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vention de la vérité n'est-elle pas pour tout homme une intervention religieuse ? Il faut demander qu'on dise simplement je déclare. Il y a aussi une observation à faire sur la remise des fonds au trésor-royal d'ici à trois ans. Si le trésor-royal existe encore, il jouira alors d'une existence très-secondaire. Voilà les premières observations qu'une lecture très-rapide m'a permis de faire; j'en demande une seconde coupée à chaque article par des observations sur la rédaction. Je me résume : un ajournement entraveroit les dispositions du premier ministre des finances; nous pouvons accepter, sans prétendre borner nos travaux en ce genre à cette acceptation ».

Plusieurs membres manifestèrent leurs inquiétudes sur les inconvéniens à adopter ce plan sans discussion.

M. Brostaret demanda qu'il ne fût définitivement exécuté qu'après que le roi auroit accepté toutes les bases de la constitution. Mirabeau, en adoptant cette proposition, ajouta de nouvelles réflexions à celles qu'i avoit déjà présentées.

« Je ne peux pas penser qu'on cherche à nous faire tomber dans un piège que per

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sonne n'a tendu. Une partie du plan de M. Necker n'est pas décrétable, c'est celle des réformes. M. Necker sait très-bien qu'un ministre, quelque tranchant qu'il puisse être, n'a pas autant de puissance sur cet objet que l'assemblée nationale. Un ministre ne peut réussir, en pareille matière, à opposer aux obstacles une grande force; et cette force. ne peut se trouver que dans la volonté générale, que l'assemblée des représentans de la nation est seule en état d'exprimer. Bornons-nous à dire au peuple : voilà votre pis-aller; vous ne pouvez pas être plus mal que cela; vous pouvez être mieux que cela. Nous devons sanctionner la promesse de cette perspective, et voilà tout. La première partie des décrets proposés par le ministre nous fournit le préambule qui devra précéder les décrets contenus dans les deux autres; il faut charger le comité des finances de combiner avec M. Necker le projet de rédaction pour vous le soumettre ensuite; et vous devez décider que préalablement le président se retirera pardevers le roi, afin de présenter à son acceptation les divers articles arrêtés sur la constitution, et la déclaration des droits ».

L'assemblée adopta cette motion.

2 et 3 octobre. Mirabeau avoit été chargé d'une adresse aux comettans, pour leur exposer les motifs qui avoient déterminé l'assemblée à consentir une contribution momentanée.

A la première lecture qu'il fit de cette adresse (le 28 octobre) toute la salle retentit d'applaudissemens, et, dans un mouvement d'enthousiasme, on proposa de délibérer sur le champ; mais son auteur demanda qu'on voulût différer jusqu'au lendemain, parce qu'en la lisant il venoit d'y appercevoir beaucoup de taches qui s'étoient dérobées à lui jusqu'à ce moment, et qui devoient être effacées.

Le lendemain Mirabeau en fit une seconde lecture, elle n'excita pas moins d'enthousiasme que la veille; mais l'assemblée pensa ne devoir prendre une délibération sur cet ouvrage qu'après que le roi auroit accepté la déclaration des droits et les articles de la constitution.

Adresse aux commettans.

« Les députés à l'assemblée nationale sus

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pendent quelques instans leurs travaux pour exposer à leurs commettans les besoins de l'état, et inviter leur patriotisme à seconder des mesures réclamées au nom de la patrie en péril.

>> Nous vous trahirions si nous pouvions le dissimuler. La nation va s'élever à ses glorieuses destinées, ou se précipiter dans un gouffre d'infortunes.

>> Une grande révolution, dont le projet nous eût paru chimérique il y a peu de mois, s'est opérée au milieu de nous; mais accélérée par des circonstancesincalculables, elle a entraîné la subversiou soudaine de l'ancien systême, et sans nous donner le temps d'étayer ce qu'il faut conserver encore, de remplacer ce qu'il falloit détruire, elle nous a tout-à-coup environnés de ruines.

>>> En vain nos efforts ont soutenu le gouvernement; il touche à une fatale inertie. Les revenus publics ont disparu; le crédit n'a pu naître dans un moment où les craintes sembloient encore égaler les espérances. En se détendant, ce ressort de la force sociale a tout relâché, les hommes et les choses la résolution, le courage, et jusqu'aux vertus. Si votre concours ne se hâtoit de rendre

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au corps politique le mouvement et la vie, la plus belle révolution seroit perdue aussitôt qu'espérée; elle rentreroit dans le cahos d'où tant de nobles travaux l'ont fait éclore; et ceux qui conserveront à jamais l'amour invincible de la liberté ne laisseroient pas même aux mauvais citoyens la honteuse consolation de redevenir esclaves.

« Depuis que vos députés ont déposé dans une réunion juste et nécessaire toutes les rivalités, toutes les divisions d'intérêts, l'assemblée nationale n'a cessé de travailler à l'établissement des loix qui, semblables pour tous, seront la sauve-garde de tous; elle a réparé de grandes erreurs; elle a brisé les liens d'une foule de servitudes qui dégradoient l'humanité; elle a porté la joie et l'espérance dans le cœur des habitans de la campagne, ces créanciers de la terre et de la nature si long-temps flétris et découragés; elle a rétabli l'égalité des François trop méconnue, leur droit commun à servir l'état, à jouir de sa protection, à mériter ses faveurs; enfin, d'après vos instructions, elle élève graduellement sur la base immuable des droits imprescriptibles de l'homme une constitution aussi douce que la nature,

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