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baptiftaire, & d'autres un tombeau; car on en voit de semblable à Rome & en d'autres endroits.

Les tombeaux de Charles V & de la reine Jeanne de Bourbon sa femme, de Charles VI, & d'Isabelle de Baviere sa femme, font de marbre noir, les figures de marbre blanc, & renfermés dans la chapelle de saint JeanBaptifte, autrement appellée des Charles.

Quelques hommes illuftres, comme Bertrand du Guesclin, connétable de France; Bureau de la Riviere, chambellan de Charles V; Louis de Sancerre, connétable de France; & Arnaud de Guillem, seigneur de Barbazan, chambellan de Charles VIII, ont eu l'honneur d'être inhumés dans cette chapelle.

On voit dans la chapelle de Notre-Dame la Blanche, le tombeau de Marie & de Blanche de France, filles de Charles roi de France & de Navarre, & de Jeanne d'Evreux sa femme. Louis d'Evreux & Jeanne d'Eu, duchesse d'Athénes sa femme, ont été inhumés en cet endroit, où il y avoit autrefois une tombe de cuivre, sur laquelle étoient leurs épitaphes.

: Le tombeau de marbre noir qui est dans la chapelle de faint Hipolyte, renferme les cendres de la reine Blanche, seconde femme de Philippe de Valois, & celle de Jeanne de France sa fille.

Le tombeau de Guillaume du Chastel, pannetier de Charles VII.

Le tombeau de Louis XII est un des premiers qui ait paru en France, dans le gout d'architecture antique. Le roi & la reine Anne de Bretagne sa femme y font représentés à genoux, & de grandeur naturelle.

Celui de François I est dans la chapelle, qu'on appelloit autrefois de saint Michel. Il est aussi de marbre blanc, & a quatorze pieds de haut, sur seize de long. Au-dessus de ce monument font François I, Claude de France sa femme, François Dauphin; Charles de France, duc d'Orléans, & Charlote de France, tous enfans de François I, & de Claude de France. Ces cinq figures sont à genoux. Le corps de Louise de Savoye, mere du roi est dans ce même tombeau. Ces corps sont aussi représentés couchés sous l'arcade.

Le tombeau des Valois renferme le corps de Henri II, de Catherine de Médicis sa femme, & de François II, Charles IX, Henri III, François de France, duc d'Alençon; Louis de France, mort au berceau; Marguerite de France, reine de Navarre, & deux princesses mortes en bas âge. Le corps d'une fille de Charles IX y fut aussi inhumé. Catherine de Médicis, après la mort d'Henri II, fit bâtir ce magnifique mausolée, qui a fait appeller cette chapelle la chapelle des Valois. Louis XIV ayant été informé du mauvais état où se trouvoit le bâtiment qui menaçoit d'une chute prochaine, qui auroit écrafé le tombeau de Heuri II & de Catherine de Médicis, placé dans le milieu de ladite chapelle, & orné de bas-reliefs, colonnes & figures de marbre, de bronze, &c. ordonna que les tombeaux d'Henri II, de Catherine de Médicis, & des princes & princesses leurs enfans seroient transportés dans la grande église, & placés dans la croisée du côté du septentrion, entre le tombeau de Louis XII, & la chapelle de Notre-Dame la Blanche; & qu'il seroit creusé & conftruit à cet effet telles fondations & tels autres ouvrages qu'il conviendroit tant pour les fondemens & caveaux néceslaires pour poser lesdits tombeaux, que pour les balustrades ou grilles de fer, & le pavé de pierre au pourtour, &c.

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Le lieu, qui fert de sépulture à la branche de Bourbon, confifte en deux caveaux. Louis XII fit faire le premier pour Anne de Bretagne sa femme. Comme il est petit, il se trouva trop templi en 1683, pour y pouvoir mettre le corps de la reine Marie-Thérese d'Autriche, ce qui fit entreprendre un travail hardi & pénible. On perça pardessous le sanctuaire de l'église un caveau spacieux, qui a neuf toiles de long sur deux & demi de large, & communique à l'ancien par un petit corridor de trois pieds de large fur sept de haut. Dans le petit caveau, repose le roi dernier mort sous sa représentation. Tous les autres, au nombre de trente-deux, à compter depuis Henri IV jusqu'à Marie-Louise-Elifabeth d'Orléans, duchesse de Berri, sont inhumés dans le nouveau, où leurs corps font rangés sur des barres de fer à trois pieds de terre.

Le duc de Châtillon & le marquis de Saint-Maigrin ont

des tombes dans l'église, qui sont de pierre de liais, sans inscriptions ni épitaphe.

Le dernier monument funebre, qu'on ait élevé dans l'église de saint Denys, est celui du vicomte de Turenne. On n'en peut donner une plus grande idée qu'en disant que le dessein est de le Brun, & l'exécution de Baptiste Tuby. L'immortalité ayant une couronne radieuse sur sa tête, & tenant d'une main une couronne de laurier, soutient de l'autre ce héros mourant, qui la regarde comme la seule récompense à laquelle il ait aspiré. La sagesle & la valeur font aussi dans des attitudes qui leur conviennent. La derniere est dans la consternation, & l'autre est étonnée du coup fatal qui enleve ce grand homme à la France.

La description du trésor de l'abbaye de saint Denys, se trouvant par-tout, je me dispenserai de la faire ici. Je dirai seulement qu'il est gardé à côté de l'église, dans une grande sale, dont la voute est soutenue par une colonne de marbre qui est au milieu. Il y a toujours dans cette fale une lampe allumée par respect, pour les reliques qui sont renfermées dans les armoires.

Il y a encore dans la salle du trésor un cabinet qui renferme 'plusieurs piéces curieuses. Au-dessus de ce cabinet on voit une chaise de cuivre doré, qui a servi de trône à un de nos anciens rois. L'abbé Suger le fit redorer.

Au bas du grand escalier il y a un lave-main d'une seule pierre de liais, taillée en rond, qui a onze pieds huit pouces de diametre ; il étoit ci-devant pose sous une voute, foutenue par seize colonnes, dont la plupart sont de marbre. Par la grandeur du lave-main & la largeur des arcades de la voute, il étoit aisé de juger que la voute n'avoit été construite qu'après que le lave-main avoit été placé en cet endroit. Autour d'une espèce de soubassement sont gravés ces deux vers:

Hugoni, fratres, abbati reddite grates,

Hoc manibus fratrum fuftulit ille lavacrum.

Comme le dernier abbé de saint Denys, qui se nommoit Hugues, mourut sous le regne de Philippe-Auguste, l'an 1204, l'on peut conclure que ce monument a plus de cinq cents ans d'antiquité. ✔ Les reines de France font couronnées à saint Denys, & on se sert d'onctions dans cette cérémonie. La derniere a été Marie de Médicis.

Le titre d'abbé de saint Denys fut fupprimé en 1692, & la manse abbatiale unie à la maison de saint Louis de saint Cir, par la bulle du pape Innocent XII, du 23 de février de la même année. Comme la jurisdiction spirituelle n'étoit pas uniquement attachée à la personne de l'abbé séparément de sa communauté, les moines prétendirent que cette jurisdiction devoit leur être conservée; mais l'archevêque de Paris soutint que le titre d'abbé de saint Denys étant supprimé, toute la jurisdiction spirituelle, que l'abbé & les moines avoient exercée dans la ville de saint Denys, lui étoit dévolue & retournoit au principe d'où elle étoit énmanée; & par transaction elle lui fut cédée, excepté celle du cloître, de tous les lieux réguliers, & de tout l'enclos du monastère qui demeura aux moines, & immédiatement sujette au saint fiége. Par cette même transaction, qui est du 6 août 1692, le grand prieur régulier de l'abbaye, ou autre tenant sa place, doit être seul vicaire général né, perpétuel & irrévocable de l'archevêque de Paris & de ses successeurs.

La seigneurie de saint Denys appartient à l'abbaye, & les appellations de son bailliage reffortissent à la grandchambre du parlement de Paris, en vertu du droit de pairie de France attaché à cette abbaye, dont l'abbé avant la suppression du titre étoit conseiller-né. Au reste, c'est dans cette abbaye qu'étoit gardée l'oriflamme. Cette fameuse banniere semée de fleurs de lys d'or, qu'on prétend que Clovis reçut du ciel, & que les rois de France alloient prendre lorsque l'on entreprenoit quelque guerre étrangere, tomba insensiblement dans l'oubli. Elle fubfiftoit encore au tems de la réduction de Paris l'an 1994

Les abbés & grands prieurs de l'abbaye ont leur sépulture dans la croifée méridionale de l'église.

Les bâtimens de l'abbaye tombant totalement en ruine, après plusieurs délibérations, les religieux prirent la résolution de rebâtir le monastère en entier. Ce fut dom Arnoul de Loo, pour lors grand prieur, qui entreprit ce grand ouvrage. Les deffeins furent faits par M. de Côte, premier architecte du roi; & fa majesté les honora de fon approbation. Les fondemens du grand corps de logis, qui regne du côté du levant, furent jettés en 1701. Cette partie fut achevée en 1712. Ce bâtiment est magnifique par la grandeur & sa simplicité. Il a soixante-huit toises & demie de long, fur la hauteur de neuf & un pied. Tous les rez de chauffée sont voutés, & ont trente pieds & demi sous clef. Ils contiennent un chapitre & différentes falles, qui forment un plein pied de quatre cents dix pieds de long, sur environ trente fix de large. Le dortoir, qui regne au-dessus de ces voutes, a quatre cents pieds de long fur vingt-neuf de large & vingt-huit d'élévation, & contient cinquante-fix cellules. Le cloître qui doit être parfaitement carré, a deux cents dix pieds de long, quatorze de large & vingt-trois d'élévation.

Le coin du bâtiment, qui est au midi, est du même dessein & de la même élévation, sur trente-cinq toises de longueur. Au rez de chauffée, qui est aussi vouté, est le réfectoire qui a cent quarante quatre pieds de long fur trente fix, & à l'extrémité se trouve la cuisine, qui est un des plus beaux morceaux de la maison. Elle a soixante pieds de longueur sur vingt-quatre de largeur & trentedeux d'élévation. On y a pratiqué quatre robinets, qui donnent de l'eau en quatre différens endroits. Au-dessus du réfectoire regne un corridor, dans le goût de celui dont nous avons parlé, & qui renferme trente différentes cellules. Cette partie du bâtiment a été parfaite en 1722.

En 1737, on jetta les premiers fondemens de la troifiéme partie du bâtiment, qui est du côté du couchant : elle est de la même élévation que les deux autres ; mais on n'en a entrepris que deux cents soixante-dix pieds, laissant le reste à parfaire une autrefois. Cette derniere partie, aussi voutée, contient differentes falles au rez de chaussée, un vestibule d'entrée, qui est magnifique, & un grand escalier. Dans l'étage supérieur se trouve un salon d'entrée de la bibliothéque, qui est fort orné; & ensuite la bibliothéque qui a cent cinquante trois pieds de long sur quarante de large & trente-deux d'élévation.

Le bâtiment qui sert d'infirmerie, fut commencé en 1724 & achevé en 1729, il est bâti de pierres de taille comune les autres parties. Il contient une fort belle chapelle, dix-neuf chambres pour les malades & les officines néceffaires. Il est d'équerre au grand bâtiment du côté du levant, & se trouve exposé au midi & au nord.

Dans la rue de saint Denys à Paris, auprès de la maifon de saint Chaumont, on trouve la premiere de ces sept croix qu'on a plantées à égales distances aux endroits où Philippe le Hardi, qui portoit sus ses épaules les oslemens du roi faint Louis fon pere, se reposa le 22 mai de l'an 1271. Ces croix sont des espéces de pyramides de pierre à chacune desquelles sont les statues des trois rois, & un crucifix à la pointe. Corroset & Bonfons disent que ce fut I hilippe le Hardi lui-même qui les fit élever; mais ils l'avancent sans preuve.

2. SAINT DENYS DE BROQUEROY, abbaye des Pays-Bas, dans le Hainaut. Elle est située à une lieue & demie de Mons, vers le levant d'été, dans un fond, entre deux montagnes. Les religieux sont des bénédictins les plus réformés de tout le Pays-Bas. Tout est beau dans ce monastère; l'église très-propre, le chœur hardi, les chaires admirables. Cette abbaye est du diocèse de Cambray.

3. SAINT-DENYS, ville de France, dans le bas Languedoc, au diocèse de Carcassonne.

4. SAINT-DENYS, bourg de France, dans la Saintonge, au diocèse de Saintes, & dans l'élection de Ma

rennes.

S. SAINT-DENYS, bourg de France, en Normandie, au diocèse de Séez, élection d'Alençon.

6. SAINT-DENYS D'ANJOU, bourg de France, dans l'Anjou, à une lieue de la riviere de Sarte. Il est connu par les vins que produit son territoire, & qu'on enleve pour le pays du Maine.

Comme saint Denys est un des apôtres de la France, il n'est pas étonnant que fon nom foit commun à un trèsgrand nombre de villages de ce royaume.

1. SAINT-DIDIER, ville de France, dans le Velai. C'est la plus considérable de cette province, après le Puy,

dont elle est éloignée de sept lieues en tirant au nord. Douze prêtres font le service de l'église de Saint-Didier. Il y a dans cette ville un beau couvent de reagieuses de l'ordre de saint Augustin.

2. SAINT-DIDIER, petite ville de France, dans le Lyonnois, élection de Lyon.

3. SAINT-DIDIER, bourg de France, dans l'Auvergne, élection de Brioude.

4. SAINT-DIDIER SOUS RIVERIE, bourg de France, dans le Forez, élection de Saint-Etienne.

SAINT-DIE, en latin sancti Deodati Oppidum, gros bourg de France, dans l'Orléanois, au Bletois. C'est un gros bourg muré, sur le chemin d'Orléans à Blois, à une demi lieue de Chambor, felon Piganiol de la Force ; à deux liceues, selon Corneille, sur le rivage de la Loire. Saint Dié s'étant fait en cet endroit un hermitage, le peuple s'y allembla au bruit des iniracles de ce faint, & y bâtit insensiblement le bourg qu'on voit aujourd'hui. Il y avoit autrefois un monastère fondé par Clovis I, lorsqu'après la bataille qu'il gagna sur Alaric l'an 530, il vint visiter saint Dié. Il y avoit aussi une maladrerie à laquelle Thibaud IV, Hugues de Chatillon & Pierre de France, comtes de Blois, ont fait des charités considérables. * Piganiol, Desc. de la Francet. 6, p. 138.

On voit encore dans le chœur de l'église de ce lieu le tombeau élevé, qu'on qualifie de tombeau de faint Baumer, Baudominus, prêtre du sixiéme siècle, compagnon de saint Dié, & on y fait sa fère au commencement de novembre. Les reliques du faint font dans un crypte fous ce tombeau. Ces deux saints ont vécu au fixiéme fiécle.

SAINT-DIEY, ville du duché de Lorraine , au diocèle de Toul. Elle doit son origine à l'abbaye de ce même nom. L'église paroissiale est collégiale. Le chapitre, que Piganiol de la Force appelle saint Dié en Vosge, est compofé de trois dignités & de vingt-trois canonicats. Le doyen & le grand doyen jouiffent chacun d'environ mille livres de revenu; le chantre & l'écolâtre de neuf cents livres, & chaque chanoine d'orviron huit cents. On fait preuve de nobleffe pour entrer dans le chapitre. Les fonctions paftorales se font dans l'eglite collégiale. Près de cette église est celle de Notre-Dame. Le chapitre est seigneur de la ville. Il y a dans un de ses fauxbourgs où saint Dié (fanctus Theodatus) est mort, une église paroissiale sous l'invocation de saint Martin. Elle est à la collation & de la dépendance du chapitre. Il y a auffi dans l'étendue de cette paroille un couvent de capucins, un hôpital, l'oratoire de la croix, l'hermitage de la Madelaine & l'hermitage de faint Roc. De Longuerue dit que la vallée dans laquelle la ville de Saint-Diey est située s'appelle Val Galilée, & eft entre de fort hautes montagnes. Le lieu où est la ville s'appelloit Junctura les jointures : ce n'étoit qu'un affreux défert lorsque faint Déodat, (Théodat) appellé vulgairement faint, Diey, s'y retira, && y fonda un monastère vers l'an 670. Les Lorrains prétendent qu'il n'est d'aucun diocèse; mais l'évêque soutient, & à bon titre, qu'il est du sien. Les moines de saint Diey se relâcherent fi fort dans le dixiéme fiécle, & devinrent si scandaleux, que le duc Frédéric (Ferri) mort l'an 984, les chassa, & mit en leur place des chanoines ou clercs séculiers. L'église de saint Diey, avec toute la maison & les titres, ayant été brulés dans le onziéme siècle, les chanoines s'adresserent au pape Léon IX, qui avoit été évêque de Toul, lequel étant en Lorraine l'an 1049, confirma les priviléges & exemptions de cette égliso collégiale, avec les droits quasi épiscopaux du grand prévôt de l'église dans son territoire. Plusieurs vinrent s'habituer enfuite aux environs du cloître de saint Diey. Le pré. vôt & les chanoines donnerent un grand quartier au duc de Lorraine avec la seigneurie. Il y fit bâtir des maisons qui augmenterent ce lieu. Mathieu, duc de Lorraine, fit commencer l'enceinte des murailles, qui furent achevées l'au 1284, sous Ferri II. Elles ont subsisté jusqu'à la domination des François.

SAINT-DIZIER, en latin SANCTI DESIDERII CAS TRUM ou FANUM. Le P. Alexandre la nomme quelque part dans son histoire ecclésiastique Noviodurum Mediomatricorum, ville de France, en Champagne. Elle est située dans une plaine, sur la Marne, à fix lieues de Vitri, du côté de l'orient. C'étoit autrefois une place de guerre affez bien fortifiée; outre la Marne, il y a encore un ruisseau nommé les RENELLES, qui prend sa source à deux lieues

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au-dessus, du côté de Bar-le-Duc. Il fournit l'eau aux fossés de la ville, & forme un bassin au milieu de Saint-Dizier. Elle est environnée de forêts au midi & au septentrion. C'est de ces forêts que se tirent tous les bois qui servent à conftruire les bateaux que l'on trouve sur la Marne; ils se fabriquent tous à Saint-Dizier. Ces bateaux servent à conduire à Paris le grain de la province, & tous les fers qui fe fabriquent dans les forges, & qui sont en grande quantité aux environs de Saint-Dizier; ce qui rend la ville aifée.

Elle est du diocèse & de la généralité de Châlons, de l'élection de Vitry, & capitale d'une contrée de la Champagne qui s'appelle le Vallage, quoique quelques-uns la mettent dans le Perthois, contre le sentiment des géographes & des habitans. Elle est le siége d'un bailliage royal, qui reffortit au présidial de Vitry & au parlement de Paris, selon la qualité des causes. Il y a maîtrise particuliere des caux & forêts, grenier à sel, & échevinage, dont le corps eft composé d'un maire & de quatre échevins, qui ont droit de connoître des causes criminelles par prévention. C'est à Saint - Dizier que la Marne commence à porter bateaux.

Il y a dans la ville un couvent de capucins. Dans le fauxbourg de la Nouë, qui eft plus considérable que la ville & l'autre fauxbourg, un monastère de fix religieuses ursulines. A cent pas hors la ville est une abbaye royale de religieuses, de l'ordre de câteaux, étroite observance. Au fauxbourg de Gigny, il y a un hôpital où l'on reçoit tous les pauvres, les vieillards, les enfans & les orphelins de toute l'étendue du bailliage. Il y a trois églises paroissiales une dans la ville, & deux dans les deux fauxbourgs.

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Les fortifications sont à présent négligées, parce que depuis que la Lorraine a été réduite, la place n'a plus été exposée à être attaquée; mais autrefois c'étoit une forteresse importante. Charles-Quint ayant fait ligue avec Henri VIII, roi d'Angleterre, pour envahir la France, Henri vint fondre par la Picardie, & Charles par la Lorraine. Il avoit pris rapidement le Luxembourg, Metz, Ligny & autres places, & comptoit prendre Saint-Dizier en un déjeuné. C'étoit en 1544. Quoiqu'il eut une armée de cent mille hommes, & que la ville ne fût défendue que par les habitans & une garnison de quinze cents hommes, commandée par le comte de Santerre & le marquis des Rivieres, il fut obligé de la battre pendant fix semaines de tranchée ouverte. Pendant tout ce tems, il ne cessa de livrer des atlauts, dans lesquels il étoit toujours repousle; il avoit même souvent à se défendre contre les sorties que la garnison & les habitans faisoient sur ses ouvrages. CharlesQuint s'avisa de contrefaire une lettre sous le nom du duc de Guize, portant ordre au gouverneur de rendre la place à meilleure composition qu'il pourroit. Quoique le gouverneur s'apperçut bien de la supercherie, il entra en capitulation, d'autant plus aisément que la ville manquoit d'eau, de vivres & de munitions, & fortit drapeaux déployés, tambour battant, mêche allumée, emportant bagage & artillerie, les habitans ayant vie sauve, & étant exempts de pillage. Cette généreuse résistance des habitans & de la garnison, donna le tems aux armées du roi de venir s'opposer aux progrès des deux princes alliés, & l'on peut dire que sans cela la France eut éré en grand péril. Il ne faut pas oublier que ce siége de Saint-Dizier a été illustré par la mort du prince René d'Orange, qui y fut tué d'un coup de canon à côté de l'empereur. Henri II fit réparer la ville & les fortifications, aufli-bien que celles de Chaumont en Baffigni. Au-dessus de la porte du château de Saint-Dizier font les armes d'Angleterre.

Le docte abbé de Longuerue observe que la seigneurie de Saint-Dizier a long-tems été possedée par les seigneurs de Dampierre en Champagne, qui depuis devinrent seigneurs de Bourbon & comtes de Flandres, de Nevers & de Retel. Cette seigneurie fut réunie au comté de Champagne, après qu'il fut venu au pouvoir des rois de France. La ville de Saint-Dizier poursuit cet auteur , a pris son nom d'un saint évêque de Langres, nommé Defiderius, vulgairement Dizier, qui ayant été tué par les Vandales, lorsqu'ils ravagerent les Gaules sous Honorius, fut enterré dans ce lieu, qui devint depuis une ville, parce que plusieurs s'y habituerent, à cause qu'il étoit fort fréquenté par les peuples qui avoient ce faint en grande vénération.

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Les habitans sont surpris que saint Dizier étant mort chez eux, il n'y ait aucune relique ni aucun monument qui confirme ce récit.

1. SAINT-DOMINGUE, ville de l'Amérique, dans l'ifle espagnole, qui en a pris insensiblement le nom, au quartier des Espagnols. Elle est située sur la riviere d'Ozama, à la côte méridionale, & n'est plus à l'endroit où elle avoit été bâtie d'abord, s'est formée à plusieurs repris ses, d'une colonie que les Espagnols, venus dans cette ifle avec Christophle Colomb, avoient d'abord établie fur la côte septentrionale. Dans le tems que l'on étoit fort dégouté du premier poste, qui étoit très-défavantageux, une intrigue amoureuse d'un Espagnol fit naître une occafion imprévue, dont on profita. Un jeune Aragonois fuc aimé d'une femme qui commandoit dans une bourgade, où elle tâcha de l'attirer, en lui offrant un emplacement pour y mettre une colonie. Ces offres furent acceptées, on commença la ville de Saint-Domingue à l'orient de l'embouchure de la riviere d'Ozama, & on y transporta les Espagnols, que l'on tira de la premiere colonie, nommée Isabelle. Ce fut même pour cette raison qu'on lui donna le nom de la NOUVELLE ISABELLE. Cependant le nom de Saint-Domingue a prévalu, soit qu'il lui ait été donné à cause de Dominique Colomb, pere de Christophle, foit parce qu'on y arriva le jour de saint Dominique, sous l'invocation duquel la premiere église fut dédiée. Dom Barthelemi Colomb fit cet établissement en l'abfence de fon frere Chriftophle.

Il y fit construire une forteresse: mais une furieuse tourmente, qui avoit fait périr la flotte espagnole, renversa presque toute la ville de Saint-Domingo, dont les maisons n'étoient encore que de bois & de paille, & on la rebâtit ailleurs. Ce fut le grand commandeur Ovado qui l'entreprit; & il lui donna un air de splendeur digne de la premiere métropole du nouveau monde; mais il lui fit grand tort en la changeant ainsi de place. Elle étoit située à l'orient du fleuve Ozama; & à présent qu'elle est au couchant, elle se trouve continuellement enveloppée des vapeurs du fleuve, que le soleil chasse toujours devant lui; ce qui n'est pas une petite incommodité dans un pays aussi chaud & auffi humide. En second lieu, elle est privée d'une source excellente, dont elle jouissoit auparavant; & comme l'eau des pluies & celle du fleuve sont saumatres, on a été obligé d'y suppléer par des cîternes, dont les eaux ne sont pas bonnes. Ceux qui en vouloient boire de la source étoient obligés d'avoir des esclaves qui ne fussent occupés qu'à en aller chercher. On a découvert une autre source à une portée de fufil, au nord de la ville, où tous les navires font leur provision d'eau ; mais les habitans tro vent qu'elle est encore trop loin, & aiment mieux s'en tenir à celle de leurs cîternes, quelque mauvaise qu'elle soit, que de se donner un peu de peine pour en avoir de meilleure. Le dessein du grand commandeur étoit de faire un réservoir avec une magnifique fontaine, au milieu de la ville, pour y recevoir les eaux de la riviere Hayna, qui sont excellentes, & qu'il ne falloit faire venir que de trois lieues; mais il n'a pas eu le tems d'exécuter son projet.

Oviedo, qui a vû cette capitale dans tout son lustre, assure qu'il ne lui manquoit que cet ouvrage pour être une des plus belles villes du monde. Elle est située sur un terrein uni, & s'étend du nord au sud le long du fleuve, dont le rivage, bordé de jardins bien cultivés, fait un très-bel aspect. La mer borne la vûe au midi, le fleuve & fes bords si bien ornés la terminent à l'Orient, & ces deux côtés occupent plus de la moitié de son horison, parce que le fleuve tourne un peu à l'ouest. La campagne des deux autres côtés est belle & bien diversifiée. Le dedans répondoit parfaitement aux dehors; les rues étoient larges & bien percées, & les maisons exactement alignées. Elles étoient bâties pour la plupart d'une forte de marbre, qu'on a trouvé dans le voisinage. Les autres étoient d'une espéce de terre extrêmement liante, qui durcit à l'air, & qui dure presque autant que la brique. Il y a un couvent pour les PP. de S. François, un pour ceux de la mercy & un pour les dominicains: deux hôpitaux, l'un de S. Nicolas & l'autre de S. Michel, avec une superbe cathédrale, & toutes les églises sont fort belles.

Cette ville avoit acquis un grand lustre par la résidence de D. Diégue Colomb, qui y établit une petite cour fort brillante; mais les diminutions que l'on fit à son autorité, la la mauvaise conduite de quelques rivaux qu'on lui donna, les établissemens que l'on fit à Cuba, à la Jamaïque, & fur la côte méridionale du golfe, la conquête du Mexique, celle du Pérou, l'avantage que les flottes qui venoient du Mexique trouvoient à mouiller à la Havane plutôt qu'à Saint-Domingue, l'épuisement que causerent ces diverses entreprises à la colonie de l'isle Espagnole, & d'autres circonftances, concoururent à diminuer la splendeur de SaintDomingue. Son audiance royale qui avoit fervi de modéle aux autres de l'Amérique subsiste toujours, & a sous elles les ifles de Saint-Domingue, de Cuba, de Saint-Jean de Porto-Ricco, la Floride & toute la côte de la terre-ferme, depuis l'ifle de la Trinité jusqu'à l'Isthme de Panama. SaintDomingue est encore aujourd'hui le siége d'un archevêché, dont les fuffragans font Sant'-Jago de Cuba, SaintJean de Porto Rico, Coro ou Venezuela & Honduras.

2. SAINT-DOMINGUE, (l'isle de) grande isle de l'Amérique, entre les Antilles. Les anciens habitans la nommoient Haiti, Colomb la nomma l'Isle Espagnole, ou simplement l'Espagnole ; car il ne savoit pas encore si c'étoit ifle ou terre-ferme. Quelques-uns qui ne savoient ni l'espagnol ni le latin, la nommerent en latin Hispaniola, mot que l'on a pris ensuite pour un diminutif, & dont bien des auteurs se sont servis. Colomb voyant la quantité d'or qui se trouvoit dans les montagnes de Cibao, sous les pas des Espagnols qu'il envoya à la découverte, se ressouvint du pays d'Ophir où les flottes de Salomon alloient chercher l'or, & dit à son premier retour en Europe, qu'il avoit trouvé le véritable Ophir de l'écriture. Vatable & autres foutinrent sérieusement que l'Espagnole étoit P'Ophir, sentiment que j'ai réfuté au mot Ophir. Après que Barthelemi Colomb eut transporté la colonie d'Isabelle de la côte du nord à celle du sud, & qu'il eut bâti un commencement de ville sur le bord de l'Ozama, cette ville fut nommée en espagnol San Domingo, c'est-à-dire, Saint-Dominique; les François s'accoutumerent à dire SaintDomingue. Cette ville fut long-tems le seul port considérable & le principal lieu du commerce de toute l'ifle : cela fut cause que Saint-Domingue étant le terme des navigations, on donna le nom de la ville à toute l'ifle; & les François ne la connoissent pas sous d'autre nom.

Cette isle n'est pas la plus grande, mais c'est la plus riche de toutes : nulle autre ne pouvoit mettre les premieres conquérans de l'Amérique en état de s'établir solidement au-delà des mers, & l'on peut dire qu'elle a enfanté toutes les colonies espagnoles du nouveau monde. Si l'on en croit dom Pierre Martyr d'Anglerie, cette isle fut d'abord peuplée par des Sauvages venus de la Martinique, autrement dite Matinino, lesquels crurent que c'étoit la plus grande terre du monde.

Au reste, il est surprenant qu'on soit encore aujourd'hui si peu d'accord sur la situation d'une ifle, que toutes les nations de l'Europe ont fréquentée depuis deux fiécles plus qu'aucune autre de l'Amérique. Ce qui paroît certain, c'est qu'elle est au trois cents huit degrés de longitude, & il paroît certain que la pointe de Saint-Louis, auprès du port de Paix, qui est l'endroit de l'ifle le plus septentrional, est par les vingt degrés, deux ou trois minutes d'élévation du pole, fur quoi il faut réformer les cartes hollandoises, dont l'erreur en ce point a été cause de plusieurs naufrages fur le Mouchoir carré. Sa longueur est d'environ cent foixante lieues du levant au couchant : fa largeur moyenne du nord au sud est estimée de trente, & elle en a environ trois cents cinquante de circuit; ceux qui lui en donnent fix cents font le tour des anses.

Cette isle est presque environnée des Antilles : elle a comme trois pointes avancées, à chacune desquelles répond une des trois autres grandes Antilles de Sottovento. Le cap Tiburon, qui la termine au fud-ouest, n'est qu'à trente lieues de la Jamaïque: entre celui de l'Espade, qui est sa pointe orientale & Portoric, il n'y en a que dix-huit, & douze seulement du cap ou mole Saint-Nicolas, qui regarde le nord-oueft à l'ifle de Cuba. Outre cela on trouve autour de l'Espagnole plusieurs petites ifles, qui en sont comme des annexes, & dont elle peut encore tirer de grands avantages. Les plus considérables font la SAONA, la BEATA, SAINTE-CATHERINE, ATTAVELA, L'ISLEA-VACHE, la GONAVE & la TorTUE, sans compter la Navazza & la Mona, dont la premiere est à dix lieues du cap Tiburon, vers la Jamaïque, & la seconde à

moitié chemin du cap de l'Espade, à l'ifle de Portoric. Mais la nature n'a pas moins pourvu à la sureté de cette ifle, qu'à sa commodité. On voit autour quantité de rochers qui en rendent l'abord affez difficile; la bande du nord est sur-tout bordée d'écueils & de petites isles fort basses, entre lesquelles il n'y auroit pas de prudence à s'engager avant que de les avoir bien connues. On a cru longtems que celui de ces écueils, que les Espagnols nomment Abrojo, & les François le Mouchoir carre, étoit le plus reculé de tous à l'orient, mais aux dépens d'un affez grand nombre de navires, on a reconnu qu'il y avoit encore d'autres brisans au sud-est, ce qui joint aux observations sur lesquelles on a reculé l'ifle de 20' vers le fud, en a rendu l'aterrage beaucoup plus fûr. A l'ouest du Mouchoir carré, & presque sur la même ligne, font de fuite plusieurs groupes de petites isles affez basses, entre lesquelles il n'y a de passage que pour des chaloupes, & quelquefois même pour des canots. Les unes font nommées ISLES TURQUES, & les autres sont connues sous le nom de CAIQUES; mais elles ne sont pas toutes aufli inhabitables qu'on le croit communément, & il y en a même dont les côtes sont fort saines, du moins en quelques endroits. Les Lucayes font après les Caïques, & il n'y a entre les unes & les autres qu'un débouchement allez étroit.

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Un vent d'orient, que l'on appelle Brise, & les pluies, contribuent beaucoup à tempérer le climat de l'ifle. Elles y font fréquentes, fur-tout dans les plus grandes chaleurs. Mais ces pluies tı abondantes, , en rafraîchissant l'air, causent une humidité qui produit de fâcheux effets. La viande se conserve à peine vingt-quatre heures sans se corrompre; il y faut enterrer les morts peu d'heures après qu'ils ont expiré. La plupart des fruits mûrs se pourriflent dès qu'ils font cueillis, & ceux même que l'on cueille avant leur maturité, ne durent pas long-tems sans se gâter; le pain, s'il n'est fait comme du biscuit, se moisit en deux ou trois jours; les vins ordinaires y tournent & s'aigriffent en peu de tems; le fer s'y rouille du soir au matin, & l'on a bien de la peine à conferver le ris, le maïz & les féves d'une année à l'autre pour les semer.

Une des choses qui surprend davantage dans cette isle, c'est la variété de climats qu'on y trouve, & rien ne fait mieux voir combien la nature & les qualités du terroir mettent de différence dans l'air. De deux cantons qui se touchent, l'un est continuellement inondé de pluies, & l'autre n'en a presque jamais. Les nuages s'arrêtent tout court au moment qu'ils arrivent sur ses confins, il s'en détache seulement quelquefois de petites vapeurs, qui répandent quelques goutes de pluies & se diffipent d'abord.

Le tonnerre se fait rarement entendre depuis le mois de novembre jusqu'en avril. Quoique le soleil foit plus élevé, à Saint-Domingue à l'équinoxe de mars, qu'à Paris au folstice d'été, les jours y font cependant plus courts de quatre heures & plus, & le crépuscule y est fort court. Les nuits ne font pourtant pas si noires, qu'on ne voye affez pour se conduire, à moins que le ciel ne soit couvert.

Dès que les pluies ont cessé dans un endroit, les rosées y deviennent très-abondantes. D'un autre côté les brouillards n'y sont pas si communs, ou sont plutôt dissipés. Le froid y est quelquefois atlez piquant, & on eft obligé de s'approcher du feu ou de chercher le foleil. Ceux qui obfervent les choses de plus près dans ce pays, partagent ainsi l'année. L'hyver, felon eux, commence au mois de novembre & finit en février; les nuits & les matinées y font fraîches, & même un peu froides. Le printems fuit & dure jusqu'au mois de mai. La sécheresse qui fuit, ne représente que trop bien l'été; car c'est un été de la zone torride. Il dure jusqu'à la fin d'août. Enfin les orages qui après quelque interruption recommencent de nouveau depuis le decours de la lune d'août, jusqu'au mois de novembre, mettent assez de reflemblance entre cette saison & notre automne.

Les Européens n'y vivent pas long-tems à quoi la débauche contribue beaucoup. Les anciens infulaires se portoient fort bien & vivoient long-tems : les Négres y font forts, & jouissent d'une santé inaltérable, aufli bien que les Espagnols qui y font établis depuis deux fiécles; il n'est point rare d'en voir qui vivent jusqu'à cent vingt ans. Enfin fi l'on y vieillit plutôt qu'ailleurs, on y demeure plus longtems vieux sans ressentir les incommodités de l'extrême vieillesse.

Tome V.

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Les racines des arbres, quels qu'ils soient, n'y sont jamais enfoncées plus de deux pieds en terre, & la plupart ne vont pas même à beaucoup près à cette profondeur; mais elles s'étendent en superficie plus ou moins, suivant le poids qu'elles ont à foutenir. Il en faut excepter le cassier, qui pouffe fes racines, à peu près comme nos arbres d'Europe; mais il est venu d'ailleurs. L'arbre dont les racines s'étendent plus loin est le figuier. Il les pousse au-delà de soixante-dix pieds. Les palmiers au contraire les ont fort courtes; mais en récompense elles font en fi grand nombre, qu'encore que cet arbre ait ordinairement plus de cent pieds de haut, il n'en est pas plus fujet que les autres à être abattu par les

vents.

L'ifle est arrosée d'un nombre prodigieux de rivieres; mais la plupart ne sont que des torrens & des ruisseaux dont plusieurs font extrêmement rapides. Les eaux en sont si vives & fi fraîches, qu'il n'en faut boire qu'avec discrétion, & qu'il est dangereux de s'y baigner. On assure qu'il y en a environ une quinzaine, qui ne font pas moins larges que la Charente l'est à Rochefort; & dans ce nombre les fix principales ne font pas comprises. Ces fix font l'Ozaza, dont l'embouchure forme le port de Saint-Domingue : la Neyva, le Macoris, l'Usaqué, ou riviere de Monte Chrifto, à la source duquel on a trouvé une mine d'or, & qui charie partout des grains de ce précieux métal avec son sable; l'Yuna, qui est extrêmement rapide, & à la source duquel il y a une très-abondante mine de cuivre, & l'Hattibonite, vulgairement Artibonite, qui est la plus longue, & la plus large de

toutes.

Il n'est point d'isle au monde, où l'on ait trouvé jusques ici de si belles, ni de si abondantes mines d'or que celle-ci. On y en a aussi découvert d'argent, de cuivre & de fer. On y voit encore des minieres de talc, de crystal de roche, d'antimoine, d'étain de glace, de soufre, & de charbon de terre; des carrieres d'un marbre blanc & jaspé, & de bien de différentes fortes de pierres. Les plus communes sont des pierres ponces, des pierres à rasoir, & ce qu'on appelle des pierres aux yeux, en latin umbilicus marinus. Il y a des salines naturelles en plusieurs endroits, & du sel minéral. La multiplication des animaux utiles, que l'on y a transportés est telle, qu'on y a donné un mouton pour un réal, une vache pour un caftillan, & le plus beau cheval pour trois ou qua

tre.

Les tempêtes y sont plus rares que sur nos mers; mais aussi elles sont plus furieuses. Après les tempêtes, les rivages se trouvent remplis de coquillages, qui surpassent beaucoup en luftre & en beauté tout ce que nos mers d'Europe fournis. fent en ce genre. Les plus curieux sont le lambis, le burgot, le pourpre, la porcelaine, les cornets, les pommes de mer,

&c.

Si les côtes de l'isle ne sont pas fort poissonneuses, il ne faut pas aller bien loin au large pour y pêcher d'excellens poiffons, & en quantité. Les plus communs font les rayes, les congres, les anges, les mulets, les marsouins, les bonires, les dorades, les pilotes, les lamentins, & les crocodilles. On y prend aufli par-tout des limaçons, & des écrevisses de mer, des moules, des crabes, & des cancres en quanrité.

Quelques auteurs ont prétendu qu'on trouva dans l'isfle trois millions d'ames. Ces infulaires étoient communément d'une taille médiocre, mais bien proportionée. Ils avoient le teint extrêmement bazané, la peau rougeâtre, les traits du visage hideux & groffiers, les narines fort ouvertes, les cheveux longs, les dents sales & mauvaises, & je ne sai quoi de sauvage dans les yeux ; presque point de front, parce que les meres avoient soin de ferrer dans leurs mains ou entre deux ais le haut de la tête de leurs enfans nouvellement

nés.

Les hommes & les filles alloient tout nuds; les femmes portoient une espéce de jupon. Ils étoient tous d'une complexion foible, d'un tempérament phlegmatique, un peu mélancoliques, & mangeoient fort peu. Ils ne travailloient point; mais après s'être divertis à danser une partie du jour, s'ils ne savoient plus que faire, ils s'endormoient. Un crabe, un turgot leur suffisoit chaque jour pour se nourrir. Ils étoient simples, & ignoroient jusqu'à leur origine. Ils avoient des jeux, après lesquels ils s'enyvroient de la fumée du tabac qu'il respiroient par les narines.

Le tabac étoit naturel à l'isle l'Espagnole ; les habitans l'appelloient Cohiba ; & l'instrument, dont ils se ser

voient pour fumer, tabaco, nom qui est resté au tabac

même.

Ces infulaires étoient fort impudiques. Oviedo a avancé que le péché de Sodome étoit commun parmi eux : mais plusieurs historiens contemporains l'accusent de calomnie. Quoi qu'il en soit, la masse du fang de ces peuples étoit tellement gâtée de l'excès de débauche, que la plupart étoient attaqués de la maladie qu'ils communiquerent aux Caftillans. Ceux-ci s'étant engagés à leur retour pour la guerre de Naples, la donnerent aux femmes napolitaines, & celles-ci aux François; ce qui lui a fait donner le nom de mal de Naples, & mal François, quoiqu'on auroit plutôt dû l'appeller mal Caftillan.

Il n'y avoit rien de réglé parmi les infulaires pour le nombre des femmes: plusicurs en avoient deux ou trois, les autres un peu plus. Un des souverains en avoient jusques à trente, & il n'y avoit parmi eux de dégré de prohibé que le premier. Les souverains s'appelloient Caciques. A la mort de celui dont il vient d'être parlé, on obligeoit deux de ses femmes à lui tenir compagnie.

Leurs occupations étoient la chasse & la pêche, & la recherche de petits grains d'or qu'ils applatifloient un peu, & dont ils se faisoient des pendans aux narines.

Ils cultivoient la terre en brûlant l'herbe qui naissoit, & après avoir remué légèrement la terre avec un bâton, ils plantoient leur maïz, le ris, les patates, la cassave, le manioc, & l'igniame.

Leurs maisons étoient des cabanes bâties de pieux, de perches, & de cannes. Leur langue étoit affez douce, & avoit plusieurs dialectes particulieres à chaque province, mais qui étoient entendues de tous les habitans de l'ifle.

Leurs divinités étoient toutes hideuses ; les plus tolérables étoient celles de quelques animaux, comme des crapeaux, des tortues, des couleuvres, & des caymans. Mais la plupart du tems c'étoient des figures humaines, qui avoient tout ensemble quelque chose de bizarre, & d'affreux.

Delà il étoit arrivé deux choses: la premiere, que cette variété de figures avoit perfuadé à ces peuples, qu'il y avoit plusieurs dieux: la seconde, que la laideur de ces dieux les leur faifoit regarder comme beaucoup plus capables de leur faire du mal, que de leur faire du bien. Aufli ne songeoientils guères qu'à appaiser leur fureur, & à les engager par des sacrifices à les laisser en repos. Ils appelloient ces idoles Chemis ou Zemées. Ils les faifoient de craye, de pierre on de terre cuite; ils les plaçoient à tous les coins de leurs maisons, ils en ornoient leurs principaux meubles, & ils s'en imprimoient l'image sur le corps. Ainsi il ne faut pas s'étonner si les ayant fans cesse devant les yeux, & les craignant, ils les voyoient souvent en fonge. Ils n'attribuoient pas à tous le même pouvoir; les uns felon eux, présidoient aux saisons, d'autres à la santé; ceux-ci à la chaffe, ceux-là à la pêche, & chacun avoit son culte & fes offrandes particulieres.

Voilà en peu de mots, autant qu'il a été possible de le connoître, quels étoient les peuples qui habitoient l'isle Haïti, aujourd'hui Saint-Domingue, lorsqu'elle fut découverte par les Espagnols. Elle étoit divisée presque toute entiere en cinq royaumes parfaitement indépendans les uns des autres; je dis presque toute entiere, parce qu'il paroît qu'outre les cinq rois ou Caciques souverains, dont nous allons parler, il y avoit quelques seigneurs moins puissans, mais qui ne relevoient de personne, & portoient aussi le nom de Cacique.

Des cinq royaumes qu'on y trouva, l'un s'appelloit Magua, qui veut dire royaume de la Plaine. Il comprenoit ce qu'on a depuis appellé la Vegua-Réal, ou du moins il en comprenoit le milieu & la meilleure partie. La Vegua-Réal est une plaine de quatre-vingts lieues de long, & qui en a dix dans sa plus grande largeur. Barthelemy de las Casas, qui a été long-tems sur les lieux, affure qu'il y coule plus de trente mille rivieres, parmi lesquelles il y en a douze aussi larges que l'Ebre & le Guadalquivir. Les autres ne sont que de torrens & de petits ruisseaux ; la plupart rouloient l'or avec leur sable. Le souverain de ce royaume, au tems de la découverte, se nommoit Guarionex. Il avoit sa capitale dans un lieu où les Espagnols ont eu depuis une ville fort célébre, qu'ils avoient appellée la Conception de la Vegua.

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