce qu'il y a de grand parmi les hommes, & tenir pour ainsi dire le fil de toutes les affaires de l'Univers. Comme donc, en considérant une Carte universelle, vous sortez du pays où vous êtes né, & du lieu qui vous renferme, pour parcourir toute la terre habitable, que vous embrassez par la pensée avec toutes ses mers & tous ses pays; ainfi, en considérant l'abrégé chronologique, vous fortez des bornes étroites de votre âge, & vous vous étendez dans tous les fiecles. Mais de même que, pour aider sa mémoire dans la connoissance des lieux, on retient certaines villes principales, autour desquelles on place les autres, chacune felon la distance; ainfi, dans l'ordre des fiecles, il faut avoir certains temps marqués par quelque grand événement, auquel on rapporte tout le reste. C'est ce qui s'appelle époque, d'un mot grec qui signifie s'arrêter, parce qu'on s'arrête là pour confidérer comme d'un lieu de repos tout ce qui est arrivé devant ou après, & éviter par ce moyen les anachronismes, c'est-à-dire, cette forte d'erreur qui fait confondre les temps. Il faut d'abord s'attacher à un petit nombre d'epoques, telles que font, dans les temps de l'Hiftoire ancienne, Adam, ou la Création; Noé, ou le déluge; la vocation d'Abraham, ou le commencement de l'alliance de Dieu avec les hommes; Moïse, ou la Loi écrite; la prise de Troie; Salomon, ou la fondation du Temple; Romulus, ou Rome bâtie; Cyrus, ou le Peuple de Dieu délivré de la captivité de Babylone; Scipion, ou Carthage vaincue; la naitfance de Jesus-Chrift; Constantin, ou la paix de l'Eglife; Charlemagne, ou l'établissement du nouvel Empire. Je vous donne cet établissement du nouvel Empire sous Charlemagne, comme la fin de PHitoire ancienne, parce que c'est là que vous verrez finir tout-à-fait l'ancien Empire Romain. C'est pourquoi je vous arrête à un point fi considérable de i'Histoire universeile. La fuite vous en sera propofée dans une feconde partie, qui vous menera jusqu'au fiecle que nous voyons illustré par les actions immortelles du Roi votre père, & auquel l'ardeur que vous témoignez à suivre grand exemple, fait encore espérer un nouveau luftre. un fi Après vous avoir expliqué en général le deffein de cet Ouvrage, j'ai trois choses à faire pour en tirer toute l'utilité que j'en espere. Il faut premièrement que je parcoure avec vous les époques que je vous propose, & que vous marquant en peu de mots les principaux événemens qui doivent être attachés à chacune d'elles, j'accoutume votre esprit à mettre ces événemens dans leur place, fans y regarder autre chose que l'ordre des temps. Mais comme mon intention principale est de vous aire obferver dans cette suite des temps celle , 2 de la Religion & celle des grands Empires; après avoir fait aller ensemble, felon le cours des années, les faits qui regardent ces deux chofes, je reprendrai en particulier, avec les réflexions nécessaires, premièrement ceux qui nous font entendre la durée perpétuelle de la Religion, & enfin ceux qui nous découvrent les causes des grands changemens arrivés dans les Empires. Après cela, quelque partie de l'Histoire ancienne que vous lisiez, tout vous tournera à profit. Il ne passera aucun fait dont vous n'apperceviez les conféquences. Vous admirerez la fuite des confeils de Dieu dans les affaires de la Religion : vous verrez auffi l'en. chaînement des affaires humaines; & par-là vous connoîtrez avec combien de réflexions & de prévoyance elles doivent être gouvernées. PREMIERE PARTIE DE CE DISCOURS. Les Epoques, ou la suite des temps. LA Epoque. A premiere époque vous présente d'abord Adam,ou la un grand spectacle: Dieu qui crée le ciel & la Création. terre par sa parole, & qui fait l'homme à fon monde image. C'est par où commence Moyse, le plus ancien des Historiens, le plus fublime des Phi 1. Age du Ans Ans losophes, & le plus sage des Législateurs. du devant Il pose ce fondement, tant de son Hiftoire 40c4. que de fa doctrine & de ses Loix. Après il nows mond. J. C. 1, |