Dans la Mithridate. Préface de croyant pas (c'est M. Racine qui parle ainsi) pouvoir en égaler les graces. Je ne le lis jamais sans regretter la perte d'une infinité de bons mots de ce vieux langage, presque aussi énergiques que ceux de Plutarque. Nous laissons notre langue s'appauvrir tous les jours, au lieu de songer, à l'exemple des Anglais nos voisins, à découvrir des moyens de l'enrichir. On dit que nos dames, par trop de délicatesse, sont cause en partie de cette disette où notre langue court risque d'être réduite. Elles auraient grand tort, et devraient bien plutôt favoriser par leurs suffrages, qui en entraînent beaucoup d'autres, la sage hardiesse d'écrivains d'un certain rang et d'un certain mérite: comme ceux-ci, de leur côté, devraient aussi devenir plus hardis, et hasarder plus de nouveaux mots qu'ils ne font, mais toujours avec une retenue et une discrétion judicieuse. On a pourtant obligation à M. Dacier d'avoir substitué une nouvelle traduction des Vies de Plutarque à celle d'Amyot, et d'avoir mis par là beaucoup plus de personnes en état de les lire. Elle pouvait être plus élégante et plus travaillée; mais un ouvrage d'une si vaste étendue, pour être conduit à la dernière perfection, demanderait la vie entière d'un homme. ARRIEN. Arrien était de Nicomédie. Sa science et son éloquence, qui lui firent donner le titre de nouveau Xénophon, l'élevèrent dans Rome à toutes les dignités, jusqu'au consulat même. On peut croire que c'est le même qui gouverna la Cappadoce dans les dernières années d'Adrien, et qui repoussa les Alains. Il vécut à Rome sous Adrien, Antonin et Marc-Aurèle. Il était disciple d'Épictète, le plus célèbre philosophe de ce temps-là. Il avait fait en huit livres un ouvrage sur les Entretiens d'Épictète: nous n'en avons que les quatre premiers. Il avait composé encore beaucoup d'autres ouvrages. On a les sept livres qu'il a écrits sur les expéditions d'Alexandre: histoire d'autant plus estimable, qu'elle -part de la main d'un écrivain qui était en même temps - homme de guerre et bon politique. Aussi Photius lui donne-t-il la gloire d'avoir écrit mieux que personne la vie de ce conquérant. Ce critique nous a donné un - abrégé de celles des successeurs d'Alexandre, qu'Arrien avait aussi écrites en dix autres livres. Il ajoute que le - même auteur avait fait un livre sur les Indes: et on l'a encore, mais on en fait un huitième livre de l'histoire d'Alexandre. Il a fait aussi la description des côtes du Pont- Euxin. On lui en attribue une autre de celles de la mer Rouge, c'est-à-dire des côtes orientales de l'Afrique, et de celles de l'Asie jusqu'aux Indes. Mais il semble - qu'elle soit d'un auteur plus ancien, contemporain de Pline le naturaliste. ÉLIEN (CLAUDIUS ELIANUS). Élien était de Préneste, mais avait passé la plus grande partie de sa vie à Rome; c'est pourquoi il se dit lui-même Romain. Il a fait un petit ouvrage en quatorze livres, qui a pour titre Historiæ variæ, c'està-dire Mélange d'histoire; et un autre en dix-sept livres sur l'histoire des animaux. Nous avons un écrit en grec Écrit dans le dialecte ionique qui alors n'était plus en usage. - L. Lib. 12, epig. 24, et en latin sur l'ordre observé par les Grecs dans l'arrangement des armées, adressé à Adrien, et fait par un Élien. Tous ces ouvrages peuvent être du même auteur, qu'on croit être celui dont Martial loue l'éloquence dans une épigramme. APPIEN. Appien était d'Alexandrie. Il vivait du temps de Trajan, d'Adrien et d'Antonin. Il plaida quelque temps à Rome; puis il eut l'intendance du domaine des empereurs. Il écrivit l'histoire romaine, non tout de suite comme Tite-Live, mais faisant un ouvrage à part de chacune des nations subjuguées par les Romains, où il mettait, selon l'ordre du temps, tout ce qui regardait la même nation. Ainsi son dessein était de faire une histoire exacte des Romains, et de toutes les provinces de leur empire, jusqu'à Auguste: et il allait aussi quelquefois jusqu'à Trajan. Photius en compte vingt-quatre livres, et il n'avait pas néanmoins encore vu tous ceux dont Appien parle dans sa préface. Nous en avons aujourd'hui l'histoire des guerres d'Afrique, de Syrie, des Parthes, de Mithridate, d'Ibérie ou d'Espagne, d'Annibal; des fragments de celles d'Illyrie; cinq livres des guerres civiles au lieu des huit que marque Photius, et quelques fragments de plusieurs autres, que M. Valois a tirés des recueils de Constantin Porphyrogénète, avec des extraits semblables de Polybe et de divers autres historiens. Photius remarque que cet auteur aime extrêmement la vérité de l'histoire, et qu'il apprend autant qu'aucun autre l'art de la guerre: que son style est simple et sans superfluité, mais vif et animé. Dans ses harangues il donne d'excellents modèles de la manière dont il faut s'y prendre, soit pour redonner du courage à des soldats abattus, soit pour les adoucir quand ils s'emportent avec trop de violence. Il prend beaucoup de choses de Polybe, et copie souvent Plutarque. DIOGÈNE LAERCE. Diogène Laërce, ou de Laërte, a vécu sous Antonin, ou peu après lui. D'autres ne le mettent que sous Sévère et ses successeurs. Il a écrit en dix livres les Vies des philosophes, dont il rapporte avec soin les sentiments et les Apophthegmes. Cet ouvrage est fort utile pour connaître les différentes sectes des anciens philosophes. Le surnom de Laërte, qu'on a accoutumé de lui donner, marque apparemment son pays, qui pouvait être le château ou la ville de Laërte dans la Cilicie. On tire de ses écrits qu'après avoir bien étudié l'histoire et les dogmes des philosophes, il avait embrassé la secte des épicuriens, les plus éloignés de la vérité et les plus opposés à la vertu. DION CASSIUS (COCCEIUS OU COCCEIANUS). Dion était de Nicée en Bithynie. Il a vécu sous les empereurs Commode, Pertinax, Sévère, Caracalla, Macrin, Héliogabale, Alexandre, qui eurent toujours pour lui une grande considération, et lui confièrent les gouvernements et les postes de l'empire les plus importants. Alexandre le nomma pour être une seconde fois consul. Après ce consulat, il obtint la permission AN. J.C. 229. Suidas. Dio, 1.72, pag. 829. P. 917. d'aller passer le reste de sa vie en son pays, à cause de ses infirmités. Il a écrit en huit décades, c'est-à-dire en quatrevingts livres, toute l'histoire romaine, depuis la venue d'Énée en Italie jusqu'à l'empereur Alexandre. Il nous apprend lui-même qu'il employa dix ans à ramasser des mémoires de tout ce qui s'était passé depuis la fondation de Rome jusqu'à la mort de Sévère, et douze autres années à en composer l'histoire jusqu'à celle de Id. lib. 80, Commode. Il y joignit ensuite celle des autres empereurs avec le plus d'exactitude qu'il put jusqu'à la mort d'Héliogabale, et un simple abrégé des huit premières années d'Alexandre, parce qu'ayant été peu en Italie pendant ce temps-là, il n'avait pas pu si bien savoir comment les choses s'étaient passées. Photius remarque que son style est élevé, et proportionné à la grandeur de son sujet : que ses termes sont magnifiques, que sa phrase et son tour sentent l'antiquité : qu'il a pris Thucydide pour son modèle, qu'il l'imite excellemment dans sa manière de narrer et dans ses harangues, et qu'il l'a suivi presqu'en tout, sinon qu'il est plus clair. Cet éloge est bien favorable à Dion; mais je ne sais s'il ne passe pas un peu les bornes du vrai. Vossius dit, et Lipse avait pensé de même avant lui, qu'on ne peut pardonner à cet historien de n'avoir pas su estimer la vertu selon son prix, et d'avoir décrié les plus grands hommes de l'antiquité, comme Cicéron, Brutus, Cassius, Sénèque, soit par une malignité d'esprit, soit par une corruption de mœurs et de jugement. Le fait est constant; et, quoi qu'il en soit du motif, la chose en soi ne peut jamais lui faire d'honneur. |