permette de continuer l'exploitation de mon industrie, et de me vouer tout entier à l'allégement de leurs pertes. Péniblement affecté de cette démarche, je viens vous prier d'assister, soit par vous ou par un fondé de pouvoirs, à l'assemblée de mes créanciers, qui aura lieu le 10 de ce mois, chez M. T..., qui, gravement compromis lui-même, me conserve son estime et sa confiance. Dans cette réunion, ie vous ferai connaître toutes les ressources de mon actif, et soyez convaincu, monsieur, que je ferai tout ce qui me sera humainement possible de faire pour diminuer le préjudice que je vais involontairement vous causer. Je prendrai à tâche d'exécuter, avec la plus grande ponctualité, les promesses que je vous ferai; et j'espère, par mon travail, mon zèle et ma persévérance, vous indemniser intégralement un jour. Recevez, monsieur, l'expression de mon entier dévouevouement. Mon Ami, Même sujet. Vous avez connu tous les malheurs qui m'ont accablé depuis cinq ans; je vous ai vu souvent m'encourager contre l'infortune et vos conseils n'ont pas peu contribué à soutenir mon courage que tant de revers devaient enfin abattre. En me raidissant ainsi contre le malheur même, j'espérais mieux, je l'avoue, de l'avenir; mais la banqueroute si étrangement frauduleuse du sieur B... met le comble à tous mes maux et jette le désespoir dans mon cœur. Mes facultés sont épuisées; j'ai fait, pour me soutenir, tout ce qui est humainement possible, et tout ce que la probité la plus scrupuleuse a pu me suggérer. En présence de tant de malheurs, il ne m'est plus possible de résister. Les termes me manquent, mon ami, pour vous exprimer combien mon sort est affreux. Les personnes qui connaissent mon zèle et ma sévère exactitude à remplir mes engagements, sauront apprécier les revers qui m'accablent. Ce qui augmente ma douleur, c'est que vous et mes amis deviez aussi en souffrir. Je dois à MM. Aubert et Benoit, de votre ville, des sommes considérables. Prêtez-moi votre appui près d'eux; sollicitez leur indulgence en ma faveur. Je dois convoquer mes créanciers pour le 25 courant, et l'influence de ces messieurs aura une grande importance sur l'atermoiement que je me propose de demander. Vos sentiments nobles èt généreux vous feront sentir toute l'étendue du service que réclame de vous votre malheureux ami que la fatalité poursuit. Adieu. J'attends votre réponse. Nota. - Quand on se trouve dans la triste nécessité de faire à ses créanciers l'aveu de son impuissance à remplir ses engagements, et dans la cruelle obligation de leur demander du temps ou une certaine diminution ou remise sur sa dette, il convient de prendre dans ces lettres, pénibles et douloureuses, un langage simple, sincère et naturel, sans, par un ton pathétique, chercher à attendrir ou émouvoir les créanciers qui, atteints dans leurs intérêts et préoccupés de leur propre malheur, sont presque toujours insensibles à celui des autres. Après avoir exposé avec franchise et sans réserve les revers et échecs auxquels on attribue sa chute, il faut proposer le remède et présenter les arrangements qu'on a jugés convenables, en s'appliquant à faire ressortir leur efficacité, non au point de vue du débiteur, mais dans l'intérêt seul du créancier. Un commerçant annonce qu'il va cesser ses Monsieur, Une lettre, que j'ai reçue hier d'un de mes correspondants de Mâcon, m'apporte l'avis accablant de la faillite de la maison C. J. et Compagnie de cette ville, faillite dans laquelle je suis gravement compromis. Jusqu'icl j'avals pu supporter plusieurs pertes assez considérables; mais cette dernière me réduit à la cruelle nécessité d'arrêter mes paiements. Si, dans des conditions aussi critiques, qui, je le vois, me réduisent à l'impuissance, je continuais plus longtemps à travailler, ce serait, à dessein, dilapider mon actif et abuser de la confiance de mes créanciers. J'ai eu trop de conflance en la solidité de la maison dont la chute entraîne la mienne. Je me suis trompé, et Je suis cruellement puni; mais ce qui m'afflige et ajoute à mes peines, c'est de voir que les intérêts de mes amis doivent en souffrir. J'ai convoqué tous mes créanciers à l'effet de se trouver, le 10 courant, chez M. H... Je mettrai sous leurs yeux le bilan de ma situation et leur donnerai tous les éclaircissements qu'ils exigeront. Après quoi ils pourront prendre, en toute connaissance de cause, le parti le plus convenable à leurs intérêts. Je me soumettrai scrupuleusement à leur décision. J'ai la confiance, monsieur, que vous prendrez part à mon malheur, et que vous ne ferez aucun obstacle à un arrangement qui pourrait concilier nos intérêts réciproques. Recevez, monsieur, l'assurance de toute ma considération. Réponse à la lettre précédente. Monsieur, Je ne saurais vous exprimer toute ma surprise à la lecture de votre lettre du 10 courant, qui m'apprend ce que j'étais loin de soupçonner. Je désire vivement que la part que je prends à votre malheur puisse en adoucir l'amertume. Je connais les dangers auxquels le commerçant le plus habile et le plus prudent est exposé, et quoique votre fåcheuse position mette mes intérêts en péril, mon opinion sur votre compte sera la même, c'est-à-dire qu'en perdant votre fortune vous n'avez perdu ni mon estime ni ma confiance. Je vous ai considéré comme un négociant intègre et je suis convaincu qu'un homme de votre caractère peut bien devenir malheureux, mais jamais improbe ni incapable. Soyez tranquillle, votre exacte probité parle pour vous, et votre réputation, je l'espère, restera intacte, C'est vous dire que je suis tout disposé à vous laisser à la tête de vos affaires. Gérez votre actif pour le mieux de nos intérêts, et croyez qu'il ne dépendra pas de moi que, dans la réunion où je tiens à aller moi-même, tous les autres créanciers ne suivent mon exemple et ne vous témoignent, en cette circonstance grave, la confiance dont je vous crois digne. Je me suis entretenu de votre position avec MM. A... et B..., et je puis vous annoncer qu'ils partagent mes sentiments à votre égard. |