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Acte de Didon étoit le plus foible, est-ce un reproche ? S'il est clair & bien exposé, fi dès le second l'intérêt va en croiffant jusqu'à la fin, n'a-t-on pas rempli l'une des premières loix de l'Art Dramatique ? C'est dans cet Acte cependant qu'on trouve l'air de Didon: Vaines frayeurs, & celui, ni l' Amante ni la Reine. Le second offre une foule de morceaux fur lesquels nous pourrions nous arrêter; mais le peu d'espace nous permet peu de détails. Si nous citons le bel air d'Enée: Plaignez un Roi, plaignez un père, c'est qu'on en a critiqué les répétitions; c'est, à ce qu'il nous semble, connoître peu les procédés de la Musique: sans répétitions on fait du récitatif ou une simple cavatine; mais lorfque le Poëte a conduit son Personnage jusqu'à un fentiment sur lequel il puisse s'arrêter, il est tout naturel que le Compositeur en développe toutes les parties, & insiste davantage sur celles dont le Personnage est le plus vivement affecté. C'est le propre de la passion de répéter les choses qui la meuvent, & la Mufique n'a aucune convention plus d'accord avec la Nature. Nous devons remarquer encore avec quel art est faite la Scène entre Iarbe & Didon. Comme l'ironie y est bien sentie, lorsque Didon, qui se croit sûre d'Énée, veut le justifier aux yeux de ce Roi! L'air d'Iarbe n'annonce pas moins de génie. La première partie : Je veux les voir réduire en sendre, annonce toute la fureur dont il est possédés dans la seconde cette fureur se concentre par fon propre excès; ce n'est plus l'explosion de la menace, il se plaît à insister lentement sur l'image du. désastre qu'il se croit prêt de causer: je veux qu'errant fur le rivage, &c. & ce n'est qu'après s'être bien rassafié de cette idée qu'il peut se livrer à de nouveaux éclats. Le chœur contrasté qui suit eft peut-être la plus belle conception lyrique qui exifte å ce Théâtre. Si les Spectateurs veulent bien confidé.

rer qu'ils ne sont point dans une salle, mais dans la place immense de Carthage, où Didon & Énée, séparés l'un de l'autre, pouvoient se voir, mais non s'entendre; l'objection ridicule que nous avons entendu faire contre l'àparte des Troyens n'existera plus. Un morceau dans un autre genre aussi beau que ce dernier, est le duo entre Énée & Didon qui finit en trio par l'intervention d'Élife. Quel chant flatteur & sensible! quelle richesse d'harmonie ! quelle vérité de dialogue & d'expression ! Ce morceau fur-tout doit prouver que les formes Italiennes sont souvent plus favorables qu'on ne le pense à la marche dramatique que nous exigeons. Le chœur qui termine cet Acte est de l'effet dramatique le plus grand & le mieux conçu. Au troisième Acte, un air dont le motif est aussi neuf que piquant, nous paroît de la plus grande beauté. C'est celui: Hélas! pour nous il s'expose. Ce vers sur-tout: D'effroi je me fens mourir, nous paroît d'une vérité frappante. Ce n'est pas la mort que le Musicien a voulu peindre, mais l'effroi mortel de Didon; & quel sentinent plus que la crainte est propre à éteindre, à étouffer la voix ? Le chœur des Prêtres de Pluton, qu'on a fi ridiculement comparé à celui d'Atys; & la Scène de fureur de Didon, & ses imprécations si bien exprimées par une progreffion chromatique d'harmonie, & l'idée si simple & fi juste du Compositeur de n'avoir pas voulu faire un morceau à prétention après que Didon est morte, & que tout intérêt est fini, mais un morceau tumultueux & court qui peint le désordre du peuple; toutes ces beautés prouvent, à ce que nous croyons, non-feulement un grand génie musical, mais encore un grand talent dramatique. Les ennemis de M. Piccini n'ont pas manqué d'attribuer à Mme Saint-Huberty tout le succès de Didon. Nous sommes bien loin de vouloir rien diminuer de sa gloire; mais sa gloire ne confifte &

n'a pu consister qu'à rendre avec perfection les beau-
tés qui sont dans l'Ouvrage, & qu'elle n'en auroit
pu tirer fi les Auteurs ne les y avoient pas mises. Au
reste, le succès de Mile Maillard a répondu à cette
accusation.

RECUEIL de Romances & de Chansons, avec
accompagnement de piano-forté, par M. Küffner ;
Œuvres. Prix, 6 liv. A Paris, chez l'Auteur, à
l'hôtel du Bel-Air, près la grille de Chaillot, & Mme
Caftagnery, rue des Prouvaires.

Le grand talent de M. Küffner doit faire accueillir
favorablement tous ses Ouvrages. Il y a dans ces
Romances un choix de paroles extrêmement agréable.

Voyez, pour les Annonces des Livres, de la
Musique & des Estampes, le Journal de la Librai-
rie fur la Couverture.

TABLE.

JULIE,

ou le Triple Choix, Recueil de Plaidoyers, &c.

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J'AI

APPROBATΙΟΝ.

AI lu

par ordre de Mgr le Garde des Sceaux, le
Mercure de France, pour le Samedi 24 Avril. Je n'y
ai zien trouvé qui puifle en empêcher Limpreffion. A
Paris, le 23 Avril 1784. GUIDI.

nous fatisfait ait la préférence, & qu'il ne méglige rien pour se la procurer. - De maniere que le plus digne sera celui qui vous aura le plus abrutis. - Ah! M., le bon temps que celui des élections; il y aura 30 ans à Noël que je suis établi; je paie les droits, je suis bourgeois, j'ai voté pour 11 membres du Parlement, & graces à Dieu, il m'ont fait boire la bierre la plus exquise qui exifte dans les trois Royaumes; ils m'ont indemnifé par leurs présens de mes dépenses pour me faire recevoir bourgeois; ce font de dignes représentans - Oui, ils ont commencé par vous ôrer votre raison & yous mettre au niveau des bêtes; après cela ils ont aspiré à l'honneur de vous représenter. Mais dites-moi, je vous prie, à quoi vous servert ces reprétentans, après que vous les avez élus; car en conf cience, je ne vos pas à quoi vous imaginez qu'ils peuvent vous être bons. A quoi ils font bons, M. eh! d'où venez-vous done? Sans eux, que deviendrions-nous? Dieu fait fi nous ne ferions pas écrasés par les Papistes & parles Presbytériens. -Et que croyez-vous qu'ils pourroient vous faire ? Bien du mal, M.; ils nous empêcheroient de porter des sabots & d'aller à l'Eglife.

C'est donc pour prévenir ces calamités que je vous ai vu vous casser la tête les uns aux autres. Soyez-en sûr, quo que je ne fois plus ce que j'ai été autrefois, je me battrai pour la vieille Angleterre, tant qu'une goutte de fang coulera dans mes veines; je soutiendrai ! Eglife de toutes mes forces contre les Presbytériens, qui font tous, comme vous le savez, des enfans de forciers; je le jure fur mon falut. Après certe pieuse exclamation, le vieillard me quitta pour aller, se joindre à la foule. Certe scene fingulere pouvoit m'amuser un instant; j'en ris d'abord; No. 17, 24 Avril 1784. h

mais elle devoit faire faire auffi des réflexions férieuses à un bon Angloiszélé pour le bien & la défense de fon pays. C'est ainsi que se conduit un peuple libre dans le moment le plus important de son miniftere, celui où il fait une portion de la légiflation, où il exerce une fonction publique dans laquelle il a une véritable autorité, il semble ignorer sa dignité, ses droits & les fuites de l'abus. On diroit qu'il n'est appellé aux élections que pour y boire; là naissent des haines souvent irréconciliables; on se bat pour foutenir le mérite du prétendant aux dépens duquel on a bu, & on fait le coup de poing par reconnoissance; souvent meme les combattans ne favent pas pour qui ils se battent, & on en a vu donner leur voix en désignant, non le nom du Candidat, mais celui de la taverne où l'on étoit défrayé à ses dépens: ils font tout cela pour un homme qui les achete, & qui peut les vendre, qui caresse ceux qu'il peut trahir, & qui, comme le renard de la fable, leur perfuade de le laiffer monter sur leurs épaules pour fortir du puits au fond duquel il les laissera. C'est ainfi que le peuple s'expose à l'oppreffion, en confiant son existence politique à un suppliant fervile qui le chargera de chaînes au lieu de le protéger.

-- La scene dont j'ai été témoin à.... peut donner une idée de celles qui se passent ailleurs. Les Electeurs font par-tout les mêmes. C'est au cabaret qu'ils s'occupent de leurs représentans, c'est Jorsqu'ils font ivres qu'ils vont donner leur voix. Les plus hupés ne font ni plus raisonnables ni plus judicious. Je connois un homme qui a de la fortune & un rang, qui ne parle & ne raisonne pas mieux. J'ai eu l'honneur de dîner avec ce bon Chevalier, il ya quelques jours; c'est réellement

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