On donne le nom de phrase à une réunion de mots formant un sens complet. Une proposition est une phrase quand on n'a qu'une pensée à émettre; mais si la pensée qu'on veut produire a besoin de quelque développement, elle peut se composer de plusieurs propositions. Cicéron était un grand orateur, est une proposition et tout à la fois une phrase: elle est une proposition parce qu'elle est l'expression d'une pensée ou l'énonciation d'un jugement; et elle est une phrase parce qu'elle renferme un sens complet. Si l'on examine la phrase suivante : Si nous mettons en parallèle les beaux génies qui se sontillustrés, soit au Sénat, soit au Forum, par leurs belles harangues, dans les temps orageux de la République, nous serons obligés de convenir que Cicéron était le plus grand orateur de cette époque. On voit là une phrase, parce qu'il faut la comprendre dans toutes ses parties pour avoir le sens complet qu'elle renferme; mais chacune de ses parties est elle-même une proposition distincte, et aucune, sauf la dernière, ne présenterait un sens complet si elle était détachée de la phrase dont elle dépend. On appelle période la réunion de plusieurs phrases partielles dont l'ensemble forme un sens complet. Ainsi, de même que les propositions, en se liant les unes aux autres, forment une phrase; les phrases, à leur tour, forment un sens complet, plus étendu, qu'on appelle période. La période est donc l'enchaînement des phrases et des propositions liées entre elles par des conjonctions ou par le sens, et qui concourent ensemble au développement d'une même pensée. Le discours est l'assemblage de mots, de propopositions, de phrases, de périodes qu'on emploie pour exprimer sa pensée, pour exprimer ses idées. Or, la proposition étant l'unité du discours et l'expression d'une pensée, un discours ne peut être qu'une suite de pensées groupées les unes avec les autres. La construction grammaticale est encore soumise à quelques règles de syntaxe : 1o Les adjectifs se mettent avant ou après le substantif; c'est l'oreille et l'usage qui décident ordinairement. 2o Deux adjectifs peuvent avoir un complément commun; mais pour cela il faut qu'ils exigent la même préposition. Ce père est utile et cher à sa famille. En effet, on dit: utile d, cher à. Mais donner un complément unique à deux adjectifs qui exigent une préposition différente, ce serait établir un rapport vicieux; on ne dira donc pas : Ce père est utile et chéri de sa famille, parce que utile veut à et chéri veut de. 3o Tout verbe employé à un mode personnel doit avoir un sujet. La religion veille sur les crimes secrets; les lois veillent sur les crimes publics. (Voltaire). 4o De même tout sujet doit avoir un verbe. L'orgueil n'aveugle pas ceux que l'honneur éclaire. 5o Le sujet d'un verbe ne doit pas être exprimé deux fois quand un seul suffit au verbe. Expl. Cette femme que vous accusez, elle est innocente. 6° Un verbe ne peut avoir deux compléments directs; aussi a-t-on blâmé ce vers de Racine: Ne vous informez pas ce que je deviendrai. Dans lequel vous et ce figurent comme compléments directs du verbe informer. La grammaire exige: Ne vous informez pas de ce que je deviendrai, et alors informez n'a plus pour complément direct que vous, de ce étant complément indirect. Cette règle souffre exception quand les compléments directs sont exprimés par forme d'énumération comme dans cet exemple: Il faut régler ses goûts, ses travaux, ses plaisirs. 7. Un verbe ne peut avoir deux compléments indirects pour exprimer le même rapport; ce serait exprimer le même rapport que de dire: C'est à vous à qui je veux parler; c'est pour vous pour qui je travaille; c'est en cela en quoi j'espère. Il faut dire : C'est à vous que je veux parler; c'est pour vous que je travaille; c'est en cela que j'espère. 8o Il ne faut pas donner à un verbe un autre complément que celui qu'il exige, c'est-à-dire qu'il faut éviter avec soin de donner au verbe un complément direct quand il demande un complément indirect. Ne dites donc pas: Ils se sont nui l'un l'autre, ils se sont parlé l'un l'autre. Dites: ils se sont nui l'un à l'autre, ils se sont parlé l'un à l'autre. En effet, nuire et parler demandent un complément indirect, car on dit: nuire à quelqu'un, parler à quelqu'un. Ne dites pas non plus : Je leur ai empêché de venir, je m'en rappelle, je me rappelle de ce jour, mais dites: Je les ai empêchés de venir, je me le rappelle, je me rappelle ce jour. En effet, on dit: empêcher quelqu'un et non à quelqu'un, etc. 9° Quand deux verbes ne veulent pas le même complément, c'est-à-dire quand l'un veut un complément direct et l'autre un complément indirect, il faut donner à chacun le complément qui lui convient. Ne dites donc pas : Il attaqua et s'empara de la ville; Dieu préside et ordonne le mouvement des astres; il vaut mieux mépriser que de se venger d'une injure. Dites: il attaqua la ville et s'en empara. Dieu préside au mouvement des astres et les ordonne; il vaut mieux mépriser une injure que de s'en venger. 10° La même règle a lieu lorsque deux verbes exigent des compléments indirects marqués par des prépositions différentes. Ainsi ne dites pas: Cherchez partout dans et hors de la maison. Il a parlé dans la même séance contre et en faveur duprojet de loi. Il faut dire: Cherchez partout dans la maison et hors de la maison; il a parlé pour et contre la loi ou contre la loi et en sa faveur. 11° Quand un verbe a deux compléments de nature différente, c'est-à-dire l'un direct et l'autre in direct, le plus court se place le premier. Exemples: Le malheur ajoute un nouveau lustre à la gloire des grands hommes; les hypocrites parent des dehors de la vertu les vices les plus honteux et les plus décriés. 12o Si les compléments sont d'égale longueur, le complément direct se place le premier. Exemples : Les enfants sacrifient l'avenir au présent. L'avare sacrifie l'honneur à l'intérêt. 13o Lorsque le complément d'un verbe renferme plusieurs parties unies par une des conjonctions et, ni, ou, ces parties doivent être exprimées par des mots de même espèce, c'est-à-dire qu'alors les conjonctions et, ni, ou ne doivent unir qu'un substantif à un substantif, un verbe à un verbe, une proposition à une proposition. De là les phrases suivantes sont incorrectes : Il aime le jeu et à étudier; ils se plaisent au spectacle et à se promener; il faut: il aime le jeu et l'étude; ils se plaisent au spectacle et à la promenade. Il résulte de ce qui précède que la construction grammaticale est l'arrangement des mots dans le discours, suivant les règles de la grammaire. Mais tout ne se passe pas toujours ainsi dans l'énonciation de la pensée: la vivacité de l'imagination, l'impatience de l'esprit, le désir d'être plus concis, plus énergique, plus clair, plus abondant ou plus harmonieux, font souvent qu'on s'écarte de la marche que nous venons de tracer, soit par la sup |