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TENOX LIBRARY

NEW YORK

DES PERSES,

DES MACEDONIENS ET DES GRECS.

LIVRE QUINZIÈME.

J'AI

HISTOIRE D'ALEXANDRE.

AI déja remarqué que l'histoire d'Alexandre, contenue dans ce livre, renferme l'espace de douze ans et huit mois. Cet intervalle est court, mais renferme des événements si considérables et en si grand nombre, qu'on a de la peine à concevoir comment un seul homme a pu faire tant et de si grandes choses dans un si petit nombre d'années. Il avait formé encore bien d'autres desseins, car c'était un prince insatiable de gloire; mais une mort prématurée ne lui permit pas de les exécuter.

§ I. Naissance d'Alexandre. Incendie du temple d'Éphèse arrivé ce jour-là méme. Heureuses inclinations de ce prince. Il a pour mattre Aristote, qui lui inspire un goût merveilleux pour les sciences. Il dompte Bucéphale.

Alexandre naquit la première année de la 106 AN. M. 3648. olympiade.

Av. J.C. 356,

Plin. 1. 36, cap. 14.

Plut. in Vita

Alex. p. 665.

Val. Max.

1. 8, c. 14.

Le même jour précisément qu'il vint au monde, le fameux temple de Diane fut brûlé à Éphèse. On sait que ce temple était une des sept merveilles du monde. Il avait été bâti au nom et aux dépens de toute l'Asie Mineure. La construction en avait duré beaucoup d'années. Il avait de longueur quatre cent vingt-cinq pieds sur deux cent vingt de largeur. Il était soutenu par cent vingt-sept colonnes hautes de soixante pieds, qu'autant de rois avaient fait construire avec de grands frais 2, et par les plus habiles ouvriers, tâchant d'enchérir les uns sur les autres. Tout le reste du temple répondait à cette magnificence.

Hégésias de Magnésie 3, selon Plutarque, dit qu'il ne fallait pas s'étonner que ce temple eût été brûlé parce que ce jour-là Diane était occupée aux couches d'Olympias pour faciliter la naissance d'Alexandre. Réflexion, ajoute notre auteur, si froide 4, qu'elle aurait suffi à éteindre cet embrasement. Cicéron, qui attribue ce mot à Timée 5, le trouve fort bon. Je m'en étonne. La pente qu'il avait à la raillerie le rendait peut-être peu difficile sur ces sortes de traits.

Un nommé Érostrate avait mis le feu exprès à ce temple. Quand on lui donna la torture pour lui faire déclarer ce qui l'avait porté à faire cette action, il avoua que c'était pour se faire connaître dans la pos

1 Pline marque deux cent vingt ans; ce qui a peu de vraisemblance.

2 Dans les anciens temps chaque

ville presque avait son roi.

3 C'était un historien qui vivait du temps de Ptolémée, fils de Lagus.

4 Je ne sais si la réflexion de Plutarque n'est pas encore plus froide. 5 « Concinnè, ut multa, Timæus,

qui, quum in historia dixisset, quâ nocte natus Alexander esset, eâdem Dianæ Ephesiæ templum deflagravisse, adjunxit: minimè id esse mirandum, quòd Diana, quum in partu Olympiadis adesse voluisset, abfuisset domo. » (De Nat. Deor. lib. 2, n. 69.)

térité, et pour
immortaliser son nom en détruisant un
si bel ouvrage. Les états-généraux d'Asie crurent em-
pêcher qu'il n'y réussît en faisant un décret qui dé-
fendait de le nommer. Leur défense ne servit qu'à ex-
citer encore davantage la curiosité, presque aucun des
historiens de ce temps-là n'ayant manqué à rapporter
une extravagance si monstrueuse en appelant le cri-
par son nom.

minel

La passion dominante d'Alexandre, dès sa plus tendre jeunesse, fut l'ambition et une vive ardeur pour la gloire, mais non pour toute sorte de gloire. Philippe se piquait, comme un sophiste, d'éloquence et de beau langage, et il avait la vanité de faire graver sur ses monnaies les victoires qu'il avait remportées aux jeux olympiques à la course des chars. Ce n'était pas à quoi son fils aspirait. Ses amis lui demandant un jour s'il ne se présenterait pas aux mêmes jeux pour y disputer le prix, car il était très-léger à la course, il répondit qu'il s'y présenterait s'il devait avoir des rois pour antagonistes.

Toutes les fois qu'on lui apportait la nouvelle que son père avait pris quelque ville, ou gagné quelque grande bataille, loin de s'en réjouir avec tout le royaume, il disait d'un ton plaintif aux jeunes gens qui étaient élevés avec lui : Mes amis, mon père prendra tout, et ne nous laissera rien à faire.

Un jour, des ambassadeurs du roi de Perse étant arrivés à la cour pendant l'absence de Philippe, Alexandre les reçut avec tant d'honnêtetés et de politesse, et leur fit si bien les honneurs de la table, qu'ils en furent charmés; mais ce qui les surprit plus que tout le reste, c'est l'esprit et le jugement qu'il fit pa

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p. 739.

raître dans les divers entretiens qu'il eut avec eux. Il ne leur proposa rien de puéril, ni qui ressentît son âge, comme aurait été de savoir ce que c'était que ces jardins suspendus en l'air, qui étaient si vantés; ces richesses et ce superbe appareil du palais et de la cour du roi de Perse, qui faisaient l'admiration de Athen: 1. 12, tout le monde; ce platane d'or dont on parlait tant, et cette vigne d'or dont les grappes étaient faites d'émeraudes, d'escarboucles, de rubis, et de toutes sortes de pierres précieuses, sous laquelle on dit que le roi de Perse donnait souvent ses audiences aux ambassadeurs. Il leur fit des questions toutes différentes : quel chemin il fallait tenir pour arriver dans la haute Asie; quelle était la distance des lieux; en quoi consistait la force et la puissance des Perses; quelle place le roi prenait dans une bataille; comment il se conduisait à l'égard de ses ennemis, et comment il gouvernait ses peuples. Ces ambassadeurs ne se lassaient point de l'admirer, et, sentant dès-lors ce qu'il pouvait devenir un jour, ils marquèrent en un mot la différence qu'ils mettaient entre Alexandre et Artaxerxe', en se disant les uns aux autres: Ce jeune prince est grand 2, le notre est riche. C'est être réduit à bien peu de chose que de l'être uniquement à ses richesses, sans avoir d'autre mérite.

Un jugement si prématuré dans ce jeune prince n'était pas moins l'effet de la bonne éducation qu'il avait reçue, que de son heureux naturel. Il avait auprès de lui plusieurs maîtres chargés de lui apprendre tout

1 C'était Artaxerxe Ochus.

2 ὁ παῖς οὗτος, βασιλεὺς μέγας· ὁ δὲ ἡμέτερος, πλούσιος.

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