des chaleurs de l'été ; et parce qu'elles s'étendaient | Parménion; mais il n'était plus temps de délibébien loin du côté de l'armée de Darius, ils cru- rer; on en était venu si avant, qu'il fallait ou rent que c'était les feux de son camp, et qu'ils vaincre ou mourir. Le grand nombre des enneétaient tombés imprudemment dans les corps de mis comparé à celui de ses troupes l'étonnait d'agarde avancés; de sorte que si Mazée, qui gar- bord; et après il venait à se rassurer, quand il se dait le passage, les fût venu charger là-dessus, remettait en mémoire combien de belles choses il ils ne pouvaient éviter de recevoir un grand échec; avait faites et combien de peuples il avait vainmais il se tint sans rien faire sur une hauteur qu'il cus avec cette poignée de gens. Ainsi l'espérance avait occupée, se contentant de n'être point atta- ayant surmonté la crainte, il jugea qu'il ne falqué. Alexandre voyant ce grand effroi de ses lait plus différer le combat, de peur que le désestroupes, leur commande de mettre les armes bas poir de ses soldats ne s'accrût, et, sans donner et de se reposer, leur remontrant que leur ter- aucun signe de son inquiétude, fait avancer la reur est vaine, et l'ennemi loin de là: tellement cavalerie des Péoniens soudoyés. Il avait, comme. qu'à la fin étant revenus à eux, ils reprirent tout j'ai dit, étendu sa phalange en deux ailes, couensemble armes et courage. On trouva pourtant vertes de la cavalerie. Cependant le brouillard qu'il n'y avait point de meilleur expédient pour étant tombé, un beau jour fit voir tout à découlors que de camper en ce même lieu et de se bien vert l'armée de Darius, et à cette vue les Macéretrancher. doniens, soit d'allégresse, ou ennuyés d'une si longue attente, jetèrent un grand cri comme des gens qui vont à la charge. Les Perses leur ayant répondu, remplirent d'un bruit effroyable les forêts et les vallons d'alentour, et l'on ne pouvait plus tenir les Macédoniens qu'ils ne courussent au combat. Toutefois Alexandre, trouvant plus à propos de se fortifier encore sur cette éminence, vé en moins de rien, il se retira dans sa tente, d'où il découvrait en plein toute l'armée ennemie. Le lendemain Mazée, qui s'était logé avec quelque cavalerie d'élite sur une haute colline, s'en retourna vers Darius, soit qu'il eût peur, ou qu'il n'eût été envoyé que pour faire la découverte. Les Macédoniens se saisirent aussitôt de ce poste, qui leur était plus avantageux et plus sûr que la plaine, et d'où ils pouvaient contempler le champ de bataille et l'ordonnance des enne-y fit faire des retranchements; et le travail achemis. Mais les brouillards répandus aux environs par l'humidité des montagnes ne laissaient voir les troupes qu'en gros, sans qu'on pût discerner distinctement les rangs, ni l'ordre dont elles étaient disposées. Cette multitude couvrait toute la campagne, et le bruit épouvantable et confus de tant de milliers d'hommes étourdissait même les plus éloignés. Ce fut alors que le roi, commençant un peu à rabattre de cette grande assurance qu'il avait toujours témoignée, se mit à balancer en lui-même tantôt son avis et tantôt celui de currente. Coli fulgor, tempore æstivo ardenti similis internitens, ignis præbuit speciem; flammasque ex Darii castris splendere, velut illati temere præsidiis, credebant. Quod si perculsis Mazaus, qui præsidebat itineri, supervenisset, ingens clades accipi potuit; nunc dum ille segnis in eo, quem occupaverat, tumulo sedet, contentus non lacessi, Alexander, cognito pavore exercitus, signum ut consisterent dari, ipsos arma deponere, ac levare corpora jubet : admonens, nullam subiti causam esse timoris; hostem procul stare. Tandem compotes sui pariter arma et animos recepere: nec quidquam ex præsentibus tutius visum est, quam eodem loco castra munire. Postero die Mazæus, qui cum delectis equitum in edito colle, ex quo Macedonum prospiciebantur castra, consederat, sive metu, sive quia speculari modo jussus erat, ad Darium rediit. Macedones eum ipsum collem, quem deseruerat, occupaverunt : nam et tutior planitie erat, et inde acies hostium, quæ in campo explicabatur, conspici poterat. Sed caligo, quam circa humidi effuderant montes, universam quidem rei faciem non abstulit: ceterum, agminum discrimina atque ordinem probibuit perspici. Multitudo inundaverat campos; fremitusque tot millium etiam XIII. Alors il voyait devant ses yeux l'image tout entière du péril où il s'allait engager: les hommes et les chevaux éclataient d'armes riches et superbes; l'action des chefs, courant çà et là par les rangs, montrait le soin qu'ils avaient de donner ordre à tout et d'encourager les troupes; et parmi cela plusieurs choses vaines et frivoles, comme le bruit des hommes et des chevaux, le son éclatant des trompettes, la lueur des armes procul stantium aures impleverat. Fluctuari animo rex, et modo suum, modo Parmenionis consilium sera æstimatione perpendere; quippe eo ventum erat, unde recipi exercitus, nisi victor, sine clade non posset. [Itaque, dissimulato eo, mercenarium equitem ex Pæonia præcedere jubet. Ipse phalangem, sicut antea dictum est, in duo cornua extenderat : utrumque cornu equites tegebant. Jamque nitidior lux, discussa caligine, aciem hostium ostenderat : et Macedones, sive alacritate, sive tædio exspectationis, ingentem, pugnantium more, edidere clamorem : redditus et a Persis nemora vallesque circumjectas terribili sono impleverat. Nec jam contineri Macedones poterant, quin cursu quoque ad hostem contenderent.] Melius adhuc ratus in eodem tumulo castra munire, vallum jaci jussit : strenueque opere perfecto, in tabernaculum, ex quo tota acies hostium conspiciebatur, secessit. XIII. Tum vero universa futuri discriminis facies in oculis erat: armis insignibus equi virique splendebant; et, omnia intentiore cura præparari apud hostem, solli. citudo prætorum agmina sua interequitantium ostendebat ; ac pleraque inania, sicut fremitus hominum, equorum hinnitus, armorum internitentium fulgor, sollicitam ex qui jetaient comme des éclairs, lui agitaient l'esprit, déjà plein de trouble et de souci pour l'événement d'une si grande journée. Soit donc qu'il ne sût quel parti prendre ou qu'il voulût sonder les siens, il assemble son conseil pour savoir ce qu'il serait meilleur de faire. Parménion, le plus entendu et le plus expérimenté de tous au métier de la guerre, était d'avis d'une surprise plutôt que d'une bataille ouverte, et disait qu'une multitude composée de tant de nations discordantes et de mœurs et de langage, pouvait être opprimée en une nuit; et quelle apparence que des gens attaqués à l'improviste, et dans un profond sommeil, se pussent rallier parmi les ténèbres et en une si chaude alarme? au lieu que si on les combattait en plein jour, on s'étonnerait d'abord à la rencontre de ces visages des Scythes et des Bactriens, de leurs barbes hérissées, de leurs longs cheveux pendants, et de ces lourdes masses de corps, de stature si énorme; que ces sortes de choses, quoique légères, faisaient bien souvent plus d'impression sur l'esprit du soldat qu'un juste sujet de crainte; qu'au reste leur petit nombre pouvait être aisément enveloppé par une si grande multitude, et qu'il ne s'agissait plus de combattre dans les rochers de la Cilicie et en des lieux inaccessibles, mais dans une campagne rase et ouverte de tous côtés. » Presque tous étaient du sentiment de Parménion; entre autres, Polypercon soutenait « que la victoire dépendait de ce conseil. » Mais le roi tournant les yeux vers lui, parce que, s'étant naguère emporté contre Parménion avec un peu plus d'aigreur qu'il n'eût désiré, il lui fâchait de le maltraiter encore : « C'est à faire, dit-il, à ces petits larronneaux de se servir des ruses que tu me conseilles, car tout le but de cette sorte de gens n'est que de tromper; mais, pour moi, je ne " spectatione mentem turbaverant. Igitur, sive dubius animi, sive ut suos experiretur, consilium adhibet, quid optimum factu esset, exquirens. Parmenio, peritissimus inter duces artium belli, furto, non prælio opus esse censebat : << intempesta nocte opprimi posse hostes; discordes moribus, linguis, ad hæc somno et improviso periculo territos, quando in nocturna trepidatione coituros? At interdiu primum terribiles occursuras facies Scytharum Bactrianorumque hirta illis ora et intonsas comas esse; præterea eximiam vastorum magnitudinem corporum; vanis et inanibus militem magis, quam justis formidinis causis moveri. Deinde tantam multitudinem circumfundi paucioribus posse; non in Cilicia angustiis et inviis callibus, sed in aperta et lata planitie dimicandum fore. » Omnes ferme Parmenioni assentiebant: Polypercon haud dubie in eo consilio positam victoriam arbitrabatur; quem intuens rex (namque Parmenionem nuper acrius, quam vellet, increpitum, rursus castigare non sustinebat) : « Latrunculorum, inquit, et furum ista solertia est, quam præcipis mihi quippe illorum votum unicum est fallere. Meæ vero | saurais plus souffrir que tantôt l'absence de Darius, tantôt l'avantage des lieux, et à cette heure une victoire dérobée à la faveur de la nuit, me ravisse une partie de ma gloire ou la rende moins parfaite. Je la veux franche et entière, je veux que le soleil en soit témoin; et j'aime mieux, après tout, me plaindre de ma fortune que rougir de ma victoire. Ajoutez que je suis bien averti que les Barbares font bonne garde, et qu'étant sous les armes, en vain penserions-nous les surprendre: c'est pourquoi préparez-vous au combat. » Après les avoir ainsi piqués de générosité, il les envoie repaître et reposer. Darius, s'imaginant que l'ennemi ne manquerait pas de faire ce que Parménion avait proposé, commanda « qu'on tînt les chevaux en état, qu'une grande partie de l'armée fût sous les armes et qu'on renforçât les gardes. » Tout son camp était éclairé de feux, et lui-même allait en personne avec les chefs et les princes, visitant les troupes qui étaient en faction, et invoquant le soleil, qu'ils appelaient Mithres, et le feu éternel et sacré, « afin qu'ils leur inspirassent une ardeur de courage digne de leur ancienne gloire et des monuments de leurs ancêtres; » ajoutant « que si l'esprit humain était capable de concevoir les présages de l'assistance divine, ils devaient croire que les dieux étaient pour eux, vu qu'ils avaient jeté naguère une soudaine frayeur dans l'âme des Macédoniens, qui couraient encore çà et là comme forcenés, quittant leurs armes et abandonnant leurs rangs; que les dieux qui présidaient à l'empire des Perses allaient prendre une sévère vengeance de ces insensés, dont le chef n'était pas plus sage qu'eux, puisqu'à la façon des bêtes sauvages, il ne regardait qu'à la proie qu'il poursuivait, et venait brutalement donner dans le piége qui lui était tendu. »> On n'était pas avec moins de souci dans le | gloriæ semper aut absentiam Darii, aut angustias locorum, aut furtum noctis obstare non patiar: palam luce aggredi certum est; malo me fortunæ pœniteat, quam victoria pudeat. Ad hæc, illud quoque accedit, vigilias agere Barbaros, et in armis stare, ut ne decipi quidem possint, compertum habeo; itaque ad prælium vos parate. » Sic incitatos ad corpora curanda dimisit. Darius illud, quod Parmenio suaserat, hostem facturum esse conjectans, frenatos equos stare, magnamque exercitus partem in armis esse, ac vigilias intentiore cura servari jusserat; ergo ignibus tota ejus castra fulgebant. Ipse cum ducibus propinquisque agmina in armis stantium circumibat, Solem Mithren, sacrumque et æternum invocans ignem, ut illis dignam vetere gloria majorumque monimentis fortitudinem inspirarent. « Et profecto, si qua divinæ opis auguria humana mente concipi possent, deos stare secum; illos nuper Macedonum animis subitam incussisse formidinem adhuc lymphatos ferri agique, arma jacientes expetere præsides Persarum imperii deos debitas e vecordibus pœnas. Nec ipsum ducem saniorem esse ; quippe : n'y avait plus de remise, il entre dans sa tente, l'appelle plusieurs fois, et comme il ne répond point, le pousse et l'éveille. « Seigneur, lui dit qui viennent à nous, et vos gens sont encore les bras croisés à attendre vos commandements. Où est donc ce cœur, où est cette diligence? C'est vous qui avez accoutumé d'éveiller vos gardes. » camp des Macédoniens. Ils passèrent la nuit parmi les frayeurs et les alarmes, tout ainsi que si elle eût été assignée pour la bataille, et Alexandre même ne s'était vu de sa vie si étonné; deil, il est grand jour; voilà nos ennemis en bataille sorte qu'il fit venir Aristandre pour avoir recours aux prières et aux vœux. Ce devin, revêtu d'une robe blanche, portant de la verveine en sa main, et ayant la tête voilée, dictait au roi les prières solennelles qu'il adressait à Jupiter et aux déesses Minerve et Victoire, afin de se les rendre favorables. Le sacrifice achevé, le roi se retire dans sa tente, pour reposer le reste de la nuit; mais il n'est pas en son pouvoir de fermer les yeux : tantôt il se propose de fondre du haut de la colline avec toutes ses forces sur l'aile droite de l'ennemi, tantôt de le choquer de front; puis il doute s'il ne fera point mieux de le charger sur la gauche, jusqu'à ce qu'enfin le corps, abattu des inquiétudes de l'esprit, est accablé d'un profond sommeil. Le jour commençait à paraître, et les chefs, assemblés pour prendre ses ordres, étaient tout étonnés du silence qu'il y avait autour de sa tente, parce que les autres fois c'était lui qui avait accoutumé de les appeler, et qui faisait souvent d'assez rudes réprimandes aux paresseux ; maintenant ils ne pouvaient comprendre comme en un péril si pressant, et où il y allait de tout, il dormait encore, et s'imaginaient que la peur, et non pas le sommeil, le tenait là et l'empêchait de paraître. Toutefois, pas un des gardes n'eût osé entrer cependant le temps pressait, et les soldats ne pouvaient prendre leurs armes ni leurs rangs sans le commandement du général. Parménion, après avoir longtemps attendu, leur ordonne enfin d'aller repaître; puis, voyant qu'il ritu ferarum prædam modo, quam expeteret, intuentem, In perniciem, quæ ante prædam posita esset, incurrere. Similis apud Macedones quoque sollicitudo erat: noctemque, velut in eam certamine edicto, metu egerunt. Alexander, non alias magis territus, ad vota et preces Aristan. drum vocari jubet. Ille in candida veste, verbenas manu præferens, capite velato, præibat proces regi, Jovem, Minervam, Victoriamque propitianti. Tunc quidem sacrificio rite perpetrato, reliquum noctis acquieturus in tabernaculum rediit. Sed nec somnum capere, nec quietem pati poterat ; modo e jugo montis aciem in dextrum Persarum cornu demittere agitabat; modo recta fronte concurrere hosti: interdum hæsitare, an potius in lævum torqueret agmen? tandem gravatum animi anxietate corpus altior somnus oppressit. Jamque luce orta, duces ad accipienda imperia convenerant, insolito circa prætorium silentio attoniti; quippe alias arcessere ipsos, et interdum morantes castigare assueverat: tunc ne ultimo quidem rerum discrimine excitatum esse mirabantur; et non somno quiescere, sed pavore marcere credebant. Non tamen quisquam e custodibus corporis intrare ta bernaculum audebat : et jam tempus instabat ; nec miles, injusssu ducis, aut arma capere poterat, aut in ordines ire. Diu Parmenio cunctatus, cibum ut caperent ipse proQUINTE-CURCE. Alexandre, sans s'émouvoir, lui répond : « Pensez-vous que j'aie pu dormir, que je ne me fusse déchargé l'esprit du soin qui empêchait mon repos?» Et en même temps il fit sonner à cheval. Et comme Parménion continuait en son étonnement, de lui ouïr dire que, délivré de soin, il avait dormi de la sorte: «Ne vous en étonnez point, dit-il, car lorsque Darius faisait le dégât et désolait tout, j'avoue que je n'étais pas à moi; mais aujourd'hui qu'il se résout d'en venir à une bataille, qu'ai-je plus à craindre? Mes souhaits sont accomplis, et c'est de quoi je m'expliquerai une autre fois. Que chacun se rende à son drapeau; je vous suis, je vais donner mes ordres. » Il ne s'armait que très-rarement, et encore étaitce plutôt à la prière de ses amis que pour la crainte d'aucune sorte de danger; mais alors il prit ses armes et s'en vint à ses troupes. Jamais elles ne l'avaient vu si gai ni si résolu, et de cette mine assurée elles tiraient un augure infaillible de la victoire. Ayant donc fait abattre ses retranchements, il sort avec son armée et la range en bataille. A la droite, il met les gens de cheval choisis, qu'ils appellent agema, commandés par Clitus, auquel il joint les troupes de Philotas; et à côté de lui tous les autres régiments de cavalerie, dont Méléagre conduisait le dernier escadron, suivi de nuncial. Jamque exire necesse erat: tunc demum intrat tabernaculum; sæpiusque nomine compellatum, quum voce non posset, tactu excitavit. « Multa lux, inquit, est; instructam aciem hostis admovit : tuus miles adhuc inermis exspectat imperium. Ubi est vigor ille animi tui? nempe excitare vigiles soles. » Ad hæc Alexander : « Credisne, me prius somnum capere potuisse, quam exonerarem animum sollicitudine, quæ quietem morabatur? » signumque [pugnæ] tuba dari jussit. Et quum in eadem admiratione Parmenio perseveraret quod securus somnum cepisset: « Minime, inquit, mirum est; ego enim, quum Darius terras ureret, vicos excideret, alimenta corrumperet, potens mei non eram nunc vero quid metuam, quum acie decernere paret? Hercule, votum meum implevit. Sed hujus quoque consilii ratio postea reddetur: vos ite ad copias, quibus quisque præest; ego jam adero, et quid fieri velim exponam. » Raro admodum admonitu amicorum, quum metus discriminis aderat, uti solebat. Tunc quoque, munimento corporis sumpto, processit ad milites. Haud alias tam alacrem viderant regem : et vultu ejus interrito, certam spem victoriæ augurabantur. Atque ille, proruto vallo, exire copias jubet, aciemque disponit. In dextro cornu locati sunt equites, quos agema appellant; præerat his Clitus; cui junxit Philotæ turmas, ceterosque 13 la phalange. Après venaient les Argyraspides, sous la charge de Nicanor, fils de Parménion, renforcés des troupes de Cœnus. Les Orestes et les Lyncestes, peuples belliqueux, marchaient ensuite; et tout joignant, Polypercon conducteur des bandes étrangères en l'absence d'Amyntas leur colonel. Philage menait les Balacrisiens, nouveaux alliés d'Alexandre. Cette aile était ainsi disposée. files, parce, disait-il, qu'assurément, si l'on ne s'y opposait point, ils ne feraient aucun dommage; mais si, au contraire, ils venaient sans bruit, qu'ils fissent de grands cris pour effaroucher les che vaux, et que, dans cette épouvante, ils leur donnassent de part et d'autre du javelot dans les flancs. » Ceux qui conduisaient les ailes avaient ordre de les étendre, mais de sorte néanmoins que l'on ne pût les envelopper si elles étaient trop serrées, et que l'on ne dégarnit point trop aussi le corps de la bataille. Il mit le bagage et les enfants de Darius, assez près du champ de bataille sur un coteau, avec peu de gardes. Parménion commandait l'aile gauche, comme il avait accoutumé, et le roi prit pour lui la droite. En la gauche était la cavalerie du Péloponnèse, conduite par Cratère. Il avait avec lui les troupes d'Achaïe, de Locres et Malée, et pour der-les prisonniers, entre lesquels étaient la mère et nière bande les gendarmes Thessaliens, sous la conduite de Philippe. L'infanterie était couverte de la cavalerie, et, pour l'empêcher d'être enveloppée par la multitude, il avait mis un puissant corps de réserve derrière son arrière-garde. Il avait aussi jeté de la cavalerie sur les ailes, non pas de front, mais de côté, afin que si l'ennemi venait à les investir, ils fussent toujours en état de combattre. Ce fut où il plaça les Agriens, commandés par Attalus, avec les archers de Crète. Il voulut que les derniers rangs tournassent le dos aux premiers, et qu'ainsi toute l'armée fût fortifiée en rond. Là étaient les Illyriens et les étrangers qu'il avait à sa solde, et là encore les Thraces armés à la légère. Enfin, il rendit son armée, par manière de dire, si souple et si maniante, que les derniers, pour n'être pas enfermés, pouvaient tourner visage et faire tête partout, tellement que le front n'était point mieux garni que les flancs, ni les flancs que la queue. Ces troupes ainsi disposées, il ordonna « que si les Barbares poussaient leurs chariots armés de faux avec grand bruit, ils les reçussent en silence, s'ouvrant par le milieu et serrant leurs præfectos equitum lateri ejus applicuit. Ultima Meleagri ala stabat; quam phalanx sequebatur. Post phalangem Argyraspides erant; his Nicanor Parmenionis filius præerat. In subsidiis cum manu sua Cœnos: post eum Orestes Lyncestesque. Post illos Polypercon, dux peregrini militis; hujus agminis Amyntas princeps erat. Philagus Balacros regebat, in societatem nuper adscitos. Hæc dextri cornu facies erat. In lævo, Craterus Peloponnensium equi. tes habebat, Achæorumque; et Locrensium, et Maleon turmis sibi adjunctis; hos Thessali equites claudebant, Philippo duce. Peditum acies equitatu tegebatur; frons lævi cornu hæc erat. Sed, ne circumiri posset a multitudine, ultimum agmen valida manu cinxerat; cornua quoque subsidiis firmavit, non recta fronte, sed a latere positis; ut, si hostis circumvenire aciem tentasset, parata pugnæ forent. Hic Agriani erant, quibus Attalus præerat; adjunctis sagittariis Cretensibus. Ultimos ordines avertit a fronte, ut totam aciem orbe muniret. Illyrii hic erant: adjuncto milite mercede conducto. Thracas quoque simul objecerat leviter armatos; adeoque aciem versatilem posuit, ut, qui ultimi stabant, ne circumirentur, verti tamen, et in frontem circumagi possent. Itaque non prima, quam latera, non latera munitiora fuere, quam terga. His ita ordinatis, præcipit, ut, si falcatos currus cum fiemitu Ils n'étaient pas encore à la portée du trait, qu'un certain transfuge nommé Bion vint, de la plus grande vitesse qu'il put, avertir Alexandre « que Darius avait enfoui dans terre des chaussetrapes de fer du côté qu'il croyait que l'ennemi donnerait, et en avait fait marquer les endroits pour en garantir les siens. » Le roi, s'étant assuré de la personne de cet homme, fait savoir à ses capitaines ce qu'il venait d'apprendre, afin qu'ils se détournent du chemin qu'on leur montrera, et que cet avis passe de main en main parmi la cavalerie. Cependant, se faisant voir à tout le monde, il traversait à cheval les bataillons et les escadrons, et parlant aux gens de commandement et à ceux qui étaient les plus proches, il leur représentait : XIV. « Qu'après avoir tant couru de pays et de hasards, en espérance d'obtenir la victoire pour laquelle ils allaient combattre, il ne leur restait plus que ce seul péril à essuyer. Que le fleuve du Granique, les montagnes de la Cilicie, la Syrie Barbari emitterent, ipsi, laxatis ordinibus, impetum incurrentium silentio exciperent: haud dubius sine noxa transcursuros, si nemo se opponeret ; sin autem sine fremitu immisissent, eos ipsi clamore terrerent, pavidosque equos telis utrimque suffoderent. Qui cornibus præerant, extendere ea jussi, ita ut nec circumvenirentur, si arctius starent, nec tamen mediam aciem exinanirent. Impedimenta cum captivis, inter quos mater liberique Darii custodiebantur, haud procul acie, in edito colle constituit, modico præsidio relicto. Lævum cornu, sicut alias, Parmenioni tuendum datum: ipse in dextro stabat. Nondum ad teli jactum pervenerant, quum Bion quidam transfuga quanto maximo cursu potuerat, ad regem pervenit, nuncians murices ferreos in terram defodisse Darium, qua hostem equites emissurum esse credebat : notatumque certo signo locum, ut fraus evitari a suis posset. Asservari transfuga jusso, duces convocat: expositoque quod nunciatum erat, monet, ut regionem monstratam declinent, equitemque periculum edoceant. Ceterum hoc tantus exercitus exaudire non poterat, usum aurium intercipiente fremitu duorum agminum : sed in conspectu omnium duces, et proximum quemque interequitans alloquebatur. XIV. « Emensis tot terras in spem victoriæ, de qua dimicandum foret, hoc unum superesse discrimen; Gra et l'Égypte, enlevées à ceux qu'ilsavaient en tète, | leur étaient de puissants aiguillons de gloire et des gages assurés du gain de la bataille; que les Perses ayant pris la fuite en leur dernière défaite, n'étaient plus là que comme des esclaves fugitifs, qu'on avait repris et ramenés à la maison ; qu'ils ne combattraient que parce qu'ils ne pourraient plus fuir; que c'était déjà le troisième jour que, transis de peur, ayant toujours eu les armes sur le dos, ils ne bougeaient d'une place; qu'il ne fallait point de meilleure preuve de leur désespoir que de voir qu'ils brûlaient leurs villes et désolaient leurs champs, confessant par là que tout ce qu'ils laissaient entier était à l'ennemi; qu'ils ne s'effrayassent pas seulement de ces noms vains et bizarres de nations inconnues, vu qu'il importait peu au fait de la guerre de savoir qui étaient ceux qu'on appelait Scythes ou Cadusiens; que de cela même qu'ils n'étaient pas connus, on pouvait juger quelles gens ce devaient être ; que les peuples belliqueux sont toujours renommés, au lieu que ces misérables qu'on avait arrachés de leurs tanières n'avaient rien apporté de formidable au combat que leurs noms : mais que les Macédoniens se pouvaient vanter de s'être acquis cet avantage par leur valeur; qu'il n'y avait coin de la terre habitable que leur gloire n'eût rempli, et où le bruit de ces foudres de guerre ne retentit; qu'ils considérassent comme cette tourbe confuse et désordonnée des Barbares était composée, dont l'un n'avait rien qu'un javelot, l'autre qu'une fronde, et peu étaient fournis d'armes justes et complètes, tellement que là il y avait plus d'hommes et ici plus de soldats; qu'au reste, il ne les priait point de se porter vaillamment, si luimême ne leur en montrait l'exemple, mais qu'il leur promettait de combattre à la tête des enseignes; qu'autant de blessures qu'il recevrait seraient nicum hic amnem, Ciliciæque montes, et Syriam Ægyp. tumque præeuntibus raptas, ingentia spei gloriæque inci tamenta, referebat. Reprehensos ex fuga Persas pugnaturos, quia fugere non possent: tertium diem jam metu exsangues, armis suis oneratos, in eodem vestigio hærere; nullum desperationis illorum majus indicium esse, quam quod urbes, quod agros suos urerent; quidquid non corrupissent, hostium esse confessi. Nomina modo vana gentium ignotarum ne extimescerent; neque enim ad belli discrimen pertinere, qui ab his Scythæ, quive Cadusii appellentur. Ob id ipsum quod ignoti essent, ignobiles esse; nunquam ignorari viros fortes: at imbelles, ex latebris suis erutos, nihil præter nomina afferre; Macedones virtute assequutos, ne quis toto orbe locus esset, qui tales viros ignoraret. Intuerentur Barbarorum inconditum agmen alium nihil præter jaculum habere; alium funda saxa librare : paucis justa arma esse. Itaque illinc plures stare, hinc plures dimicaturos. Nec postulare se, ut fortiter capesserent prælium, ni ipse ceteris fortitudinis fuisset exemplum; se ante prima signa dimicaturum : spondere pro se, quot cicatrices, totidem corporis decora: autant d'ornements dont il croirait être paré; qu'ils n'ignoraient pas qu'il était le seul qui ne prenait point de part au butin commun de l'armée, mais qu'il employait tous les fruits de la victoire à leur faire du bien et à se conserver leur bienveillance. Enfin, qu'il croyait parler aux plus vaillants hommes de la terre; mais que si parmi eux il s'en fût trouvé quelques-uns qui n'eussent pas été de ce nombre, il les aurait fait souvenir qu'ils étaient en lieu où il ne fallait plus songer a la fuite, et qu'après avoir traversé tant de provinces, laissé tant de fleuves et tant de montagnes derrière eux, ils ne devaient pas espérer de s'en retourner en leur pays, à moins que de s'en ouvrir le chemin à la pointe de l'épée. Ce fut ainsi qu'il encouragea les chefs et les soldats des premiers rangs. Darius menait son aile gauche, environné de l'élite de sa cavalerie et de son infanterie, et se moquait du petit nombre des Macédoniens, s'imaginant que leurs ailes ainsi étendues laisseraient leur corps de bataille dégarni. Et comme il paraissait élevé sur son char; tournant les yeux et les mains de tous côtés vers ses troupes qui étaient autour de lui, il leur parla de cette sorte: Nous qui étions naguère seigneurs de toutes les terres que l'Océan baigne d'un côté et que l'Hellespont embrasse de l'autre, sommes aujourd'hui réduits à combattre, non plus pour la gloire, mais pour la vie, et, ce qui vous est plus cher que la vie, pour la liberté ! Voici le jour fatal qui doit affermir ou renverser le plus grand empire qui fut jamais. Ce ne fut qu'avec la moindre partie de nos forces que nous combattimes an Granique. Après la perte que nous reçûmes en Cilicie, la Syrie nous pouvait servir de retraite, nous tenions encore le Tigre et l'Euphrate, deux puissants boulevards de ce royaume; mais enfin nous en sommes venus à ce point que, lâchant le scire ipsos, unum pæne se prædæ communis exsortem, in illis colendis ornandisque usurpare victoriæ præmia. Hæc se fortibus viris dicere. Si qui dissimiles eorum essent, illa fuisse dicturum pervenisse eo, unde fugere non possent: tot terrarum spatia emensis, tot amnibus montibusque post tergum objectis, iter in patriam et penates manu esse faciendum. » Sic duces, sic proximi militum instincti sunt. Darins in lævo cornu erat, magno suorum agmine, delectis equitum peditumque stipatus; contem pseratque paucitatem hostis; vanam aciem esse extentis cornibus ratus. Ceterum, sicut curru eminebat, dextra lævaque ad circumstantium agmina oculos manusque circumferens: « Terrarum, inquit, quas Oceanus hinc alluit, illinc claudit Hellespontus, paulo ante domini, jam non de gloria, sed de salute, et, quod saluti præpo nitis, de libertate pugnandum est. Hic dies imperium, quo nulla amplius vidit ætas, aut constituet, aut finiet. Apud Granicum minima virium parte cum hoste certavimus in Cilicia victos Syria poterat excipere: magna munimenta regni Tigris atque Euphrates erant. Ventum est eo, unde pulsis ne fuga quidem locus est. Omnia tam |